D É B A T SFace à face - SPIRITUALITÉSLaviolence,<strong>du</strong>divinaudivanw Récit mythique, la Bible est proche des tragiques grecs qui, à lamême époque, construisent une réflexion autour de la violenceen vue de la dépasser. Par l’instauration de la loi. Par la sagesse.w Notre spécificité d’être de parole comme le travail de laculture permet de traiter socialement la violence. Puis vint lasociété néolibérale qui imposa la tyrannie de l’immédiat...André WÉNINProfesseur à la Faculté de théologie UCL.Co-auteur de “Des lois pour être humain”.(voir ci-dessous)Conférencier pour AltercitéJean-Pierre LEBRUNPsychiatre et psychnalyste.Co-auteur de “Des lois pour être humain”.(voir ci-dessous)Conférencier pour AltercitéLa Bible, en particulier le premierTestament, traîne une sombreréputation de violence. Un spectaclede J. Delcuvellerie, “Anathème”,isolait de leur contexte pour lesmonter en épingle de nombreux textes bibliquesoù Dieu est présenté comme violentou tient des propos violents. Un telpot-pourri souligne l’évidence, même si, àmes yeux, la manière n’est guère adéquate.Car, s’il n’est pas question de nierl’évidence, il n’est pas inutile non plus dela mettre en perspective pour pouvoir latravailler.Pour qui la lit dans la texture que luiont donné les traditions religieuses quil’ont transmise jusqu’à nous, la Bible, loind’être une incitation à la violence, offre unample matériau pour penser cette questionéminemment humaine, tout en indiquantdans son langage propre des pistesde réflexion et de comportement. En cela,elle est proche des tragiques grecs qui, àune époque comparable, construisent uneréflexion autour de la violence en vue d’indiquerde possibles issues, comme l’a bienmontré J. de Romilly (1) .On connaît le début de la Genèse. Ceque l’on sait moins, c’est que, ce récit degenre mythique (et qui doit être lu commetel) élabore sous forme narrative unesorte de “discours inaugural” sur la violence,qui anticipe en l’esquissant le trajetde la Bible entière.Dans ce récit, si le projet <strong>du</strong> personnagecréateur est un monde sans violence où leshumains exerceraient une douce maîtrise,elle ne tarde pas à faire son apparitionquand Adam et Eve écoutent l’animalitéqui les habite (le serpent) plutôt que laparole divine qui les invite à consentir àune juste limite destinée à permettre àchacun d’occuper une place qui lui est propre.Caïn est pris d’emblée dans cette logiqueoù l’inscrit l’attitude de ses parents àsa conception et à sa naissance (pour fairebref, le père abandonne le fils au désir incestueuxde la mère). Plus tard, quandleur incapacité à laisser l’autre être sujetpro<strong>du</strong>it chez Caïn son fruit de jalousie etd’envie, en l’absence de loi, Caïn se laisseentraîner jusqu’au meurtre <strong>du</strong> frèreavant de subir les conséquences tragiquesde son acte. Sa descendance sera marquéepar une escalade de violence qui finit parmettre en péril l’existence même <strong>du</strong>monde, tandis que le personnage divincherche en vain à enrayer ce processusmortifère, d’abord par la persuasion avecCaïn, puis par la menace, enfin par la violence(le déluge).De cette violence, Dieu se repent ensuite.Et on le voit mettre en place undispositif destiné à faire barrage à la violencequi détruit la terre en instaurantle régime de la loi. Un tabou rituel,d’abord, à portée métaphorique, interditla consommation <strong>du</strong> sang, posant une limitesymbolique à la haine qui porte ensoi le désir d’anéantissement totald’autrui. Une loi juridique la complète :la loi <strong>du</strong> talion (“Qui verse le sang de l’humain,pour l’humain son sang seraversé”) pose implicitement l’interdit <strong>du</strong>meurtre, tout en limitant la vengeanceque celui-ci appelle, par l’instaurationd’un principe de proportionnalité entreEPAREUTERSDRfaute et châtiment, en vue d’empêcherl’escalade de la violence.Le personnage divin poursuit alors sondiscours en rappelant à Noé et à ses filsque l’être humain est fait à son image,amorçant ainsi une voie de dépassementde la loi. Car il s’engage lui-même solennellementà renoncer à toute violence, àtoute destruction. Aussi dépose-t-il les armesd’agression, abandonnant son