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Dimension 3 n° 2012/5 - Belgium

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LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE<br />

dimension<br />

Sahel<br />

Crise alimentaire,<br />

une fatalité ?<br />

Le fair trade<br />

a la COte !<br />

La dette<br />

du Sud<br />

N° 5 / <strong>2012</strong> • BIMESTRIEL NOVEMBRE-DÉCEMBRE <strong>2012</strong> • P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X


sommaire<br />

novembre-décembre <strong>2012</strong><br />

4/5 ><br />

Au Centre de<br />

santé de Niamey<br />

22/23 ><br />

Le Fair Trade<br />

a la cote !<br />

26/29 ><br />

Dette-moi<br />

tout<br />

double page centrale ><br />

Fiche thématique<br />

Quelles issues<br />

pour le Sahel ?<br />

6 Près de 870 millions<br />

de personnes souffrent<br />

de sous-alimentation<br />

chronique<br />

7-9 Sahel :<br />

Une vulnérabilité<br />

croissante<br />

10-11 Insécurité alimentaire :<br />

Briser le cycle infernal<br />

12-13 Alerte au Sahel !<br />

19 Travail de pionnier<br />

à Yamoussoukro<br />

20-21 La crise malienne<br />

24-25 Enfants, pas soldats<br />

30-31 Petite <strong>Dimension</strong><br />

32 Pour ceux qui<br />

en ont le plus besoin<br />

Abonnement<br />

gratuit sur :<br />

www.dimension-3.be<br />

ou par mail à :<br />

info.dgd@diplobel.fed.be<br />

2 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


dimension3<br />

Toute crise trouve<br />

son issue<br />

Récoltes de maïs affectées par<br />

la sécheresse au Mali.<br />

© Oxfam<br />

Périodique bimestriel de<br />

la Direction Générale de la<br />

Coopération au Développement<br />

(DGD)<br />

Rédaction :<br />

DGD<br />

Rue des Petits Carmes 15<br />

B-1000 Bruxelles<br />

Tél. +32 (0)2 501 48 81<br />

Fax +32 (0)2 501 45 44<br />

E-mail : info.dgd@diplobel.fed.be<br />

www.diplomatie.be • www.dg-d.be<br />

Secrétariat de rédaction :<br />

Elise Pirsoul, Jean-Michel Corhay,<br />

Chris Simoens<br />

Création et production :<br />

www.mwp.be<br />

Les articles publiés ne représentent<br />

pas nécessairement le point de vue<br />

officiel de la DGD ou du gouvernement<br />

belge. La reproduction des articles est<br />

autorisée pour autant que la source<br />

soit mentionnée et qu'une copie de la<br />

publication soit envoyée à la rédaction.<br />

<strong>Dimension</strong> 3 paraît 5 fois par an tous les<br />

2 mois sauf en été.<br />

Imprimé sur papier 100 % recyclé.<br />

Sahel : crises alimentaires, crises humanitaires. Il fallait parler de ces<br />

crises qui se passent dans l’indifférence publique ; c’est pourquoi les<br />

sujets traités dans ce numéro spécial “Sahel” sonnent durs et nous<br />

voudrions presque nous en excuser. Quiconque en effet s'est rendu là-bas<br />

vous dira que de telles crises ne sont qu’une des facettes du Sahel. Mais<br />

qu’il faut surtout rendre hommage au sourire et à l’énergie des populations ;<br />

aux femmes et aux hommes admirables qui peuplent la région.<br />

Nous sommes loin des années ‘70 et des images misérables d’enfants<br />

maigres, aux ventres ballonnés, encerclés par les mouches. L’horreur.<br />

L’indignation d’un Occident qui se mobilise, parfois maladroitement (avec<br />

souvent un brin de paternalisme), pour “aider” les pauvres qui meurent<br />

de faim. C’est aussi le point de départ d’actions durables et sérieuses,<br />

comme la création du Fonds belge de survie par le Parlement belge en<br />

1983, devenu à présent le Fonds belge pour la sécurité alimentaire.<br />

Quarante plus tard, tout et rien n’a changé. À dire la vérité, les “famines”<br />

sont plus fréquentes. L’opinion publique, désormais “habituée”, ne s’en<br />

indigne plus. Le mot “Sahel” évoque détresse et pauvreté. Entre-temps, les<br />

actions humanitaires se sont organisées, tant au niveau des gouvernements<br />

concernés qu’au niveau des agences : système d'alerte précoce pour<br />

détecter et prévenir les crises, prise en charge des cas de malnutrition,<br />

synergie des différents acteurs. Mais les causes endémiques, elles, se sont<br />

multipliées : il faut compter désormais avec le changement climatique et<br />

une pluviométrie déréglée ; avec l’instabilité politique, comme celle qui<br />

secoue le Mali pour l’instant ; avec des nuées de criquets, et un marché<br />

de denrées alimentaires qui ne bénéficie pas aux agricultures familiales<br />

- première et principale occupation des populations sahéliennes…<br />

Autre cause encore. Au Sahel, comme dans la majorité du monde en<br />

développement, et maintenant ici chez nous, la dette souveraine peut<br />

occasionner de sérieux préjudices à la capacité des États à financer les<br />

services à leurs populations. Alors que la Belgique commence à son tour à<br />

éprouver le goût amer de l’austérité, la dette des pays du Sud pose question.<br />

Il est aussi des petits gestes, que nous, consommateurs, pouvons aisément<br />

poser pour contribuer à un monde plus juste. Consommer ‘fair trade’ en<br />

fait partie. Cantonnés il y a 20 ans à quelques aliments et à certains clients<br />

éclairés, les produits du commerce équitable sont maintenant dans tous les<br />

rayons des supermarchés et appréciés par la majorité des consommateurs.<br />

Mais surtout, n’oublions pas le sourire et la dignité…<br />

édito<br />

Abonnement :<br />

Gratuit en Belgique. à l’étranger<br />

seulement la version électronique.<br />

La rédaction<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 3


© EU / Kedidja Mossi<br />

AU CENTRE DE SANTé<br />

DE NIAMEY<br />

Dans l’urgence, des centaines de milliers d’enfants en situation<br />

de malnutrition aigüe ont pu être pris en charge grâce à<br />

un soutien de la communauté internationale passant par le<br />

PAM pour le traitement des cas modérés et de l’UNICEF pour<br />

les cas dits “sévères”.<br />

Elles sont une dizaine de mamans<br />

tenant leurs bambins dans les<br />

bras sous un préau faisant office<br />

de salle d’attente. Dans ce centre<br />

de santé de Niamey (Niger), une cinquantaine<br />

d’enfants sont présentés chaque jour,<br />

quasiment tous arrivent avec de sérieux<br />

symptômes de maladie. “Bien que les<br />

consultations soient gratuites pour les enfants<br />

de moins de 5 ans, très rares sont les mères<br />

qui viennent nous voir pour des visites de<br />

routine pourtant nécessaires et encouragées<br />

par les autorités nigériennes”, explique<br />

l’infirmière qui ausculte<br />

Boubacar, un petit garçon<br />

de 25 mois arrivé en<br />

matinée.<br />

Vomissant et ayant de<br />

fortes fièvres depuis plusieurs<br />

jours, on décèle<br />

chez lui un paludisme<br />

et des signes d’anémie.<br />

Après lui avoir administré<br />

les médicaments nécessaires, dont<br />

un déparasitage, l’infirmière le pèse et le<br />

mesure. 80 cm pour 8 kg, son tour de bras<br />

confirme un verdict qui saute aux yeux tant<br />

La majorité des<br />

parents n'a pas<br />

conscience que de<br />

très jeunes enfants<br />

ont besoin d'une<br />

nourriture appropriée.<br />

l’enfant parait chétif : “Ce garçon souffre de<br />

malnutrition. Nous en détectons chaque jour<br />

dix en moyenne. Si huit d’entre eux présentent<br />

une forme de malnutrition dite aiguë<br />

modérée, deux sont malheureusement<br />

atteints de malnutrition aiguë sévère tout<br />

comme le jeune Boubacar.”<br />

Plump'y Nut<br />

S’il n’avait pas eu les symptômes de la<br />

malaria, les graves carences alimentaires<br />

de cet enfant n’auraient peut-être jamais<br />

été décelées. De grandes campagnes de<br />

dépistage et de prise<br />

en charge de la malnutrition<br />

sont pourtant<br />

menées à travers le pays,<br />

grâce essentiellement<br />

aux efforts conjugués du<br />

PAM pour la malnutrition<br />

aiguë modérée, et de<br />

l’UNICEF pour les cas les<br />

plus sévères. Mais, paradoxalement,<br />

c’est ici dans la capitale que<br />

statistiquement elles ont le moins d’écho<br />

au sein de la population. Selon Mme. Bintou<br />

Dadoré, responsable du PAM, “les<br />

gens de Niamey sont pourtant plus éduqués<br />

qu’ailleurs dans le pays. Mais au lieu de se<br />

déplacer chaque mois pour une consultation<br />

de routine visant à s’assurer du bien-être de<br />

son enfant, beaucoup de parents ne jugent<br />

même pas nécessaire de se rendre dans un<br />

centre de santé s’il est malade. La majorité<br />

des gens préfèrent aller directement à la<br />

pharmacie et s’adonner à une automédication<br />

pourtant non sans risques.”<br />

Quant à Boubacar, il est sauvé : il peut<br />

rentrer à la maison avec sa maman. Son<br />

cas ne présentant pas de complications<br />

et ayant passé un test d’appétit avec succès<br />

(il a mangé et bu sans vomissements<br />

dans la demi-heure qui suit), il continuera<br />

son traitement anti-paludisme et reviendra<br />

au centre une semaine plus tard pour<br />

un contrôle. Avec ses rations de Plump’y<br />

Nut (compléments nutritifs enrichis sous<br />

forme de pâte à base d’arachide) offertes<br />

par l’UNICEF, sa maman fait place à une<br />

autre, les consultations ne pouvant durer<br />

que de 10 à 15 minutes maximum.<br />

Polygamie<br />

Les cas de malnutrition sont légions partout<br />

dans le pays. Un constat qui prévaut<br />

même au sein de familles disposant de ressources<br />

suffisantes. Car comme l’explique<br />

la nutritionniste du PAM, “le manque d’accès<br />

à l’alimentation n’est pas l’unique facteur<br />

responsable de la malnutrition, surtout<br />

chez les enfants de moins de deux ans. La<br />

4 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


majorité des parents n’a pas conscience que<br />

de 6 mois à un an, leur progéniture a besoin<br />

d’une nourriture appropriée. Ce n’est pas<br />

dans la culture des Nigériens. Plutôt que<br />

des plats spécifiques, telles les bouillies aux<br />

fruits ou aux légumes, les bébés partagent<br />

les plats de leurs parents. Trop pimentés,<br />

ces repas ne conviennent pas à ces très<br />

jeunes enfants.”<br />

La crise alimentaire de cette année ne fait<br />

donc qu’aggraver un problème de malnutrition<br />

chronique affectant plus d’un enfant<br />

sur trois au Niger. Les réponses à apporter<br />

pour combattre ce fléau ne semblent<br />

pas du tout évidentes, reconnaît la spécialiste<br />

du PAM, elle-même Nigérienne, “car<br />

c’est vraiment très complexe. Il faut beaucoup<br />

de sensibilisation, beaucoup d’investissement<br />

dans la prévention. Cela passe<br />

surtout par du temps donné aux femmes<br />

pour qu’elles se consacrent d’avantage à<br />

leurs enfants. Une réduction du nombre de<br />

naissances est donc indispensable dans le<br />

contexte de grande pauvreté du pays. La<br />

planification familiale est encouragée. Mais<br />

seulement 23 % des femmes utilisent des<br />

moyens de contraception, pourtant fournis<br />

totalement gratuitement. La structure<br />

sociale et culturelle ne nous encourage pas<br />

un changement des mentalités. La polygamie,<br />

qui est fort répandue, ajoute une pression<br />

familiale supplémentaire pour qu’une<br />

femme apparaisse comme très fertile aux<br />

yeux de la belle-famille par rapport aux<br />

autres co-épouses du mari.”<br />

Boubacar est sauvé : il peut rentrer<br />

à la maison avec sa maman.<br />

Beaucoup d’argent est mobilisé pour<br />

sauver dans l’urgence les vies menacées<br />

des enfants par la malnutrition aiguë<br />

lorsqu’une crise survient. Mais combattre<br />

les causes sous-jacentes de ce mal plus<br />

chronique passe par des investissements<br />

constants sur du plus long terme, avec<br />

une politique de développement misant<br />

davantage sur l’éducation.<br />

JOEL TABURY<br />

© GD / Joël Tabury<br />

Avec la crise<br />

alimentaire de<br />

cette année, le<br />

nombre de cas<br />

critiques a explosé<br />

durant le mois<br />

de septembre.<br />

Naziha El MOUSSAOUI<br />

La Croix-Rouge<br />

au chevet des cas<br />

les plus désespérés<br />

Avec un financement de la Coopération belge, la Croix-<br />

Rouge de Belgique s’attèle à renforcer dans le district de<br />

Barouéli les capacités de la branche malienne du Mouvement<br />

international auquel elle appartient. L’objectif principal de ce<br />

projet ayant été lancé en 2010 est de permettre une prise en<br />

charge communautaire de la malnutrition.<br />

Dans l’ensemble des villages que compte le district, 211 Comités de santé ont<br />

été constitués. Chacun d’eux repose sur des relais communautaires, dont<br />

une accoucheuse villageoise, et bénéficie de l’appui de 2 à 3 volontaires<br />

de la Croix-Rouge malienne. Ces structures très locales ont été formées<br />

au dépistage et la prise en charge des cas de malnutrition. Un gros effort est aussi mis<br />

dans la prévention avec de multiples actions de sensibilisation pour un changement de<br />

comportement alimentaire des villageois. L’accent est aussi mis sur l’importance de l’hygiène<br />

et la réhabilitation des points d’eau qui va avec. Un véritable travail de prévention<br />

et d’éducation aux bonnes pratiques qui finira par porter ses fruits mais qui n’empêche<br />

malheureusement pas la multiplication des cas de malnutrition aiguë.<br />

“Avec la crise alimentaire de cette année, le nombre de cas vraiment critiques a explosé<br />

durant le mois septembre. C’est le mois le plus difficile car les stocks sont épuisés dans<br />

l’attente des prochaines récoltes débutant en octobre”, nous explique Naziha El Moussaoui,<br />

gestionnaire belge du projet. Pénétrant dans l’Unité de réhabilitation et d’éducation<br />

nutritionnelle intensive, une dizaine d’enfants extrêmement affaiblis sont alités avec<br />

leur mère. Tous ne pourront être sauvés car leur état de malnutrition s’accompagne de<br />

fortes complications, avec des maladies telles que rougeole, pneumonie ou tuberculose.<br />

“La semaine dernière, nous avons eu cinq décès. Aujourd’hui, deux des petits présents ont<br />

un pronostic vital bien faible.” D’un côté, un petit garçon d’un an à peine dont la mère est<br />

décédée, et qui avait été confié à sa grand-mère avec ses quatre autres frères et sœurs.<br />

“Il nous a été amené au Centre de la Croix-Rouge il y a deux jours avec une pneumonie<br />

grave, un marasme et des œdèmes nutritionnels. Le haut du corps reste très maigre mais<br />

le gonflement de ses jambes a déjà pu être résorbé.” Une autre petite fille de deux ans<br />

au retard de croissance manifeste est quant à elle soignée depuis trois semaines. “Nous<br />

l’avions traitée pour son insuffisance respiratoire mais nous craignons qu’elle ne souffre en<br />

fait de tuberculose, elle va donc être isolée.” Et si, fort heureusement, beaucoup d’enfants<br />

sont sauvés, nombreux sont ceux qui en gardent des séquelles à vie. Car comme nous<br />

l’explique la responsable de la Croix-Rouge : “L’enfant en insuffisance alimentaire puise<br />

son énergie dans ce qui lui reste de graisses, puis sa force vitale ne peut plus être tirée<br />

que dans les muscles, et pour finir dans les organes vitaux. En dessous de deux ans, les<br />

