DOSSIERNI PANACÉE NI BOMBE À RETARDEMENTLES P3 SOUS LEURVRAI JOURÀ l’instar du juge qui doit se soumettre à l’exig<strong>en</strong>ce de la justice et de l’appar<strong>en</strong>ce de la justice,un État ayant recours à un part<strong>en</strong>ariat public-privé pour la prestation de services publicsdoit se soumettre à « l’exig<strong>en</strong>ce de l’appar<strong>en</strong>ce ». Non seulem<strong>en</strong>t doit-il déf<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> premierlieu l’intérêt public, mais il doit aussi <strong>en</strong> donner l’appar<strong>en</strong>ce. Il doit être impartial, transpar<strong>en</strong>tet rigoureux dans le choix de ses part<strong>en</strong>aires… Il doit être <strong>en</strong> position de force et d’autoritécompét<strong>en</strong>te vis-à-vis de ces derniers… Il doit t<strong>en</strong>ir compte de l’effet à long terme de sesdécisions… Et <strong>en</strong> donner l’appar<strong>en</strong>ce. PAR ROBIN PHILPOTVOILÀ UNE PREMIÈRE CONCLUSION tiréedes observations de quatre professeursde <strong>HEC</strong> Montréal qui ont étudié ce modede prestation de services et qui croi<strong>en</strong>t quele Québec ne peut plus se permettre des’<strong>en</strong> priver.« <strong>Le</strong>s part<strong>en</strong>ariats publics-privés –les P3 –, qui pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t d’innombrablesformes, ne sont ni une panacée pour réglerles problèmes de livraison de servicespublics ni synonymes de démantèlem<strong>en</strong>tdiabolique de ces mêmes services »,affirme Joseph Facal, professeur invité auService de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t du managem<strong>en</strong>tet anci<strong>en</strong> présid<strong>en</strong>t du Conseil du trésordu Québec. « Il ne faut pas <strong>en</strong> faire unereligion. Il s’agit d’un outil comme un autreauquel l’État peut recourir. Il serait naïfd’<strong>en</strong> att<strong>en</strong>dre des remèdes à tous les mauxtout comme il serait ins<strong>en</strong>sé de les rejeterdu revers de la main. »Alors, pourquoi y <strong>en</strong> a-t-il si peu auQuébec ? « On a observé, à ce jour, uneespèce d’incapacité à <strong>en</strong> réaliser ici, quel quesoit le parti politique au pouvoir, note B<strong>en</strong>oitAubert, professeur titulaire et directeur de larecherche à <strong>HEC</strong> Montréal. Il s’<strong>en</strong> fait moinsau Québec que dans les autres provincescanadi<strong>en</strong>nes et que dans bi<strong>en</strong> d’autres
✒A REALISTIC LOOK AT P3sJust as Caesar’s wife had to be abovereproach and be se<strong>en</strong> to be above reproach,governm<strong>en</strong>ts wishing to use public/privatepartnerships (P3s) to provide public servicesmust keep in mind that the appearance isas important to their success as the reality.They must not only be impartial, transpar<strong>en</strong>t,rigorously equitable, and unb<strong>en</strong>dingin the def<strong>en</strong>ce of public interest, but alsobe se<strong>en</strong> to be all that as well. <strong>HEC</strong> Montréalprofessors and researchers B<strong>en</strong>oit Aubert,Jean-Paul Dupré, Joseph Facal and MichelPatry make this observation, but add thatQuebec can no longer turn its back on P3s,and the best place to begin would be witha major highway or bridge project.Pragmatism should replace ideology in thepublic debate. P3s provide a way to bringmajor public infrastructures on line earlierwithout causing public debt to burgeonunduly and without privatizing publicassets. They make it easier to define a projectwith a fixed schedule and budget to avoidthe politically inspired “nice-to-have” featuresthat g<strong>en</strong>erally wreak havoc on budgetsand schedules. Moreover, success in largeinfrastructure projects oft<strong>en</strong> dep<strong>en</strong>ds oncompleting them quickly, as Toronto’sHighway 407 and the Confederation Bridgeprojects have shown.To allay risk and prev<strong>en</strong>t failure, P3 agreem<strong>en</strong>tsmust be clear, very detailed, op<strong>en</strong>,and should contain detailed performancecriteria and inc<strong>en</strong>tives to <strong>en</strong>sure that privatepartners continue to improve the infrastructuresor facilities <strong>en</strong>trusted to them.Governm<strong>en</strong>ts must also maintain levels