arcdans la nuée, cet “arc-en-ciel” devenant lemémorial de sa promesse de ne plus userde violence pour détruire. Ce faisant, ilsuggère aux humains faits à son imageque, si la loi peut mettre une sourdine à laviolence destructrice en cherchant à lacontenir, c’est dans une sagesse et une justiceexcédant la loi que se trouve un cheminpour retourner en forces de vie lesénergies qu’elle dégage.Dans les neuf premiers chapitres de laGenèse, cet itinéraire (2) propose une issueà la violence. Les différentes facettes decette réflexion sont reprises et exploréesen détail dans la suite des deux Testamentsbibliques. Comme s’il s’agissaitd’inviter le lecteur à aiguiser son regardpour le rendre perspicace face à la violence,en particulier la violence souterrainequi ravage l’intérieur de l’être jusqu’àce qu’elle déborde au-dehors. nw (1) J. de Romilly, “La Grèce antique contre la violence”, Éd.de Fallois, Paris, 2000.w (2) Pour plus de détails : A. Wénin, “La Bible ou la violencesurmontée”, DDB, Paris, <strong>2008</strong>.CONTEXTEA lire et à débattreIl n’est un secret pour personne quela possibilité de traiter socialementla violence est toujours corrélée autravail de la culture. Freud se réfèreau passage de la mère au père (en tantqu’il) caractérise une victoire de la vie del'esprit sur la vie sensorielle, donc un progrèsde la civilisation car la maternité estattestée par le témoignage des sens tandisque la paternité est une conjecture, est édifiéesur une dé<strong>du</strong>ction et sur un postulat (1) .Pour le dire, certes trop sommairement,c’est dans le passage de la prévalence <strong>du</strong>sensible immédiat à celle <strong>du</strong> raisonnementlogique et de la capacité réflexiveque Freud a situé l’essence même <strong>du</strong> progrèsde la culture et de la civilisation. Lacan,en référant la découverte freudienneà notre aptitude au langage, n’a fait quedémontrer comment ce consentement àperdre - au moins partiellement - l’immédiatetédes sens coïncide avec ce qui s’esttrouvé désigné par les interdits de l’incesteet <strong>du</strong> meurtre, le premier imposantle détachement d’avec l’immédiateté, lesecond prenant acte de l’impossible de sonretour.Ainsi, dans toutes les sociétés humaines,il faut se séparer de la mère, simplementparce que l’humanisation impliqueque l’être parlant perde la satisfaction totaleet que cette perte, il en prenne acte enabandonnant la jouissance de la mère,pour trouver la voie propre de son désir.L’appareil psychique s’avère ainsi dépendantde cette aptitudeà intro<strong>du</strong>ire la négativité.Pas de possibilitéde dire sans avoircreusé le trou dans cequi comble, sans avoirfait de l’absence dansla présence, pas de parolela bouche pleine !Notre spécificitéd’êtres de parole nousimpose de renoncer àl’immédiat. Nous sommescontraints d’enM Les lois suffisent-elles à contenircette violence souterrainequi ravage l’intérieur de l’être?André Wénin et Jean-Pierre Lebrun, le bibliste et le psychanalyste se risquent au dialogue. Loi,violence, autorité, altérité, statut de la parole... : leurs échanges sur ces thèmes ne les opposentfinalement pas tant. Incroyable comme la Bible, lue comme un mythe, résonne avec lapsychanalyse freudo-lacanienne. A lire dans ce nouveau livre, à quatre mains ten<strong>du</strong>es etdeux brillants cerveaux : “Des lois pour être humain” (www.edition-eres.com).La pertinence de leur face à face n’a pas échappé à la sagacité d’Altercité. Ce groupeinformel de chrétiens engagés dans la vie sociale et politique monte sa prochaine conférence-débatavec les deux protagonistes autour <strong>du</strong> thème “Qu’en est-il de la violence?”