Dimension 3 n° 2012/5 - Belgium
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SAHEL<br />
Des investissements substantiels dans des<br />
intrants et semences par exemples auraient<br />
pourtant permis d’obtenir des récoltes bien<br />
meilleures encore en capitalisant sur cette<br />
relativement bonne saison des pluies.”<br />
Bien conscient que la priorité durant<br />
l’année écoulée a été de sauver dans l’urgence,<br />
avec des moyens financiers limités,<br />
des millions de personnes de la famine,<br />
des enfants surtout, cet expert s’appuie<br />
sur des données objectives fraîchement<br />
tirées des Systèmes d’alertes précoces<br />
(voir en page 20) et prédit que “très vite<br />
en 2013, les stocks récoltés seront épuisés<br />
dans beaucoup de régions du Sahel et des<br />
millions de personnes feront à nouveau face<br />
à une situation d’insécurité alimentaire.”<br />
Renforcer la résilience<br />
des populations<br />
“Arriver à une résilience des populations<br />
du Sahel, c’est-à-dire que des chocs,<br />
comme une mauvaise récolte ou même une<br />
hausse des prix des denrées alimentaires<br />
de base, ne se transforment pas en crise<br />
majeure, voilà le grand défi pour les populations<br />
du Sahel”, comme<br />
l’explique Thomas Yanga, le<br />
directeur régional du PAM<br />
pour l’Afrique de l’Ouest.<br />
Car la sécurité alimentaire<br />
ne dépend pas uniquement<br />
de la production agricole,<br />
mais également des marchés.<br />
Même lors des années<br />
où les pluies s’avérèrent suffisantes,<br />
les populations vulnérables<br />
qui ne peuvent pas<br />
produire suffisamment sont<br />
exclues en raison de leur<br />
faible pouvoir d’achat.<br />
Des résultats durables<br />
via le FBSA<br />
Au Niger, dans la région<br />
de Dosso, la Belgique met<br />
en place depuis quelques<br />
années un programme innovant<br />
visant à renforcer la<br />
résilience des populations<br />
vulnérables au travers du<br />
PAMED (Programme d’Appui à la Mise en<br />
place des Entités Décentralisées). Financé<br />
depuis 2006 par le Fonds Belge pour la<br />
Sécurité alimentaire (FBSA), il est mis en<br />
œuvre par la CTB.<br />
Les résultats obtenus semblent probants<br />
dans 41 communes de cette région ayant<br />
une superficie comparable à la Belgique<br />
et comptant environ 2 millions d’habitants.<br />
Dans l’esprit des engagements de<br />
la Déclaration de Paris, la quasi-totalité des<br />
moyens humains, matériels et financiers du<br />
programme est administrée conjointement<br />
par la Belgique et les autorités nigériennes.<br />
L’objectif est d’aider les communes à exercer<br />
leurs responsabilités en matière de<br />
services publics et de développement<br />
local afin de réduire la vulnérabilité des<br />
plus pauvres de la région.<br />
Plus concrètement, 140 banques céréalières<br />
ont été constituées. 11 d’entre elles<br />
ont une portée intercommunale. Gérées à<br />
85 % exclusivement par des femmes, ces<br />
banques céréalières sont utilisées par près<br />
de 30.000 ménages. En cette fin octobre,<br />
elles sont toutes vidées de leurs stocks.<br />
Comme dans le village de Karra, où Mme<br />
Diallo nous ouvre les portes de la banque<br />
céréalière intercommunale en tant que<br />
présidente du Comité villageois de gestion<br />
: “Nous arrivons à la fin des 4 mois de<br />
la période de soudure. Avec les nouvelles<br />
récoltes qui s’annoncent, nous allons réinvestir<br />
le mois prochain dans l’achat de riz,<br />
maïs et mil les 10.000 EUR que nous avons<br />
en réserve”, nous explique-t-elle. “Nous<br />
