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du mardi 18 novembre 2008 - IPM

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D É B A T SOpinion - SANTÉLamaladiea-t-elleunsens?PHILIPPE MATSASw Oui et même plusieurs. A nous de distinguer le sens biologiquedéfini par la science, le sens symbolique exprimé par les malades et lesens collectif qui responsabilise la société et pousse à la prévention.É P I N G L ÉUn livre et uneconférenceThierry JANSSENChirurgien. PsychothérapeuteAuteur notamment de “La maladie a-t-elle un sens ?(voir encadré)(Vient de paraître) – ConférencierComme tous les animaux, nouspercevons le monde à travers lefiltre de nos organes sensoriels.Nos perceptions engendrentalors dans notre cerveau de mammifèresune série d’émotions qui constituentautant de signaux alarmants ou, au contraire,rassurants. Et, parce que nous possédonsun cortex cérébral spécifiquementhumain, nos émotions sont finalementtransformées en images – en représentations– auxquelles nous associons dessons, des mots, des sentiments. C’est ainsique naissent nos pensées et nos discours.C’est aussi comme cela que commence notrequête de sens. Car, personne ne peutvivre sans représentations de la réalité.Nous avons besoin de pouvoir organisernos perceptions <strong>du</strong> monde selon un modecohérent, rassurant et apaisant. Croireque la réalité n’est pas absurde nous estindispensable. Il en va de notre survie.“Avoir l’espoir ne veut pas dire que nouspensons que les choses vont se pro<strong>du</strong>irebien”, écrivait Vaclav Havel. “Cela signifiesimplement que nous pensons que les chosesauront un sens.” La capacité d’attribuerun sens aux évènements de l’existencepermet aux humains d’affronter lespires difficultés. L’espoir qui s’éveille ennous constitue une “émotion agréable”qui, à l’instar de la joie ou de l’enthousiasme,activent nos défenses immunitaireset stimulent les mécanismes réparateursde notre organisme. Sans ces émotionspositives nous serions anéantis sousle poids de nos peurs. De nombreuses étudesle montrent : privés d’espoir nous nepourrions pas continuer à vivre.Notre besoin de sens est donc fondamental.En particulier lorsque nous sommesconfrontés à la maladie. Car celle-ciprovoque un chaos dans notre existence.Subitement, nous perdons nos repères,nous réalisons l’illusion de notre toutepuissance,nous connaissons le doute etl’incertitude. Dans ces circonstances, ilest urgent de pouvoir redéfinir la représentationque nous avons de nous-mêmes,CHIRURGIEN, THIERRY JANSSEN est aussiun psychothérapeute spécialisé dans l’accompagnementdes patients atteints de maladiesphysiques. Il est également l’auteur denombreux ouvrages dont “La solutionintérieure” - vers une nouvellemédecine <strong>du</strong> corps et de l’esprit(Fayard 2006) et de “La maladie a-t-elle un sens? - enquête au-delàdes croyances” (Fayard <strong>2008</strong>)quivient de paraître.Sur le thème de son dernier livre età l’initiative de l’ASBL Tetra, Thierry Janssendonnera une conférence le mercredi 26 <strong>novembre</strong>à 20 heures, à l’ULB-Auditoire Paul-Emile Janson, 50 avenue Franklin Roosevelt,1050 Bruxelles. nw Réservation:Tetraau02.771.28.81ouinfo@tetra-asbl.be.D’autres dates de conférences sont prévues en Belgique(voirwww.thierryjanssen.com).de repréciser notre vision <strong>du</strong> monde, d’inventerde nouvelles croyances, de nouvellescertitudes. C’est à ce prix que nouspouvons retrouver une raison d’exister,croire en la poursuite de notre projet, choisirune nouvelle direction pour notre vie.Lorsque je pratiquais la chirurgie, je neme rendais pas compte à quel point les patientsavaient besoin de comprendre cequi leur arrivait. Pourquoi eux ? Pourquoimaintenant ? Pourquoi decette façon là ? Jene réalisais pascombien il était importantpour euxd’attribuer un sensà leur expérience.Et pour cause. Al’instar de la civilisationqui lui adonné naissance, lamédecine modernea évacué la question<strong>du</strong> sens <strong>du</strong> champ deses préoccupations.Et, faute de temps,les soignants n’écoutentplus ce que racontentleurs patients.A moins quecela soit par manquede sensibilisation àl’influence bénéfiquedes émotions agréablessur la guérison ?En effet, depuis lesLumières, la médecines’est construiteautour d’un postulatqui place l’être humainen dehors de lanature. Considérantla nature comme dangereuse,nous utilisonsnotre intelligenceafin de la comprendredans sesmoindres détails pourla dominer, la contrôler,l’influencer. Ainsiest née la science moderne.