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GROS PLAN_MUSIQUE FRANCOPHONE<br />
Chansons d’ici...<br />
RÉFLEXION SUR L’HOMOSEXUALITÉ DANS LA CHANSON AU QUÉBEC<br />
DE « JE M’APPELLE PAULETTE »<br />
À ARIANE MOFFATT<br />
Enfant, j’avais un disque dont la première plage était Flouche flouche.<br />
C’était au début des années 70. Paolo Noël chantait ceci : «Je m’appel<strong>le</strong><br />
Pau<strong>le</strong>tte je suis une tapette». Une chanson qui me faisait rire… tout en<br />
me rendant inconfortab<strong>le</strong>! C’était mon premier contact avec une chanson<br />
parlant de ce que pensais être : un gars qui aime <strong>le</strong>s gars, une<br />
tapette comme <strong>le</strong> chantait Paolo. 38 ans plus tard, une auteure-compositeure-interprète<br />
pour qui j’ai p<strong>le</strong>in d’admiration, Ariane Moffatt, fait son<br />
coming out. C’est incroyab<strong>le</strong> de voir <strong>le</strong> chemin parcouru depuis la chanson<br />
de Paolo! Alors que <strong>le</strong>s Francofolies de Montréal auront lieu du 7 au<br />
16 juin, je vous propose une réf<strong>le</strong>xion sur la présence de l’homosexualité<br />
Ariane Moffat<br />
dans la chanson québécoise… et aussi, sur sa quasi-invisibilité.<br />
DIS-MOI C’EST QUOI TA TOUNE<br />
J’aime la musique. J’aime la chanson. J’ai un faib<strong>le</strong> pour la chanson<br />
d’ici. Je suis p<strong>le</strong>in d’admiration pour <strong>le</strong>s Leloup, Ferland,<br />
Bélanger, Dufresne, Cœur de Pirate, Pierre Lapointe et tous <strong>le</strong>s<br />
autres que je ne pourrais nommer par crainte de remplir des<br />
pages et des pages de noms.<br />
J’aime me projeter dans <strong>le</strong>s chansons. J’aime écouter <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s<br />
et <strong>le</strong>ur donner <strong>le</strong> sens que je veux. Les chansons me font rêver.<br />
Mais parfois, <strong>le</strong>s chansons me déçoivent. Parce que je rêve<br />
d’équité pour <strong>le</strong>s gais, je me surprends aussi à rêver que la chanson<br />
reflète d’avantage ma vie, qui je suis, qui j’aime.<br />
Dernièrement, je me suis amusé à faire l’inventaire des chansons<br />
d’ici abordant de façon explicite l’homosexualité. Le constat final :<br />
y’en a très peu, et en plus, el<strong>le</strong>s sont surtout chantées par des<br />
hétéros! À part <strong>le</strong> sport professionnel, est-ce que <strong>le</strong> monde de la<br />
chanson serait un des derniers bastions où l’homosexualité n’a<br />
pas encore pris la place qui lui revient? Et qu’en est-il des<br />
Frédéric Baron<br />
//////////// 032 FUGUES.COM JUIN 2012<br />
chanteurs et chanteuses gais? Après vérification, oui, il y en a.<br />
Mais très peu l’affichent. Qui a dit que <strong>le</strong> milieu artistique était si<br />
ouvert à la différence?<br />
MÊME SI ÇA RIME AVEC TAPETTE<br />
Première observation : l’homosexualité a souvent servi à faire<br />
rimer tapette avec d’autres mots. Que ce soit Plume Latraverse<br />
qui chante « Tu rencontres une bel<strong>le</strong> brunette/ Tu t'rends compte<br />
que c't'une tapette/ Quel calvaire! » (Quel calvaire!), Robert<br />
Char<strong>le</strong>bois « Moi la bière, j’aime pas ça, pis ch’pas tapette pour<br />
ça » (Moi Tarzan toi Jane, paro<strong>le</strong>s de Luc Plamondon) ou encore<br />
Claude Dubois qui scande dans son succès Femme ou Fil<strong>le</strong> :<br />
«J'suis resté un bum /Toujours un peu poète/ Même si ça rime<br />
avec tapette ».<br />
Soyons clairs : c’est pas parce que <strong>le</strong> mot tapette est prononcé<br />
que la chanson par<strong>le</strong> pour autant d’homosexualité. Mais ça démontre<br />
que cette réalité a laissé des traces dans nos pièces musica<strong>le</strong>s.<br />
Pas de la façon la plus chic, c’est certain, mais avec <strong>le</strong><br />
souci de faire sourire plus que de choquer, j’ose espérer.<br />
N’empêche, <strong>le</strong>s années 2000 sont arrivées, <strong>le</strong>s gais ont acquis<br />
une reconnaissance juridique au pays… et <strong>le</strong> mot tapette semb<strong>le</strong><br />
avoir disparu des chansons. Qui s’en plaindra? A-t-il été remplacé<br />
par <strong>le</strong> mot « fif »? Je n’ai trouvé qu’une référence là-dessus, sinon<br />
la chanson Sébastien Benoit de Mononc’ Serge & Anonymus.<br />
Une chanson décalée qui a <strong>le</strong> mérite… de ne pas être passée à<br />
l’histoire!<br />
C’EST PAS PARCE QU’ON RIT QUE C’EST DRÔLE<br />
Un pan de la chanson d’ici a osé aborder de façon directe l’homosexualité<br />
: l’humour. Rock et Bel<strong>le</strong>s Oreil<strong>le</strong>s nous a offert une<br />
chanson sur l’homoparentalité, Un enfant de toi. Des points à RBO<br />
pour avoir parlé de ce sujet bien avant que celui-ci ne devienne<br />
une réalité! Mais pour certaines envolées lyriques, on repassera :<br />
« Je veux avoir un enfant de toi / Nous lui offrirons une moto /<br />
Pour qu'y ail<strong>le</strong> foncer dans un poteau ». Le duo humoristique<br />
Crampe en masse a aussi donné dans la chanson « drô<strong>le</strong> » sur <strong>le</strong>s<br />
gais : « Grâce aux homosexuels je mène une vie exemplaire / J'ai<br />
trop peur d'al<strong>le</strong>r en prison j'échappe trop souvent mon savon / Ces<br />
gens-là connaissent <strong>le</strong> hockey / Y savent c'est quoi un coup de 6<br />
pouces / Si tu laisses ton fi<strong>le</strong>t désert ils en profitent, <strong>le</strong>s fefis sont<br />
vite » (Les fefis sont fins). Bref, c’est pas parce qu’on rit que c’est<br />
drô<strong>le</strong>.