TÊTE D’AFFICHEJACQUES ROYTISSER DES LIENSUne carrière l’att<strong>en</strong>dait dans les Forces arméescanadi<strong>en</strong>nes. Il a plutôt opté pour une vied’universitaire. Portrait d’un professeur der<strong>en</strong>om qui réussit à marier ses deux passions :le transport aéri<strong>en</strong> et la gestion des opérationset de la production. PAR MARTIN JOLICŒURMARS 2005, JACQUES ROY EST PARTOUT. À la radio, à latélévision, dans les journaux. <strong>Le</strong> transporteur à tarifs réduitsJetsgo vi<strong>en</strong>t de mettre fin abruptem<strong>en</strong>t à ses activités, laissantdes milliers de passagers sur le tarmac. <strong>Le</strong>s médias sollicit<strong>en</strong>tl’éclairage du professeur Roy. Celui-ci se prononce. <strong>Le</strong> publicl’écoute. C’est dans des circonstances similaires que la vastemajorité des Québécois ont appris à connaître et à reconnaître cetintellectuel de <strong>HEC</strong> Montréal figurant parmi les plus sollicitéspar les médias.Étrange destin, tout de même, pour celui dont la principalespécialité est la gestion des opérations et de la production. « <strong>Le</strong>s deuxdisciplines – transport aéri<strong>en</strong> et GOP – diverg<strong>en</strong>t, c’est vrai, maisne s’oppos<strong>en</strong>t pas nécessairem<strong>en</strong>t », précise-t-il.Diplômé avec haute distinction du Collège militaire royal deSaint-Jean où il a obt<strong>en</strong>u son baccalauréat ès sci<strong>en</strong>ces (mathématiques– physique), Jacques Roy s’initie d’abord à l’aviation dans lesForces armées canadi<strong>en</strong>nes. Press<strong>en</strong>ti pour dev<strong>en</strong>ir pilote, il préfèrele génie aérospatial qui le mènera, au début des années 1970, auposte de responsable du contrôle des opérations d’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>d’avions à la base militaire de Bagotville, une division regroupantpas moins de 450 technici<strong>en</strong>s, superviseurs et ingénieurs.« On était <strong>en</strong> pleine Guerre froide. C’était l’époque des abrisnucléaires et des simulations d’attaques de bombardiers russes »,se remémore-t-il avec un amusem<strong>en</strong>t évid<strong>en</strong>t. N’empêche que c’està ce mom<strong>en</strong>t que surgit sa passion pour la résolution de problèmesconcrets (gestion des transports, des stocks, de la production,etc.) au moy<strong>en</strong> d’applications mathématiques.Jacques Roy obti<strong>en</strong>t un MBA <strong>en</strong> 1976 et un Ph. D. <strong>en</strong> 1985 de<strong>HEC</strong> Montréal. Sa thèse, intitulée Un modèle de planificationglobale pour le transport routier des marchandises, est désignéela meilleure de l’année dans le domaine du transport par leGroupe de recherche sur les transports au Canada. Sa carrièreuniversitaire s’amorce <strong>en</strong> 1980, d’abord à l’Université du Québecà Montréal (UQAM). Il y accepte successivem<strong>en</strong>t plusieurs mandatsimportants, dont l’élaboration de la conc<strong>en</strong>tration <strong>en</strong> gestiondes opérations au B.A.A., la direction du MBA pour cadres, laresponsabilité des programmes de 1 er cycle <strong>en</strong> logistique et transportroutier des marchandises et la direction du MBA spécialisé<strong>en</strong> logistique et transport.Son passage à l’Institut international de <strong>format</strong>ion <strong>en</strong> gestionaéronautique civile de Montréal, à titre de directeur de la <strong>format</strong>ion<strong>en</strong> gestion (1988-1989), puis de directeur des activités derecherche et de publication (1993-1996), allait être déterminantpour la suite de son parcours : Jacques Roy décide de pr<strong>en</strong>drepart au débat <strong>en</strong>tourant le transfert des vols de passagers del’aéroport de Mirabel à l’aéroport de Dorval. « Ce transfert, c’estmon histoire triste favorite », dira-t-il.En octobre 2001, le professeur Roy accepte finalem<strong>en</strong>tl’invitation de <strong>HEC</strong> Montréal qui le recrute à titre de professeurtitulaire au Service de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la gestion desopérations et de la production, qui porte maint<strong>en</strong>ant le nomde Service de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de la gestion des opérations etde la logistique. L’expert <strong>en</strong> gestion de la chaîne logistique estaccueilli à bras ouverts.28<strong>HEC</strong> Montréal <strong>MAG</strong> › Printemps 2006
dont la moitié étai<strong>en</strong>t des membres de l’industrie, y assistai<strong>en</strong>t.« Cette formule d’échange est assez unique », affirme JacquesRoy. Un part<strong>en</strong>ariat qu’Industrie Canada ne manque d’ailleursjamais de citer <strong>en</strong> exemple partout au pays.Jacques Roy dirige aussi, depuis 2003, le Groupe de recherchesur l’intégration et l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t de la chaîne d’approvisionnem<strong>en</strong>t(CHAINE). Ce groupe permet aux professeurs de l’Écoleet d’universités étrangères (les universités de Bordeaux et d’Indiananotamm<strong>en</strong>t) d’échanger, d’organiser des actions communes(colloques, confér<strong>en</strong>ces) et même de réaliser conjointem<strong>en</strong>t desmandats de recherche.Photo › Jean MartinJACQUES ROYÉtroite collaboration avec l’industrieUn an après son arrivée, Jacques Roy lance le diplôme d’étudessupérieures spécialisées (D.E.S.S.) <strong>en</strong> gestion de la chaîne logistique.Un succès. <strong>Le</strong> programme spécialisé qui attire déjà unetr<strong>en</strong>taine d’étudiants, <strong>en</strong> 2002, <strong>en</strong> accueille 75 nouveaux à l’automne2005. Il regroupe aujourd’hui près de 200 étudiants actifs, dontplus de la moitié prov<strong>en</strong>ant de l’étranger, notamm<strong>en</strong>t de la Chine,de la France, de l’Amérique c<strong>en</strong>trale, de la Russie, de la Roumanieet du Maghreb.