Dimension 3 n° 2012/5 - Belgium
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majorité des parents n’a pas conscience que<br />
de 6 mois à un an, leur progéniture a besoin<br />
d’une nourriture appropriée. Ce n’est pas<br />
dans la culture des Nigériens. Plutôt que<br />
des plats spécifiques, telles les bouillies aux<br />
fruits ou aux légumes, les bébés partagent<br />
les plats de leurs parents. Trop pimentés,<br />
ces repas ne conviennent pas à ces très<br />
jeunes enfants.”<br />
La crise alimentaire de cette année ne fait<br />
donc qu’aggraver un problème de malnutrition<br />
chronique affectant plus d’un enfant<br />
sur trois au Niger. Les réponses à apporter<br />
pour combattre ce fléau ne semblent<br />
pas du tout évidentes, reconnaît la spécialiste<br />
du PAM, elle-même Nigérienne, “car<br />
c’est vraiment très complexe. Il faut beaucoup<br />
de sensibilisation, beaucoup d’investissement<br />
dans la prévention. Cela passe<br />
surtout par du temps donné aux femmes<br />
pour qu’elles se consacrent d’avantage à<br />
leurs enfants. Une réduction du nombre de<br />
naissances est donc indispensable dans le<br />
contexte de grande pauvreté du pays. La<br />
planification familiale est encouragée. Mais<br />
seulement 23 % des femmes utilisent des<br />
moyens de contraception, pourtant fournis<br />
totalement gratuitement. La structure<br />
sociale et culturelle ne nous encourage pas<br />
un changement des mentalités. La polygamie,<br />
qui est fort répandue, ajoute une pression<br />
familiale supplémentaire pour qu’une<br />
femme apparaisse comme très fertile aux<br />
yeux de la belle-famille par rapport aux<br />
autres co-épouses du mari.”<br />
Boubacar est sauvé : il peut rentrer<br />
à la maison avec sa maman.<br />
Beaucoup d’argent est mobilisé pour<br />
sauver dans l’urgence les vies menacées<br />
des enfants par la malnutrition aiguë<br />
lorsqu’une crise survient. Mais combattre<br />
les causes sous-jacentes de ce mal plus<br />
chronique passe par des investissements<br />
constants sur du plus long terme, avec<br />
une politique de développement misant<br />
davantage sur l’éducation.<br />
JOEL TABURY<br />
© GD / Joël Tabury<br />
Avec la crise<br />
alimentaire de<br />
cette année, le<br />
nombre de cas<br />
critiques a explosé<br />
durant le mois<br />
de septembre.<br />
Naziha El MOUSSAOUI<br />
La Croix-Rouge<br />
au chevet des cas<br />
les plus désespérés<br />
Avec un financement de la Coopération belge, la Croix-<br />
Rouge de Belgique s’attèle à renforcer dans le district de<br />
Barouéli les capacités de la branche malienne du Mouvement<br />
international auquel elle appartient. L’objectif principal de ce<br />
projet ayant été lancé en 2010 est de permettre une prise en<br />
charge communautaire de la malnutrition.<br />
Dans l’ensemble des villages que compte le district, 211 Comités de santé ont<br />
été constitués. Chacun d’eux repose sur des relais communautaires, dont<br />
une accoucheuse villageoise, et bénéficie de l’appui de 2 à 3 volontaires<br />
de la Croix-Rouge malienne. Ces structures très locales ont été formées<br />
au dépistage et la prise en charge des cas de malnutrition. Un gros effort est aussi mis<br />
dans la prévention avec de multiples actions de sensibilisation pour un changement de<br />
comportement alimentaire des villageois. L’accent est aussi mis sur l’importance de l’hygiène<br />
et la réhabilitation des points d’eau qui va avec. Un véritable travail de prévention<br />
et d’éducation aux bonnes pratiques qui finira par porter ses fruits mais qui n’empêche<br />
malheureusement pas la multiplication des cas de malnutrition aiguë.<br />
“Avec la crise alimentaire de cette année, le nombre de cas vraiment critiques a explosé<br />
durant le mois septembre. C’est le mois le plus difficile car les stocks sont épuisés dans<br />
l’attente des prochaines récoltes débutant en octobre”, nous explique Naziha El Moussaoui,<br />
gestionnaire belge du projet. Pénétrant dans l’Unité de réhabilitation et d’éducation<br />
nutritionnelle intensive, une dizaine d’enfants extrêmement affaiblis sont alités avec<br />
leur mère. Tous ne pourront être sauvés car leur état de malnutrition s’accompagne de<br />
fortes complications, avec des maladies telles que rougeole, pneumonie ou tuberculose.<br />
“La semaine dernière, nous avons eu cinq décès. Aujourd’hui, deux des petits présents ont<br />
un pronostic vital bien faible.” D’un côté, un petit garçon d’un an à peine dont la mère est<br />
décédée, et qui avait été confié à sa grand-mère avec ses quatre autres frères et sœurs.<br />
“Il nous a été amené au Centre de la Croix-Rouge il y a deux jours avec une pneumonie<br />
grave, un marasme et des œdèmes nutritionnels. Le haut du corps reste très maigre mais<br />
le gonflement de ses jambes a déjà pu être résorbé.” Une autre petite fille de deux ans<br />
au retard de croissance manifeste est quant à elle soignée depuis trois semaines. “Nous<br />
l’avions traitée pour son insuffisance respiratoire mais nous craignons qu’elle ne souffre en<br />
fait de tuberculose, elle va donc être isolée.” Et si, fort heureusement, beaucoup d’enfants<br />
sont sauvés, nombreux sont ceux qui en gardent des séquelles à vie. Car comme nous<br />
l’explique la responsable de la Croix-Rouge : “L’enfant en insuffisance alimentaire puise<br />
son énergie dans ce qui lui reste de graisses, puis sa force vitale ne peut plus être tirée<br />
que dans les muscles, et pour finir dans les organes vitaux. En dessous de deux ans, les<br />
dommages cérébraux sont par exemple irréversibles.”<br />
JT<br />
SAHEL<br />
© DGD / Joël Tabury<br />
dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 5