Couverture 2005 - AcadÃ©mies et SociÃ©tÃ©s savantes de Toulouse

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DÉCOR DES MANUSCRITS DE BERNARD DE CASTANET ET ENLUMINURE TOULOUSAINE 257FIG. 17. INITIALE FILIGRANÉE COLORÉE. Initiale puzzle à filigranes rehaussés de couleurs : ms 157, f° 2r° (S). Cliché B. M. Toulouse.Les différentes mains et la répartition du travailLa copie des textes s’étendant sur les années allant de 1291 à 1300, la réalisation des initiales ornées devraitaussi se prolonger sur ces dix ans. Pendant ces années, les formules structurales et ornementales des initialespersistent tout le temps, néanmoins une certaine différence s’observe au niveau de l’application, notammentsur le rendu de l’élément reptilien. Dans les initiales exécutées au cours des premières années de cette décennie(ms 185, ms 168, ms 464), les têtes de dragons, toujours vues de côté, ont des yeux triangulaires et la pupille del’œil, tournée vers le haut, est collée à la paupière supérieure (fig. 12) (96). Dans les lettrines des manuscritsdes années centrales (ms 189, ms 157, ms 161, Lat. 1849, Lat. 6428B, ms 29, ms 188, ms 44), les têtes de dragonsont les yeux ronds, la forme de l’orbite oculaire s’arrondissant et l’œil étant porté vers le devant (fig. 13). Dansles initiales des trois derniers manuscrits, où la peinture est épaisse et la couleur rose est vive, au lieu du rougebrique ou du vieux rose des autres initiales des années précédentes, la tête de dragon n’est représentée que defaçon elliptique, sans cerne noir final, et le contour de l’œil est dessiné de façon abrégée par deux seuls traitsblancs, le premier traçant l’orbite et le second la saillie arquée (Lat. 3374, Lat. 5235, ms 204) (fig. 14). Laconstance de la composition générale peut suggérer que les contours des initiales ont été tracés préalablementpar un artiste qui est peut-être responsable de la décoration, ou bien qu’elles ont été calquées sur une sorte deformule d’usage de lettrine. La répartition du travail se révèle plus complexe car on trouve au sein d’un mêmemanuscrit des initiales exécutées par deux mains à la fois. Du fait de la production en série, la façon dont lesartistes se sont réparti le travail paraît ici moins simple. Alors que l’homogénéité se perçoit, l’exécution desdeux cent quatre-vingt-onze initiales ornées dans les seize manuscrits devait être le résultat d’un travail decollaboration entre deux ou trois mains.96. Sur l’ordre chronologique des manuscrits, voir le tableau synthétique de l’annexe. Deux manuscrits ne comportent pas des motifszoomorphes (ms 154 et Lat. 5767).
258 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU MIDI DE LA FRANCEFIG. 18. MARQUAGE D’ATTENTE. Trait oblique à la mine de plomb signalant les initiales bleues :1. ms 178, f° 49v° (C bleu à filigranes rouges). - 2. Lat. 3374, f° 27r° (S rouge à filigranes bleus et A bleu à filigranes rouges).Clichés B. M. Toulouse et B.N.F.Parmi les dix-sept manuscrits de Bernard de Castanet, quatorze manuscrits contiennent la décorationfiligranée tracée à la plume (97). Dans le recueil d’œuvres de saint Jérôme (ms 157), trois grandes initiales« puzzle » à filigranes, occupant chacune avec leurs appendices plus de onze lignes d’écriture, s’emploient,comme des lettres peintes, pour signaler le début de l’œuvre (fig. 17). Pour l’initiale « puzzle » filigranée, lecorps de la lettre est découpé, selon une fine ligne ondulée, brisée ou échancrée, en deux parties comme unpuzzle, dont chacune est colorée d’une couleur différente, rouge (ou brune) et bleue. Le tout est agrémentéd’un réseau de fioritures tracées à la plume, ici avec l’encre brune et rehaussées de touches de couleur, brun,rouge, bleu et jaune (98). Dans le commentaire sur Esdras et Néhémie de saint Bède le Vénérable (ms 189),onze initiales puzzle filigranées, d’un module moins important que celles-ci et sans rehauts de couleurs,articulent la division à l’intérieur des livres. Tout le reste des initiales à filigranes en nombre, le plus souvent dedeux lignes de hauteur, ouvrent les divisions fréquentes du texte. Elles peuvent se rattacher à la bande d’I, c’està-direà une ligne bicolore rouge et bleu qui court le long des colonnes du texte, ressemblant à une suite deforme allongée de la lettre I. Ce sont des initiales unicolores alternativement bleues et rouges, agrémentées de97. Trois manuscrits, Lat. 5767, ms 464 de Lyon et ms 161 de Toulouse, ne comprennent pas d’initiales filigranées. Sur la décoration filigranée,voir: Patricia STIRNEMANN, « Fils de la Vierge. L’initiale à filigranes parisienne: 1140-1314 », dans Revue de l’art, XC (1990), p. 58-73; Id., « Ladécoration », dans Paul GÉHIN (dir.), Lire le manuscrit médiéval…, chapitre 5, en particulier p. 129.98. Les initiales « puzzle » à filigranes rehaussés de couleurs sont plutôt pratiquées dans l’enluminure anglaise, dont quelques exemples de lapremière moitié du XIII e siècle sont publiées dans François AVRIL et Patricia DANZ STIRNEMANN, Manuscrits enluminés d’origine insulaire. VII e -XX esiècle, Paris, B.N. (Centre de Recherche sur les Manuscrits Enluminés), 1987 : par exemple, cat. n° 79 (Lat. 770), n° 119 (Nouv. acq. lat. 3076), n° 131(Lat. 15321). Notons par ailleurs l’emploi également tardif de ce type de décor dans un manuscrit méridional, un exemple génois du milieu de laseconde moitié du siècle publié dans François AVRIL et Marie-Thérèse GOUSSET avec la collaboration de Claudia RABEL, Manuscrits enluminésd’origine italienne. II. Le XIII e siècle, Paris, 1984, cat. n° 25 (Lat. 42). Nous tenons à remercier vivement M mes Marie-Thérèse Gousset et PatriciaStirnemann d’avoir bien voulu nous les signaler.
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