dommages cérébraux sont par exemple irréversibles.”<br />

JT<br />

SAHEL<br />

© DGD / Joël Tabury<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 5


Sahel<br />

© IFPRI - Global w Index<br />

Index de la faim <strong>2012</strong><br />

Pays<br />

industrialisés<br />

Pas de<br />

données<br />

Bas Modéré Sérieux Alarmant Extrêmement<br />

Alarmant<br />

Près de 870 millions de personnes<br />

souffrent de sous-alimentation chronique<br />

70.000.000<br />

Un habitant de la planète sur huit souffre de sous-alimentation<br />

chronique. Et pourtant le dernier rapport des Nations<br />

Unies ‘L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde’ n’apporte<br />

pas que de mauvaises nouvelles. Entre 1990 (18,6 %)<br />

et 2007 (12,5 %), le nombre d’affamés a diminué plus rapidement<br />

qu’on ne l’aurait pensé, mais il s’est stabilisé en 2007,<br />

poussant les organisations onusiennes, FAO, FIDA et PAM, à<br />

demander aux Etats de donner un coup d’accélérateur pour<br />

atteindre les Objectifs du Millénaire.<br />

Malgré la forte baisse du<br />

nombre des affamés<br />

chroniques ces deux<br />

dernières décennies,<br />

pas question de relâcher les efforts dans<br />

la lutte contre la faim dans les pays en<br />

développement. Ainsi s’expriment dans<br />

leur analyse annuelle de la (in)sécurité<br />

alimentaire dans le monde, la FAO, l’Organisation<br />

des Nations Unies pour l’alimentation<br />

et l’agriculture, le FIDA (Fonds<br />

des Nations Unies pour le développement<br />

agricole) et le PAM (Programme<br />

alimentaire mondial).<br />

Selon une nouvelle estimation, basée<br />

sur une méthodologie et des données<br />

améliorées, quelque 870 millions de<br />

personnes souffrent de la faim. Parmi<br />

elles, 852 millions vivent dans des pays<br />

en développement d’Asie et d’Afrique.<br />

Sur 20 ans, le nombre des affamés a<br />

augmenté de 175 à 239 millions de personnes<br />

en Afrique, et a par contre baissé<br />

de 30 % en Asie.<br />

Les Objectifs du Millénaire visent à réduire<br />

de moitié la proportion des personnes<br />

sous-alimentées entre 1990 et 2015. Si<br />

la réduction de la faim dans le monde se<br />

poursuit au même rythme, le pourcentage<br />

de la sous-alimentation devrait atteindre<br />

12,5 % en 2015, au lieu des 11,6 % espérés.<br />

C’est mieux que prévu, mais encore<br />

insuffisant.<br />

L’ONU estime totalement inacceptable que<br />

plus de 100 millions d’enfants de moins de<br />

cinq ans souffrent de sous-alimentation. La<br />

malnutrition infantile tue chaque année<br />

plus de 2,5 millions d’enfants. “La communauté<br />

internationale possède les connaissances<br />

et les moyens d’éliminer toutes les<br />

formes de famine et de malnutrition”, rappelle<br />

l’ONU avec insistance.<br />

C’est pourquoi la croissance économique<br />

est nécessaire, même si elle ne suffit<br />

pas. La plupart des populations pauvres<br />

dépendant de l’agriculture, la croissance<br />

doit également concerner les petits agriculteurs.<br />

Des mesures telles que les bons<br />

La Coalition contre<br />

la Faim conseille<br />

les parlementaires<br />

À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation qui<br />

a eu lieu le 16 octobre <strong>2012</strong>, la Coalition contre la faim<br />

a présenté trois points d’action au parlement fédéral :<br />

limiter la spéculation sur les produits alimentaires,<br />

définir une politique cohérente et prévoir des<br />

crédits adaptés pour l’agriculture familiale. Les<br />

investisseurs n’appartenant pas au secteur agro-alimentaire<br />

pourraient par exemple se voir interdire l’accès aux<br />

marchés agricoles. Et si la Belgique soutient officiellement<br />

l’agriculture familiale, pourquoi vote-t-elle contre une proposition<br />

déposée à l’ONU visant précisément à protéger ce<br />

type d’agriculture ? Les agriculteurs des pays du Sud, qui<br />

se situent entre les très petits agriculteurs et les grandes<br />

entreprises, devraient pouvoir bénéficier de crédits avantageux<br />

octroyés par la Société belge d’investissement<br />

pour les pays en développement (BIO). Les parlementaires<br />

présents, notamment François-Xavier de Donnea et<br />

Herman De Croo, ont également reçu des conseils sur<br />

l’aide qu’ils peuvent apporter en vue de mettre en œuvre<br />

ces trois points d’action : dans leurs allocutions, ils ont<br />

promis leur appui. La Coalition contre la Faim est un groupement<br />

de 16 ONG belges, financé par le Fond belge pour<br />

la Sécurité Alimentaire.<br />

CS<br />

alimentaires ou l’assurance santé sont<br />

nécessaires pour les populations les plus<br />

vulnérables. La question d’une alimentation<br />

suffisante ne doit pas faire oublier<br />

la nécessité d’une alimentation saine car<br />

l’obésité pose également problème dans<br />

les pays en développement, comme l’indique<br />

le Rapport de l’ONU.<br />

Source : VILT.be<br />

Plus d’infos :<br />

www.fao.org/publications/sofi/fr/<br />

6 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


SAHEL<br />

SAHEL<br />

© Béatrice Petit<br />

Une vulnérabilité CROISSANTE<br />

Depuis 2005, le Sahel a fait face à sa quatrième crise alimentaire, en sept ans.<br />

Selon Eric Hazard, responsable de la campagne CULTIVONS d’OXFAM pour l’Afrique<br />

de l’Ouest, il ne s’agirait pas d’une succession fortuite, mais bien plutôt d’un cycle<br />

pernicieux de crises résultant d’une vulnérabilité croissante de la population.<br />