achetons au début des récoltes afin d’obtenir<br />
les meilleurs prix du marché et nous stockons<br />
dans cette banque (un grand hangar)<br />
Arriver à une résilience des populations<br />
du Sahel, c’est-à-dire que des chocs,<br />
tels une mauvaise récolte ou une hausse<br />
des prix, ne se transforment pas en<br />
crise majeure, voilà le grand défi.<br />
durant des mois. Lorsque les stocks familiaux<br />
sont épuisés, et que la période de soudure<br />
commence, les ménages doivent alors aller<br />
s’approvisionner sur les marchés. Or les<br />
prix s’envolent toujours quand les stocks<br />
de céréales dans le pays deviennent moins<br />
disponibles et qu’il faut parfois aller jusqu’au<br />
Bénin voisin pour les obtenir. De notre côté,<br />
nous ouvrons alors nos portes et maintenons<br />
des prix raisonnables pour les ménages les<br />
plus vulnérables qui n’ont pas les moyens<br />
d’avoir accès aux marchés. À titre d’exemple,<br />
la tia (sac de 2.5 kg de mil) se vendait dans<br />
les échoppes le mois passé à plus de 700<br />
FCFA alors que nous le maintenions au prix<br />
de 525 FCFA durant les mois les plus difficiles.<br />
Nous faisons donc de faibles bénéfices<br />
depuis que cette banque à ouvert ses portes<br />
en 2010 mais suffisamment que pour reconstituer<br />
chaque année les stocks qui seront mis<br />
à la disposition des plus vulnérables durant<br />
les périodes les plus critiques.”<br />
D’autres initiatives ont été lancées par le<br />
PAMED du FBSA, telles les 18 sites maraîchers<br />
qui ont été aménagés, ou les 25 boutiques<br />
d’intrants ayant ouvert leurs portes.<br />
Une stratégie plus<br />
globale indispensable<br />
Selon le directeur régional du PAM pour<br />
l’Afrique de l’Ouest, “Sortir du cycle infernal<br />
dans lequel est plongé le Sahel nécessite un<br />
engagement de la communauté internationale<br />
sur du long terme avec une politique de<br />
développement cohérente. Ceci ne peut être<br />
rendu possible que si les gouvernements<br />
de la région en ont la volonté politique et<br />
mettent en place des cadres stratégiques et<br />
programmatiques permettant aux acteurs<br />
du développement et ceux<br />
qui répondent aux urgences<br />
de mieux coordonner leurs<br />
actions. Dans la plupart des<br />
pays du Sahel, on est de plus<br />
en plus sur la bonne voie. Les<br />
moyens financiers restant limités<br />
- et le seront encore davantage<br />
avec la crise économique<br />
touchant la plupart des bailleurs<br />
de fonds -, des partenariats<br />
entre agences sont de<br />
plus en plus indispensables et<br />
doivent donc être plus encouragés<br />
en concertation avec les<br />
communautés locales et les<br />
bénéficiaires.”<br />
Un signal fort vient en tout cas<br />
d’être lancé dans ce sens par<br />
la Commission européenne<br />
avec l’initiative AGIR Sahel<br />
(Alliance globale pour l’Initiative<br />
Résilience). Très ambitieuse,<br />
cette feuille de route<br />
jette les bases d’un nouveau<br />
partenariat entre les différents gouvernements,<br />
les organisations humanitaires, les<br />
agences onusiennes et d’autres organisations<br />
internationales comme la Banque<br />
Mondiale, la Banque africaine de Développement,<br />
l’Organisation de coopération islamique,<br />
et deux organisations régionales,<br />
la CEDEAO et l’UEMOA. L’objectif principal<br />
: faire en sorte que les populations du<br />
Sahel puissent faire face à de futures sécheresses…<br />
Inch’Allah, conclueraient en cœur<br />
les populations sahéliennes.<br />
Joël Tabury<br />
dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 11