.Le <strong>mardi</strong> 25 <strong>novembre</strong> <strong>2008</strong> à 20h à l’auditoire central P. Lacroix (UCL), 51avenue Emmanuel Mounier (métro Alma) à Woluwé-Saint-Lambert.w Rens. www.altercite.be. Personnes de contact: Michel Hansenne (04.371.49.59), Denis Philippe (dphilippe@philippe-law.eu) et Clotilde Nyssens (info@clotildenyssens.be ou 02 .549.87.29).passer par le médiat, par le négatif, parl’absence qu’implique le détour <strong>du</strong> systèmelangagier.Or, la nouveauté à laquelle nous sommes- bon gré, mal gré - confrontés via lasociété néolibérale, c’est que le discourssocial n’atteste plus de ce que la conditiond’être parlant suppose, à savoir cette contraintede perdre l’immédiat. Prenons-enquelques exemples au hasard : lorsque lemarché offre sa panoplie toujours croissanted’objets à consommer, il devient demoins en moins acceptable que l’insatisfactionstructurelle qui marque toujoursle sujet de la parole soit encore de mise. Serenforce plutôt la tendance à revendiquer- selon la formule bien connue - le “tout ettout de suite”. Lorsque le droit se veut“science juridique” qui se contente d’enregistrerles pratiques, il renonce implicitementà se référer à des valeurs ; en laissantdominer l’idée qu’il suffit de parvenirà concilier des intérêts singuliers pour assurerle lien social, il évite d’encore signifierla part que chacun doit perdre pour vivreensemble. Lorsque la paternité est repérablevia la carte génétique, disparaîtcette paternité qui implique la conjecture,voire la croyance ; elle devient “certitude”au même titre que la maternité. Bien sûr,la chose n’est pas aussi simple, mais le faitest désormais acquis dans l’opinion: la paternitéaussi peut être certaine.Du fait de cette grande confusion (2) , quiconquedoit prescrire que cette perte del’immédiat ne dispose plus de la légitimitépour ce faire. S’en suit que le père concret -mais aussi la mère lorsqu’elle exerce lafonction paternelle, et quiconque doitamener à consentir à cette perte de jouissance- se trouve déstabilisé, voire hypothéqué,dans son intervention possible.En résulte un flottement qui, dans le rapportà sa progéniture, le met en difficultécar la nécessité de ce détour ne s’imposeplus alors que comme l’effet de son seulvoeu propre, de sa seule jouissance.Moyennant quoi, son intervention estaussitôt ramenée à celle d’un parent toutpuissantvoulant imposer son caprice !Ceci n’en est que plus délétère pourl’enfant car justifie qu’il se protège alorsde ladite intervention paternelle, fût-cepour sauver sa singularité, mais sanss’apercevoir que, <strong>du</strong> même coup, il s’immunisecontre la procé<strong>du</strong>re seule à mêmede le rendre autonome : consentir à se soumettreà l’autorité de ce que c’est la parolequi nous humanise. Impossible alors d’encoretuer symboliquement le père... s’il aété ainsi d’emblée éliminé. Le quiproquoest donc de taille et verrouille paradoxalementle sujet dans une position de dépendancequ’il prend pour son contraire !Nous ne dirons pas assez à quel point cescénario est lourd de conséquences. Carc’est ainsi que nous laissons s’installer latyrannie de l’immédiat au détriment évidemmentde la mise en place de ce détourdont nous venons de préciser qu’il constituele ressort même <strong>du</strong> travail de la culture,donc aussi <strong>du</strong> traitement social de laviolence. nw (1) S. FREUD, “L’homme Moïse et la religionmonothéiste“, Gallimard, 1986, p.213.w (2) Cf J.P.LEBRUN, “La perversion ordinaire”, Denoël2007.30 MARDI <strong>18</strong> NOVEMBRE <strong>2008</strong> L A L I B R E 2© S.A. <strong>IPM</strong> <strong>2008</strong>. Toute représentation ou repro<strong>du</strong>ction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
D É B A T SOpinion - SANTÉLamaladiea-t-elleunsens?PHILIPPE MATSASw Oui et même plusieurs. A nous de distinguer le sens biologiquedéfini par la science, le sens symbolique exprimé par les malades et lesens collectif qui responsabilise la société et pousse à la prévention.É P I N G L ÉUn livre et uneconférenceThierry JANSSENChirurgien. PsychothérapeuteAuteur notamment de “La maladie a-t-elle un sens ?(voir encadré)(Vient de paraître) – ConférencierComme tous les animaux, nouspercevons le monde à travers lefiltre de nos organes sensoriels.Nos perceptions engendrentalors dans notre cerveau de mammifèresune série d’émotions qui constituentautant de signaux alarmants ou, au contraire,rassurants. Et, parce que nous possédonsun cortex cérébral spécifiquementhumain, nos émotions sont finalementtransformées en images – en représentations– auxquelles nous associons dessons, des mots, des sentiments. C’est ainsique naissent nos pensées et nos discours.C’est aussi comme cela que commence notrequête de sens. Car, personne ne peutvivre sans représentations de la réalité.Nous avons besoin de pouvoir organisernos perceptions <strong>du</strong> monde selon un modecohérent, rassurant et apaisant. Croireque la réalité n’est pas absurde nous estindispensable. Il en va de notre survie.