Conjoncturelles assez souvent, les<br />

famines et les crises alimentaires<br />

au Sahel auraient en outre des<br />

causes structurelles. Quelles sontelles,<br />

pour l’essentiel ? Et comment<br />

en protéger les populations ?<br />

Dans le passé, les crises alimentaires au<br />

Sahel étaient le plus souvent dues à des<br />

déficits de production liés à des pluies<br />

tardives ou insuffisantes, et cela dans une<br />

région où 95 % de l’agriculture demeure<br />

totalement dépendante de la pluviométrie.<br />

Ces dernières années, les crises présentent<br />

un nouveau visage. Nous sommes<br />

passés de crises de disponibilité, - les denrées<br />

alimentaires ne sont pas disponibles<br />

sur les marchés en raison d’un déficit de<br />

production -, à des crises d’accessibilité -<br />

les denrées alimentaires sont disponibles,<br />

mais à des prix devenus inaccessibles.<br />

Ainsi leurs prix, notamment pour l’année<br />

<strong>2012</strong>, sont restés extrêmement élevés,<br />

comparés à la moyenne des 5 dernières<br />

années. En décembre 2011, les prix étaient<br />

de 30 à 40 % plus élevés au Niger et au<br />

Tchad, et de 50 à 60 % plus élevés au Mali<br />

et au Burkina Faso. Dans certaines zones<br />

au Mali, cette hausse a dépassé les 90 %.<br />

Cette tendance s’est poursuivie en <strong>2012</strong>.<br />

60 % de la population achètent ses vivres<br />

sur le marché, et l’alimentation représente<br />

plus de 80 % des dépenses des groupes<br />

les plus vulnérables. Cet élément ‘inflation/<br />

prix’ est devenu structurant.<br />

Il faut ajouter à cela d’autres éléments<br />

plus conjoncturels, notamment la baisse<br />

des transferts de fonds qui était assurée<br />

auparavant par les migrants. Du fait des<br />

multiples crises que connaissent leurs<br />

pays d’accueil, notamment la crise financière<br />

qui touche l’Europe, le flux des<br />

transferts des migrants a fortement diminué.<br />

De plus, l’instabilité actuelle dans la<br />

sous-région, au Niger, au Mali, au nord du<br />

Nigéria aussi, dont les frontières ont été<br />

fermées pour des raisons de<br />

sécurité, a évidemment exacerbé<br />

cette crise.<br />

La crise est profonde en <strong>2012</strong><br />

car une conjonction de facteurs<br />

s’ajoutent à la vulnérabilité<br />

extrême des populations<br />

sahéliennes. Les chiffres sont<br />

là, dans une année ‘normale’<br />

entre guillemets, ce sont<br />

près de 300.000 enfants qui<br />

meurent de faim au Sahel ! Et<br />

cette année, 18 millions de personnes<br />

n’arrivaient plus à manger à leur faim<br />

au quotidien ! Pour réussir à sortir de<br />

ce cycle infernal de crises, il est évident<br />

qu’il va falloir investir durablement, mais<br />

aussi différemment, dans l’agriculture.<br />

Dans un récent passé, les investissements<br />

réalisés l’ont surtout été au bénéfice<br />

des cultures d’exportation - café,<br />

cacao, coton, arachide -, et au détriment<br />

des cultures de subsistance. Je rappelle<br />

qu’en 2013, on va célébrer les dix ans<br />

du Sommet de Maputo - 56 chefs d’États<br />

de l’Union Africaine s’y étaient alors<br />

engagés à dédier au moins 10 % de<br />

leurs budgets nationaux à l’agriculture.<br />

Dix ans sont passés et<br />

moins de 10 pays pourraient<br />

avoir atteint ces 10 %. Il faut<br />

traduire ces engagements en<br />

misant prioritairement sur<br />

l’agriculture familiale.<br />

Cette année,<br />

18 millions de<br />

personnes<br />

n'arrivaient plus<br />

à manger à leur<br />

faim au quotidien !<br />

Par ailleurs, lorsqu’on a des crises tous<br />

les deux ans, les gens n’arrivent pas à<br />

reconstituer leurs stocks, leur capital,<br />

leur bétail, et s’enfoncent de plus en<br />

plus dans la pauvreté. Il sera donc vraiment<br />

important de compter sur des programmes<br />

de protection sociale afin de<br />

permettre aux plus vulnérables de faire<br />

face à ces chocs.<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 7


© Béatrice Petit<br />

SAHEL<br />

Une vulnérabilité CROISSANTE<br />

Le dernier point, c’est que pour faire face<br />

à des chocs de telles ampleurs, il faudra<br />

aussi disposer de réserves alimentaires<br />

- de trop nombreux pays sahéliens ne<br />

disposent que de réserves à des niveaux<br />

extrêmement faibles.<br />

Des investissements massifs<br />

dans l’agriculture, dites-vous…<br />

L’agro-écologie et l’agroforesterie<br />

sont-elles possibles<br />

dans le contexte sahélien ?<br />

Un certain nombre de projets-pilotes<br />

existent déjà dans la région, notamment<br />

au Bénin, avec le remarquable Centre Songhai<br />

(NDLR - voir <strong>Dimension</strong>3, 2/2011). Je<br />

pense que de telles choses sont faisables<br />

au Sahel également, mais la question que<br />

nous nous posons, c’est : “Est-ce le choix<br />

que vont faire les États, dans les investissements<br />

qu’ils décideront ?”<br />

En ce qui concerne la performance des<br />

exploitations familiales et celle des exploitations<br />

qui recourent à l’agro-écologie ou<br />

l’agro-foresterie, il ne me semble pas que<br />

les grosses agro-industries ont été notoirement<br />

plus performantes en termes de rendements,<br />

de productivité, si on considère<br />

les investissements massifs préalables qui<br />

ont été nécessaires.<br />

60 à 70 % de la population au Sahel vit de<br />

l’agriculture, complètement abandonnée,<br />

oubliée, depuis des décennies. Malgré<br />

cela, elle a fait des efforts remarquables<br />

qui lui ont permis de vivre dans cet environnement<br />

difficile et, même de contribuer<br />

à la sécurité alimentaire de toute la<br />

sous-région. Elle a donc eu un niveau de<br />

performance relativement élevé, et il est<br />

grand temps de démystifier l’approche qui<br />

consiste à dire que ces exploitations familiales<br />

sont des exploitations archaïques. Il y<br />

a effectivement des nécessités de changement<br />

et de modernisation pour les petites<br />

exploitations de 2 à 3 hectares : avec le<br />

changement climatique, leurs rendements<br />

risquent de baisser. Mais, dès lors qu’elles<br />

reçoivent un tant soit peu de soutien, il<br />

est possible qu’elles deviennent viables<br />

et rentables ! La Côte d’Ivoire est un des<br />

premiers producteurs de cacao au monde,<br />

et un grand producteur de café. L’Afrique<br />

de l’Ouest a longtemps été l’un des principaux<br />

producteurs de coton à travers le<br />

monde : toutes ces productions ont été<br />

développées par des exploitations familiales.<br />

Maintenant, il est peut-être temps<br />

d’investir dans des cultures vivrières. Car<br />

de nombreux pays finalement dépendent<br />

de l’importation de<br />

produits agricoles<br />

ou agro-industriels<br />

pour pouvoir se<br />

nourrir. Dans un<br />

contexte de hausse<br />

des prix, cette<br />

dépendance n’est<br />

pas durable.<br />

Par ailleurs, on peut<br />

se demander s’il<br />

faut continuer à<br />

promouvoir des systèmes de production<br />

intensifs, avec énormément d’engrais,<br />

avec une grosse mécanisation ? À moyen<br />

ou long terme, cela a un véritable coût,<br />

notamment en termes d’adaptation au<br />

changement climatique, et ce de façon<br />

générale au niveau international. Réduire<br />

la dépendance vis-à-vis des marchés<br />

internationaux passe par un réinvestissement<br />

dans des systèmes de production<br />

locaux, qui vont permettre de garantir<br />

d’abord la sécurité alimentaire, voire<br />

même la souveraineté alimentaire. Dans<br />

un tel contexte climatique, il est primordial<br />

de s’assurer que les productions agricoles<br />

répondent aux contraintes environnementales,<br />

et je pense que l’agro-écologie peut<br />

être le moyen de cette transition.<br />

Aujourd’hui,<br />

85 à 90 % des eaux<br />

de surface sont<br />

inutilisées : elles<br />

repartent sans qu’on<br />

n’en fasse rien !<br />

En quoi le changement climatique<br />

aggrave-t-il la situation dès à<br />

présent ?<br />

Le Sahel fait face à une variabilité climatique<br />

de plus en plus importante. D’ici à<br />

2050, l’augmentation projetée des températures,<br />

de l’ordre de 2 à 4 degrés, pourrait<br />

entraîner une diminution de 20 à 50 % de la<br />

productivité des cultures céréalières, tandis<br />

que la période de culture pourrait être<br />

réduite de 20 %. Les périodes de sécheresse<br />

augmenteront, les pluies arriveront<br />

plus tardivement, parfois plus intenses et<br />

encore moins étalées. Il est donc important<br />

de travailler sur l’adaptation au changement<br />

climatique. Il va falloir poursuivre<br />

avec des modes de production qui réconcilient<br />

l’agriculture avec la nature et la préservation<br />

de l’environnement – et je pense<br />

que c’est bien ça l’enjeu de l’agro-écologie<br />

aujourd’hui.<br />

Depuis les années<br />

’80, des expériences<br />

ont eu lieu, au Burkina<br />

Faso notamment,<br />

pour faire face<br />

à des températures<br />

et des sécheresses<br />

extrêmes : on a<br />

accru le diamètre<br />

mais aussi la profondeur<br />

des trous<br />

où planter les semences organiques afin<br />

d’augmenter la productivité des céréales,<br />

et on a obtenu des augmentations de rendement<br />

de 300 à 400 kg par hectare. Les<br />

solutions existent, il faut qu’on anticipe les<br />

changements et les catastrophes qui pourraient<br />

arriver si rien n’était fait.<br />

Où en est la Grande Muraille verte ?<br />

Quels sont les espoirs ?<br />

Cette barrière verte, de 15 kilomètres de<br />

large, doit s’étendre sur 7.600 kilomètres,<br />

de Dakar à Djibouti. Elle fait face à une difficulté<br />

majeure : son financement. Jusqu’à<br />

présent, la FAO, le Fonds Mondial pour<br />

l’Environnement, la Convention sur la Lutte<br />

contre la Désertification des Nations Unies,<br />

l’Union européenne aussi, ont apporté un<br />

début de soutien financier et un appui<br />

technique, mais on reste encore très loin<br />

du compte, et de nombreux bailleurs<br />

s’inquiètent de devoir mobiliser autant<br />

d’argent pour ce projet.<br />

Il me semble que la Grande Muraille verte<br />

souffre aussi d’un manque d’explicitation,<br />

et donc de compréhension. On ne sait<br />

pas bien ce qu’elle sera, hormis être un<br />

rideau végétal censé demeurer, et lutter<br />

contre la désertification, mais il est difficile<br />

pour les populations d’appréhender<br />

dans quelle mesure elle va empêcher la<br />

8 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


SAHEL<br />

désertification et comment sa réalisation<br />

va pouvoir progresser. Pour l’instant, dans<br />

les 11 pays sahéliens concernés, ce projet<br />

demeure à l’état embryonnaire.<br />

On a beaucoup d’acquis, beaucoup<br />

d’analyses, de plans, de projets, réalisés<br />

depuis des années, qui n’ont jamais trouvé<br />

de financement, et qui sont bien en dessous<br />

des sommes à mobiliser pour cette<br />

Muraille verte. Par ailleurs, son appropriation<br />

sur le terrain demeure encore<br />

extrêmement compliquée. En définitive,<br />

on voit peu d’avancées significatives de<br />

la Grande Muraille verte, projet qu’il s’agit<br />

en outre d’articuler avec les Programmes<br />

d’adaptation au changement climatique.<br />

Le pompage dans les aquifères<br />

profonds est-il techniquement<br />

possible, et comment distribuer<br />

l’eau sur de vastes étendues ?<br />

D’un point de vue strictement technique,<br />

il n’y a pas de raison que cela ne puisse<br />

pas être possible au Sahel, cela se fait<br />

bien dans d’autres régions du monde. Il<br />

s’agirait surtout de transferts d’expertise,<br />

et de ressources financières disponibles.<br />

Mon impression toutefois est qu’il s’agit,<br />

ici encore, d’une “belle solution technique”,<br />

pas forcément évidente à mettre<br />

en œuvre, alors qu’il existe par ailleurs<br />

des choses très simples que l’on ne fait<br />

toujours pas…<br />

Comme vous le savez, le Sénégal a fait face<br />

dernièrement à de nombreuses inondations.<br />

Non seulement Dakar a été inondé,<br />

mais également de nombreuses régions<br />

agricoles. Eh bien, savez-vous que dans<br />

6 ou 8 mois, on va se retrouver dans ces<br />

mêmes régions avec des difficultés d’accès<br />

à l’eau pour les semis qui débuteront<br />

en juin ou juillet 2013 ? Il faut considérer un<br />

instant la quantité d’eau de surface perdue<br />

tous les ans dans le Sahel parce que pratiquement<br />

rien n’est fait pour la collecter…<br />

Il pourrait s’agir de petits barrages, de<br />

modeste taille, de bassins de rétention, etc.<br />

- tout ce travail de base, indispensable, doit<br />

encore être fait, et on perd là une ressource<br />

en eau énorme. Au Sahel, on est dans une<br />

situation compliquée, avec la tentation<br />

© OXFAM / E. Hazard<br />

Une quantité énorme d'eau de surface est perdue parce que pratiquement<br />

rien n'est fait pour la collecter.<br />

d’aller rechercher l’innovation, la énième<br />

‘solution-miracle’, que l’on met en balance<br />

avec des dispositifs techniques simples<br />

qui ont été validés depuis de nombreuses<br />

années, mais qui n’ont jamais connu de<br />

début de mise en œuvre… Aujourd’hui, 85<br />

à 90 % des eaux de surface sont inutilisées :<br />

elles repartent sans qu’on n’en fasse rien !<br />

Il est de plus en plus souvent<br />

fait état de l’impact de la<br />

démographie sur les ressources<br />

alimentaires disponibles. En<br />

quoi celle-ci menacerait-elle<br />

la sécurité alimentaire ?<br />

Il faut inverser la perspective. Si la transition<br />

démographique des pays sahéliens<br />

doit être menée à terme - et peut-être que<br />

le planning familial pourra y concourir -, il<br />

me semble d’abord que la jeunesse de la<br />

population est aussi une véritable opportunité.<br />

L’enjeu aujourd’hui est le suivant : voulons-nous<br />

proposer à la population ouestafricaine<br />

un avenir dans la sous-région, ou<br />

voulons-nous l’inviter à continuer à émigrer<br />

? En Afrique sub-saharienne, ce sont<br />

330 millions de jeunes qui vont arriver sur<br />

le marché du travail d’ici 2025 ! 60 % d’entre<br />

eux vivent en zone rurale ! Si rien n’est fait, il<br />

y a un vrai risque et pas seulement alimentaire.<br />

C’est une bombe à retardement.<br />

Par contre, si nous investissons durablement<br />

dans l’éducation, dans la santé, si<br />

demain, dans les zones rurales, nous<br />

parvenons à mobiliser les jeunes pour<br />

l’agriculture, dans de véritables projets<br />

de sécurité alimentaire, ils pourront participer<br />

au développement d’un secteur<br />

agricole qui en a énormément besoin,<br />

et qui demain doit être capable, juste<br />

pour l’Afrique de l’Ouest, de nourrir<br />

500 millions de personnes à l’horizon<br />

2050 ! Aujourd’hui, dans un pays comme<br />

le Sénégal, quand vous prenez le plat<br />

traditionnel, national, le ‘poulet yassa’, le<br />

poulet provient du Brésil, les oignons des<br />

Pays-Bas, et le riz d’Inde ou de Thaïlande.<br />

J’espère que dans quelques années, le<br />

plat national du Sénégal sera préparé<br />

avec du poulet de la région du fleuve, des<br />

oignons de la région des Niayes, et du riz<br />

de Casamance. Et je pense que les jeunes<br />

peuvent nous y aider.<br />

Propos recueillis par<br />

Jean-Michel Corhay<br />

online<br />

Lire et télécharger l’intégralité de<br />

l’entretien sur le sitede la DGD<br />

www.dg-d.be > Actualités<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 9


Insécurité alimentaire :<br />

Briser le cycle infernal<br />

Lutter contre l’insécurité alimentaire dans le Sahel constitue un travail de longue haleine<br />

pour sortir des millions de personnes du cycle de crises endémiques qui frappe la région à<br />

répétition. Le Fonds Belge pour la Sécurité alimentaire soutient des programmes visant à<br />

une meilleure résilience des plus vulnérables grâce à des actions à long terme.<br />

