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Couverture 2005 - Académies et Sociétés savantes de Toulouse

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264 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU MIDI DE LA FRANCEUn motif décoratif originalDans la secon<strong>de</strong> moitié du XIII e siècle, Paris <strong>et</strong> Bologne, <strong>de</strong>ux centres <strong>de</strong> production <strong>de</strong> manuscrits, separtagent l’hégémonie <strong>de</strong> l’industrie du livre. Le premier a très tôt une emprise palpable dans le domaine <strong>de</strong>l’enluminure sur les ateliers provinciaux cisalpins. Aux alentours <strong>de</strong> 1300, le fait se révèle notamment dans lesmeilleures réalisations <strong>de</strong> divers centres <strong>de</strong> production <strong>de</strong> manuscrits enluminés. Ainsi, les initiales <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxmissels dominicains <strong>de</strong> <strong>Toulouse</strong> sont dépendantes <strong>de</strong> la configuration ornementale élaborée dans laproduction parisienne du troisième quart du siècle (fig. 22). La formule <strong>de</strong>s volutes végétalisées remplissant lechamp <strong>de</strong> l’initiale, accompagnées ou non par <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its animaux saurins, se propage dans la capitale au milieudu siècle (107). La mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’antenne foliacée se proj<strong>et</strong>ant à partir <strong>de</strong>s coins à gauche <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>trine évolue, dansles décennies suivantes, <strong>de</strong> la forme <strong>de</strong> saillie timi<strong>de</strong> vers la forme <strong>de</strong> tige élancée qui tend à se prolonger dansla marge (108). Avec l’idée <strong>de</strong> l’antenne, le décor se répand sur le blanc du parchemin autour du bloc noir dutexte, <strong>et</strong> ce dispositif marginal signale non seulement le début du texte, ce qui est la fonction <strong>de</strong> l’initiale, maismarque sur la page entière l’articulation textuelle. C<strong>et</strong>te nouvelle attitu<strong>de</strong> face à la marge est exploitée pourl’élaboration décorative <strong>de</strong>s pages initiales <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s divisions. L’encadrement compl<strong>et</strong> <strong>de</strong> la pageavec <strong>de</strong>s bagu<strong>et</strong>tes habitées d’êtres hybri<strong>de</strong>s fantastiques, <strong>de</strong>vient fréquent à partir <strong>de</strong>s années 1280. L’emploidu système <strong>de</strong> bordure <strong>et</strong> <strong>de</strong> décorations marginales se diffuse largement dans <strong>de</strong>s manuscrits septentrionauxaux alentours <strong>de</strong> 1300 <strong>et</strong> jusqu’au <strong>de</strong>uxième quart du XIV e siècle (109).Le répertoire du décor peint secondaire favorise particulièrement la multiplication <strong>de</strong> motifs d’animaux <strong>et</strong>d’hybri<strong>de</strong>s anthropomorphes d’apparence capricieuse. Étant <strong>de</strong>s éléments simplement décoratifs, ils peuvents’utiliser indépendamment du contenu textuel <strong>et</strong> <strong>de</strong> façon systématique, mais toujours comme accompagnateur<strong>de</strong> l’initiale. Dans l’un <strong>de</strong>s manuscrits <strong>de</strong> Bernard <strong>de</strong> Castan<strong>et</strong>, un p<strong>et</strong>it corps animal se situant en haut <strong>de</strong>l’initiale I laisse sa tête en sortir; le cou, vigoureusement étiré <strong>et</strong> trois fois bouclé, se prolonge horizontalementen marge supérieure <strong>de</strong> la colonne d’écriture, <strong>et</strong> la tête, arrivant au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la marge médiane, proj<strong>et</strong>te par lagueule un serpent, qui se dirige à son tour vers le bas, en traçant un méandre sur l’entrecolonnement (ms 161,f° 26r°; fig. 23-1). Une idée similaire se rencontre dans <strong>de</strong>ux manuscrits du Décr<strong>et</strong> <strong>de</strong> Gratien conservés àBerlin. Dans l’entrecolonnement du texte principal, se pose <strong>de</strong>bout un animal bizarre, ayant le corpsornithomorphe, une sorte d’échassier, surmonté d’une tête canine, dont le cou étiré <strong>et</strong> filiforme <strong>de</strong>ssine un tracésinueux avant <strong>de</strong> faire une boucle. Il prend appui sur l’étroite plate-forme <strong>de</strong> l’initiale Q, qui ouvre le texte <strong>de</strong>Ecclesie » pour la messe <strong>de</strong> saint