Dimension 3 n° 2012/5 - Belgium
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SAHEL<br />
désertification et comment sa réalisation<br />
va pouvoir progresser. Pour l’instant, dans<br />
les 11 pays sahéliens concernés, ce projet<br />
demeure à l’état embryonnaire.<br />
On a beaucoup d’acquis, beaucoup<br />
d’analyses, de plans, de projets, réalisés<br />
depuis des années, qui n’ont jamais trouvé<br />
de financement, et qui sont bien en dessous<br />
des sommes à mobiliser pour cette<br />
Muraille verte. Par ailleurs, son appropriation<br />
sur le terrain demeure encore<br />
extrêmement compliquée. En définitive,<br />
on voit peu d’avancées significatives de<br />
la Grande Muraille verte, projet qu’il s’agit<br />
en outre d’articuler avec les Programmes<br />
d’adaptation au changement climatique.<br />
Le pompage dans les aquifères<br />
profonds est-il techniquement<br />
possible, et comment distribuer<br />
l’eau sur de vastes étendues ?<br />
D’un point de vue strictement technique,<br />
il n’y a pas de raison que cela ne puisse<br />
pas être possible au Sahel, cela se fait<br />
bien dans d’autres régions du monde. Il<br />
s’agirait surtout de transferts d’expertise,<br />
et de ressources financières disponibles.<br />
Mon impression toutefois est qu’il s’agit,<br />
ici encore, d’une “belle solution technique”,<br />
pas forcément évidente à mettre<br />
en œuvre, alors qu’il existe par ailleurs<br />
des choses très simples que l’on ne fait<br />
toujours pas…<br />
Comme vous le savez, le Sénégal a fait face<br />
dernièrement à de nombreuses inondations.<br />
Non seulement Dakar a été inondé,<br />
mais également de nombreuses régions<br />
agricoles. Eh bien, savez-vous que dans<br />
6 ou 8 mois, on va se retrouver dans ces<br />
mêmes régions avec des difficultés d’accès<br />
à l’eau pour les semis qui débuteront<br />
en juin ou juillet 2013 ? Il faut considérer un<br />
instant la quantité d’eau de surface perdue<br />
tous les ans dans le Sahel parce que pratiquement<br />
rien n’est fait pour la collecter…<br />
Il pourrait s’agir de petits barrages, de<br />
modeste taille, de bassins de rétention, etc.<br />
- tout ce travail de base, indispensable, doit<br />
encore être fait, et on perd là une ressource<br />
en eau énorme. Au Sahel, on est dans une<br />
situation compliquée, avec la tentation<br />
© OXFAM / E. Hazard<br />
Une quantité énorme d'eau de surface est perdue parce que pratiquement<br />
rien n'est fait pour la collecter.<br />
d’aller rechercher l’innovation, la énième<br />
‘solution-miracle’, que l’on met en balance<br />
avec des dispositifs techniques simples<br />
qui ont été validés depuis de nombreuses<br />
années, mais qui n’ont jamais connu de<br />
début de mise en œuvre… Aujourd’hui, 85<br />
à 90 % des eaux de surface sont inutilisées :<br />
elles repartent sans qu’on n’en fasse rien !<br />
Il est de plus en plus souvent<br />
fait état de l’impact de la<br />
démographie sur les ressources<br />
alimentaires disponibles. En<br />
quoi celle-ci menacerait-elle<br />
la sécurité alimentaire ?<br />
Il faut inverser la perspective. Si la transition<br />
démographique des pays sahéliens<br />
doit être menée à terme - et peut-être que<br />
le planning familial pourra y concourir -, il<br />
me semble d’abord que la jeunesse de la<br />
population est aussi une véritable opportunité.<br />
L’enjeu aujourd’hui est le suivant : voulons-nous<br />
proposer à la population ouestafricaine<br />
un avenir dans la sous-région, ou<br />
voulons-nous l’inviter à continuer à émigrer<br />
? En Afrique sub-saharienne, ce sont<br />
330 millions de jeunes qui vont arriver sur<br />
le marché du travail d’ici 2025 ! 60 % d’entre<br />
eux vivent en zone rurale ! Si rien n’est fait, il<br />
y a un vrai risque et pas seulement alimentaire.<br />
C’est une bombe à retardement.<br />
Par contre, si nous investissons durablement<br />
dans l’éducation, dans la santé, si<br />
demain, dans les zones rurales, nous<br />
parvenons à mobiliser les jeunes pour<br />
l’agriculture, dans de véritables projets<br />
de sécurité alimentaire, ils pourront participer<br />
au développement d’un secteur<br />
agricole qui en a énormément besoin,<br />
et qui demain doit être capable, juste<br />
pour l’Afrique de l’Ouest, de nourrir<br />
500 millions de personnes à l’horizon<br />
2050 ! Aujourd’hui, dans un pays comme<br />
le Sénégal, quand vous prenez le plat<br />
traditionnel, national, le ‘poulet yassa’, le<br />
poulet provient du Brésil, les oignons des<br />
Pays-Bas, et le riz d’Inde ou de Thaïlande.<br />
J’espère que dans quelques années, le<br />
plat national du Sénégal sera préparé<br />
avec du poulet de la région du fleuve, des<br />
oignons de la région des Niayes, et du riz<br />
de Casamance. Et je pense que les jeunes<br />
peuvent nous y aider.<br />
Propos recueillis par<br />
Jean-Michel Corhay<br />
online<br />
Lire et télécharger l’intégralité de<br />
l’entretien sur le sitede la DGD<br />
www.dg-d.be > Actualités<br />
dimension 3 I novembre-décembre <strong>2012</strong> 9