Jean Jacques hatt Mythes et dieux de la Gaule, tome II 1

l'inscription ne dit pas pourquoi. Peut-être cette divinité tutélaire avait-elle protégé la collectivité contre une inondation ?
Ce péril était courant dans la région à cette époque. On peut se rappeler que, dans le mythe grec, Héraklès avait détourné
l'Alphée pour nettoyer les écuries d'Augias.
Conclusion pour les inscriptions
En deux régions, situées aux deux extrémités de la Gaule, la cité des Convènes et celle des Bataves, en Germanie
Inférieure, Hercule romain recouvre nettement une divinité indigène antérieure : Andossus ou Toleandossus en Aquitaine
(équivalent de Victor ou d'Invictus ?). L'ilunnus Andose de Narbonne est d'origine ibérique. Dans les deux Germanies,
Hercule occupe une place considérable, au sein du panthéon régional. En Germanie Inférieure et sporadiquement, sur le
Limes, il fait partie d'un groupe de grands dieux germaniques, ayant adopté la forme des dieux romains. Il est associé à
Mercure et Mars, constituant le groupe spécifique des dieux des Germanies du Sud-Ouest, tel qu'il est nommé par Tacite
en Germanie. Suivant une interprétation qu'on trouve sur le limes, il est, avec l'épithète de Maliator, assimilé au dieu Thor.
Son caractère régional se manifeste également par ses alliances avec les matrones germaniques, et avec une
divinité germanique isolée, Haeva. Dans ces conditions, il apparaît essentiellement comme un deus patrius, un dieu des
pères, tutélaire et défendant par sa force exceptionnelle, les familles et les individus de mauvaise fortune (victor, invictus).
Toutefois, il constitue également, avec des divinités comme Diane et la Victoire, Mercure, un groupe parallèle à
ceux des quatre divinités celto-romaines, si largement représentées en Germanie Supérieure. Associé à la Victoire, il
représente les fonctions sidérales et guerrières, tandis que Diane et Mercure assument celles de la fécondité et de la vie
d'outre-tombe. Enfin, lorsqu'il est associé à la Fortune, nous retrouvons en Germanie l'Hercule romain des heureux retours,
célébré par les militaires de Glanum, comme par les fantassins des cohortes de l'armée germanique.
Quoiqu'il en soit, la part de l'armée romaine dans les manifestations écrites de son culte est, en Narbonnaise comme en
Germanie, prépondérante.
Il est un domaine où le rôle de l'armée semble bien avoir été décisif, c'est l'association de Jupiter et d'Hercule. Le
premier témoignage épigraphique, dans la carrière de Norroy, remonte à la fin du premier siècle. Mais ce n'est qu'à partir
des Sévères que ces groupes se multiplient, notamment dans les inscriptions de la carrière de Brohl.
À vrai dire, Jupiter est déjà associé à Hercule sur la colonne de Mayence, mais il s'agit là d'un groupe de six
divinités : trois masculines, Hercule, Jupiter, Mercure, trois féminines Rosmerta, Minerve, la Fortune. Et l'Hercule de la
colonne de Mayence est un Hercule bacchique, représentant la bacchanale, interprétée dans le sens du carnaval gaulois.
Cette connotation, qui se rapporte directement au rôle d'Hercule en tant que Smertulus d'une part, mais aussi aux concepts
dionysiaques sur l'ivresse mystique et sur la vie éternelled'autre part, contribue encore à compliquer et à diversifier l'image
du héros divin dans la mythologie et le panthéon des Gallo-romains.
LES MONUMENTS FIGURES
Pour l'interprétation des monuments représentant Hercule en Gaule, il est nécessaire d'abord de rappeler les
données fondamentales obtenues par l'analyse et la comparaison des principaux textes, des inscriptions, et des plus
significatives des images se rapportant aux mythes qui le concernent. Hercule gaulois était à l'origine une grande divinité
indo-européenne commune aux Celtes insulaires et continentaux, ainsi qu'aux Germains. Il appartient donc ainsi que les
Dioscures, ou plutôt les jumeaux indigènes ainsi nommés par les Romains, au niveau du premier Age du Fer, tout comme
Sucellus, et probablement Lug. Il paraît avoir été très anciennement assimilé à l'Hercule grec, étrusque et italique, par le jeu
des relations commerciales entre les peuples occidentaux et les marchands venus du pourtour de la Méditerranée, en raison
de la création, dans l'intérêt des usagers, des voies héracléennes.
L'Hercule gaulois a pris l'aspect de deux divinités différentes, toutes deux assimilées à l'Hercule grec et italique, toutes
deux hellénisées dans leur nom et leur aspect anthropomorphique, entre la fin du VIIIe et le milieu du VIe siècle : Ogmè-
Ogmios, grand dieu de la puissance guerrière, de la magie et de la culture. Smertulus, héros divin au service des grands
dieux dans le mythe.
Le premier de ces aspects de la divinité héracléenne semble avoir été quelque peu éclipsé par l'enseignement des druides,
donnant la primauté aux trois grands dieux Taranis, Teutatès et Esus, à partir du début du Ve jusqu'à la première moitié du
Ier siècle av. J.-C. Le second prédomine au Ier siècle av. J.-C., notamment sur le chaudron de Gundestrup.
Les problèmes que posent maintenant les monuments figurés doivent être examinés, à la fois dans la ligne de ces
perspectives protohistoriques, et dans les nouvelles conditions introduites par la conquête romaine :
- interprétations gauloises des monuments grecs et romains
- importance relative du culte d'Hercule, suivant les régions, par rapport à celui des autres dieux
- survivance des traditions pré-romaines.
Jean Jacques hatt
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