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LAO-TZEU, LIE-TZEU TCHOANG-TZEU

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Léon WIEGER — Les pères du système taoïste 237<br />

CHAPITRE 17<br />

La crue d’automne<br />

Tch17.A. • • 337 C’était le temps de la crue d’automne. Cent rivières<br />

gonflées déversaient leurs eaux dans le Fleuve Jaune, dont le lit s’était<br />

tellement élargi, que, d’un bord à l’autre, on ne pouvait pas distinguer un bœuf<br />

d’un cheval. Cette vue mit en joie le G énie du Fleuve, qui se dit qu’il n’y avait<br />

au monde rien de mieux que son domaine. Suivant le flot, il descendit jusqu’à<br />

la mer du Nord. A la vue de ses eaux, qui s’étendaient vers l’Est sans limites,<br />

il constata qu’il y avait mieux que son domaine, et dit en soupirant au Génie<br />

de la mer :<br />

— L’adage « qui sait peu, se croit grand », s’applique à ma<br />

personne. J’ai bien ouï dire qu’il y avait mieux que Confucius et<br />

ses héros, mais je ne l’ai pas cru. Maintenant que j’ai vu l’étendue<br />

de votre empire, je commence à croire aussi que votre doctrine est<br />

supérieure à celle de Confucius (162). J’ai bien fait de venir me<br />

faire instruire, autrement les vrais savants auraient fini par rire de<br />

moi.<br />

— Soyez le bienvenu, dit le Génie de la mer. Oui, la grenouille qui<br />

vit au fond d’un puits, n’a pas l’idée de ce que peut être la mer ;<br />

elle ne connaît que son trou. L’éphémère éclos et mort en été, ne<br />

sait pas ce que c’est que la glace ; il n’a connu qu’une saison. Un<br />

lettré borné comme Confucius, ne sait rien de la science supérieure<br />

du Principe, abruti qu’il est par les préjugés de sa caste. Sorti de<br />

votre lit étroit, vous avez vu l’océan sans limites. Convaincu<br />

maintenant de votre imperfection, vous êtes devenu capable de la<br />

science supérieure. Ecoutez donc !.. De toutes les eaux, la plus<br />

grande c’est l’océan. Des fleuves innombrables y déversent leurs<br />

eaux sans cesse, sans l’augmenter. Il s’écoule continuellement par<br />

le goulet oriental, sans diminuer. Il n’a ni crues ni baisses, comme<br />

en ont les plus grands fleuves ; son niveau est toujours le même,<br />

invariable. Tel est mon empire. Eh bien ! son immensité ne m’a<br />

jamais inspiré aucun orgueil. Pourquoi ? Parce que, en<br />

comparaison du ciel et de la terre, du cosmos physique, je le trouve<br />

petit. Je me sens n’être pas plus qu’un caillou, qu’un arbuste, sur<br />

une montagne. Etant si peu, pourquoi m’estimerais -je beaucoup ?<br />

Comparés à l’univers, les abîmes des quatre océans se réduisent à<br />

de petits trous dans une surface immense. Comparée à la terre,<br />

notre Chine se réduit aux dimensions proportionnelles d’un grain<br />

dans un vaste grenier. La totalité des êtres existants étant exprimée<br />

par le nombre dix mille, l’humanité ne vaut qu’une unité. Nulle

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