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TÉMOIGNAGE_LES RELATIONS DANS TOUTES LEURS DIVERSITÉS
La vie, ma vie
10 bougies pour
deux coeurs
octobre 2001. C’était un mois après cette vision d’horreur
des tours jumelles du World Trade Center qui s’effondrent.
L’Halloween approchait et, cette année-là, le sentiment de peur
était éloquent. Le passé nous hante toujours, surtout lorsqu’il est
récent… Cependant, en cette soirée d’Halloween, je n’ai point eu
peur de prendre le métro. La phrase qui était sur toutes les lèvres
«Et si des attentats se produisaient dans le métro de Montréal?»
ne m’a pas empêchée de me rendre à cette fameuse soirée entre
ami(e)s. J’en remercie ma conscience. Les hasards de la vie aussi.
Et pour cause, j’y ai rencontré la femme de ma vie.
janvier 2012. Cette année, nous célébrons nos dix ans de
vie commune. Eh oui, «un vieux couple» comme ils disent! Entre
les hauts et les bas de la vie à deux, l’amour y a survécu. 10 ans
de vie commune, ce n’est pas rien! Ce sont les noces d’étain, pour
un couple marié. Puisque le mariage entre conjoints de même sexe
n’était pas légalisé à l’époque, je revendique d’emblée l’anniversaire
de mariage des noces d’étain. Un mariage d’amour, entre
deux cœurs consentants, qui défient les lois et les conventions. Et
pour cause, l’étain est un métal gris argenté, résistant à la corrosion
et plutôt malléable. Pour vivre pendant 10 ans avec la même
fille, mieux vaut être malléable, si l’on ne veut pas sans cesse se
crêper le chignon! La vie à deux n’est pas toujours rose: surtout
dans un petit 4 et demi, avec deux filles incapables de se débarrasser
des choses inutiles. Le bibelot horrible reçu en cadeau par la
grande tante, la paperasse qui s’accumule, et tout ce qui entre
dans la catégorie «cossins inutiles que l’on accumule pour rien au
cours des années». Si bien, qu’il a fallu déménager pour le bien de
notre couple, pour «apprendre à se débarrasser»! Aujourd’hui on
étouffe beaucoup moins, mais nous sommes déménagées depuis
peu ! Seul l’avenir nous le dira…
décembre 2001. Certaines épreuves de la vie sont plus
difficiles que d’autres sur un couple. Le coming-out fut, à mon
sens, une période difficile de ma vie. Non seulement faut-il composer
avec nos propres insécurités et questionnements intérieurs,
tout en répondant incessamment à ceux des autres. S’entremêlent
émotions, pleurs et désillusions de l’entourage immédiat. Surprenamment,
ma sortie du placard n’a fait que me rapprocher de ma
copine. J’ai tout de suite su qu’elle serait là pour moi, dans les moments
difficiles. Et puisqu’elle l’avait déjà vécu, je savais qu’elle
//////////// 086 FUGUES.COM JANVIER 2012
Chronique relationnelle à
plusieurs mains ( c’est-à-dire
écrite par différentes personnes
au fil des mois) La vie, ma
vie, montrera la diversité des
relations de couples de même
sexe. Ce mois-ci, la parole est
prise par Julie Vaillancourt qui
célèbrera prochainement 10
ans de vie commune avec sa
conjointe...
avait survécu! Ma copine et moi avons une décennie
qui nous sépare. Je suis la jeune. Elle, la
vieille. (Et lorsqu’elle lira ces quelques lignes, la
jeune se fera probablement engueuler par la vieille!) Cela dit, la
différence d’âge a pour ainsi dire rarement posé problème au sein
de notre couple. Il faut dire que physiquement, ma copine fait 10
ans de moins; elle a l’air d’une fille de mon âge…mais avec «l’expérience»
en plus! Le meilleur des deux mondes, quoi! L’âge n’est
qu’un chiffre. Dans nos têtes, nos maturités respectives se confondent.
Et nos cœurs eux, s’aiment sans égards à l’âge. Quétaine?
Oui, mais vrai! L’étain résiste à la corrosion; la lente
détérioration de nos corps ne semble pas poser problème. Du
moins, pour le moment!
novembre 2005. En cette soirée de novembre, ma copine
reçoit cet appel qui changera nos vies. Elle apprendra le suicide de
son neveu de 17 ans. Ce sera le début d’un long deuil et d’une
période difficile. Un tel deuil fut certainement l’épreuve la plus difficile
pour ma copine et par ricochet pour notre couple. Voir l’être
aimé éprouver autant de chagrin, brise le cœur. Impuissant, vous
regardez passer l’orage, en espérant des éclaircies, ici et là. Cela
dit, avant l’étape du deuil, il y a le déni et la colère. Dans un petit 4
et demi bourré de cossins inutiles, la colère peut parfois se manifester
par des objets volants habilement lancés. Mais rien ne remplace
les propos horribles que la colère peut nous faire dire…
Aujourd’hui, au sein de notre couple, la vie fait office de baume
sur ce deuil. Parfois, le nuage passe, mais il ne sera jamais aussi
orageux qu’il a été.
Le deuil est d’autant plus difficile, lorsque la principale intéressée
se trouve loin de sa famille. Ma copine est d’origine française. Si
elle a volontairement fait ses valises il y a plus de 11 ans pour «sa
cabane au Canada», le mal du pays est une chose fréquente. Et
pas nécessairement de tout repos pour le couple. Voir sa copine
partir pendant 4 mois est laborieux. Voir sa copine partir pour
célébrer les fêtes en France est peu réjouissant, voire déchirant.
Surtout lorsque le travail vous oblige à rester seule, dans la
froideur de la Métropole. Combien de crises de larmes à l’aéroport,
à la manière de l’étain, qui «crie» ou «pleure» lorsqu’on le
pli pour rompre ses liaisons cristallines…
décembre 2011. En écrivant ces quelques lignes, à l’aube
de notre dixième anniversaire de vie de couple, je me rends
compte d’une chose. Les bons moments restent. J’en conviens, je
suis de nature optimiste, mais je crois, après toutes ces années,
parsemées ici et là de nuages, que j’ai de la chance de l’avoir trouvée.
Que nous nous soyons trouvées. L’étain est malléable, certes,
mais notre couple lui est dur comme fer. Noces de Fer? Le temps et
la vie nous le diront dans 31 ans… 6 JULIE VAILLANCOURT