ofexpertise and a strong negotiating positionso as to <strong>en</strong>sure productive partnershiparrangem<strong>en</strong>ts reached through a competitivebidding process and to avoid beingheld hostage by private partners. The typeof expertise that is required changes,however. Instead of mastering techniquesand work process control, the public partnermust specialize in properly definingmandates, measuring performance and<strong>en</strong>suring that quality and service standardsare met. P3s in fact foster managem<strong>en</strong>tby results, making private partners moreresponsible.The third partner in a P3 – also known asthe citiz<strong>en</strong>, user or taxpayer – must be keptin mind at all times. If this partner perceivesno interest or gain in a P3 project, theproject is likely to be doomed, and everyonestands to lose. Frank, honest, andstraightforward communications are thusrequired to prev<strong>en</strong>t the debate frombeing derailed.MICHEL PATRYpays, même où l’État a plus d’importancequ’ici. Cela dit, je serais inquiet si le Québecse lançait tout à coup et à grande échelledans les P3. Mais on pourrait certainem<strong>en</strong>tcomm<strong>en</strong>cer par quelques projetsprometteurs. Pourquoi pas la constructionde routes? Dans ce domaine, les besoins sontconsidérables et le risque de s’<strong>en</strong>liser dansun vaste débat sur le mode de prestationdes services publics, comme ce serait lecas avec l’eau et la santé, est plus mince. »Responsabilisation et efficacitéSelon Michel Patry, professeur titulaire àl’Institut d’économie appliquée et présid<strong>en</strong>tdirecteurgénéral du CIRANO, pour l’État,les principaux attraits des P3 résid<strong>en</strong>t dansl’accélération de la mise <strong>en</strong> service d’équipem<strong>en</strong>tset d’infrastructures importantsainsi que dans l’amélioration de services,sans avoir à augm<strong>en</strong>ter indûm<strong>en</strong>t la dettepublique ni à recourir à la privatisationdes équipem<strong>en</strong>ts ni à porter seul tous lesrisques. Et il y <strong>en</strong> aurait d’autres. « <strong>Le</strong> modeP3, poursuit-il, permet d’inclure dans une<strong>en</strong>t<strong>en</strong>te un incitatif à la responsabilisationdu part<strong>en</strong>aire privé. <strong>Le</strong> constructeur oul’exploitant d’une autoroute, par exemple,pourra être t<strong>en</strong>u de garder son équipem<strong>en</strong>t<strong>en</strong> bon état, car le mainti<strong>en</strong> ou le r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>tde l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>te <strong>en</strong> dép<strong>en</strong>dra. Ce modepermet aussi de mieux cerner un projet,de lui imposer un début et une fin, soit unéchéancier qu’il faut respecter ! Il permetde plus de se protéger contre les aléasde la politique et des goûts du jour, lesfameux nice-to-have-features, souv<strong>en</strong>t responsablesdu dépassem<strong>en</strong>t des budgetset du non respect des échéanciers. »Jean-Paul Dupré, professeur associé auService de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t du managem<strong>en</strong>t,a fait carrière dans le secteur de la construction.Il abonde dans le même s<strong>en</strong>s : « Si onne peut pas réaliser un grand projet rapidem<strong>en</strong>t,on finit par payer l’équival<strong>en</strong>t duprix de détail par rapport au prix de gros.JEAN-PAUL DUPRÉL’autoroute 30 <strong>en</strong> est le meilleur exemple :ce grand projet remontant aux années 1960demeure inachevé. Et chaque tronçonconstruit à ce jour a coûté plus cher quesi l’autoroute dans son <strong>en</strong>tier avait étéconstruite d’un seul coup. »Jean-Paul Dupré met <strong>en</strong> oppositioncette expéri<strong>en</strong>ce désastreuse et un belexemple de réussite : l’autoroute 407, aunord de Toronto, qui s’ét<strong>en</strong>d sur 107 kilomètresde route réalisés <strong>en</strong> deux phases<strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat public-privé, dans le respectdu budget et de l’échéancier ! Autre bonexemple dont on pourrait s’inspirer : lepont de la Confédération reliant l’Île duPrince-Édouard au Nouveau-Brunswick.<strong>Le</strong> professeur Dupré est convaincu que lesPhotos › Jean Martin<strong>HEC</strong> Montréal <strong>MAG</strong> › Printemps 2006 21