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Insécurité alimentaire : Briser le cycle infernal Lutter contre l’insécurité alimentaire dans le Sahel constitue un travail de longue haleine pour sortir des millions de personnes du cycle de crises endémiques qui frappe la région à répétition. Le Fonds Belge pour la Sécurité alimentaire soutient des programmes visant à une meilleure résilience des plus vulnérables grâce à des actions à long terme. Sortie de crise ? Des étendues à perte de vue de verdure où les troupeaux de zébus avancent repus. De vastes champs de mil ou de sorgho dont les épis n’attendent que la récolte. Tels sont en grande partie les paysages de carte postale qui vous attendent en traversant le Sahel en cette fin octobre 2012. Un an plus tôt, nous étions pourtant à l’aube d’une des plus graves crises humanitaires qu’ait connu la région. “Contrairement aux dernières années, la saison des pluies a vraiment été bonne et nos récoltes ne sont jusqu’à présent pas menacées par les crickets… Inch’Allah”, vous lancent en général les petits cultivateurs croisés sur votre route, que cela soit au Sénégal, au Mali, ou au Niger. Puissentils être entendus ! Mais quant à prédire que les stocks de céréales qu’ils récoltent à présent suffiront à leur autosuffisance durant un an, très peu sont ceux parmi les experts à faire preuve d’optimisme. Selon José Luis Fernandez, coordonnateur des Programmes d’urgence et de réhabilitation de la FAO pour le Sahel, “l’appel qui a été lancé par les Etats de la région à la communauté internationale suite aux mauvaises récoltes de l’an dernier a été en grande mesure entendu, et ceci suffisamment à temps, contrairement aux grandes crises que nous avons connues en 2005 et 2010. Mais malheureusement, peu de fonds ont pu servir au renforcement des capacités agricoles locales. © DGD / Joël Tabury Une bonne saison des pluies a ici hissé les épis de sorgho à trois mètres du sol. 10 novembre-décembre 2012 I dimension 3
SAHEL Des investissements substantiels dans des intrants et semences par exemples auraient pourtant permis d’obtenir des récoltes bien meilleures encore en capitalisant sur cette relativement bonne saison des pluies.” Bien conscient que la priorité durant l’année écoulée a été de sauver dans l’urgence, avec des moyens financiers limités, des millions de personnes de la famine, des enfants surtout, cet expert s’appuie sur des données objectives fraîchement tirées des Systèmes d’alertes précoces (voir en page 20) et prédit que “très vite en 2013, les stocks récoltés seront épuisés dans beaucoup de régions du Sahel et des millions de personnes feront à nouveau face à une situation d’insécurité alimentaire.” Renforcer la résilience des populations “Arriver à une résilience des populations du Sahel, c’est-à-dire que des chocs, comme une mauvaise récolte ou même une hausse des prix des denrées alimentaires de base, ne se transforment pas en crise majeure, voilà le grand défi pour les populations du Sahel”, comme l’explique Thomas Yanga, le directeur régional du PAM pour l’Afrique de l’Ouest. Car la sécurité alimentaire ne dépend pas uniquement de la production agricole, mais également des marchés. Même lors des années où les pluies s’avérèrent suffisantes, les populations vulnérables qui ne peuvent pas produire suffisamment sont exclues en raison de leur faible pouvoir d’achat. Des résultats durables via le FBSA Au Niger, dans la région de Dosso, la Belgique met en place depuis quelques années un programme innovant visant à renforcer la résilience des populations vulnérables au travers du PAMED (Programme d’Appui à la Mise en place des Entités Décentralisées). Financé depuis 2006 par le Fonds Belge pour la Sécurité alimentaire (FBSA), il est mis en œuvre par la CTB. Les résultats obtenus semblent probants dans 41 communes de cette région ayant une superficie comparable à la Belgique et comptant environ 2 millions d’habitants. Dans l’esprit des engagements de la Déclaration de Paris, la quasi-totalité des moyens humains, matériels et financiers du programme est administrée conjointement par la Belgique et les autorités nigériennes. L’objectif est d’aider les communes à exercer leurs responsabilités en matière de services publics et de développement local afin de réduire la vulnérabilité des plus pauvres de la région. Plus concrètement, 140 banques céréalières ont été constituées. 