Sortie de crise ?<br />

Des étendues à perte de vue de verdure<br />

où les troupeaux de zébus avancent<br />

repus. De vastes champs de mil ou de<br />

sorgho dont les épis n’attendent que<br />

la récolte. Tels sont en grande partie<br />

les paysages de carte postale qui vous<br />

attendent en traversant le Sahel en cette<br />

fin octobre <strong>2012</strong>. Un an plus tôt, nous<br />

étions pourtant à l’aube d’une des plus<br />

graves crises humanitaires qu’ait connu<br />

la région.<br />

“Contrairement aux dernières années, la<br />

saison des pluies a vraiment été bonne et<br />

nos récoltes ne sont jusqu’à présent pas<br />

menacées par les crickets… Inch’Allah”,<br />

vous lancent en général les petits cultivateurs<br />

croisés sur votre route, que cela soit<br />

au Sénégal, au Mali, ou au Niger. Puissentils<br />

être entendus !<br />

Mais quant à prédire que les stocks de<br />

céréales qu’ils récoltent à présent suffiront<br />

à leur autosuffisance durant un an, très peu<br />

sont ceux parmi les experts à faire preuve<br />

d’optimisme. Selon José Luis Fernandez,<br />

coordonnateur des Programmes d’urgence<br />

et de réhabilitation de la FAO pour<br />

le Sahel, “l’appel qui a été lancé par les<br />

Etats de la région à la communauté internationale<br />

suite aux mauvaises récoltes de l’an<br />

dernier a été en grande mesure entendu,<br />

et ceci suffisamment à temps, contrairement<br />

aux grandes crises que nous avons<br />

connues en 2005 et 2010. Mais malheureusement,<br />

peu de fonds ont pu servir au renforcement<br />

des capacités agricoles locales.<br />

© DGD / Joël Tabury<br />

Une bonne saison des pluies<br />

a ici hissé les épis de sorgho<br />

à trois mètres du sol.<br />

10 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


SAHEL<br />

Des investissements substantiels dans des<br />

intrants et semences par exemples auraient<br />

pourtant permis d’obtenir des récoltes bien<br />

meilleures encore en capitalisant sur cette<br />

relativement bonne saison des pluies.”<br />

Bien conscient que la priorité durant<br />

l’année écoulée a été de sauver dans l’urgence,<br />

avec des moyens financiers limités,<br />

des millions de personnes de la famine,<br />

des enfants surtout, cet expert s’appuie<br />

sur des données objectives fraîchement<br />

tirées des Systèmes d’alertes précoces<br />

(voir en page 20) et prédit que “très vite<br />

en 2013, les stocks récoltés seront épuisés<br />

dans beaucoup de régions du Sahel et des<br />

millions de personnes feront à nouveau face<br />

à une situation d’insécurité alimentaire.”<br />

Renforcer la résilience<br />

des populations<br />

“Arriver à une résilience des populations<br />

du Sahel, c’est-à-dire que des chocs,<br />

comme une mauvaise récolte ou même une<br />

hausse des prix des denrées alimentaires<br />

de base, ne se transforment pas en crise<br />

majeure, voilà le grand défi pour les populations<br />

du Sahel”, comme<br />

l’explique Thomas Yanga, le<br />

directeur régional du PAM<br />

pour l’Afrique de l’Ouest.<br />

Car la sécurité alimentaire<br />

ne dépend pas uniquement<br />

de la production agricole,<br />

mais également des marchés.<br />

Même lors des années<br />

où les pluies s’avérèrent suffisantes,<br />

les populations vulnérables<br />

qui ne peuvent pas<br />

produire suffisamment sont<br />

exclues en raison de leur<br />

faible pouvoir d’achat.<br />

Des résultats durables<br />

via le FBSA<br />

Au Niger, dans la région<br />

de Dosso, la Belgique met<br />

en place depuis quelques<br />

années un programme innovant<br />

visant à renforcer la<br />

résilience des populations<br />

vulnérables au travers du<br />

PAMED (Programme d’Appui à la Mise en<br />

place des Entités Décentralisées). Financé<br />

depuis 2006 par le Fonds Belge pour la<br />

Sécurité alimentaire (FBSA), il est mis en<br />

œuvre par la CTB.<br />

Les résultats obtenus semblent probants<br />

dans 41 communes de cette région ayant<br />

une superficie comparable à la Belgique<br />

et comptant environ 2 millions d’habitants.<br />

Dans l’esprit des engagements de<br />

la Déclaration de Paris, la quasi-totalité des<br />

moyens humains, matériels et financiers du<br />

programme est administrée conjointement<br />

par la Belgique et les autorités nigériennes.<br />

L’objectif est d’aider les communes à exercer<br />

leurs responsabilités en matière de<br />

services publics et de développement<br />

local afin de réduire la vulnérabilité des<br />

plus pauvres de la région.<br />

Plus concrètement, 140 banques céréalières<br />

ont été constituées. 11 d’entre elles<br />

ont une portée intercommunale. Gérées à<br />

85 % exclusivement par des femmes, ces<br />

banques céréalières sont utilisées par près<br />

de 30.000 ménages. En cette fin octobre,<br />

elles sont toutes vidées de leurs stocks.<br />

Comme dans le village de Karra, où Mme<br />

Diallo nous ouvre les portes de la banque<br />

céréalière intercommunale en tant que<br />

présidente du Comité villageois de gestion<br />

: “Nous arrivons à la fin des 4 mois de<br />

la période de soudure. Avec les nouvelles<br />

récoltes qui s’annoncent, nous allons réinvestir<br />

le mois prochain dans l’achat de riz,<br />

maïs et mil les 10.000 EUR que nous avons<br />

en réserve”, nous explique-t-elle. “Nous<br />

achetons au début des récoltes afin d’obtenir<br />

les meilleurs prix du marché et nous stockons<br />

dans cette banque (un grand hangar)<br />

Arriver à une résilience des populations<br />

du Sahel, c’est-à-dire que des chocs,<br />

tels une mauvaise récolte ou une hausse<br />

des prix, ne se transforment pas en<br />

crise majeure, voilà le grand défi.<br />

durant des mois. Lorsque les stocks familiaux<br />

sont épuisés, et que la période de soudure<br />

commence, les ménages doivent alors aller<br />

s’approvisionner sur les marchés. Or les<br />

prix s’envolent toujours quand les stocks<br />

de céréales dans le pays deviennent moins<br />

disponibles et qu’il faut parfois aller jusqu’au<br />

Bénin voisin pour les obtenir. De notre côté,<br />

nous ouvrons alors nos portes et maintenons<br />

des prix raisonnables pour les ménages les<br />

plus vulnérables qui n’ont pas les moyens<br />

d’avoir accès aux marchés. À titre d’exemple,<br />

la tia (sac de 2.5 kg de mil) se vendait dans<br />

les échoppes le mois passé à plus de 700<br />

FCFA alors que nous le maintenions au prix<br />

de 525 FCFA durant les mois les plus difficiles.<br />

Nous faisons donc de faibles bénéfices<br />

depuis que cette banque à ouvert ses portes<br />

en 2010 mais suffisamment que pour reconstituer<br />

chaque année les stocks qui seront mis<br />

à la disposition des plus vulnérables durant<br />

les périodes les plus critiques.”<br />

D’autres initiatives ont été lancées par le<br />

PAMED du FBSA, telles les 18 sites maraîchers<br />

qui ont été aménagés, ou les 25 boutiques<br />

d’intrants ayant ouvert leurs portes.<br />

Une stratégie plus<br />

globale indispensable<br />

Selon le directeur régional du PAM pour<br />

l’Afrique de l’Ouest, “Sortir du cycle infernal<br />

dans lequel est plongé le Sahel nécessite un<br />

engagement de la communauté internationale<br />

sur du long terme avec une politique de<br />

développement cohérente. Ceci ne peut être<br />

rendu possible que si les gouvernements<br />

de la région en ont la volonté politique et<br />

mettent en place des cadres stratégiques et<br />

programmatiques permettant aux acteurs<br />

du développement et ceux<br />

qui répondent aux urgences<br />

de mieux coordonner leurs<br />

actions. Dans la plupart des<br />

pays du Sahel, on est de plus<br />

en plus sur la bonne voie. Les<br />

moyens financiers restant limités<br />

- et le seront encore davantage<br />

avec la crise économique<br />

touchant la plupart des bailleurs<br />

de fonds -, des partenariats<br />

entre agences sont de<br />

plus en plus indispensables et<br />

doivent donc être plus encouragés<br />

en concertation avec les<br />

communautés locales et les<br />

bénéficiaires.”<br />

Un signal fort vient en tout cas<br />

d’être lancé dans ce sens par<br />

la Commission européenne<br />

avec l’initiative AGIR Sahel<br />

(Alliance globale pour l’Initiative<br />

Résilience). Très ambitieuse,<br />

cette feuille de route<br />

jette les bases d’un nouveau<br />

partenariat entre les différents gouvernements,<br />

les organisations humanitaires, les<br />

agences onusiennes et d’autres organisations<br />

internationales comme la Banque<br />

Mondiale, la Banque africaine de Développement,<br />

l’Organisation de coopération islamique,<br />

et deux organisations régionales,<br />

la CEDEAO et l’UEMOA. L’objectif principal<br />

: faire en sorte que les populations du<br />

Sahel puissent faire face à de futures sécheresses…<br />

Inch’Allah, conclueraient en cœur<br />

les populations sahéliennes.<br />

Joël Tabury<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 11


Alerte<br />

au<br />

Sahel !<br />

Sans une assistance appropriée, bien coordonnée, et surtout<br />

rapidement exécutée, plus de 18 millions de personnes se<br />

trouveraient en situation d’insécurité alimentaire et plus d’un million<br />

d’enfants de moins de cinq ans seraient affectés de malnutrition<br />

aigüe sévère. Voici comment les acteurs humanitaires décèlent les<br />

prémisses d’une crise et s’organisent pour y faire face.<br />

1Des crises<br />

sahéliennes<br />

récurrentes<br />

2Systèmes<br />

d’alerte<br />

précoce (SAP)<br />

3Appels<br />

à l’aide<br />

internationale<br />

4évaluation<br />

de besoins<br />

pour aider<br />

les plus<br />

vulnérables<br />

De façon inquiétante, les crises liées<br />

1 principalement à la sécheresse, se<br />

conjuguant à d’autres facteurs, se révèlent<br />

de plus en plus fréquentes dans la région<br />

du Sahel. Le Niger en est à sa troisième<br />

crise en cinq ans. Les gouvernements<br />

des différents pays de cette région en ont<br />

pris conscience. Des structures nationales,<br />

ainsi qu’un organe de supervision<br />

à l’échelon régional, permettent à présent<br />

d’encadrer et de gérer toute crise<br />

éventuelle avec le soutien technique des<br />

grandes agences des Nations Unies.<br />

Il est indispensable de pouvoir identifier<br />

2 très rapidement les zones géographiques<br />

pouvant être affectées par des déficits de<br />

production agricole ou des invasions<br />

acridiennes.<br />

Soutenus par l’ensemble des partenaires<br />

humanitaires et de développement présents<br />

dans la région, des systèmes d’alerte précoce<br />

(SAP) ont été mis en place ces dernières<br />

années. Ce sont les acteurs locaux qui<br />

en général donnent l’alerte. L’an dernier, les<br />

constats de déficits pluviométriques s’avéraient<br />

tels durant la saison des pluies s’étalant<br />

habituellement de juillet à octobre, que dès le<br />

mois de novembre 2011, on avait la certitude<br />

que de très faibles récoltes seraient attendues<br />

dans de nombreuses parties du Sahel.<br />

Sauver des millions de vies humaines<br />

3 d’une famine représente un défi impossible<br />

à relever uniquement par les seules<br />

structures des Etats sahéliens. Disposant de<br />

très faibles moyens, un appel à l’aide internationale<br />

s’est donc avéré inéluctable pour les<br />

dirigeants des états de la région. Mis à part<br />

au Sénégal où le pouvoir en place se sentait<br />

gêné, à la veille d’élections présidentielles,<br />

à reconnaître ouvertement les signes avantcoureurs<br />

de la crise, tous les gouvernements<br />

de la région ont eu assez rapidement la<br />

volonté politique qui s’impose pour la survie<br />

de leurs populations, le Niger, pays le plus<br />

fortement affecté avec le Tchad, en premier.<br />

Immédiatement, les grandes agences<br />

4 des Nations Unies que sont le PAM, la<br />

FAO et UNICEF, se sont attelées à soutenir<br />

les pouvoirs publics locaux dans l’établissement<br />

de cartographies de l’insécurité<br />

alimentaire dans chacun des pays<br />

concernés.<br />

Les principales poches de vulnérabilité identifiées,<br />

chaque organisation internationale,<br />

qu’elle soit onusienne, ONG ou du mouvement<br />

de la Croix-Rouge, a procédé alors<br />

à une première évaluation des besoins<br />

financiers et humains nécessaires.<br />

© Curt Carnemark / World Bank<br />

12 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


SAHEL<br />

© Rita Willaert<br />

5Coordination<br />

humanitaire<br />

6Mobilisation des<br />

ressources via des<br />

appels consolidés<br />

et des fonds<br />

flexibles<br />

7Coordination<br />

sectorielle<br />

de la réponse<br />

humanitaire<br />

OCHA, l’agence en charge de la coordination<br />

humanitaire pour l’ensemble<br />

5<br />

des partenaires sur le terrain, compile alors<br />

l’ensemble des besoins dans des appels<br />

consolidés pour chacun des pays, avec<br />

pour mission d’injecter de la clarté et<br />

d’éviter que des réponses pour de mêmes<br />

besoins ne soient mises en œuvre par différents<br />

acteurs. Toujours dans un souci de<br />

cohérence et de meilleure coordination de<br />

l’aide, les principales agences humanitaires<br />

ont alors formé le Groupe de Travail Régional<br />

sur la Sécurité Alimentaire et la Nutrition<br />

pour mieux appréhender la dimension<br />

régionale de la crise.<br />

Les montants nécessaires pour faire face<br />

6 à une crise d’une telle ampleur ne peuvent<br />

être versés immédiatement par les bailleurs de<br />

fonds que sont principalement nos gouvernements.<br />

Au-delà même de la volonté politique<br />

propre à chaque donateur de répondre aux<br />

Appels consolidés par OCHA, les procédures<br />

d’engagement de subsides sont généralement<br />

soumises à des réglementations et procédures<br />

de contrôle budgétaire légitimes mais forcément<br />

lentes.<br />

Pour permettre aux acteurs humanitaires de faire<br />

face le plus rapidement possible aux défis, OCHA<br />

a été doté d’un Fonds Central d’Intervention<br />

d’Urgence (CERF). Créé par l’Assemblée générale<br />

des Nations Unies en 2006, ce fonds flexible<br />

permet d’envisager une réponse plus rapide et<br />

plus fiable de l’aide humanitaire aux besoins des<br />

personnes touchées par des catastrophes naturelles<br />

et des conflits armés. Reconstituée chaque<br />

année par les donateurs, dont la Belgique fait<br />

partie, cette réserve financière est outil offrant la<br />

flexibilité indispensable à une réponse humanitaire<br />

par définition urgente. D’autres fonds similaires<br />

ont également été constitués par le Mouvement<br />

de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge<br />

avec le Disaster Relief Emergency Fund (DREF)<br />

ou encore avec le Special Fund for Emergency<br />

and Rehabilitation Activities de la FAO.<br />

L’Approche Cluster renforce la communauté<br />

internationale humanitaire<br />

7<br />

pour la rendre plus structurée, redevable et<br />

professionnelle, pour qu’elle puisse être un<br />

meilleur partenaire pour les gouvernements<br />

d’accueil, les autorités locales, la société<br />

civile locale et les populations affectées.<br />

Elle n’est pas centrée sur les Nations Unies,<br />

mais dépend de la participation active de<br />

tous les membres du Comité permanent<br />

inter-organisations (IASC), c’est-à-dire les<br />

agences des Nations Unies, le Mouvement de<br />

la Croix Rouge et les ONG. Avec un Coordinateur<br />

humanitaire désigné dans chaque pays<br />

affecté par la crise, la réponse sur le terrain<br />

des différents acteurs peut alors être régulée<br />

au sein de réunions sectorielles, que cela soit<br />

pour la santé, l’agriculture, la nutrition…<br />

Joël Tabury<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 13


L'eau est un bien extrêmement<br />

précieux au Sahel. Malgré<br />

cela, 85 à 90 % de l'eau de<br />

surface reste inutilisée, et<br />

repart sans que l'on n'en fasse<br />

rien. Une meilleure gestion de<br />

l'eau est l'une des solutions<br />

aux problèmes du Sahel.<br />

© Curt Carnemark / World Bank<br />

14 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


Fiche thématique<br />

Crises<br />

au Sahel<br />

© European Union<br />

Quelles issues<br />

pour le Sahel ?<br />

Depuis les années '70 déjà, les sécheresses provoquent régulièrement<br />

la famine dans la région du Sahel et, ces dernières années, les<br />

crises qu’elle traverse sont toujours plus nombreuses. Pourquoi la<br />

situation semble-t-elle empirer malgré 40 ans d’actions humanitaires ?<br />

Le Sahel, qu’est-ce que c’est ?<br />

Le Sahel est une zone semi-aride située entre le désert du Sahara<br />

dans le nord de l’Afrique et l’Afrique tropicale couverte de savanes<br />

et de forêts équatoriales. Il s’étend du Sénégal qui borde l’océan<br />

Atlantique au Soudan en passant par le Mali, la Mauritanie, le Burkina<br />

Faso, le Niger, le Nigeria et le Tchad. Trois de ces pays sont des<br />

partenaires de la Coopération belge au développement : le Sénégal,<br />

le Mali et le Niger. Ces deux derniers sont plus représentatifs de<br />

la région en matière de pauvreté. La végétation se compose de<br />

zones herbeuses, buissons et grands arbres épars ; une savane qui<br />

disparaît au fil du temps.<br />

HISTOIRE<br />

Le Sahel connaîtrait une succession de périodes sèches<br />

et plutôt humides depuis 5.000 ans déjà, auxquelles la<br />

population s’est adaptée. Les territoires plus secs au<br />

Nord étaient occupés par des nomades. Ils parcouraient<br />

la région avec leur bétail en quête de pâturages. Dans<br />

les régions plus humides du sud, l’activité principale était<br />

l’agriculture, pratiquée selon la technique du slash-andburn.<br />

Les fermiers défrichaient des terres, notamment<br />

pour semer du millet. Après un certain temps, ils rendaient<br />

ces terres à la nature et dégageaient une autre<br />

zone, et les terres laissées en jachère n'étaient réutilisées<br />

que plus tard. Ces deux groupes travaillaient ensemble :<br />

une fois que les fermiers avaient récolté leurs champs,<br />

les nomades y faisaient paître leur bétail. Les bêtes se<br />

régalaient des restes des cultures et fertilisaient les terres<br />

par la même occasion. Lait et viande étaient échangés<br />

contre des graines. Ce système a fonctionné des siècles<br />

durant, même lors des périodes de sécheresse.<br />

IMPACT DE LA NATURE<br />

Depuis la fin des années '60, les précipitations se font<br />

plus rares, sans doute en raison de l’augmentation de<br />

la température des océans : si l’eau est chaude dans<br />

le Golfe de Guinée – au large de l’Afrique de l’Ouest –,<br />

l’air qui circule vers le Sahel est moins humide. Les<br />

années de 1970 à 1974 ont été catastrophiques pour<br />

la région du Sahel. Les famines se sont depuis succédées,<br />

encore récemment en 2005, 2010 et <strong>2012</strong>.<br />

En outre, la région a régulièrement été ravagée par de<br />

graves inondations dans le Sud, ainsi que par d’immenses<br />

nuées de sauterelles.<br />

FACTEURS HUMAINS<br />

La famine est pourtant elle-même le résultat d’un<br />

ensemble de facteurs humains.<br />

Les trois principaux facteurs humains<br />

sont les suivants :<br />

(1) La région connaît une très forte croissance démographique<br />

et le Niger présente le taux de fécondité le plus<br />

élevé du monde avec 9 enfants par femme. La population<br />

augmente de 3,3 % par an, un rythme impossible à<br />

gérer. Ce choix d’avoir beaucoup d’enfants a également<br />

un rapport avec la pauvreté et le taux élevé de mortalité<br />

infantile. Les enfants sont en effet une assurance pour<br />

les vieux jours et une aide précieuse aux champs.<br />

(2) Une grande partie de la population du Sahel est<br />

pauvre et nombreux sont ceux qui vivent dans une<br />

extrême pauvreté. Les personnes les plus vulnérables<br />

ne peuvent cultiver elles-mêmes qu’une partie<br />

de leur nourriture. La plupart du temps, elles doivent<br />

acheter l’autre partie de leurs vivres à l’entre-saison<br />

(entre deux récoltes), durant laquelle la pénurie fait grimper<br />

les prix. Elles ont en outre, d’autres frais : cérémonies<br />

de mariage, enterrements, soins de santé… Mais<br />

où trouvent-elles cet argent ? De nombreux hommes et<br />

enfants se rendent dans des pays comme la Libye et la<br />

Côte d’Ivoire ou encore en Europe pour y travailler. L’argent<br />

qu’ils envoient est indispensable pour les familles<br />

restées au pays.<br />

En pleine crise alimentaire<br />

(juillet <strong>2012</strong>), ce marché<br />

offre suffisamment de<br />

nourriture, mais les plus<br />

vulnérables manquent<br />

d'argent pour en acheter.<br />

Beaucoup sont contraints<br />

de vendre leur bétail.<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 15


Fiche thématique<br />

Crises<br />

au Sahel<br />

La région du Sahel<br />

Mauritanie<br />

Mali<br />

Niger<br />

Chad<br />

Sudan<br />

Guinéé<br />

Bissau<br />

Sénégal<br />

Burkina Faso<br />

Togo<br />

Bénin<br />

S A H E L<br />

Zones de sécheresse :<br />

Hyper-aride<br />

Aride<br />

Ghana<br />

Nigeria<br />

Cameroun<br />

République<br />

centrafricaine<br />

Semi-aride<br />

Sec sous-humide<br />

Source : Milennium Ecosystem Assessment<br />

Deux mamans et leurs enfants<br />

attendent la consultation<br />

nutritionnelle au Centre de<br />

santé. La fertilité maternelle<br />

est très élevée au Sahel.<br />

D’autres vont moins loin : ils travaillent sur les<br />

terres de fermiers plus fortunés ou vendent des produits<br />

artisanaux, des herbes cueillies ou une partie de<br />

leurs terres ou de leur récolte. En cas de besoin, ils<br />

peuvent emprunter de l’argent, mais s’endettent. En<br />

dernier recours, ils se tournent vers la ville. Conclusion<br />

: la famine n’est en général pas due à un manque<br />

de nourriture mais bien au fait que le grand nombre<br />

de personnes vulnérables ne sont pas en mesure<br />

d’acheter de nourriture.<br />

(3) Le changement climatique – conséquence des<br />

émissions de gaz à effet de serre – amène avec lui<br />

des conditions météorologiques plus capricieuses et<br />

provoque des sécheresses plus extrêmes.<br />

© EU / Kedidja Mossi<br />

Ces phénomènes ont plusieurs<br />

conséquences :<br />

(1) La pression démographique élevée nuit donc à<br />

l’environnement car le système slash-and-burn ne<br />

fonctionne plus. Les terres ne sont plus suffisamment<br />

laissées en jachère. Les fermiers n’ont pas d’argent<br />

pour acheter des engrais et entrent même en conflit<br />

avec les éleveurs nomades de bétail. Ils sont contraints<br />

de cultiver les terres de la région plus sèche du nord<br />

et il arrive souvent que l’accès aux routes suivies par<br />

les nomades pour leur bétail soit bloqué. Les éleveurs<br />

ne sont plus les bienvenus sur les terrains cultivés et<br />

trouvent dès lors bien moins de pâturages pour nourrir<br />

leurs bêtes. Conséquence : l’agriculture épuise le sol<br />

et le bétail paît jusqu’au dernier brin d’herbe. Naissent<br />

alors des zones désertiques où le sol ne peut plus<br />

absorber d’eau et où plus aucune plante ne pousse.<br />

En outre, un plus grand nombre de personnes nécessite<br />

d’avantage de bois pour cuisiner. Elles abattent<br />

dès lors davantage d’arbres et de buissons qui ne se<br />

régénèrent généralement pas.<br />

(2) La malnutrition des enfants est un problème de<br />

taille et les famines successives ne font qu’aggraver la<br />

situation. Les deux premières années de vie sont cruciales<br />

mais comme les femmes retombent rapidement<br />

enceintes, les enfants ne sont pas nourris au sein suffisamment<br />

longtemps. Une fois sevrés, leur nourriture<br />

est insuffisante et peu variée. Les quantités sont souvent<br />

trop faibles, mais l’ignorance joue également un<br />

rôle déterminant. La malnutrition provoque des retards<br />

de croissance chez les enfants et, s’ils survivent, ils<br />

seront des adultes peu vigoureux et une main-d’œuvre<br />

moins efficace. La malnutrition hypothèque donc l’avenir<br />

de la nouvelle génération. En outre, une mauvaise<br />

alimentation et des soins de santé rudimentaires sont<br />

deux facteurs qui favorisent les maladies.<br />

16 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


Fiche thématique<br />

Crises<br />

au Sahel<br />

(3) Le Sahel est ravagé par les conflits. Des rebelles<br />

y sont actifs, au Tchad notamment. En <strong>2012</strong>, les<br />

Touaregs ont voulu créer l’État du Nord-Mali. Les<br />

extrémistes islamistes de 'Al-Qaida au Maghreb'<br />

y déploient également leurs activités. Des pays tels<br />

que le Mali et le Niger sont immenses et l’État ne parvient<br />

pas à asseoir son autorité dans les territoires<br />

du nord faiblement peuplés. La région est également<br />

une plaque tournante du commerce de la drogue et<br />

du trafic d’êtres humains. La population est dès lors<br />

régulièrement contrainte à fuir.<br />

(4) La région compte très peu de routes et de nombreux<br />

pays du Sahel n’ont aucun accès à la mer, ce<br />

qui ne facilite pas le commerce.<br />

