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L'Ange du Bizarre Le romantisme noir de Goya à Max Ernst - Cndp

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Valse <strong>de</strong>s damnés, orgie <strong>de</strong>s incroyants<br />

Malgré quelques annonces vers 1800, le <strong>romantisme</strong> <strong>noir</strong> s'épanouit en France <strong>à</strong> partir <strong>de</strong><br />

1815, une fois balayée l'épopée glorieuse et tragique <strong>de</strong> l'Empire. La Révolution française, la<br />

Terreur et les guerres avaient contribué <strong>à</strong> obscurcir le passé récent et <strong>à</strong> douter <strong>de</strong> la raison<br />

comme gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'humanité future.<br />

La référence <strong>de</strong> prédilection pour les jeunes artistes audacieux, désireux <strong>de</strong> frapper le public,<br />

est La Divine Comédie <strong>de</strong> Dante : c'est avec une Barque <strong>de</strong> Dante que le jeune Delacroix<br />

perce en 1822, c'est avec Dante et Virgile que William Bouguereau tente sa chance 28 ans<br />

plus tard. <strong>Le</strong>s scènes <strong>de</strong> l'Enfer décrites par Dante constituent en effet une mine <strong>de</strong> scènes<br />

atroces et d'anti-héros. Qu'il s'agisse <strong>de</strong>s a<strong>du</strong>ltères Paolo et Francesca, d'Ugolin dévorant<br />

son ennemi, ou <strong>de</strong>s traîtres damnés s'entre-déchirant, on y voit <strong>de</strong>s humains acculés <strong>à</strong> <strong>de</strong>s<br />

actes transgressifs en raison d'un enfermement. Repro<strong>du</strong>isant cette séquestration en plaçant<br />

le corps <strong>à</strong> l'état <strong>de</strong> bête brute et nue au centre <strong>du</strong> cadre sous un éclairage violent, le peintre<br />

romantique fait vaciller nos certitu<strong>de</strong>s humanistes, anime le fond <strong>noir</strong> qui git en nous. Avec<br />

l'infantici<strong>de</strong> (Médée), le cannibalisme figure parmi les gestes « contre-nature » les plus<br />

récurrents, fascinant par son ambiguïté : geste désespéré <strong>de</strong> survie, acte d'appropriation<br />

passionnée <strong>de</strong> l'autre, morsure <strong>de</strong> haine absolue ? <strong>Le</strong> cannibalisme est aussi le sujet caché<br />

<strong>de</strong> cette prison flottante qu'est le Ra<strong>de</strong>au <strong>de</strong> la Mé<strong>du</strong>se <strong>de</strong> Géricault qui ose ramener l'Enfer<br />

dantesque <strong>à</strong> la surface terrestre.<br />

<strong>Le</strong>s artistes s'intéressent aussi <strong>à</strong> la damnation collective. Dans les Ron<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sabbat,<br />

spirales <strong>de</strong> corps convulsifs, on ne sait si l'on a affaire <strong>à</strong> une orgie ou <strong>à</strong> un massacre, une<br />

bacchanale ou une messe <strong>noir</strong>e. L'incroyance n'empêche pas <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r aux sé<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong><br />

l'imaginaire satanique.<br />

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