11 d’entre elles ont une portée intercommunale. Gérées à 85 % exclusivement par des femmes, ces banques céréalières sont utilisées par près de 30.000 ménages. En cette fin octobre, elles sont toutes vidées de leurs stocks. Comme dans le village de Karra, où Mme Diallo nous ouvre les portes de la banque céréalière intercommunale en tant que présidente du Comité villageois de gestion : “Nous arrivons à la fin des 4 mois de la période de soudure. Avec les nouvelles récoltes qui s’annoncent, nous allons réinvestir le mois prochain dans l’achat de riz, maïs et mil les 10.000 EUR que nous avons en réserve”, nous explique-t-elle. “Nous achetons au début des récoltes afin d’obtenir les meilleurs prix du marché et nous stockons dans cette banque (un grand hangar) Arriver à une résilience des populations du Sahel, c’est-à-dire que des chocs, tels une mauvaise récolte ou une hausse des prix, ne se transforment pas en crise majeure, voilà le grand défi. durant des mois. Lorsque les stocks familiaux sont épuisés, et que la période de soudure commence, les ménages doivent alors aller s’approvisionner sur les marchés. Or les prix s’envolent toujours quand les stocks de céréales dans le pays deviennent moins disponibles et qu’il faut parfois aller jusqu’au Bénin voisin pour les obtenir. De notre côté, nous ouvrons alors nos portes et maintenons des prix raisonnables pour les ménages les plus vulnérables qui n’ont pas les moyens d’avoir accès aux marchés. À titre d’exemple, la tia (sac de 2.5 kg de mil) se vendait dans les échoppes le mois passé à plus de 700 FCFA alors que nous le maintenions au prix de 525 FCFA durant les mois les plus difficiles. Nous faisons donc de faibles bénéfices depuis que cette banque à ouvert ses portes en 2010 mais suffisamment que pour reconstituer chaque année les stocks qui seront mis à la disposition des plus vulnérables durant les périodes les plus critiques.” D’autres initiatives ont été lancées par le PAMED du FBSA, telles les 18 sites maraîchers qui ont été aménagés, ou les 25 boutiques d’intrants ayant ouvert leurs portes. Une stratégie plus globale indispensable Selon le directeur régional du PAM pour l’Afrique de l’Ouest, “Sortir du cycle infernal dans lequel est plongé le Sahel nécessite un engagement de la communauté internationale sur du long terme avec une politique de développement cohérente. Ceci ne peut être rendu possible que si les gouvernements de la région en ont la volonté politique et mettent en place des cadres stratégiques et programmatiques permettant aux acteurs du développement et ceux qui répondent aux urgences de mieux coordonner leurs actions. Dans la plupart des pays du Sahel, on est de plus en plus sur la bonne voie. Les moyens financiers restant limités - et le seront encore davantage avec la crise économique touchant la plupart des bailleurs de fonds -, des partenariats entre agences sont de plus en plus indispensables et doivent donc être plus encouragés en concertation avec les communautés locales et les bénéficiaires.” Un signal fort vient en tout cas d’être lancé dans ce sens par la Commission européenne avec l’initiative AGIR Sahel (Alliance globale pour l’Initiative Résilience). Très ambitieuse, cette feuille de route jette les bases d’un nouveau partenariat entre les différents gouvernements, les organisations humanitaires, les agences onusiennes et d’autres organisations internationales comme la Banque Mondiale, la Banque africaine de Développement, l’Organisation de coopération islamique, et deux organisations régionales, la CEDEAO et l’UEMOA. L’objectif principal : faire en sorte que les populations du Sahel puissent faire face à de futures sécheresses… Inch’Allah, conclueraient en cœur les populations sahéliennes. Joël Tabury dimension 3 I novembre-décembre 2012 11
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