« Il n’est pas rare que je sois le seul Québécois dans la classe,confie Éric Allard, étudiant au D.E.S.S. et vice-présid<strong>en</strong>t canadi<strong>en</strong>de Exel logistique mondial. On ne se r<strong>en</strong>d pas suffisamm<strong>en</strong>tcompte de l’importance et des qualités de ce programme, dont lesli<strong>en</strong>s étroits tissés avec l’industrie. »Nulle initiative ne le démontre mieux que le Carrefour logistiquede <strong>HEC</strong> Montréal que Jacques Roy dirige depuis bi<strong>en</strong>tôt deux ans.Plus qu’un lieu d’échanges <strong>en</strong>tre dirigeants de l’industrie etexperts de <strong>HEC</strong> Montréal, ce Carrefour donne aux <strong>en</strong>treprisesmembres – dont Bombardier Transport, Domtar, Robert Transportet Hydro-Québec – un accès privilégié à la recherche, aux programmesde <strong>format</strong>ion et aux nouveaux diplômés prêts à releverdes défis <strong>en</strong> <strong>en</strong>treprise.<strong>Le</strong> Carrefour est à l’origine, par exemple, de la t<strong>en</strong>ue d’uncolloque intitulé La collaboration dans la chaîne logistique :la réalité québécoise, ayant eu lieu à la fin de janvier dernier.L’événem<strong>en</strong>t a mis de l’avant des représ<strong>en</strong>tants de L’Oréal Canada,de Robert Transport et de Komatsu Canada. Plus de 80 participants,Diversifier la cli<strong>en</strong>tèleDepuis 2004, Jacques Roy dirige le Service de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dela gestion des opérations et de la logistique qui, avec sa quinzainede professeurs et sa tr<strong>en</strong>taine de chargés de cours, est le plusimportant service d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t dans ce domaine au Canada !« Ce que Jacques Roy et son équipe de passionnés ont accomplià <strong>HEC</strong> Montréal est assez incroyable. Je dirais même que c’estcolossal », affirme Philippe <strong>Le</strong>blanc, premier vice-présid<strong>en</strong>tdu chapitre québécois de l’association CAL-Canada et directeur dudéveloppem<strong>en</strong>t commercial de Métro Canada Logistique. « Notreprofession, ajoute-t-il, dispose maint<strong>en</strong>ant d’une véritable maisond’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t qui sait promouvoir le domaine et bi<strong>en</strong> préparerla relève. »Une relève bel et bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> demande. En effet, selon une étuderéc<strong>en</strong>te 1 , le tiers des 700 chefs d’<strong>en</strong>treprises québécoises interviewésaffirmai<strong>en</strong>t avoir r<strong>en</strong>contré des difficultés à recruter du personnelcompét<strong>en</strong>t <strong>en</strong> gestion de la chaîne logistique. L’accroissem<strong>en</strong>t deséchanges internationaux et la complexification des outils mis <strong>en</strong> placefont aussi croître les besoins <strong>en</strong> <strong>format</strong>ion, souti<strong>en</strong>t Jacques Roy.Ce contexte plaît à celui qui avoue ne pas beaucoup aimer le statuquo… Et qui <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d accroître et diversifier son bassin d’étudiants <strong>en</strong>offrant év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t des cours et des programmes de perfectionnem<strong>en</strong>t<strong>en</strong> langue anglaise. « C’est un monde où tout se passe<strong>en</strong> anglais. Tous mes étudiants sont parfaitem<strong>en</strong>t bilingues et plusde la moitié parl<strong>en</strong>t couramm<strong>en</strong>t trois langues. Si nous attironsune cli<strong>en</strong>tèle composée à 50 % d’étudiants étrangers <strong>en</strong> offrant descours <strong>en</strong> français, imaginez les résultats avec des cours <strong>en</strong> anglais. »Au quotidi<strong>en</strong> de Jacques Roy s’ajout<strong>en</strong>t évidemm<strong>en</strong>t larecherche, la rédaction d’articles sci<strong>en</strong>tifiques, les confér<strong>en</strong>ceset la direction de travaux d’étudiants de maîtrise et de doctorat.Avec autant à faire, on se surpr<strong>en</strong>d de le voir consacrer <strong>en</strong>coredu temps aux médias. « Pour moi, il s’agit d’une contributionutile qu’un universitaire peut apporter à sa communauté. En plus,cela m’incite à me t<strong>en</strong>ir à jour, ce qui me sert énormém<strong>en</strong>t pourla préparation de mes cours. »1Roy, J., Y. Bigras, P. Filiatrault et A. Martel, « Analyse des besoins de <strong>format</strong>ion<strong>en</strong> logistique au Québec », Rapport de recherche commanditée par le ministèredes Finances du Québec et l’Institut de <strong>format</strong>ion <strong>en</strong> gestion du transport et dela logistique, C<strong>en</strong>tre de recherche <strong>en</strong> gestion, UQAM, avril 2002.<strong>HEC</strong> Montréal <strong>MAG</strong> › Printemps 2006 29