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Qu’en pense-t-elle ?<br />

Réjane Sénac : « Déconstruire la<br />

complémentarité des sexes »<br />

Réjane Sénac est chercheure au CNRS affectée au Centre de Recherches Politiques de<br />

Sciences Po (CEVIPOF), enseignante à Sciences-Po Paris et à l’université Sorbonne Nouvelle –<br />

Paris 3.<br />

Comment a évolué récemment le<br />

droit sur les discriminations ?<br />

L’évolution du droit antidiscriminatoire<br />

français est à mettre en relation<br />

avec celle du droit communautaire aussi<br />

bien dans les traités, les directives ou la<br />

jurisprudence. C’est dans cette perspective<br />

que la loi du 18 novembre 2001<br />

définit 18 critères de discrimination et<br />

introduit la notion de discrimination<br />

indirecte ainsi que l’aménagement de la charge de<br />

la preuve. La loi de janvier 2012 de la<br />

modernisation sociale étend au domaine du<br />

logement les principales innovations que la loi de<br />

novembre 2001 avait introduites dans le code du<br />

travail. Malgré ces avancées, l’arsenal juridique<br />

est incomplet aussi bien en termes de champs<br />

d’application et que de traitement des différents<br />

critères de discrimination. C’est ainsi que les<br />

parlementaires viennent d’homogénéiser le délais<br />

de prescription sur la liberté de la presse qui était<br />

depuis 2004 d’un an pour les injures ou<br />

diffamations fondées sur l’origine, l’ethnie, la<br />

race ou la religion lorsque celles fondées sur le<br />

sexe, l’orientation sexuelle ou le handicap<br />

n’étaient que d’un délai de trois mois. L’article 1 er<br />

de la Déclaration des droits de l’Homme et du<br />

Citoyen souligne l’ancrage juridique et historique<br />

du droit antidiscriminatoire français dans un<br />

traitement prioritaire des critères ethnoculturels :<br />

« Le droit assure l’égalité de tous les Français sans<br />

distinction d’origine, de race ou de religion ».<br />

Pour vous les vraies raisons sont profondes.<br />

La persistance des inégalités entre les sexes et<br />

la longue invisibilité des questions d’homophobie<br />

ne peuvent être comprises que si l’on éclaire le<br />

manque d’efficacité et d’efficience du droit par<br />

un sexisme et un hétérosexisme constituant. La<br />

complémentarité des sexes est en effet un mythe<br />

fondateur de notre République au cœur de notre<br />

constitution ainsi que des différentes branches du<br />

droit (pénal, fiscal, social…).<br />

Vous pensez donc que l’exclusion des<br />

femmes de la démocratie et du pouvoir est<br />

structurelle<br />

Rappelons que Jean-Jacques Rousseau, le<br />

théoricien du contrat social à qui la République<br />

française a rendu hommage en 2012 en fêtant le<br />

tricentenaire de sa naissance, est aussi celui qui<br />

justifia l’exclusion des femmes du pouvoir<br />

(potestas) au nom de leur prétendue incapacité<br />

(potentia) à se détacher de la « rigidité des<br />

devoirs » relatifs à leur sexe, faisant d’elles des<br />

êtres de nature plus que de raison… Dans L’Émile,<br />

son traité d’éducation sur « l’art de former les<br />

hommes », dont on peut espérer que plus aucun-e<br />

professeur-e des écoles ne s’inspire, il consacre un<br />

chapitre à l’éducation de « la » femme qu’il<br />

nomme non sans cynisme Sophie alors qu’il<br />

explique pourquoi elle ne pourra être qu’une<br />

bonne épouse et une bonne mère de citoyen. À<br />

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