Facteurs aggravants (sur le plan<br />

national et international) :<br />

(1) Pendant les années '30, la France, qui colonisait la<br />

région, a lancé la culture à grande échelle de produits<br />

destinés à l’exportation comme le coton et l’arachide,<br />

activité qui a épuisé les sols. Cette production<br />

s'est poursuivie après l’indépendance. L’exportation<br />

de produits issus de l’agriculture garantit en effet au<br />

pays un revenu indispensable mais la culture des produits<br />

d’exportation monopolise des terres fertiles.<br />

(2) Pendant la période coloniale, les frontières de<br />

certains pays ont été délimitées artificiellement.<br />

Souvent, ces nouvelles frontières traversaient les<br />

routes utilisées des nomades et leur bétail. De nombreux<br />

nomades se sont dès lors vus contraints de<br />

faire paître leurs bêtes dans des zones moins vastes,<br />

provoquant du surpâturage.<br />

(3) La plupart des pays du Sahel sont des États fragiles<br />

à faibles revenus qui ne sont pas en mesure de<br />

garantir à la population la sécurité alimentaire, des<br />

soins de santé de qualité ou un système d’enseignement<br />

efficace pour tous. Au Niger, deux tiers du<br />

budget de l’état sont des fonds alloués par l’aide<br />

au développement, ce qui n’encourage pas les<br />

autorités à redoubler d’efforts. Trop souvent, l’élite<br />

et ses partisans veulent avant tout s’assurer une vie<br />

confortable.<br />

(4) Après la famine qui a fait rage pendant les années '80,<br />

le Fonds monétaire international a imposé des<br />

adaptations structurelles en échange de prêts bon<br />

marché. L’accent y était mis sur le libre-échange et<br />

la diminution du rôle de l’État, ce qui a entraîné la<br />

privatisation d’un grand nombre de services comme<br />

la médecine vétérinaire. Dans un Sahel faiblement<br />

peuplé qui compte peu de voies de communication,<br />

il n’est pas rentable pour une société privée de<br />

s’occuper du bétail. De plus, des aliments meilleur<br />

marché fournis par les pays riches ont été introduits<br />

dans la région et il était dès lors plus difficile pour les<br />

habitants de produire leurs propres denrées. Suite à<br />

l’ouverture des frontières, les prix des denrées nationales<br />

ont notamment été déterminés par les marchés<br />

internationaux. Les fluctuations de prix au niveau<br />

international ont un impact négatif sur les petits fermiers,<br />

et les personnes vulnérables ont de grandes<br />

difficultés à se procurer de la nourriture.<br />

(5) Le fonctionnement du marché national pose<br />

lui aussi problème. Entre deux récoltes, les prix des<br />

produits alimentaires augmentent et certains commerçants<br />

profitent de ce phénomène pour faire<br />

des bénéfices supplémentaires. Les personnes les<br />

plus vulnérables sont à nouveau les plus touchées.<br />

Les riches spéculent également sur les terres qu’ils<br />

rachètent aux pauvres dans le besoin.<br />

(6) L’aide d’urgence et la coopération au développement<br />

ont encore bien des leçons à tirer. Une<br />

aide bien intentionnée peut provoquer des conflits.<br />

Exemple : de la nourriture est acheminée dans un<br />

village considéré dans le besoin tandis que dans le<br />

village voisin, un peu moins affecté par la famine, les<br />

fermiers ne reçoivent rien. L’aide alimentaire octroyée<br />

peut également faire diminuer les prix. À première vue,<br />

cette conséquence peut paraître avantageuse pour les<br />

personnes vulnérables qui doivent acheter de la nourriture.<br />

Elle est toutefois négative pour de nombreux fermiers<br />

qui voient leurs revenus diminuer et ne peuvent<br />

dès lors plus faire appel aux services des personnes<br />

vulnérables. L’aide a longtemps été limitée aux situations<br />

extrêmes. À l’exception de quelques projets de<br />

moindre envergure, la situation reste inchangée. Les<br />

pays du Sahel connaissent toutefois une crise ininterrompue<br />

et méritent dès lors une attention soutenue.<br />

SOLUTIONS<br />

Cet état des lieux n’est que partiel mais suffit à illustrer<br />

que les pays du Sahel sont confrontés à une multitude<br />

de facteurs ayant une influence négative. La situation<br />

est-elle sans issue ? Pas nécessairement. Il existe des<br />

solutions, mais elles ne peuvent porter leurs fruits que<br />

dans le cadre d’une vision globale à long terme. La<br />

solution miracle n’existe pas et c’est par une combinaison<br />

de différentes solutions qu’il est possible de<br />

changer les choses.<br />

Sur le plan technique :<br />

(1) Techniques agricoles 'agro-écologiques'<br />

durables. L’agro-écologie consiste à utiliser le moins<br />

d'intrants possible (engrais, pesticides) et à ne rien gaspiller<br />

: tout est utilisé. Il s’agit d’une technique relativement<br />

bon marché et dès lors particulièrement adaptée<br />

aux fermiers pauvres. En se nourrissant de nutriments<br />

dans les couches plus profondes du sol, les arbres<br />

peuvent augmenter la production. Ils sont également<br />

plus résistants aux températures extrêmes et leur bois<br />

peut être utilisé comme bois de chauffage.<br />

(2) Gestion durable du sol. Le sol est la clé du problème<br />

: un sol bien géré permet de retenir plus d’eau<br />

mais également d’éviter qu’il ne s’érode et ne relâche<br />

trop de précieuses particules en cas de fortes pluies.<br />

Des murets peuvent aussi permettre d’éviter l’érosion.<br />

© European Union<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 17


Fiche thématique<br />

Crises<br />

au Sahel<br />

© European Union<br />

(3) Gestion durable de l’eau et irrigation.<br />

L’eau doit être collectée et des puits sont indispensables<br />

pour drainer l’eau afin d’irriguer les terres.<br />

(4) Le système des éleveurs nomades de bétail est<br />

parfaitement adapté aux territoires arides. Ils doivent<br />

toutefois pouvoir se déplacer librement et disposer de<br />

pâturages et de points d’eau.<br />

(5) Meilleures infrastructures, notamment de meilleures<br />

routes.<br />

(6) De meilleurs systèmes d’alerte sont en cours<br />

de développement afin de prévenir les crises et de<br />

mettre plus rapidement en place des programmes<br />

d’urgence.<br />

Sur le plan social :<br />

(1) Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui<br />

fournit de l'aide alimentaire, essaie aussi d’acheter<br />

de la nourriture auprès de petits fermiers locaux, ce<br />

qui influence moins les prix et permet aux fermiers<br />

d'avoir des revenus supplémentaires.<br />

(2) L’aide d’urgence (court terme) et la coopération<br />

au développement (long terme) doivent<br />

être coordonnés sur la base d’une vision à long<br />

terme, surtout pour des régions comme celle du<br />

Sahel. Cette région est confrontée à des crises permanentes<br />

et continuera à ne pas être épargnée par<br />

les sécheresses. Malgré ces problèmes, la communauté<br />

internationale ne prend dans l’ensemble pas<br />

assez d’initiatives.<br />

(3) Il sera impossible de trouver une solution durable<br />

sans aider les plus vulnérables. Ils sont en effet<br />

les plus menacés par la famine et fuient dans les<br />

villes. Pour y remédier, les institutions humanitaires<br />

testent des solutions. Ainsi, un projet-pilote consiste<br />

à donner un peu d’argent ou un travail rémunéré<br />

à des paysans menacés par la faim, afin d’acheter<br />

de la nourriture sur le marché local. Ce système<br />

semble bien fonctionner et est plus avantageux<br />

que les opérations d’aide à grande échelle. Grâce<br />

au 'warrantage', qui s’apparente à un système de<br />

gage, les fermiers vulnérables ne doivent pas immédiatement<br />

vendre leur récolte à faible prix. Une partie<br />

de leur récolte est entreposée dans un lieu de<br />

stockage contre rémunération, ce qui leur permet de<br />

régler des dépenses urgentes. Entre deux récoltes,<br />

lorsque les prix sont élevés, ils peuvent ensuite<br />

vendre les récoltes stockées à un prix raisonnable<br />

et rembourser l’argent avancé. Les femmes sont un<br />

groupe très vulnérable. Elles doivent bénéficier d’un<br />

plus grand soutien et être mieux informées (alimentation,<br />

planning familial…).<br />

(4) Une bonne gestion est une affaire interne<br />

mais les pays qui octroient de l’aide peuvent avoir<br />

de l’influence. Ils suivent de près l'affectation des<br />

fonds alloués et aident à développer les institutions<br />

d’État. Au Mali, la Belgique participe à la décentralisation<br />

du pays : plus proches de la population,<br />

les autorités locales ont un pouvoir de décision plus<br />

étendu et peuvent par exemple mettre en place une<br />

législation plus claire en matière de propriété foncière<br />

et d’exploitation des terres. Ceci permet également<br />

aux éleveurs de savoir sur quelles terres ils<br />

peuvent faire paître leur bétail, et aux fermiers de<br />

prendre conscience qu’il vaut la peine de s’investir.<br />

La société civile (dont les organisations de fermiers)<br />

doit être soutenue.<br />

(5) Cohérence de la politique internationale. La<br />

coopération au développement n’apporte que peu<br />

de changements si les populations pauvres restent<br />

les victimes de la politique économique internationale<br />

: marchés ouverts, fluctuations des prix, spéculation…<br />

La communauté internationale doit également<br />

aider les États à protéger l’environnement et à lutter<br />

contre le changement climatique.<br />

La région du Sahel est un véritable laboratoire en<br />

matière de vulnérabilité et y obtenir des résultats<br />

concluants serait un énorme pas en avant pour le<br />

monde entier.<br />

Chris Simoens<br />

Avec l'argent de leur travail, les plus vulnérables peuvent acheter de la nourriture.<br />

Ici, en construction, une retenue pour l'irrigation des champs.<br />

© European Union<br />

Sources principales : The Sahel Working Group : “Beyond any drought”(2005)<br />

et “Escaping the Hunger Cycle – Pathways to Resilience in the Sahel” (2011).<br />

online<br />

www.grap3a.be<br />

www.cilss.bf<br />

www.lasdel.net<br />

18 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


sur les pas de…<br />

Travail de pionnier<br />

à Yamoussoukro<br />

© Broeders van Liefde<br />

Dominique se trouve devant moi.<br />

“Tu te souviens de moi ?”, me<br />

demande-t-il. Étant donné que<br />

je ne viens à Yamoussoukro<br />

que de temps en temps, je ne le reconnais<br />

pas tout de suite. “La dernière fois que tu es<br />

venu, tu m’as trouvé dans la rue avec Frère<br />

Félicien et vous m’avez emmené à l’hôpital.<br />

Cela n’a pas été facile de me faire monter<br />

dans la voiture. Les infirmiers m’ont donné<br />

un bain, rasé et vêtu de vêtements propres.<br />

Et me voilà maintenant prêt à retourner<br />

dans ma famille.”<br />

Je n’arrive pas à le croire ! Je me souviens<br />

maintenant de cet homme qui se trouvait<br />

dans le fossé, près du Parlement. Vêtu de<br />

haillons, il avait l’air hagard et était en pleine<br />

conversation avec un interlocuteur imaginaire.<br />

Lorsque nous nous sommes approchés<br />

de lui, il a essayé de s’enfuir, peut-être<br />

par peur d’être à nouveau attaqué ou chassé<br />

avec des pierres. Nous sommes finalement<br />

parvenus à le faire monter dans la voiture<br />

et l’avons emmené dans notre centre qui a<br />

ouvert ses portes il y a 10 ans. Un personnel<br />

compétent l’a accueilli avec amour.<br />

Compétence et amour sont les motsclés<br />

de notre approche. Sa réhabilitation<br />

est maintenant suffisante pour retourner<br />

dans la société, dans sa famille. Une<br />

belle réussite !<br />

L’hôpital psychiatrique St. Vincent de Paul<br />

a été inauguré en 2002 à Yamoussoukro,<br />

la capitale de la Côte d’Ivoire. Quelques<br />

années auparavant, on<br />

nous avait demandé<br />

de faire quelque<br />

chose en faveur<br />

des nombreuses<br />

personnes souffrant<br />

de troubles<br />

psychiatriques<br />

Les soins de<br />

santé mentale<br />

consistent aussi<br />

à respecter les<br />

malades mentaux<br />

dans leur dignité.<br />

qui erraient dans la ville, totalement délaissées.<br />

On les y avait emmenées de la campagne<br />

et abandonnées. À l’époque, il n’y<br />

avait qu’un centre pour les troubles psychiatriques<br />

aigus à Abidjan et St. Camille<br />

à Bouaké, qui accueille une centaine de<br />

patients souffrant de maladies chroniques.<br />

Pour le reste, il n’y avait rien en Côte<br />

d’Ivoire et on rencontrait dans les rues –<br />

comme dans beaucoup de pays africains<br />

et asiatiques – des personnes atteintes de<br />

troubles mentaux devenus chroniques,<br />

nues, sales et ayant perdu toute dignité.<br />

Considérées comme folles, elles étaient<br />

enchaînées et chassées de la communauté<br />

où elles vivaient. Un Africain sans famille ni<br />

contexte social est perdu.<br />

Nous avons également décidé de mettre en<br />

place à Yamoussoukro notre modèle pour<br />

l’Afrique, à commencer par un petit hôpital<br />

psychiatrique où nous essayons, par<br />

des méthodes appropriées, de réhabiliter<br />

Qui ?<br />

Frère René Stockman, président de Caraes Belgique,<br />

supérieur général des Frères de la Charité.<br />

Quoi ?<br />

Aide aux centres de santé mentale dans le Sud.<br />

Pourquoi ?<br />

Les malades mentaux sont souvent rejetés<br />

de leur famille et de la société.<br />

L’accueil est encore insuffisant dans le Sud.<br />

surtout les patients atteints de troubles<br />

psychiatriques devenus chroniques. Petit<br />

à petit, quand nous avons acquis suffisamment<br />

d’expérience sur place et formé<br />

nos collaborateurs locaux, nous pouvons<br />

démarrer l’accueil et le traitement de<br />

patients souffrant de pathologies plus<br />

aiguës. Il arrive parfois que cela se passe<br />

plus rapidement que prévu, comme il en<br />

est le cas aujourd’hui à Yamoussoukro vu<br />

l’énorme besoin et étant donné que la<br />

nouvelle se répand vite, grâce au bouche<br />

à oreille, qu’il existe un accueil des<br />

malades mentaux.<br />

J’ai été surpris lors de l’ouverture en 2002.<br />

“Merci, chers frères, de venir nettoyer notre<br />

ville.” Tels ont été les propos de l’évêque<br />

local et du Ministre de la Santé publique.<br />

“Oui, nous allons accueillir ces personnes<br />

mais nous les ramènerons en ville, guéries,<br />

nous l’espérons. Vous aussi, vous devez faire<br />

un effort afin de continuer à considérer ces<br />

malades mentaux comme des personnes<br />

à part entière”, leur ai-je répondu. Bien<br />

sûr, je comprenais combien il était difficile<br />

de déceler encore un être humain chez<br />

certains d’entre eux. Les soins de santé<br />

mentale consistent aussi à respecter les<br />

malades mentaux dans leur dignité et à<br />

les promouvoir comme tels. Nous pouvons<br />

ainsi susciter un changement de mentalité<br />

auprès de la population. À Yamoussoukro,<br />

nous y sommes arrivés après 10 ans. On<br />

ne voit plus de malades mentaux errant en<br />

ville et beaucoup de nos patients sont déjà<br />

retournés chez eux, comme Dominique.<br />

© Broeders van Liefde<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 19


LA CRISE<br />

MALIENNE<br />

Au Mali, la crise alimentaire a été aggravée par une forte croissance<br />

démographique et par l’éclatement en <strong>2012</strong> d’une guerre civile dans<br />

le Nord du pays. Instabilité politique, intervention militaire étrangère<br />

annoncée et charia proclamée au Nord forment un cocktail très explosif<br />

pour les populations les plus vulnérables.<br />

© AFP<br />

Rebelles de l'Aqmi au Nord du Mali.<br />

Jihadisme, brigandage et…<br />

charia dans le Nord<br />

Plus aucun programme de développement<br />

n’est évidemment envisageable dans<br />

le nord du pays. Le MNLA à la base de la<br />

rébellion sécessionniste s’est retrouvé marginalisé<br />

dès avril dernier par une nébuleuse<br />

formée d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb<br />

islamique), Ansar Dine, et Mujao (Mouvement<br />

pour l’unité et le jihad en Afrique<br />

de l’Ouest), qui compte dans ses rangs<br />

combattants islamistes, rebelles touaregs<br />

recyclés en jihadistes, et autres bandits de<br />

grand chemin. La région est de longue date<br />

une plaque tournante très lucrative pour les<br />

trafics d’armes et de drogue…<br />

Avant l’été, près de 400.000 personnes des<br />

régions de Tombouctou, Gao et Kidal ont été<br />

contraintes de laisser derrière elles leurs<br />

maisons et leurs biens : 120.000 sont déplacées<br />

dans le sud du pays et 280.000 sont<br />

réfugiées dans les pays voisins (Mauritanie,<br />

Burkina-Faso, Niger). Mais depuis, sur un<br />

plan humanitaire, le CICR et les rares ONG<br />

ayant encore un accès limité dans la région<br />

le constatent : la catastrophe pressentie n’a<br />

pas eu lieu. Médecins du Monde, dont le<br />

programme est financé par la Belgique, est<br />

l’une de ces rares organisations internationales<br />

à toujours assurer dans des conditions<br />

très compliquées leur mission médicale<br />

d’urgence. Aucun personnel occidental ne<br />

peut évidemment y être déployé.<br />

20 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


SAHEL<br />

Sur le plan des libertés, la régression a<br />

bien sûr été brutale. Au nom de la charia,<br />

de nombreuses amputations de membres<br />

ont été attestées, un couple “illégitime” a<br />

bien été lapidé à mort à Aguelhok, des<br />

flagellations publiques au fouet sont très<br />

courantes dans la plupart des localités.<br />

Écouter une certaine musique, sortir cheveux<br />

au vent pour une femme, avoir des<br />

relations sexuelles hors mariage, sont<br />

passibles de tels châtiments. Les racines<br />

culturelles sont elles aussi annihilées avec<br />

la destruction systématique des mausolées<br />

maraboutiques.<br />

Mais dans le quotidien des gens, un semblant<br />

de normalité prévaudrait étonnamment<br />

dans la région. Les bus descendant<br />

au sud du pays ne sont pas plus bondés de<br />

voyageurs que ceux rejoignant Tombouctou<br />

au départ de Bamako. Les frontières<br />

avec les pays voisins restent ouvertes et<br />

les principales villes sont bien approvisionnées<br />

en vivres et carburants. Transitant<br />

surtout via l’Algérie, les prix de nombreuses<br />

marchandises au nord sont même<br />

bien inférieurs à ceux en vigueur ailleurs<br />

au Mali. Plus inquiétant est par contre l’enrôlement<br />

de nombreux jeunes, souvent<br />

sans boulot ou mal rémunérés, par les<br />

groupuscules armés. Alors qu’un salaire<br />

tourne en moyenne autour des 50.000<br />

FCFA (65 euros), les nouveaux maîtres<br />

vous proposent 200.000 FCFA par mois<br />

pour tenir une kalachnikov. Nombreux<br />

seraient ceux qui se laissent séduire,<br />

même dans les camps de réfugiés du Burkina<br />

et du Niger, dans lesquels le UNHCR<br />

craint les nombreuses infiltrations, avec<br />

tous les risques de contagion sur le plan<br />

régional que cela pourrait comporter.<br />

Une intervention militaire annoncée<br />

Les Maliens souhaitent dans leur grande<br />

majorité qu’une solution soit trouvée dans<br />

le Nord. Par la voie négociée, cela parait<br />

peu probable. La décision du Conseil de<br />

sécurité des Nations Unies ne laisse planer<br />

aucun doute sur une intervention militaire<br />

qui pourrait déjà avoir débuté lors de<br />

la parution de ce numéro de <strong>Dimension</strong> 3.<br />

Inéluctable serait donc la reconquête de cet<br />

immense territoire en grande partie désertique<br />

sous les auspices d’une force militaire<br />

de la CDAO, composée de contingents de<br />

différents pays de la région.<br />

Beaucoup craignent que les civils ne soient<br />

épargnés et que des dizaines de milliers<br />

de réfugiés supplémentaires n’affluent<br />

aux frontières de la Mauritanie, du Niger et<br />

du Burkina Faso. Il est difficile de se lancer<br />

dans des projections mais on peut néanmoins<br />

présumer que les conséquences<br />

sur le plan humanitaire seront d’envergure<br />

sur le plan régional.<br />

© DGD / Joël Tabury<br />

Déplacés et réfugiés fragilisent<br />

les populations hôtes<br />

Ce chef de famille peule a perdu, durant sa<br />

fuite, les deux-tiers de son troupeau de bétail.<br />

Des dizaines de milliers de familles ont fuit<br />

les premiers combats dans le Nord pour<br />

trouver refuge ailleurs au Mali. Plus de<br />

20.000 personnes se sont installées depuis<br />

de long mois dans la région de Segu qui<br />

compte 200.000 habitants. Certaines ont<br />

tout laissé derrière eux, d’autres se sont lancés<br />

dans une marche forcée avec leur bétail.<br />

Le chef d’une famille peule nous raconte :<br />

“Nous avons fui notre village non loin de<br />

Tombouctou début de l’année. Les pillages<br />

se multipliaient. Avec les autres hommes<br />

de la famille, nous avons décidé d’emmener<br />

notre troupeau en sécurité. Nous avons<br />

traversé le pays durant deux mois et demi<br />

pour rejoindre notre cousin vivant à Segu.<br />

Les femmes et les enfants ont fait le chemin<br />

en bus et en bateau sur le fleuve Niger. Nous<br />

avons tous survécu mais notre troupeau est<br />

décimé. Une trentaine de bêtes, soit un tiers<br />

du cheptel, a pu être sauvée.” Fermement<br />

décidée à ne pas rentrer chez elle tant que<br />

la paix n’est pas totalement assurée, cette<br />

famille comme un bon millier d’autres, pèse<br />

sur une population hôte déjà très fragilisée.<br />

Les tensions entre éleveurs et agriculteurs<br />

sont déjà fortes habituellement, avec des<br />

espaces de pâturage limités. Il en est de<br />

même pour les ressources alimentaires,<br />

avec la crise de <strong>2012</strong>. Les services sociaux<br />

locaux offrent des bons d’achat de vivres<br />

à ses nouveaux arrivants grâce au support<br />

du PAM. Vétérinaires Sans Frontières,<br />

financé par la Belgique, concourt de son<br />

côté à la vaccination et la reconstitution du<br />

bétail. Mais cette pression exercée sur les<br />

populations hôtes déjà très vulnérables, et<br />

moins soutenues que les déplacés, semble<br />

délicate à gérer dans la durée.<br />

JOEL TABURY<br />

La crise<br />

politique<br />

et la<br />

rébellion<br />

au Nord<br />

du Mali<br />

En janvier <strong>2012</strong>, une rébellion armée a attaqué les<br />

positions gouvernementales dans le Nord du Mali.<br />

Cette crise a été déclenchée par la rébellion touarègue,<br />

dont les revendications autonomistes de<br />

longue date ont été renforcées par le retour massif<br />

de combattants depuis la Libye suite à la chute du<br />

régime de Kadhafi, et à la création du Mouvement<br />

National pour la Libération de l’Azawad (MNLA).<br />

Une faible gouvernance, une corruption latente, un<br />

mauvais fonctionnement de l’Etat de Droit, et un<br />

manque de leadership politique, ont provoqué une<br />

crise politique au Sud et un coup d’état le 22 mars<br />

<strong>2012</strong> à Bamako.<br />

Face à un nouveau gouvernement illégitime, les<br />

bailleurs de fonds ont suspendu l’ensemble des<br />

programmes de développement, y compris l’aide<br />

budgétaire (soit environ 40 % du budget national).<br />

Seuls les programmes d’aide humanitaire au<br />

bénéfice direct des populations ont été maintenus<br />

jusqu’au mois d’août dernier. L’espoir politique<br />

renaissait avec le retour du Président par intérim, et<br />

l’installation d’un Gouvernement d’union nationale<br />

qui a pour objectifs le rétablissement de la souveraineté<br />

sur l’ensemble du territoire et l’organisation<br />

d’élections démocratiques.<br />

Si la coopération au développement a pu reprendre<br />

de façon “normale” dans le sud du pays avec des<br />

autorités locales très affaiblies, il n’en est évidemment<br />

pas de même dans la partie nord, représentant<br />

les deux tiers du territoire malien.<br />

Fl. Duvieusart<br />

Réponse<br />

de la<br />

Belgique :<br />

Le programme de la Coopération belge au Mali se<br />

focalise sur l’agriculture et la sécurité alimentaire<br />

afin d’augmenter la résilience des populations.<br />

Des programmes d’élevage à Nara, Ménaka et<br />

Sikasso, et d’agriculture à Samanko et Tombouctou<br />

ont été mis en place. En raison de l’insécurité,<br />

les programmes dans le Nord ont été suspendus<br />

tandis que ceux du Sud, en appui direct à la population,<br />

se poursuivent.<br />

Le Fonds Belge pour la Sécurité Alimentaire (FBSA)<br />

vise quant à lui à favoriser l’accès des groupes les<br />

plus vulnérables aux facteurs de production, technologies<br />

et marchés.<br />

La Belgique, à travers ses programmes humanitaires,<br />

participe également à la lutte contre l’insécurité<br />

des groupes de populations les plus vulnérables<br />

comme les déplacés et les réfugiés. Ces<br />

aides sont principalement acheminées par le biais<br />

d’organisations internationales (Nations Unies,<br />

Croix-Rouge) ou non gouvernementales.<br />

F D<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 21


Le Fair Trade a la<br />

Du 3 au 13 octobre, c’était la semaine du commerce équitable. Acheter équitable,<br />