“La voie <strong>du</strong> bonheurest la négation dela nature”, écrivait, auXVII e siècle, le philosopheJohn Locke. La civilisationoccidentales’est fondée sur cettecroyance. Et, conformémentau crédo scientifique,la médecine s’estattelée à soigner lecorps comme un objet. Oubliant par lamême occasion le caractère multidimensionnelde l’être humain – indivi<strong>du</strong> indivisible,fait de chair, certes, mais aussi deperceptions, d’émotions, de pensées et decroyances. Un être soumis au chaos del’existence, un animal en quête de sens.Les anglo-saxons utilisent trois motspour parler de la maladie. Disease désignel’affection, la pathologie telle que la médecinescientifique l’étudie, la diagnostiqueet la soigne. Illness décrit le malaise ressentipar les patients, leur vécu subjectif.Sickness qualifie la maladie en tant quephénomène social qui touche l’ensemblede la collectivité. Il existe donc au moinstrois niveaux de sens pour expliquer nosmaux. Le sens biologique de l’affection-diseasequi permet de la comprendre et de lasoigner. Le sens symbolique que nousavons besoin d’attribuer à nos malaisesillnessesafin d’intégrer notre souffrancedans le récit de notre existence. Et, enfin,le sens collectif des pathologies-sicknessesqui implique la responsabilité de toute lasociété. Force est de constater que notremédecine ne s’intéresse qu’au premier deces niveaux de sens. Or, comme toutes lescrises, la maladie comporte à la fois undanger et une opportunité.médecine est devenue une médecineguerrière qui ne s’intéresse qu’au sensbiologique de nos symptômes. Une “médecinede la maladie” qui prospère tantqu’elle peut chercher à comprendre, tantqu’elle peut innover pour soigner, tantqu’il existe des malades à guérir. Pourtant,Georges Canguilhem, Henri Laboritet, avant eux, les praticiens de médecinesmillénaires comme l’ayurvéda indienneou la médecine traditionnelle chinoise,nous ont appris que la maladie peut aussiêtre considérée comme une manifestationde la santé, une tentative de l’organismede préserver ou de retrouver sonéquilibre face à une situationLe danger deperturbante. Quelles quene pas comprendreles causes qui nousont précipités dansle chaos et de nousy enfoncer davantage.L’opportunitéd’identifierles raisons desoient ses causes – environnementales,sociales ou professionnelles–, la maladie survientparce qu’un déséquilibres’installe dans la vied’un indivi<strong>du</strong>, dans l’organisationde sa communauté,ou dans les modesde fonctionnement de lacivilisation à laquelle ilappartient.En occultant cet aspectde la réalité, enomettant de considérerla question <strong>du</strong> senssous tous ses angles, lamédecine s’expose aurisque d’avoir à soignerde plus en plus de maladiescausées par unmanque de sens. En effet,si les progrès de lascience permettent devivre plus longtemps, ilNOTRE ne faut pas oublier quebon nombre d’affections– maladies cardio-MÉDECINEESTvasculaires, pathologiesinflammatoires,diabète, cancers –, sontDEVENUEle résultat d’une usureUNE<strong>du</strong>e au temps, favoriséepar de mauvaises habitudesalimentaires, MÉDECINEdesnotre souffrance et de mettre en placed’autres causes pour obtenir une guérisonou, mieux encore, pour prévenir une récidive.Hélas, la prévention fait terriblementdéfaut dans nos stratégies médicales.Conditionnés par les postulats philosophiquesdes Lumières, nous avons tendanceà n’envisager que l’aspect négatifde nos maux. Du coup, nous cherchons àcomprendre les mécanismes pathologiquesdans toutes leurs subtilités pour développerdes moyens de lutter contre nosmaladies d’une manière efficace. NotreGUERRIÈREQUI NES’INTÉ-pollutions environnementalesou des stresspsychologiques chroniques.Autant de facteurspathogènes en cons-RESSEtante augmentationdans nos sociétés contemporaines.Or, face àQU’AU SENSl’accroissement de laBIOLOGIQUElongévité, dans un contextede plus en plusDE NOSfragilisant, les usuresSYMPTÔMES; <strong>du</strong>es au temps ne fontqu’empirer. C’est unÀ LAfait et il est inquiétant.La seule compréhensionbiologique de nosMALADIE ETNON À LA maux ne suffira pas à yremédier. Tôt ou tard,SANTÉ. nous devrons nous interrogersur la significationsymbolique et,surtout, collective desdégradations de notresanté. Tôt ou tard, nousserons obligés de remplacer notre “médecinede la maladie” par une “médecine dela santé” qui focalisera ses efforts surl’éradication des facteurs pathogènes,mettra sur pieds de véritables politiquesde prévention et sera moins récompenséepour ses aptitudes à réparer le mal qu’àempêcher sa manifestation. Cela demanderade revoir certaines de nos représentations,d’abandonner certaines de noscroyances, d’oser imaginer une autre civilisation.C’est une question de bon sens.Mais sommes-nous prêts à nous engagerdans cette direction ? nL A L I B R E 2 MARDI <strong>18</strong> NOVEMBRE <strong>2008</strong> 31© S.A. <strong>IPM</strong> <strong>2008</strong>. Toute représentation ou repro<strong>du</strong>ction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

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