You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Corps et stéréotypes<br />
« Le corps à l’école pose problème. »<br />
Édith Boivin-Broussolle : Danser, penser<br />
ACTIVITÉS SPORTIVES<br />
La valorisation des activités sportives est particulièrement importante dans la société et se manifeste<br />
différemment entre filles et garçons. Les activités choisies par les élèves et leurs compétences tendent à se<br />
différencier petit à petit au fil de la scolarité.<br />
Une fille qui court « comme un garçon » – sous-entendu comme un garçon qui court vite – sera l’objet de<br />
l’estime de tous les élèves à l’école primaire lors des activités physiques. Elle sera choisie dans les équipes<br />
de jeux. Au fur et à mesure de l’avancement dans la scolarité, les conduites d’évitement d’une fille « non<br />
sportive » seront de moins en moins socialement dévalorisées dans le groupe. En revanche une fille « trop<br />
sportive » peut être mise à l’écart du groupe de filles. Chez les adultes, en ce qui concerne les sportives de<br />
haut niveau, la « suspicion d’homosexualité » est fréquente, ce qui révèle l’inaptitude d’une partie de<br />
l’opinion à concevoir que les femmes puissent accéder au haut niveau dans un grand nombre de sports.<br />
Penser que tous les garçons homosexuels « sont nuls en sport » est un stéréotype qui peut être en partie<br />
brisé par les coming out – trop rares – des sportifs de haut niveau. Néanmoins de nombreux témoignages<br />
d’homosexuels relatent le calvaire qu’ils ont subi au collège et au lycée mais aussi à l’école primaire.<br />
Ils ne sont pas les seuls : les « Bouboule », les « à lunettes », les « boulets », les « pas bien coordonnés »,<br />
les timides, les peureux, les lents, les trop petits, les « chouchous à sa maîtresse »… ont tous et toutes<br />
connu les mêmes humiliations d’être choisis en dernier dans les équipes (Ah ! Non, pas lui !), voire d’être<br />
imposés par l’enseignant, de ne jamais recevoir de passe aux jeux de ballon, de subir quolibets et jugements<br />
négatifs, d’être classés derniers à la course, au saut, au lancer…, d’avoir des mauvaises notes mesurées<br />
scientifiquement par un chronomètre ou un mètre : une preuve objective de leur nullité.<br />
Le foot à la récré comme les discussions sur un match vu à la télé, le foot du mercredi ou les dimanches<br />
au stade sont le moyen pour certains garçons très jeunes de montrer à tous qu’ils vont « entrer dans la<br />
maison des hommes ». Certains – qui seront homosexuels ou non – manifestent très tôt leur non attirance<br />
pour ces activités de communion masculine. Ils doivent apprendre à faire semblant, sous peine d’être<br />
rejetés du groupe.<br />
On peut penser que la question de l’humiliation dans les vestiaires est réservée aux classes du<br />
secondaire. La vigilance est toutefois de mise lors des activités de piscine ou nécessitant un changement de<br />
tenue.<br />
Les rôles de l’école sont multiples : permettre à chacune et chacun de développer ses compétences<br />
motrices dans des activités où il prend du plaisir ; s’initier à de multiples pratiques dont le foot bien sûr ! ;<br />
valoriser la progression et les efforts individuels sans comparaison, classement ni note ; définir des objectifs<br />
autres que la victoire ou la défaite ; concevoir les activités collectives avec des finalités d’inclusion, de<br />
partage et d’entraide ; valoriser le plaisir et la motivation en dehors de toute question de genre (« il saute<br />
super bien à la corde », « elle lance la balle vraiment très loin », « il participe au spectacle de danse »,<br />
« elle adore regarder les matches de rugby ») et contrebalancer la non-mixité et l’esprit de compétition<br />
prônés en général par les clubs sportifs.<br />
26