autrement dit consommer responsable, c’est un geste devenu commun.<br />

Des rayons des grands supermarchés au petit magasin Oxfam, en passant par<br />

le discount, les produits équitables ont la cote !<br />

Cela fait plus de 20 ans<br />

que Delhaize est partenaire<br />

du label Max<br />

Havelaar. Aujourd’hui<br />

plus de 130 produits ‘fair<br />

trade’ sont proposés dans ses rayons.<br />

Nous avons interrogé M. Lammens,<br />

Directeur Qualité et expert Fair Trade<br />

pour Delhaize, afin de prendre la température<br />

de la consommation équitable,<br />

côté grande surface.<br />

Avez-vous noté une évolution<br />

importante des ventes et de<br />

l’intérêt pour le ‘fair trade’ auprès<br />

de vos clients ?<br />

Delhaize a commencé il y a plus de 20<br />

ans avec quelques produits de base<br />

comme le café, le cacao et les bananes.<br />

À l’époque, nous étions pionniers dans<br />

le fair trade en supermarché. Depuis<br />

le choix n’a cessé d’évolué. L’an dernier,<br />

nous avons largement étoffé l’offre<br />

et même ajouté des textiles ‘bio’ et ‘fair<br />

trade’. Même en période de crise, où<br />

les clients font plus attention à ce qu’ils<br />

achètent, nous continuons à agrandir<br />

notre assortiment et les ventes aussi,<br />

puisque nous avons augmenté nos<br />

ventes en ‘fair trade’ de 17 % en <strong>2012</strong>.<br />

Les années avant, on avait déjà des<br />

progressions de 10 %. Rien que pour<br />

le café, on a une croissance de 150 %<br />

grâce, sans doute, à la multiplication des<br />

On remarque qu’il y a<br />

beaucoup de jeunes qui,<br />

lorsqu’ils deviennent<br />

parents “switchent” vers le<br />

‘fair trade’ : peut-être qu’en<br />

devenant responsable<br />

d’un autre que soi, on se<br />

responsabilise par rapport<br />

au monde ?<br />

choix de cafés et des nouveaux emballages<br />

avec un look clair et commun à<br />

tout l’assortiment.<br />

Est-ce devenu “tendance” ?<br />

C’est plus qu’une tendance : il existe un<br />

public fidèle et nous recrutons de nouveaux<br />

consommateurs… On remarque<br />

qu’il y a beaucoup de jeunes qui,<br />

lorsqu’ils deviennent parents “switchent”<br />

vers le ‘fair trade’ : peut-être qu’en devenant<br />

responsable d’un autre que soi, on<br />

se responsabilise par rapport au monde ?<br />

En tout cas, ils sont les premiers à aller<br />

vers le fair trade et le bio. Pour les autres,<br />

en général, ce sont des consommateurs<br />

qui apprécient les produits au delà des<br />

prix. Au départ, il s’agissait d’une niche<br />

particulière mais en 20 ans, le ‘fair trade’<br />

a prouvé sa qualité. Aujourd’hui, l’ensemble<br />

des consommateurs achètent un<br />

peu de ‘fair trade’.<br />

Ce sont de bons produits ?<br />

Oui. Les produits ‘fair trade’ sont de bonne<br />

qualité, à un juste prix. Ils sont souvent bio<br />

aussi. Les deux “labels” se complètent, et<br />

le prix est raisonnable.<br />

Qu’est-ce qui pousse Delhaize<br />

à vendre équitable : le profit,<br />

l’éthique, l’image de marque ?<br />

Cela fait partie de notre responsabilité<br />

sociétale : Delhaize veut être un distributeur<br />

durable. Nous nous sommes<br />

toujours préoccupés d’avoir des produits<br />

durables pour le consommateur,<br />

le producteur et la planète. Au-delà<br />

du label ‘Fair Trade’, nous tentons<br />

aussi de soutenir les producteurs<br />

locaux. Nous essayons de rendre<br />

nos produits plus sains et durables.<br />

Ainsi, 70 % des fruits et légumes sont<br />

belges ; tous les œufs et le lait sont produits<br />

à l’intérieur de nos frontières. Nous<br />

essayons aussi de stimuler le besoin<br />

du consommateur vers des produits<br />

durables.<br />

EP<br />

Fair Trade<br />

Center<br />

Le Trade for Development Centre est un<br />

programme de la CTB qui a pour objectif<br />

la promotion du commerce équitable<br />

et du commerce durable avec les pays<br />

en développement, ainsi que de l’aide au<br />

commerce.<br />

C’est le centre d’expertise sur les thématiques<br />

de commerce équitable, de commerce<br />

durable et d’aide au commerce.<br />

C’est un outil d’appui aux organisations de<br />

producteurs. Il soutient des producteurs<br />

marginalisés, des micros et petites entreprises,<br />

ainsi que les projets d’économie<br />

sociale inscrits dans des dynamiques de<br />

commerce équitable et durable.<br />

Le centre met en place des campagnes et<br />

des outils de sensibilisation à destination<br />

des consommateurs, des acteurs économiques<br />

et des pouvoirs publics belges.<br />

Du 3 au 13 octobre <strong>2012</strong>,<br />

avec la Semaine du Commerce équitable<br />

de <strong>2012</strong>, le Fair Trade Center a placé le<br />

commerce équitable, de manière festive,<br />

sous les feux de la rampe.<br />

Site internet : www.befair.be<br />

22 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


FAIR TRADE<br />

cote !<br />

© Lidl<br />

Depuis 2007, Lidl <strong>Belgium</strong><br />

vend des produits<br />

issus du commerce<br />

équitable. Fidèle à son<br />

slogan “En route vers<br />

demain”, l’entreprise place la durabilité<br />

au coeur de ses préoccupations.<br />

Nous avons demandé un petit<br />

mot d’explication à Ruth Broekaert,<br />

chargée de la ‘responsabilité sociale’<br />

de Lidl.<br />

Quels sont les produits issus du<br />

commerce équitable que vend Lidl ?<br />

Lidl <strong>Belgium</strong> vend 12 articles Max Havelaar<br />

labellisés ‘Fairtrade’ : sucre de<br />

canne, café, chocolat, riz, bananes biologiques…<br />

Par ailleurs, notre assortiment<br />

de produits à base de café et de chocolat<br />

de nos propres marques compte désormais<br />

plus de 30 articles certifiés UTZ :<br />

dosettes de café, grains de café, barres<br />

de chocolat, vermicelles de chocolat,<br />

gaufres au chocolat… Mais plusieurs<br />

produits d’action et de saison le sont également.<br />

Depuis octobre <strong>2012</strong>, nous vendons<br />

aussi des barres de chocolat labellisées<br />

Rainforest Alliance. UTZ Certified<br />

et Rainforest Alliance sont deux labels<br />

reconnus au niveau international qui s’investissent<br />

pour défendre les conditions<br />

de vie et de travail des cultivateurs dans<br />

les pays en développement mais aussi<br />

l’environnement.<br />

Une étude du Trade For Development<br />

Center menée auprès des supermarchés<br />

en 2011 a placé Lidl <strong>Belgium</strong> à la deuxième<br />

place pour ce qui est de la durabilité de<br />

ses produits de café. Dans le segment des<br />

barres de chocolat, nous sommes même<br />

leader sur le marché belge. Depuis, notre<br />

assortiment de produits durables n’a fait<br />

que s’étendre.<br />

Pourquoi proposez-vous des produits<br />

issus du commerce équitable ?<br />

Pour garantir notre rentabilité à long terme,<br />

nous devons trouver un accord entre nos<br />

principes d’‘orientation client‘ et de ‘simplicité’,<br />

ainsi qu’une manière socialement<br />

responsable de mener nos activités.<br />

L’un des cinq piliers de notre politique<br />

de durabilité, c’est l’assortiment. Dans ce<br />

domaine, nous ciblons principalement<br />

le bien-être des animaux, l’environnement,<br />

ainsi qu’un commerce équitable et<br />

durable. Nous sommes heureux d’offrir<br />

à nos clients la possibilité d’acheter de<br />

tels produits et espérons les sensibiliser<br />

davantage encore aux articles produits de<br />

manière durable dans les pays en développement.<br />

Nous voulons le meilleur pour<br />

nos clients et pour le monde dans lequel<br />

nous vivons.<br />

Quelle évolution envisagez-vous<br />

pour votre politique de commerce<br />

équitable ?<br />

Lidl <strong>Belgium</strong> est "en route vers demain"<br />

et continuera de s’investir en faveur d’un<br />

commerce équitable et durable. Nous suivons<br />

une tendance spécifique consistant à<br />

intégrer de plus en plus la durabilité dans<br />

l’ensemble de notre assortiment de base.<br />

Un distributeur peut assumer sa responsabilité<br />

sociale en proposant une gamme distincte<br />

de produits équitables mais aussi en<br />

“durabilisant” son assortiment de base. Un<br />

exemple ? Les barres de chocolat de notre<br />

marque Fin Carré sont fabriquées à base<br />

de cacao UTZ Certified. Nous ne faisons<br />

pas peser la responsabilité uniquement<br />

sur les épaules du consommateur – par<br />

le biais de sa décision d’achat – mais<br />

assumons également les nôtres en cherchant<br />

activement où nous pouvons faire la<br />

différence. Lidl <strong>Belgium</strong> montre ainsi que<br />

durable n’est pas nécessairement synonyme<br />

d’onéreux, ce qui est tout bénéfice<br />

pour les producteurs des pays en développement<br />

et l’environnement.<br />

Quel type de consommateurs achète<br />

des produits du commerce équitable ?<br />

Nous ne proposons pas uniquement des<br />

produits équitables dans des gammes de<br />

prix plus élevées, mais aussi des produits<br />

de base durables et bon marché. Nous<br />

nous adressons dès lors à un large éventail<br />

de profils de clients. Chez Lidl, discount et<br />

durabilité vont de pair. Nous croyons en<br />

des produits durables pour tous.<br />

Êtes-vous satisfaits de la qualité de<br />

vos produits durables ?<br />

Lidl <strong>Belgium</strong> opte pour la durabilité dans<br />

la mesure du possible. Ce choix ne se<br />

fait toutefois jamais au détriment de notre<br />

principe de la meilleure qualité aux prix<br />

les plus bas. Nous ne proposerons jamais<br />

de produits certifiés si nous ne sommes<br />

pas satisfaits de leur qualité.<br />

Cs<br />

Bénévole chez Oxfam<br />

Francis a 67 ans, il est bénévole dans les magasins Oxfam<br />

depuis environ dix ans…<br />

“Ce qui m’a poussé à devenir bénévole pour Oxfam ? Le projet de commerce équitable. L’idée qu’on pouvait faire du<br />

commerce tout en payant correctement les producteurs me plaisait. Quand je me suis retrouvé à la retraite, j’avais<br />

envie de rester actif et de donner mon temps à quelque chose d’utile. D’ailleurs la plupart des bénévoles qui gravitent<br />

ici ne travaillent pas : ce sont des femmes ou des retraités. Nous sommes constitués en équipe locale où chaque<br />

bénévole propose la tranche horaire qui lui convient. En ce qui me concerne, je consacre environ un jour et demi par<br />

semaine, entre la vente en magasin et la gestion comptable.”<br />

Un client entre, Francis plaisante avec lui en l’appelant par son prénom.“Vous voyez, c’est cela qui est très agréable :<br />

le contact avec les clients. Comme cela fait quelques années que je travaille ici, je connais pas mal d’habitués du<br />

quartier. Il y a aussi des sociétés privées ou des asbl du quartier qui viennent se fournir ici. La convivialité est présente<br />

également au sein du groupe de bénévoles.”, confie-t-il avec un large sourire.<br />

“Je n’ai pas voyagé et n’entretiens pas de liens spéciaux avec les pays d’Afrique ou d’Amérique latine d’où proviennent<br />

les produits Oxfam, et le boulot que je faisais avant n’avait rien à voir avec l’international. Je n’ai pas l’intention de<br />

me rendre à l’autre bout de la terre mais je participe aux journées à thème d’Oxfam et je rencontre les producteurs<br />

à l’occasion de la journée des partenaires qu’Oxfam organise chaque année. Ce qui m’a vraiment attiré ici, c’est le<br />

concept du fair trade. Je m’y intéressant déjà avant, et dans ma vie quotidienne j’essaie d’adopter une attitude responsable.<br />

Je consomme autant que possible équitable ou bio à la maison.” Il est 18h, les derniers clients terminent<br />

leurs achats, il est bientôt l’heure pour Francis de fermer les portes du magasin…<br />