“Avoir l’espoir ne veut pas dire que nouspensons que les choses vont se pro<strong>du</strong>irebien”, écrivait Vaclav Havel. “Cela signifiesimplement que nous pensons que les chosesauront un sens.” La capacité d’attribuerun sens aux évènements de l’existencepermet aux humains d’affronter lespires difficultés. L’espoir qui s’éveille ennous constitue une “émotion agréable”qui, à l’instar de la joie ou de l’enthousiasme,activent nos défenses immunitaireset stimulent les mécanismes réparateursde notre organisme. Sans ces émotionspositives nous serions anéantis sousle poids de nos peurs. De nombreuses étudesle montrent : privés d’espoir nous nepourrions pas continuer à vivre.Notre besoin de sens est donc fondamental.En particulier lorsque nous sommesconfrontés à la maladie. Car celle-ciprovoque un chaos dans notre existence.Subitement, nous perdons nos repères,nous réalisons l’illusion de notre toutepuissance,nous connaissons le doute etl’incertitude. Dans ces circonstances, ilest urgent de pouvoir redéfinir la représentationque nous avons de nous-mêmes,CHIRURGIEN, THIERRY JANSSEN est aussiun psychothérapeute spécialisé dans l’accompagnementdes patients atteints de maladiesphysiques. Il est également l’auteur denombreux ouvrages dont “La solutionintérieure” - vers une nouvellemédecine <strong>du</strong> corps et de l’esprit(Fayard 2006) et de “La maladie a-t-elle un sens? - enquête au-delàdes croyances” (Fayard <strong>2008</strong>)quivient de paraître.Sur le thème de son dernier livre età l’initiative de l’ASBL Tetra, Thierry Janssendonnera une conférence le mercredi 26 <strong>novembre</strong>à 20 heures, à l’ULB-Auditoire Paul-Emile Janson, 50 avenue Franklin Roosevelt,1050 Bruxelles. nw Réservation:Tetraau02.771.28.81ouinfo@tetra-asbl.be.D’autres dates de conférences sont prévues en Belgique(voirwww.thierryjanssen.com).de repréciser notre vision <strong>du</strong> monde, d’inventerde nouvelles croyances, de nouvellescertitudes. C’est à ce prix que nouspouvons retrouver une raison d’exister,croire en la poursuite de notre projet, choisirune nouvelle direction pour notre vie.Lorsque je pratiquais la chirurgie, je neme rendais pas compte à quel point les patientsavaient besoin de comprendre cequi leur arrivait. Pourquoi eux ? Pourquoimaintenant ? Pourquoi decette façon là ? Jene réalisais pascombien il était importantpour euxd’attribuer un sensà leur expérience.Et pour cause. Al’instar de la civilisationqui lui adonné naissance, lamédecine modernea évacué la question<strong>du</strong> sens <strong>du</strong> champ deses préoccupations.Et, faute de temps,les soignants n’écoutentplus ce que racontentleurs patients.A moins quecela soit par manquede sensibilisation àl’influence bénéfiquedes émotions agréablessur la guérison ?En effet, depuis lesLumières, la médecines’est construiteautour d’un postulatqui place l’être humainen dehors de lanature. Considérantla nature comme dangereuse,nous utilisonsnotre intelligenceafin de la comprendredans sesmoindres détails pourla dominer, la contrôler,l’influencer. Ainsiest née la science moderne.“La voie <strong>du</strong> bonheurest la négation dela nature”, écrivait, auXVII e siècle, le philosopheJohn Locke. La civilisationoccidentales’est fondée sur cettecroyance. Et, conformémentau crédo scientifique,la médecine s’estattelée à soigner lecorps comme un objet. Oubliant par lamême occasion le caractère multidimensionnelde l’être humain – indivi<strong>du</strong> indivisible,fait de chair, certes, mais aussi deperceptions, d’émotions, de pensées et decroyances. Un être soumis au chaos del’existence, un animal en quête de sens.Les anglo-saxons utilisent trois motspour parler de la maladie. Disease désignel’affection, la pathologie telle que la médecinescientifique l’étudie, la diagnostiqueet la soigne. Illness décrit le malaise ressentipar les patients, leur vécu subjectif.Sickness qualifie