L'Ange du Bizarre Le romantisme noir de Goya à Max Ernst - Cndp
L'Ange du Bizarre Le romantisme noir de Goya à Max Ernst - Cndp
L'Ange du Bizarre Le romantisme noir de Goya à Max Ernst - Cndp
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
<strong>Le</strong> roman <strong>noir</strong> : espace <strong>de</strong> liberté, <strong>de</strong> peur et <strong>de</strong> plaisir<br />
« Croyez-vous aux fantômes ? Non, mais j'en ai peur. » : ainsi répondait Mme Du Deffand <strong>à</strong><br />
son ami Horace Walpole. Homme <strong>de</strong>s Lumières, il est aussi auteur <strong>du</strong> Château d'Otrante<br />
(1764), premier roman <strong>noir</strong> bientôt imité aux quatre coins <strong>de</strong> l'Europe, <strong>de</strong> Shelley <strong>à</strong> Sa<strong>de</strong>.<br />
Comment expliquer l'envahissement <strong>du</strong> <strong>noir</strong> en ce siècle <strong>de</strong>s Lumières ?<br />
L'intrigue <strong>de</strong> ces romans est simple. D'innocents héros – souvent <strong>de</strong>s jeunes filles –<br />
s'aventurent dans d'obscures bâtisses gothiques, livrés aux horreurs morales et physiques<br />
perpétrées par <strong>de</strong> fascinants anti-héros : moines sataniques, seigneurs sanguinaires ou<br />
spectres vengeurs. Symboles <strong>du</strong> <strong>de</strong>spotisme révolu, le château ou l'abbaye, isolés par une<br />
épaisse forêt, sont le cadre imaginaire où le lecteur vient chercher peur et plaisir. Car dans ce<br />
dédale hors <strong>du</strong> temps et <strong>de</strong> la société, il expérimente le vertige sublime et jouissif d'une<br />
liberté extrême. Récits d'outrages ou <strong>de</strong> cauchemars transgressent les interdits moraux,<br />
troublent les limites admises entre le naturel et le contre-nature. Ouvrant les portes<br />
défen<strong>du</strong>es, le lecteur <strong>de</strong>scend aussi en lui-même, explorant le gouffre insondable <strong>de</strong> ses<br />
hantises et <strong>de</strong> ses désirs secrets. Plus que la nuit, c'est la menace permanente <strong>du</strong> néant, le<br />
vertige d'une liberté et d'un érotisme sans bornes, qui teintent ces récits d'une indélébile<br />
couleur <strong>noir</strong>e.<br />
<strong>Le</strong> roman <strong>noir</strong> est le symptôme le plus intéressant d'un siècle <strong>de</strong> mutation, <strong>à</strong> la fois libertin et<br />
superstitieux, révolutionnaire et nostalgique, libre-penseur et effrayé par ses propres<br />
audaces. La présente exposition présente peu d'illustrations littérales <strong>de</strong> roman <strong>noir</strong>, genre<br />
considéré trop mineur au XVIII e et XIX e siècles pour intéresser les grands artistes ;<br />
empruntant <strong>à</strong> d'autres sources, leurs œuvres recherchent pourtant la même beauté nouvelle.<br />
15