EP<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 23


Enfants,<br />

pas soldats<br />

© Amnesty International<br />

Tout autour du globe, en permanence, des milliers d’enfants<br />

– filles et garçons – sont envoyés en première ligne des<br />

combats. En dépit de nombreux textes internationaux, des<br />

enfants continuent d’être recrutés par des groupes armés<br />

et sont privés de leurs droits fondamentaux. Ils deviennent<br />

cuisinier, esclave sexuel, soldat… Alors que leurs bourreaux<br />

agissent très souvent en toute impunité, eux n’en sortiront<br />

souvent pas vivants.<br />

Les États du monde ont la responsabilité<br />

et le devoir de<br />

respecter les textes qu’ils ont<br />

signés, notamment la Convention<br />

internationale des droits de l’enfant.<br />

Mais si certains font des efforts dans la<br />

lutte contre l’utilisation d’enfants-soldats,<br />

d’autres continuent de se soustraire à<br />

leurs engagements. Quand un conflit<br />

éclate dans un pays, toutes les parties<br />

prennent part au trafic : tant les groupes<br />

rebelles que le gouvernement et l’armée<br />

officielle, soit en recrutant directement,<br />

soit en soutenant des groupes paramilitaires<br />

qui recrutent des enfants. Lorsque<br />

les conflits s’apaisent, les promesses de<br />

démobilisation des enfants ne sont généralement<br />

pas respectées car les groupes<br />

armés finissent par rejoindre l’armée officielle<br />

avec leurs enfants et très peu, voire<br />

aucun ne seront démobilisés.<br />

Il est impossible de donner une estimation<br />

précise du nombre d’enfants-soldats dans<br />

le monde, mais l’on dispose d’informations<br />

concernant les pays les plus touchés et<br />

l’ampleur du phénomène dans ces états.<br />

En Amérique du Sud, la situation reste<br />

extrêmement préoccupante en Colombie,<br />

où l’ONU estimait en 2009 qu’entre 8.000 et<br />

11.000 enfants étaient concernés. En Haïti,<br />

dès 10 ans, des enfants seraient utilisés par<br />

des éléments armés pour faire passer de<br />

la drogue, transporter des armes, etc. Au<br />

Moyen-Orient, où de nouveaux conflits ont<br />

vu le jour, le nombre d’enfants recrutés par<br />

les forces armées régulières et les groupes<br />

rebelles explose. Suite aux révolutions<br />

arabes, des témoins et organisations rapportent<br />

avoir vu des enfants participant<br />

aux affrontements armés dans des pays<br />

comme la Syrie. Très touchée, l’Afrique<br />

compterait un tiers du nombre total<br />

Amnesty<br />

fait campagne<br />

pour les<br />

enfants-soldats<br />

L’existence d’enfants-soldats est avant<br />

tout une problématique de droits fondamentaux.<br />

C’est pourquoi Amnesty<br />

International Belgique francophone y<br />

consacre cette année sa Campagne<br />

Bougies qui se tient du 12 novembre au<br />

10 décembre.<br />

24 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


droits de l’enfant<br />

Un moment de détente dans un centre de réinsertion sociale du BVES.<br />

© Amnesty International<br />

Un garçon tenta de<br />

s’échapper, mais on l’a<br />

rattrapé. On lui a attaché<br />

les mains, et puis ils nous<br />

ont obligés à le tuer en le<br />

frappant avec un bâton. J’en<br />

étais malade. Je connaissais<br />

ce garçon. Nous étions du<br />

même village. J’ai refusé<br />

de le tuer, alors ils m’ont<br />

dit qu’ils allaient m’abattre.<br />

Ils ont pointé un fusil sur<br />

moi, alors j’ai dû le faire.<br />

Susan, 16 ans, enlevée par le Lord<br />

Resistance Army en Ouganda.<br />

d’enfants-soldats dans le monde. La région<br />

des Grands Lacs est particulièrement<br />

affectée. En Asie, des cas d’enfants-soldats<br />

ont été rapportés au Pakistan, en Afghanistan<br />

et aux Philippines. Le Myanmar serait le<br />

pays qui utiliserait le plus d’enfants au sein<br />

de sa force armée gouvernementale. En<br />

Thaïlande, les Nations Unies ont reçu des<br />

informations faisant état de la<br />

participation d’enfants à des<br />

activités de groupes armés<br />

non-étatiques et de groupes<br />

de défense des villages.<br />

L’utilisation<br />

d’enfants-soldats<br />

présente beaucoup<br />

d’avantages<br />

“Les enfants-soldats sont<br />

idéaux parce qu’ils ne se<br />

plaignent pas, ils ne s’attendent<br />

pas à être payés et<br />

si vous leur dites de tuer, ils<br />

tuent.” C’est par ces mots<br />

qu’un officier tchadien résumait<br />

les avantages de l’utilisation<br />

d’enfants. En effet, les<br />

enfants coûtent moins cher<br />

que les soldats adultes : il<br />

ne faut pas les payer, ils<br />

consomment peu de nourriture,<br />

ils n’ont pas d’uniforme, etc. Ils<br />

sont également facilement manipulables<br />

: à force d’endoctrinement, on leur<br />

fait oublier la peur et la culpabilité. Les<br />

enfants ne représentent pas une menace<br />

pour ceux qui les commandent car ils<br />

sont fidèles et obéissants, il y a donc<br />

peu de risque qu’ils s’échappent ou se<br />

retournent contre leurs chefs. Des milliers<br />

d’enfants enlevés permettent d’augmenter<br />

rapidement et considérablement<br />

On nous faisait boire du lait<br />

mélangé à de la poudre de<br />

fusil afin de mieux contrôler<br />

nos peurs. Cela nous<br />

donnait plus d’énergie et<br />

nous donnait plus l’envie<br />

de tuer les troupes qui<br />

passaient devant nous. (…)<br />

Vous vous dites : “j’espère<br />

qu’ils vont venir vers moi”,<br />

et puis, vous chargez et<br />

tirez une rafale et vous<br />

vous sentez plus fort avec<br />

un meilleur moral.<br />

Un ex-enfant soldat.<br />

les rangs des armées. Ils sont de la “chair<br />

à canon” facilement remplaçable. Enfin,<br />

les filles sont recrutées pour assouvir les<br />

besoins des soldats.<br />

Toutefois, si leur taille et leur agilité représentent<br />

des atouts physiques, les enfants<br />

sont moins forts que les adultes et ne sont<br />

ni autonomes ni prudents. Souvent uniquement<br />

formés à tirer et à entretenir leur<br />

arme, ils ne sont pas des professionnels de<br />

la guerre. Par ailleurs, recruter et utiliser<br />

des enfants est un crime, et les responsables<br />

risquent de se retrouver jugés par<br />

la Cour pénale internationale.<br />

Comment en sortir ?<br />

Les Programmes DDR (Démobilisation,<br />

Désarmement, Réintégration) mis en place<br />

un peu partout dans le monde permettent<br />

aux enfants de sortir des camps et, lorsque<br />

c’est possible, de retrouver leur famille.<br />

Mais, une fois sortis, la lutte continue. Les<br />

jeunes doivent à nouveau être acceptés<br />

par la société, par leurs proches, par<br />

leur communauté. Les traumatismes de<br />

la guerre doivent être pansés. Un enfant<br />

seul et soumis à la violence des adultes<br />

aura du mal à s’en sortir,<br />

c’est pourquoi il incombe<br />

à la société, au gouvernement,<br />

de les protéger et de<br />

s’assurer que de véritables<br />

programmes de réinsertion<br />

soient mis en place.<br />

Il existe des structures qui<br />

s’occupent de démobiliser<br />

et de resocialiser les enfantssoldats.<br />

Amnesty International<br />

Belgique francophone<br />

vient en aide depuis de nombreuses<br />

années au BVES<br />

(Bureau pour le Volontariat<br />

au service de l’Enfance et de<br />

la Santé). Située à Bukavu,<br />

en République démocratique<br />

du Congo, cette organisation<br />

a pour mission la<br />

protection et la défense des<br />

enfants dans le contexte de<br />

guerre que traverse le pays.<br />

Le BVES se charge, au terme d’un long<br />

processus, d’aller chercher les enfantssoldats<br />

dans les groupes armés et de les<br />

réinsérer socialement.<br />

© Amnesty International<br />

Gaëlle Appelmans<br />

Amnesty International Belgique francophone<br />

online<br />

BVES - http://www.bves-rdc.org<br />

Amnesty - http://www.amnesty.be<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 25


Dette-moi<br />

tout<br />

Depuis 35 ans, les pays en développement se débattent avec une dette nationale extrêmement<br />

lourde, compromettant la capacité des états à financer les services à la population.<br />

Allègements et rééchelonnements tentent de mettre fin à l’embourbement. Avec succès ?<br />

Des évaluations belge et hollandaise font le point sur l’endettement de plusieurs pays<br />

d’Afrique. À la lumière de la grave crise de la dette qui affecte à présent l’Europe du Sud,<br />

une question plus que jamais d’actualité.<br />

Évaluer le poids de la dette<br />

dans le développement<br />

“Lorsqu’en 2006 l’allègement de la dette<br />

de la RD Congo a représenté la moitié de<br />

l’aide publique belge au développement,<br />

cela a provoqué un tollé de la société civile<br />

qui affirmait que les remises de dettes ne<br />

devaient pas être comptabilisées dans les<br />

chiffres de l’aide. Le service de l’évaluation a<br />

estimé que le phénomène des allègements<br />

de dettes méritait alors d’être examiné”,<br />

explique Dominique De Crombrugghe,<br />

évaluateur spécial de la Coopération internationale<br />

belge. “C’est ainsi qu’on a fait en<br />

2007 une première évaluation sur le cas<br />

du Cameroun. Nous avons découvert qu’il<br />

s’agit au départ de dettes commerciales qui<br />

sont devenues souveraines. C’est souvent le<br />

cas : des dettes commerciales moyennes<br />

qui finissent par peser très lourd sur le dos<br />

de l’État sans que la logique bancaire soit<br />

remise en question.” Au sein du SPF Affaires<br />

Part du budget allouée aux services<br />

sociaux de base et au service de la dette<br />

pour la période 1992-1997<br />

4 % 11,4 %<br />

36 %<br />

35 %<br />

Services sociaux<br />

12,6 %<br />

40 %<br />

6,7 %<br />

40 %<br />

20,4 % 33 %<br />

15 %<br />

46 %<br />

9,2 %<br />

14,1 %<br />

Cameroun Côte d’Ivoire Kenya Zambie Niger Tanzanie Nicaragua<br />

Service de la dette<br />

Le modèle de<br />

développement basé<br />

sur l’endettement<br />

n’est pas une fatalité.<br />

Arnaud Zacharie (CNCD).<br />

étrangères, le Service de l’Évaluation spéciale<br />

est chargé d’examiner des activités<br />

de l’État fédéral reconnues comme aide<br />

publique au développement.” Peu après<br />

nous avons appris que le Service d’évaluation<br />

des Pays-Bas allait faire une évaluation<br />

L’initiative PPTE<br />

L’initiative PPTE, c’est-à-dire Pays Pauvres<br />

Très Endettés, vise à rendre la dette des<br />

PPTE “soutenable” (ce qui signifie pour<br />

le FMI et la Banque Mondiale, ramener la<br />

valeur de la dette à 150 % des revenus<br />

d’exportation).<br />

• Ce programme fut lancé par l’action<br />

conjointe du FMI et de la Banque Mondiale<br />

en 1996. Il a subi une révision et une<br />

réforme en 1999. La réduction de la dette<br />

est normalement fonction des efforts<br />

dans la lutte contre la pauvreté des pays<br />

concernés.<br />

• Depuis 1996, 36 pays PPTE ont obtenu<br />

un allègement de leur dette. Pour certains,<br />

parmi les plus pauvres, l’effacement<br />

de dette va jusqu’à 90 %.<br />

• Le montant total des allégements jusqu’à<br />

présent est de 128 milliards de dollars.<br />

Source : PNUD Rapport sur la pauvreté dans le monde 2000<br />

26 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


DETTE<br />

sur les dettes du Nigeria et de la RD Congo<br />

à la demande de leur parlement. Nous<br />

avons donc décidé de faire des évaluations<br />

conjointes. Le séminaire (voir encadré) en<br />

est la restitution.”<br />

Petite histoire, de la dette…<br />

Dans les années ‘60, une grande part des<br />

pays décolonisés avaient déjà hérité d’une<br />

petite dette de leur colonisateur, mais ils<br />

furent surtout encouragés à s’endetter :<br />

les banques européennes regorgeaient<br />

d’eurodollars et puis (après ‘73) de petrodollars<br />

(dollars issu du pétrole de la crise<br />

pétrolière que les pays arabes ont placé<br />

dans les banques occidentales), qu’elles<br />

ont cherché à prêter à de très bonnes<br />

conditions aux pays du Sud. D’autre part<br />

des créanciers multilatéraux, tels que la<br />

Banque mondiale et le Fonds monétaire<br />

international, prêtèrent massivement des<br />

fonds souvent destinés à la construction de<br />

grands projets d’infrastructure (barrages,<br />

autoroutes, usines).<br />

Or les remboursements doivent se faire<br />

impérativement dans la même monnaie<br />

(le dollar) que l’emprunt. Les pays du<br />

Sud qui ne possèdent pas de dollars se<br />

voient obligés de pratiquer d’importantes<br />

exportations pour se procurer des<br />

devises. Cela se fait souvent au détriment<br />

de la souveraineté alimentaire de<br />

la population, qui passe d’une culture<br />

vivrière (pour se nourrir elle-même) à<br />

une monoculture d’exportation.<br />

Le cas de la République<br />

Démocratique du Congo<br />

‘60-’80’ : origines de la dette<br />

À son indépendance, la RD Congo hérite d’une petite dette. Mais l’endettement<br />

provient principalement de 4 projets énormes qui n’ont pas profité à la population<br />

(surnommés les “éléphants blancs”). Dans les années ‘70, la dette du Congo<br />

augmente rapidement, jusqu’à devenir insoutenable. En même temps, le cours du<br />

cuivre s’effondre. La corruption et l’enrichissement personnel de l’élite politique<br />

aggravent le cas.<br />

‘80-2000 : embourbement<br />

En ‘84-’85, le Congo applique les “ajustements structurels” demandés par le FMI : plus<br />

de 50 % du budget – déjà dérisoire - de l’État congolais était affecté au remboursement<br />

de la dette. L’austérité alors imposée pour réduire les dépenses publiques a donné lieu<br />

au licenciement de 400.000 personnes. C’est le début de la plongée du pays dans<br />

l’économie informelle. Par la suite le pays cesse ses remboursements.<br />

En 2001, la dette publique du Congo s’élève à 13,6 milliards de dollars. 71 % de cette<br />

somme consistent en arriérés de paiement. Une grande part de cette dette est considérée<br />

odieuse, c’est-à-dire qu’elle a servi à financer des actions contre l’intérêt des<br />

citoyens ou qu’elle a été contractée par une dictature et qu’elle doit être remboursée<br />

lors de la transition démocratique.<br />

2003 : procédure PPTE<br />

En 2003, suite aux accords de paix et à la reprise de la coopération financière<br />

internationale initiée par le nouveau pouvoir, un allègement au travers<br />

de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) est envisagé à condition d’établir<br />

des réformes macro-économiques. Dans un premier temps, le réaménagement<br />

de la dette dégagera des fonds qui devront être investis dans la lutte contre la pauvreté.<br />

Selon le rapport d’évaluation, “Le Congo a mis en œuvre des réformes économiques,<br />

amélioré la qualité des services publics, et développé une stratégie de lutte contre la pauvreté.”<br />

Avant le “point d’achèvement” du programme PPTE, un allègement est accepté.<br />

Allègement. Réendettement<br />

Ces allègements rendront la dette à nouveau soutenable et “permettront” à la RDC de<br />

recommencer les remboursements. Pour les créditeurs, l’opération est avantageuse<br />

car le Congo a remboursé plus qu’il n’aurait pu le faire sans allègement. Cependant en<br />

2006, le Congo négocie un emprunt de 9,5 milliards avec les Chinois. Sur insistance du<br />

FMI et de la Banque Mondiale, ces contrats sont revus à la baisse. En 2010, le Club de<br />

Paris donne son accord pour une annulation pouvant aller jusqu’à 100 % de la dette :<br />

la dette est donc passée de 13, 6 milliards de dollars en 2001 à 3,11 milliards. L’argent<br />

épargné devrait être investi dans la lutte contre la pauvreté.<br />

EP<br />

dimension 3 I novembre - décembre <strong>2012</strong> 27


Qui plus est, les importantes quantités<br />

de matières premières qui se retrouvent<br />

sur le marché international provoquent<br />

une chute des prix. En 1979, le gouvernement<br />

américain décide de lancer une<br />

politique anti-inflationniste et triple subitement<br />

ses taux d’intérêt. Alors, tandis<br />

que la dette grossi, la capacité des pays<br />

à la rembourser diminue…<br />

…à la crise<br />

En 1982, le Mexique, le premier, annonça<br />

qu’il n’était plus en mesure de rembourser.<br />

Il fut suivi par d’autres. Cette situation<br />

précipita la “Crise<br />

de la dette”. Face<br />

à l’éventualité de<br />

perdre les fonds<br />

investis, les créanciers<br />

proposèrent<br />

de nombreux plans<br />

d’ajustement structurels<br />

pour réorienter<br />

fondamentalement<br />

les économies<br />

des pays en difficulté.<br />

La plupart de<br />

En 2001, la dette<br />

publique du Congo<br />

s’élève à 13,6 milliards<br />

de dollars.<br />

71 % de cette somme<br />

consistent en arriérés<br />

de paiement.<br />

ces plans préconisaient une réduction<br />

draconienne des dépenses publiques à<br />

caractère social, la mise en œuvre de politiques<br />

d’exportation directe et d’extraction<br />

des ressources et des lois favorables aux<br />

investisseurs étrangers. Mais ces ajustements<br />

eurent des effets néfastes sur les<br />

populations.<br />

En 2000, Kofi Annan, alors secrétaire<br />

général de l’ONU, estimait que le service<br />

de la dette s’élevait à 38 % du budget<br />

des États d’Afrique subsaharienne.<br />

En Équateur, le gouvernement consacrait<br />

38 % de son budget au remboursement<br />

de la dette et seulement 22 % aux<br />

dépenses sociales.<br />

…aux allègements<br />

Les pays créditeurs, rassemblés sous le<br />

nom de Club de Paris doivent se rendre à<br />

l’évidence : une dette insoutenable n’est<br />

favorable à personne. Dans un premier<br />

temps, ils proposent un rééchelonnement<br />

de la dette (remettre le paiement et<br />

la course des intérêts à des délais plus<br />

longs) ; dans un second temps, des allégements<br />

(on laisse<br />

tomber une partie<br />

de la dette). Dans<br />

un troisième temps<br />

(‘96), un important<br />

allègement ‘Pays<br />

pauvres très endettés’<br />

(allant parfois<br />

jusqu’à 80-90 % de<br />

la dette sous conditionnalité<br />

– PPTE,<br />

voir encadré). Pour<br />

la Belgique comme<br />

d’autres pays créanciers, les décisions<br />

d’allègement ou d’annulation de la dette<br />

sont prises dans le cadre du Club de Paris<br />

qui fait consensus.<br />

Ces allègements ont-ils eu<br />

un réel impact sur la pauvreté ?<br />

La question est un débat en soi : pour le<br />

CNCD, “Les allègements peuvent représenter<br />

de simples nettoyages comptables<br />

qui n’offrent pas véritablement de fonds<br />

additionnels.” Mais au Nigéria, l’argent<br />

Les Fonds<br />

vautours<br />

Les ‘Fonds vautours’ achètent des crédits,<br />

souvent à très bas prix, dans le but d’engager<br />

des poursuites contre le débiteur pour<br />

l’amener à rembourser intégralement sa<br />

dette. Ils gagnent de 3 à 20 fois l’investissement.<br />

Le modus operandi est simple :<br />

acheter une dette d’une entité en difficulté<br />

à un prix dérisoire, refuser de participer à la<br />

restructuration, puis recouvrer le montant<br />

total de la dette plus les intérêts, arriérés et<br />

pénalités, à travers un procès si nécessaire.<br />

Ils portent donc bien leur nom…<br />

Elliott Associates, un fond vautour, est<br />

ainsi parvenu à gagner un procès contre le<br />

Pérou en 1990, récupérant jusqu’à 400 %<br />

le prix qu’il avait payé. Mais la situation<br />

semble évoluer : en juillet <strong>2012</strong>, la Cour<br />

britannique a donné tort à FG Hemisphere<br />

dans un procès contre la Compagnie<br />

minière du Congo pour 100 millions de<br />

dollars. Le fond ne recevra que 3 millions.<br />

Le jugement constituera un précédent en<br />

défaveur des fonds vautours.<br />

épargné avec l’allègement de la dette -<br />

un milliard de dollars - a été placé dans<br />

un fonds virtuel de pauvreté destiné à<br />

financer les Objectifs du Millénaire. Ils<br />

ont contribué à augmenter substantiellement<br />

les dépenses publiques en matière<br />

de santé et d’éducation.<br />

Pour Monsieur Lapole Kanga, expert au<br />

ministère du budget de la RD Congo,<br />

“Dans la période intermédiaire (avant<br />

l’annulation de la dette), la RD Congo<br />

consacrait environ 30 % de son budget<br />

au service de la dette et 38 % à la<br />

© SPF AE / D. Decuyper<br />

Séminaire international<br />

L’évaluation spéciale de la Coopération internationale belge<br />

et la Direction de l’évaluation de la politique et des opérations<br />

(IOB) des Affaires étrangères néerlandaise ont clôturé trois<br />

évaluations sur les allègements de dette par une conférence<br />

au Palais d’Egmont, ce 26 septembre <strong>2012</strong>.<br />

Y étaient présents les délégations congolaise et nigériane, ainsi que les orateurs d’organisations<br />

internationales (BM, FMI, Club de Paris, CNUCED) et de la société civile (Afrodad, Erlassjahr, CNCD).<br />

