Dimension 3 n° 2012/5 - Belgium
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SAHEL<br />
Sur le plan des libertés, la régression a<br />
bien sûr été brutale. Au nom de la charia,<br />
de nombreuses amputations de membres<br />
ont été attestées, un couple “illégitime” a<br />
bien été lapidé à mort à Aguelhok, des<br />
flagellations publiques au fouet sont très<br />
courantes dans la plupart des localités.<br />
Écouter une certaine musique, sortir cheveux<br />
au vent pour une femme, avoir des<br />
relations sexuelles hors mariage, sont<br />
passibles de tels châtiments. Les racines<br />
culturelles sont elles aussi annihilées avec<br />
la destruction systématique des mausolées<br />
maraboutiques.<br />
Mais dans le quotidien des gens, un semblant<br />
de normalité prévaudrait étonnamment<br />
dans la région. Les bus descendant<br />
au sud du pays ne sont pas plus bondés de<br />
voyageurs que ceux rejoignant Tombouctou<br />
au départ de Bamako. Les frontières<br />
avec les pays voisins restent ouvertes et<br />
les principales villes sont bien approvisionnées<br />
en vivres et carburants. Transitant<br />
surtout via l’Algérie, les prix de nombreuses<br />
marchandises au nord sont même<br />
bien inférieurs à ceux en vigueur ailleurs<br />
au Mali. Plus inquiétant est par contre l’enrôlement<br />
de nombreux jeunes, souvent<br />
sans boulot ou mal rémunérés, par les<br />
groupuscules armés. Alors qu’un salaire<br />
tourne en moyenne autour des 50.000<br />
FCFA (65 euros), les nouveaux maîtres<br />
vous proposent 200.000 FCFA par mois<br />
pour tenir une kalachnikov. Nombreux<br />
seraient ceux qui se laissent séduire,<br />
même dans les camps de réfugiés du Burkina<br />
et du Niger, dans lesquels le UNHCR<br />
craint les nombreuses infiltrations, avec<br />
tous les risques de contagion sur le plan<br />
régional que cela pourrait comporter.<br />
Une intervention militaire annoncée<br />
Les Maliens souhaitent dans leur grande<br />
majorité qu’une solution soit trouvée dans<br />
le Nord. Par la voie négociée, cela parait<br />
peu probable. La décision du Conseil de<br />
sécurité des Nations Unies ne laisse planer<br />
aucun doute sur une intervention militaire<br />
qui pourrait déjà avoir débuté lors de<br />
la parution de ce numéro de <strong>Dimension</strong> 3.<br />
Inéluctable serait donc la reconquête de cet<br />
immense territoire en grande partie désertique<br />
sous les auspices d’une force militaire<br />
de la CDAO, composée de contingents de<br />
différents pays de la région.<br />
Beaucoup craignent que les civils ne soient<br />
épargnés et que des dizaines de milliers<br />
de réfugiés supplémentaires n’affluent<br />
aux frontières de la Mauritanie, du Niger et<br />
du Burkina Faso. Il est difficile de se lancer<br />
dans des projections mais on peut néanmoins<br />
présumer que les conséquences<br />
sur le plan humanitaire seront d’envergure<br />
sur le plan régional.<br />
© DGD / Joël Tabury<br />
Déplacés et réfugiés fragilisent<br />
les populations hôtes<br />
Ce chef de famille peule a perdu, durant sa<br />
fuite, les deux-tiers de son troupeau de bétail.<br />
Des dizaines de milliers de familles ont fuit<br />
les premiers combats dans le Nord pour<br />
trouver refuge ailleurs au Mali. Plus de<br />
20.000 personnes se sont installées depuis<br />
de long mois dans la région de Segu qui<br />
compte 200.000 habitants. Certaines ont<br />
tout laissé derrière eux, d’autres se sont lancés<br />
dans une marche forcée avec leur bétail.<br />
Le chef d’une famille peule nous raconte :<br />
“Nous avons fui notre village non loin de<br />
Tombouctou début de l’année. Les pillages<br />
se multipliaient. Avec les autres hommes<br />
de la famille, nous avons décidé d’emmener<br />
notre troupeau en sécurité. Nous avons<br />
traversé le pays durant deux mois et demi<br />
pour rejoindre notre cousin vivant à Segu.<br />
Les femmes et les enfants ont fait le chemin<br />
