PROTOTYPES DE L’iRCAM iRCAM, DU LABORATOiRE À LA SCÈNE FORMATiON ET TRANSMiSSiON (CURSUS) 21
DU LABORATOiRE À LA SCÈNE MUSiQUE/THÉÂTRE/CiNÉMA LA VOiX À L’iRCAM L’équipe Analyse-synthèse des sons de l’<strong>Ircam</strong> a mené de nombreux travaux sur le traitement des voix chantées mais aussi parlées : transformation des voix et de l’expressivité, modification des prononciations (accents toniques) ou des identités, suivi en temps réel et synthèse à partir du texte où l’ordinateur prononce un texte comme le ferait le locuteur. Ces prototypes mis au point ont été détournés pour différents projets artistiques musicaux mais aussi dans le spectacle vivant et au cinéma. Dans le film Farinelli de Gérard Corbiaud, la voix du célèbre castrat avait été recréée par transformation des voix d’un contre-ténor et d’une soprano. Pour le film Vatel de Roland Joffé, c’est la prononciation de l’anglais qui a été modifiée (accent tonique, voyelles et consonnes spécifiques, etc.) sans transformer le timbre de l’acteur Gérard Depardieu. Pour Tirésia de Bertrand Bonello, la voix de l’actrice a été transformée en voix d’homme tout en conservant sa personnalité. À l’inverse, dans le film Les amours d’Astrée et de Céladon d’Éric Rohmer, le héros affirme pouvoir déguiser sa voix, autant que son apparence, mais ce sont les programmes informatiques de l’<strong>Ircam</strong> qui lui apportent cette ambiguïté féminine. Au théâtre, pour Un mage en été d’Olivier Cadiot créé au Festival d’Avignon 2010, parler avec la voix d’une éminence disparue, transformer les caractéristiques identitaires de la voix telles que la taille, l’âge ou le genre, étendre les registres vocaux d’un acteur pour amplifier sa palette d’expression et faire évoluer celle-ci dans des espaces sonores qu’elle est capable de modifier, sont autant de perspectives que l’<strong>Ircam</strong> propose dans le dialogue continu que l’institut de recherche entretient avec l’imaginaire artistique. Quelques œuvres K opéra de Philippe Manoury / 2001 Avis de tempête de Georges Aperghis / 2004 Les sept Paroles de Tristan Murail / création Agora 2010 Les Bacchantes de Georgia Spiropoulos / création Agora 2010 Un Mage en été d’Olivier Cadiot / création Avignon 2010, reprise au Centre Pompidou du 22 au 27 septembre 2010 La Métamorphose de Michaël Levinas / Opéra de Lille, 2011 Le Scribe, théâtre musical de Georges Aperghis /création 2011 Gutenberg de Philippe Manoury / Opéra de Strasbourg, 2011 Quartett de Luca Francesconi / Scala de Milan, avril 2011 ORCHESTRATiON À L’iRCAM « Un orchestre qui parle … » : telle est l’image de départ du compositeur Jonathan Harvey pour son œuvre pour orchestre et électronique. Speakings renouvelle la question de l’orchestration et des matériaux musicaux en faisant appel aux outils de transcription et d’orchestration automatique développés à l’<strong>Ircam</strong>. La voix enregistrée est transcrite en matériaux musicaux. Ces matériaux sont ensuite orchestrés par l’ordinateur pour rapprocher l’écriture instrumentale des structures naturelles de la voix, qui est en quelque sorte la « cible ». L’orchestre est également transformé en chimères de sons électroniques qui circulent dans l’espace acoustique. Ces transpositions en temps réel font appel aux techniques de convolution sonore, détournées pour créer des entités sonores hybrides entre la voix et l’orchestre. À travers ces transpositions électroniques, la voix est omniprésente pendant toute la pièce et sous toutes ces formes : babillages, lecture de T. S. Elliot, conversations, mantra. Speakings évoque la nature évolutive de la voix et travaille la frontière perceptive entre parole et musique. La voix devient un instrument qui n’existe que par l’interaction entre l’orchestre et les sons électroniques : l’électronique imprime les structures de la voix dans l’orchestre, l’orchestre dénature le sens de la parole à travers l’électronique. Quelques œuvres Astral/Chromoprojection de Kenji Sakai / <strong>Ircam</strong>, 2009 Speakings de Jonathan Harvey / 2008 Glasgow, Proms, Agora 2010 Wurstenbuch de Beat Furrer / création 2010, Opéra de Bâle Nouvelle œuvre pour piano et électronique de Jonathan Harvey / 2011 22