la maladie en tant quephénomène social qui touche l’ensemblede la collectivité. Il existe donc au moinstrois niveaux de sens pour expliquer nosmaux. Le sens biologique de l’affection-diseasequi permet de la comprendre et de lasoigner. Le sens symbolique que nousavons besoin d’attribuer à nos malaisesillnessesafin d’intégrer notre souffrancedans le récit de notre existence. Et, enfin,le sens collectif des pathologies-sicknessesqui implique la responsabilité de toute lasociété. Force est de constater que notremédecine ne s’intéresse qu’au premier deces niveaux de sens. Or, comme toutes lescrises, la maladie comporte à la fois undanger et une opportunité.médecine est devenue une médecineguerrière qui ne s’intéresse qu’au sensbiologique de nos symptômes. Une “médecinede la maladie” qui prospère tantqu’elle peut chercher à comprendre, tantqu’elle peut innover pour soigner, tantqu’il existe des malades à guérir. Pourtant,Georges Canguilhem, Henri Laboritet, avant eux, les praticiens de médecinesmillénaires comme l’ayurvéda indienneou la médecine traditionnelle chinoise,nous ont appris que la maladie peut aussiêtre considérée comme une manifestationde la santé, une tentative de l’organismede préserver ou de retrouver sonéquilibre face à une situationLe danger deperturbante. Quelles quene pas comprendreles causes qui nousont précipités dansle chaos et de nousy enfoncer davantage.L’opportunitéd’identifierles raisons desoient ses causes – environnementales,sociales ou professionnelles–, la maladie survientparce qu’un déséquilibres’installe dans la vied’un indivi<strong>du</strong>, dans l’organisationde sa communauté,ou dans les modesde fonctionnement de lacivilisation à laquelle ilappartient.En occultant cet aspectde la réalité, enomettant de considérerla question <strong>du</strong> senssous tous ses angles, lamédecine s’expose aurisque d’avoir à soignerde plus en plus de maladiescausées par unmanque de sens. En effet,si les progrès de lascience permettent devivre plus longtemps, ilNOTRE ne faut pas oublier quebon nombre d’affections– maladies cardio-MÉDECINEESTvasculaires, pathologiesinflammatoires,diabète, cancers –, sontDEVENUEle résultat d’une usureUNE<strong>du</strong>e au temps, favoriséepar de mauvaises habitudesalimentaires, MÉDECINEdesnotre souffrance et de mettre en placed’autres causes pour obtenir une guérisonou, mieux encore, pour prévenir une récidive.Hélas, la prévention fait terriblementdéfaut dans nos stratégies médicales.Conditionnés par les postulats philosophiquesdes Lumières, nous avons tendanceà n’envisager que l’aspect négatifde nos maux. Du coup, nous cherchons àcomprendre les mécanismes pathologiquesdans toutes leurs subtilités pour développerdes moyens de lutter contre nosmaladies d’une manière efficace. NotreGUERRIÈREQUI NES’INTÉ-pollutions environnementalesou des stresspsychologiques chroniques.Autant de facteurspathogènes en cons-RESSEtante augmentationdans nos sociétés contemporaines.Or, face àQU’AU SENSl’accroissement de laBIOLOGIQUElongévité, dans un contextede plus en plusDE NOSfragilisant, les usuresSYMPTÔMES; <strong>du</strong>es au temps ne fontqu’empirer. C’est unÀ LAfait et il est inquiétant.La seule compréhensionbiologique de nosMALADIE ETNON À LA maux ne suffira pas à yremédier. Tôt ou tard,SANTÉ. nous devrons nous interrogersur la significationsymbolique et,surtout, collective desdégradations de notresanté. Tôt ou tard, nousserons obligés de remplacer notre “médecinede la maladie” par une “médecine dela santé” qui focalisera ses efforts surl’éradication des facteurs pathogènes,mettra sur pieds de véritables politiquesde prévention et sera moins récompenséepour ses aptitudes à réparer le mal qu’àempêcher sa manifestation. Cela demanderade revoir certaines de nos représentations,d’abandonner certaines de noscroyances, d’oser imaginer une autre civilisation.C’est une question de bon sens.Mais sommes-nous prêts à nous engagerdans cette direction ? nL A L I B R E 2 MARDI <strong>18</strong> NOVEMBRE <strong>2008</strong> 31© S.A. <strong>IPM</strong> <strong>2008</strong>. Toute représentation ou repro<strong>du</strong>ction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.