L’objectif était d’examiner comment les opérations d’allégements de dettes comptabilisées en aide<br />

publique au développement constituent un instrument de développement efficace ; et d'illustrer<br />

comment un allégement de dette mène à une dette soutenable, renforce la solvabilité du pays<br />

concerné, augmente sa capacité d’emprunter, contribue à la lutte contre la pauvreté.<br />

online<br />

Les déclarations, exposés et principales évaluations présentés<br />

pendant le séminaire sont disponibles sur :<br />

diplomatie.belgium.be/fr/politique/cooperation_au_developpement/evaluation<br />

28 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


émunération des fonctionnaires et agents<br />

de l’État. Vous comprenez bien qu’il était<br />

difficile de trouver de l’argent pour des<br />

services à la population. En même temps,<br />

on était de plus en plus insolvables et on<br />

ne pouvait plus emprunter.” Les allègements<br />

ont-ils été un outil de développement<br />

? “Pas directement : les allègements<br />

ne rajoutent pas de ressources, ils sont<br />

virtuels ; mais indirectement oui, car ils ont<br />

donné un espace pour financer des grands<br />

travaux et sauvegarder les dépenses pour<br />

les pauvres.”<br />

Pour la CNUCED, “Les allégements de<br />

dettes sont des outils de coopération<br />

(comptabilisés comme aide publique<br />

au développement), car ils rétablissent<br />

la solvabilité des pays concernés, mais les<br />

modalités d’octroi jouent un rôle crucial<br />

sur les effets réels de ces opérations.”<br />

Et après ?<br />

Alléger les dettes, c’est bien, mais pour<br />

quel avenir ? Si les pays africains veulent<br />

investir dans le développement de leur<br />

pays, où vont-ils trouver les capitaux ?<br />

L’endettement est-il une condition obligatoire<br />

du développement ? Pour Arnaud<br />

Zacharie (CNCD), “Le modèle de développement<br />

basé sur l’endettement n’est<br />

pas une fatalité. Une série de pays d’Asie<br />

(Corée du Sud, Taiwan, etc.) ont atteint<br />

des performances économiques basée<br />

sur l’épargne interne.” C’est aussi la position<br />

de la RD Congo : “L’endettement<br />

n’est pas une fatalité, si nous parvenons à<br />

mobiliser l’épargne interne, on peut financer<br />

le développement.”<br />

Les pays qui disposent de richesses<br />

naturelles pourront en effet se tourner<br />

vers des ressources internes ; il<br />

existe aussi des richesses extérieures<br />

comme les ‘rémittences’ (argent que les<br />

migrants envoient à leur famille). Mais<br />

bien souvent les pays devront à nouveau<br />

emprunter. Pour gérer le futur de<br />

la dette, les institutions financières internationales<br />

et les pays créanciers s’attachent<br />

essentiellement à la notion de<br />

dette soutenable ; la CNUCED lance un<br />

‘Code de conduite’ pour des emprunts<br />

et des prêts responsables ; les ONG<br />

souhaitent une sorte de ‘Tribunal d’endettement’<br />

externe aux créanciers et la<br />

possibilité de mise en faillite des États,<br />

comme des entreprises.<br />

Une question qui pourrait intéresser plus<br />

que jamais les pays du Nord sur lesquels<br />

plane le spectre de “l’austérité” qui, après<br />

avoir miné le bien-être des pays du Sud,<br />

vient hanter l’Europe, rappelant que l’histoire<br />

n’est pas terminée.<br />

Elise Pirsoul<br />

Tous les pays<br />

sont endettés !<br />

Peut-on comparer la situation dans les pays voisins,<br />

comme la Grèce ou l’Espagne – ou encore la Belgique<br />

– à la crise de la dette africaine ?<br />

• La Grèce avait en mars <strong>2012</strong> une<br />

dette de 350 milliards d’euros, ce qui<br />

constitue 170 % de son PIB.<br />

• La dette de la Belgique est de 355 milliards<br />

d’euros, soit une fois (ou 100 %)<br />

son PIB.<br />

• La dette du Congo serait de 8 milliards<br />

d’euros, soit 2 fois (200 %) son PIB.<br />

(attention, ce sont des chiffres difficiles<br />

à vérifier)<br />

Mais…<br />

• La dette de la Belgique serait 47 fois<br />

supérieure à celle du Congo mais<br />

l’économie (et donc le PIB) étant<br />

beaucoup plus forte, elle peut mieux<br />

supporter la dette.<br />

• Le PIB de la RDC serait de 4 milliards<br />

d’euros, soit l’équivalent du budget<br />

annuel d’une ville européenne<br />

moyenne.<br />

Dette-moi<br />

tout<br />

PIB<br />

350.000.000.000 €<br />

PIB<br />

355.000.000.000 €<br />

Face à la dette…<br />

• En mars dernier, la Grèce a bénéficié<br />

d’un allègement de dette passant<br />

de 350 milliards à 251, mais<br />

elle a du appliquer des “ajustements<br />

structurels”.<br />

• En ‘84-’85, le Congo a suivi les “ajustements<br />

structurels” demandés par le<br />

FMI : plus de 50 % du budget – déjà<br />

dérisoire - de l’État congolais était<br />

destiné à rembourser la dette !<br />

• Aujourd’hui, la Belgique consacre<br />

23 % de son budget au service de la<br />

dette !<br />

online<br />

Dette belge :<br />

www.staatsschuldmeter.be<br />

GRÈCE<br />

EP<br />

BELGIQUE<br />

Il s'agit de la dette interne et externe. Attention, les chiffres peuvent évoluer rapidement.<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 29


Petite <strong>Dimension</strong><br />

Le CAD de<br />

l'OCDE donne<br />

un bulletin<br />

favorable<br />

à la Belgique<br />

La Belgique est sur le bon<br />

chemin, comme l'indique<br />

l'évaluation à mi-parcours<br />

de la Coopération belge<br />

au développement de<br />

septembre <strong>2012</strong>. Ce que<br />

confirme dans la foulée<br />

le rapport positif adressé<br />

par le CAD-OCDE à la<br />

Belgique. “Nous sommes<br />

satisfaits des efforts sérieux<br />

fournis par la Belgique<br />

dans la mise en œuvre<br />

des 19 recommandations<br />

adressées il y a deux ans”,<br />

a ainsi déclaré John Lomoy,<br />

Directeur du CAD-OCDE.<br />

Le Comité d'aide au développement<br />

(CAD) de l'Organisation de coopération<br />

et de développement économiques<br />

(OCDE) organise tous les 4 ans un<br />

'Peer Review' (Examen par les pairs) de<br />

ses membres. Grâce à des discussions<br />

constructives, il leur permet d'échanger<br />

leurs connaissances et de repérer<br />

les 'Best practices'. En 2010, la Belgique<br />

a reçu un rapport favorable. 19<br />

recommandations lui ont néanmoins<br />

été adressées en vue d'améliorer son<br />

fonctionnement : accroître la collaboration<br />

gouvernementale, améliorer l'expertise<br />

en matière de sécurité alimentaire,<br />

mieux combiner aide humanitaire<br />

et aide au développement… “Des<br />

progrès sont enregistrés dans de nombreux<br />

domaines”, explique John Moloy,<br />

“mais le personnel des ambassades<br />

doit avoir davantage d'autonomie de<br />

décision. Ils savent en effet ce qui se<br />

passe sur le terrain et cela rend l'aide<br />

plus efficace. Il y a encore du pain sur<br />

la planche si l'on veut que les acteurs<br />

non-gouvernementaux s'alignent sur<br />

la même stratégie.” Le CAD de l’OCDE<br />

fait preuve de compréhension sur le<br />

gel par la Belgique du budget pour le<br />

développement, mais espère qu'elle<br />

reviendra à l'objectif de 0,7 % du<br />

PIB, dès l'amélioration de la situation<br />

économique.<br />

CS<br />

Les États doivent intensifier<br />

l'assistance aux victimes<br />

des armes à sous-munitions<br />

© Tim Dirven<br />

Près de 4 ans après sa signature à Oslo, la Convention<br />

sur les armes à sous-munitions commence à porter ses fruits.<br />

L'équipe de déminage a eu besoin de plus de trois heures pour<br />

désamorcer cette bombe larguée près d'un village.<br />

Les états parties à la Convention ont<br />

déjà détruit plus des deux tiers de<br />

leurs stocks, soit quelque 86 millions<br />

d'unités. En 2011, 21 États et<br />

la Commission européenne ont libéré 48 millions<br />

d'euros pour la Convention, mais selon<br />

le Rapport de l'Observatoire des sous-munitions,<br />

seulement 5 % (2,5 millions d'euros)<br />

ont été dédiés à l'assistance aux victimes.<br />

"C'est loin d'être assez", déplore l'Américaine<br />

Lynn Bradach, dont le fils a été tué par une<br />

sous-munition et qui, en tant que 'Ban Advocate',<br />

lutte pour une interdiction mondiale.<br />

"J’étais récemment au Laos pour la première<br />

conférence des États parties à la Convention.<br />

Durant cette conférence, une jeune fille a été<br />

tuée et sa sœur blessée par une sous-munition<br />

américaine larguée 40 ans plus tôt. Les<br />

questions ont aussitôt fusé dans ma tête : Qui<br />

va aider la famille ? Qui va soutenir sa communauté<br />

? Que va devenir l’enfant blessée ? Des<br />

fonds doivent être consacrés aux victimes ! La<br />

Convention se veut humanitaire et place les<br />

victimes comme priorité. Mais pour cela, il faut<br />

que les victimes reçoivent effectivement l’aide<br />

dont elles ont besoin."<br />

En 2011, des organisations comme Handicap<br />

International, et des gouvernements comme<br />

la Belgique, ont dépollué en moyenne près de<br />

1 km² par semaine, et 50.000 munitions ont été<br />

détruites. Handicap International exhorte l'ensemble<br />

des pays à adhérer au plus vite à la<br />

Convention d'Oslo, et à intensifier l'assistance<br />

aux victimes.<br />

Hildegarde Vansintjan<br />

Le Rapport de l'Observatoire des sousmunitions<br />

<strong>2012</strong> peut être lu sur le site :<br />

http://www.the-monitor.org/<br />

online<br />

www.handicapinternational.be<br />

30 novembre-décembre <strong>2012</strong> I dimension 3


les Journées européennes<br />

du<br />

Développement<br />

Davantage<br />

de moyens<br />

pour la<br />

biodiversité<br />

Encourager la croissance inclusive et soutenable<br />

pour le développement humain<br />

Les traditionnelles Journées européennes<br />

du développement (JED) se<br />

sont tenues les 16 et 17 octobre. Ces<br />

Journées étaient axées sur l’agriculture, la<br />

sécurité alimentaire et la résilience, la protection<br />

sociale et l'inégalité ainsi que le rôle du<br />

secteur privé. Le 16 octobre étant la Journée<br />

mondiale de l’alimentation, l’Europe a mis en<br />

avant le rôle des paysans et petits producteurs<br />

pour la sécurité alimentaire. “L'accent est mis<br />

cette année sur les coopératives agricoles.<br />

C’est un choix que je soutiens sans réserve.<br />

L’agriculture est le pivot des économies africaines<br />

: plus d’un demi-milliard d’Africains –<br />

quelque 65 % de la population (plus de 80 %<br />

dans certains pays) – dépendent de petites ou<br />

micro-exploitations agricoles qui constituent<br />

Le site internet<br />

leur principale source de revenus. Ces agriculteurs<br />

cultivent de petits lopins de terre, souvent<br />

très éloignés des marchés, des routes, des ressources<br />

ou même du réseau électrique. Ils sont<br />

donc extrêmement vulnérables aux chocs et<br />

éprouvent des difficultés à assurer leur propre<br />

subsistance et celle de leurs communautés”, a<br />

déclaré le Commissaire Piebalgs.<br />

http://live.eudevdays.eu/agenda<br />

fait peau neuve<br />

Il y a eu pas mal de travail, mais il est enfin prêt : le nouveau site internet, plus convivial,<br />

d’Annoncer la couleur est désormais disponible ! Les enseignants et membres d'association<br />

peuvent y soumettre des idées de projets d'ECM et les suivre en ligne, s’inscrire<br />

à l’une des activités ou formations d’Annoncer la couleur et garder un contact quotidien<br />

avec leur promoteur provincial.<br />

Ce site fait également la part belle à l’interactivité : au départ de 9 thèmes centraux, une articulation<br />

thématique lance les enseignants, animateurs et éducateurs sur diverses pistes pour<br />

se plonger au cœur de l’ECM : ressources et activités pédagogiques, formations, ou encore<br />

articles de fond. Bref, de quoi s'inspirer directement pour parler de citoyenneté mondiale avec<br />

les jeunes ! Le principal changement constaté reste malgré tout la possibilité pour chacun de se<br />

créer un compte personnel d'utilisateur.<br />

Rendez-vous sans plus attendre sur www.annoncerlacouleur.be.<br />

Annoncer la Couleur – un projet de la Coopération belge au développement –<br />

est un programme d’éducation à la citoyenneté mondiale qui s'adresse aux<br />

enseignants, animateurs et éducateurs travaillant avec des jeunes de 10 à 18 ans.<br />

À l’horizon 2015, le montant alloué à<br />

la préservation de la diversité aura<br />

doublé, passant de 5 à 10 milliards<br />

de dollars par an. Tel est le résultat<br />

des négociations menées par 193<br />

pays en octobre dernier dans la ville<br />

indienne d’Hyderabad lors du 11 e<br />

sommet de l’ONU sur la biodiversité.<br />

Ils ont en outre convenu de procéder à une<br />

identification des aires marines présentant<br />

une valeur écologique. Les pays recevront<br />

une aide pour mettre en place des plans<br />

de sauvegarde de la biodiversité au niveau<br />

national. Les entreprises et associations<br />

œuvrant en faveur du développement seront<br />

incitées à intégrer des objectifs de biodiversité<br />

dans leurs programmes. Sous les tropiques,<br />

la chasse effrénée à la “viande de<br />

brousse” doit quant à elle céder la place à<br />

une gestion durable…<br />

“De beaux résultats”, estime Achim Steiner,<br />

directeur de l’UNEP, le programme des Nations<br />

Unies pour l’environnement. “La biodiversité et<br />

les écosystèmes sont passés au premier plan<br />

des priorités de développement et jouent un<br />

rôle essentiel dans la transition vers une économie<br />

verte.” L’UICN, l’Union internationale pour<br />

la conservation de la nature, fait pour sa part<br />

preuve d’une plus grande prudence : “Avec plus<br />

de 20.000 espèces très fortement menacées,<br />

nous avons besoin d’actions plus concrètes. Le<br />

secteur privé devrait lui aussi pouvoir apporter<br />

sa contribution financière.” Le WWF fustige<br />

quant à lui le manque de moyens : “Si nous<br />

voulons réellement stopper la disparition d’espèces<br />

végétales et animales d’ici 2020, comme<br />

décidé il y a deux ans à Nagoya, nous aurons<br />

besoin de 200 milliards de fonds, soit plus du<br />

double de ce qui a été prévu aujourd’hui.” Le<br />

WWF se montre par contre satisfait de l’attention<br />

accordée aux océans.<br />

CS<br />

dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 31


Pour ceux qui en<br />

ont le plus besoin<br />

Près de 900 millions de personnes<br />

se couchent chaque soir le ventre<br />

vide. Une réalité inacceptable quand<br />

on sait qu’il y a de la nourriture en<br />

suffisance pour toute la planète.<br />

© Tim Dirven / Vétérinaires Sans Frontières<br />

La Belgique entend aider les populations vulnérables<br />

dans leur lutte contre la faim, la malnutrition<br />

et la misère. Ces populations doivent pouvoir<br />

bénéficier d’une nourriture saine, plusieurs fois par jour.<br />

En 1983, le Parlement belge a chargé une instance de<br />

cette mission spécifique : le FONDS BELGE POUR LA<br />

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE.<br />

Le Fonds cherche à s’attaquer en profondeur à l'insécurité<br />

alimentaire. Pour ce faire, il finance de vastes<br />

programmes qui ciblent les multiples aspects de la sécurité<br />

alimentaire, tels l’agriculture à petite échelle, les soins<br />

de santé, la gestion de l’eau, les équilibres nutritionnels<br />

et le développement d’institutions. L’action du Fonds<br />

passe par des ONG belges, des institutions multilatérales<br />

et la Coopération Technique Belge.<br />

Le Fonds belge pour la sécurité alimentaire concentre<br />

son action sur des zones d’Afrique subsaharienne où<br />

l’insécurité alimentaire est très élevée. Ses programmes<br />

bénéficient de moyens financiers de la Loterie nationale<br />

et de la Coopération belge au développement.<br />

DGD - Direction générale<br />

coopération au développement<br />

Rue des Petits Carmes 15 • B-1000 Bruxelles<br />

Tél. +32 (0) 2 501 48 81 • Fax +32 (0) 2 501 45 44<br />

E-mail : info.dgd@diplobel.fed.be<br />

www.diplomatie.be • www.dg-d.be

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