L'Ange du Bizarre Le romantisme noir de Goya à Max Ernst - Cndp
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Sous l'empire <strong>de</strong> Satan<br />
Terre natale <strong>de</strong>s romans <strong>noir</strong>s, la Gran<strong>de</strong>-Bretagne est aussi celle où le système <strong>de</strong><br />
pro<strong>du</strong>ction artistique est le plus libéral d'Europe au XVIII e siècle, favorable <strong>à</strong> l'épanouissement<br />
d'imaginaires <strong>noir</strong>s originaux.<br />
Artistes plutôt autodidactes et imprégnés par une formation religieuse, Füssli et Blake puisent<br />
leurs sujets chez Milton et Shakespeare, gloires littéraires britanniques en voie <strong>de</strong><br />
redécouverte. Ces auteurs baroques fascinent par la puissante beauté qu'ils donnent aux<br />
anti-héros maléfiques, tel Satan, prince rebelle ténébreux ; ils incorporent aussi <strong>à</strong> leurs<br />
drames <strong>de</strong>s figures issues <strong>de</strong>s superstitions populaires, telles les sorcières. Enfin,<br />
Shakespeare et Cowper inspirent les peintres romantiques <strong>noir</strong>s car ils mettent en scène<br />
l'abdication <strong>de</strong> la raison, sur un mo<strong>de</strong> qui mêle le burlesque au tragique : comment l'indivi<strong>du</strong>,<br />
poussé par le malheur ou la tentation, perd le contrôle <strong>de</strong> lui-même. A travers La folie <strong>de</strong> Kate<br />
ou <strong>Le</strong>s Trois Sorcières, Füssli peint le spectacle <strong>de</strong> la folie, <strong>de</strong> l'avidité <strong>du</strong> pouvoir et <strong>de</strong>s<br />
pulsions inavouées revenant <strong>à</strong> la surface. C'est <strong>à</strong> l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces éléments que ce peintre est<br />
capable d'inventer <strong>à</strong> son tour <strong>de</strong>s sujets originaux, comme <strong>Le</strong> Cauchemar.<br />
Pour capter l'attention <strong>du</strong> public par le frisson, les peintres recourent également au sublime,<br />
une nouvelle catégorie esthétique théorisée par le philosophe Edmund Burke. L<strong>à</strong> où le beau<br />
flatte nos sens et satisfait notre raison, le sublime les bouleverse et les dépasse, provoquant<br />
un effroi mêlé <strong>de</strong> plaisir. Lieu d'expression <strong>de</strong> la démesure et <strong>du</strong> déchaînement <strong>de</strong> forces<br />
naturelles, le paysage sublime est la spécialité <strong>de</strong> John Martin ou <strong>de</strong> Samuel Colman.<br />
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