en bus et en bateau sur le fleuve Niger. Nous<br />
avons tous survécu mais notre troupeau est<br />
décimé. Une trentaine de bêtes, soit un tiers<br />
du cheptel, a pu être sauvée.” Fermement<br />
décidée à ne pas rentrer chez elle tant que<br />
la paix n’est pas totalement assurée, cette<br />
famille comme un bon millier d’autres, pèse<br />
sur une population hôte déjà très fragilisée.<br />
Les tensions entre éleveurs et agriculteurs<br />
sont déjà fortes habituellement, avec des<br />
espaces de pâturage limités. Il en est de<br />
même pour les ressources alimentaires,<br />
avec la crise de <strong>2012</strong>. Les services sociaux<br />
locaux offrent des bons d’achat de vivres<br />
à ses nouveaux arrivants grâce au support<br />
du PAM. Vétérinaires Sans Frontières,<br />
financé par la Belgique, concourt de son<br />
côté à la vaccination et la reconstitution du<br />
bétail. Mais cette pression exercée sur les<br />
populations hôtes déjà très vulnérables, et<br />
moins soutenues que les déplacés, semble<br />
délicate à gérer dans la durée.<br />
JOEL TABURY<br />
La crise<br />
politique<br />
et la<br />
rébellion<br />
au Nord<br />
du Mali<br />
En janvier <strong>2012</strong>, une rébellion armée a attaqué les<br />
positions gouvernementales dans le Nord du Mali.<br />
Cette crise a été déclenchée par la rébellion touarègue,<br />
dont les revendications autonomistes de<br />
longue date ont été renforcées par le retour massif<br />
de combattants depuis la Libye suite à la chute du<br />
régime de Kadhafi, et à la création du Mouvement<br />
National pour la Libération de l’Azawad (MNLA).<br />
Une faible gouvernance, une corruption latente, un<br />
mauvais fonctionnement de l’Etat de Droit, et un<br />
manque de leadership politique, ont provoqué une<br />
crise politique au Sud et un coup d’état le 22 mars<br />
<strong>2012</strong> à Bamako.<br />
Face à un nouveau gouvernement illégitime, les<br />
bailleurs de fonds ont suspendu l’ensemble des<br />
programmes de développement, y compris l’aide<br />
budgétaire (soit environ 40 % du budget national).<br />
Seuls les programmes d’aide humanitaire au<br />
bénéfice direct des populations ont été maintenus<br />
jusqu’au mois d’août dernier. L’espoir politique<br />
renaissait avec le retour du Président par intérim, et<br />
l’installation d’un Gouvernement d’union nationale<br />
qui a pour objectifs le rétablissement de la souveraineté<br />
sur l’ensemble du territoire et l’organisation<br />
d’élections démocratiques.<br />
Si la coopération au développement a pu reprendre<br />
de façon “normale” dans le sud du pays avec des<br />
autorités locales très affaiblies, il n’en est évidemment<br />
pas de même dans la partie nord, représentant<br />
les deux tiers du territoire malien.<br />
Fl. Duvieusart<br />
Réponse<br />
de la<br />
Belgique :<br />
Le programme de la Coopération belge au Mali se<br />
focalise sur l’agriculture et la sécurité alimentaire<br />
afin d’augmenter la résilience des populations.<br />
Des programmes d’élevage à Nara, Ménaka et<br />
Sikasso, et d’agriculture à Samanko et Tombouctou<br />
ont été mis en place. En raison de l’insécurité,<br />
les programmes dans le Nord ont été suspendus<br />
tandis que ceux du Sud, en appui direct à la population,<br />
se poursuivent.<br />
Le Fonds Belge pour la Sécurité Alimentaire (FBSA)<br />
vise quant à lui à favoriser l’accès des groupes les<br />
plus vulnérables aux facteurs de production, technologies<br />
et marchés.<br />
La Belgique, à travers ses programmes humanitaires,<br />
participe également à la lutte contre l’insécurité<br />
des groupes de populations les plus vulnérables<br />
comme les déplacés et les réfugiés. Ces<br />
aides sont principalement acheminées par le biais<br />
d’organisations internationales (Nations Unies,<br />
Croix-Rouge) ou non gouvernementales.<br />
F D<br />
dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 21