Dominique. La figure <strong>de</strong> l’archer est un <strong>de</strong>s motifs ornementaux fréquemment employés dans l’art médiéval <strong>et</strong> ilne serait pas inutile <strong>de</strong> rappeler une riche connotation: Meyer SCHAPIRO, « The Bowman and the Bird on the Ruthwell Cross and Other Works:The Interpr<strong>et</strong>ation of Secular Themes in Early Mediaeval Religious Art », publié premièrement dans Art Bull<strong>et</strong>in en 1963, réuni dans Late Antique,Early Christian and Mediaeval Art, New York, 1979, p. 177-195. Le sagittarius est parfois suggéré dans la littérature dominicaine comme unemétaphore du prêcheur: Edmé Renno SMITS, « Vincent of Beauvais: a note on the background of the Speculum », dans Willem Johan AERTS, EdméRenno SMITS <strong>et</strong> Johannes B. VOORBIJ (éd.), Vincent of Beauvais and Alexan<strong>de</strong>r the Great. Studies on the Speculum Maius and its translations intomedieval vernaculars, Groningen, 1986, p. 1-9, spéc. p. 6; Nicole BÉRIOU, « La chasse mystique: une image typique <strong>de</strong> la prédication dominicaine auXIII e siècle? », dans Documents pour servir à l’histoire <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> saint Dominique en France, t. XXXII (1997), p. 21-26. Cependant, la tête chauveimplique une valeur négative: Ruth MELLINKOFF, Outcasts: Signs of Otherness in Northern European Art of the Late Middle Ages, Berkeley <strong>et</strong> LosAngeles, 1993, vol. I, p. 186-188. Le fou est souvent représenté ayant la tête rasée dans l’initiale du Psaume 52, notamment dans <strong>de</strong>s bibles parisiennesdu XIII e siècle.107. Par exemple, dans les productions <strong>de</strong>s groupes caractérisés comme « Soissons atelier » <strong>et</strong> « Johannes Grusch atelier » par RobertBRANNER: voir Manuscript Painting in Paris…, fig. 5 (Lat. 11545, f° 393v°) <strong>et</strong> fig. 225 (Londres, British Library, Additional 23935, f° 526, initiale <strong>de</strong>la main A).108. Comme nous l’avons vu ci-<strong>de</strong>ssus, l’antenne élancée <strong>et</strong> souple <strong>de</strong>s initiales du ms 103. La formule définitive <strong>de</strong> l’antenne prolongées’affirme dans la production parisienne <strong>de</strong>s années 1260 <strong>et</strong> 1270, notamment dans les productions <strong>de</strong> l’« atelier <strong>de</strong> Bari » <strong>et</strong> du « groupe <strong>de</strong> Sainte-Chapelle », définis par Robert BRANNER. Elle s’amincit <strong>et</strong> s’assouplit encore plus dans le « groupe Chol<strong>et</strong> » dans les années 1270 <strong>et</strong> 1280: cf.Manuscript Painting in Paris…, p. 130-131. L’initiale A présentée à titre <strong>de</strong> parangon (fig. 22-1), est l’une <strong>de</strong>s trois initiales exécutées par unenlumineur du « groupe <strong>de</strong> Sainte-Chapelle » dans le livre <strong>de</strong> contrôle <strong>et</strong> <strong>de</strong> référence <strong>de</strong> la liturgie à l’usage du Maître général <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong>sDominicains (Londres, British Library, Additional 23935, f° 250v°, initiale <strong>de</strong> la main B). Sur les caractéristiques du groupe: Robert BRANNER, « TwoParisian Capella Books in Bari », dans Gesta, t. VIII/2 (1969), p. 14-19, c<strong>et</strong>te initiale publiée à la Fig. 11. Sur les enluminures parisiennes dans le décor<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux manuscrits du “Prototype” dominicain: Marie-Thérèse, GOUSSET, « La décoration du “Prototype” <strong>et</strong> <strong>de</strong>s manuscrits liturgiquesapparentés », dans Leonard Eugene BOYLE <strong>et</strong> Pierre-Marie GY (dir.), avec la collaboration <strong>de</strong> Pawełs KRUPA, Aux origines <strong>de</strong> la liturgiedominicaine: le manuscrit Santa Sabina XIV L 1, Rome <strong>et</strong> Paris, 2004, p. 43-57, spéc. p. 53-54 sur le décor du manuscrit londonien.109. Sur ce suj<strong>et</strong>: Jean-Clau<strong>de</strong> SCHMITT, « L’univers <strong>de</strong>s marges », dans Jacques DALARUN (dir.), Le Moyen Âge en lumière, Paris, 2002, p. 328-361; Jean WIRTH, avec la collaboration d’Isabelle ENGAMMARE <strong>et</strong> <strong>de</strong>s contributions <strong>de</strong> Andreas BRÄM, Herman BRAET, Frédéric ELSIG, IsabelleENGAMMARE, Adriana FISCH HARTLEY, Céline FRESSART, Les marges à drôleries <strong>de</strong>s manuscrits gothiques (1250-1350), coll. Matériaux pour l’histoirepubliés par l’École <strong>de</strong>s Chartes, 7, Genève, 2008.

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