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Sils-Maria & Poschiavo - Magazine Sports et Loisirs

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Sur les traces deÉVASIONSILS-MARIA ET POSCHIAVOMartin BuesslauerPhotos: Martin Buesslauer<strong>et</strong> Swiss-imageMarcel Proustaux GrisonsComment résister au charme de la région de <strong>Sils</strong> – Segl enromanche –, de ses lacs, de ses forêts? Bien difficilement,il est vrai. Ce d’autant plus lorsqu’on a la chance de lacontempler vue d’en haut, depuis l’habitacle d’un p<strong>et</strong>itCessna 172 juste avant d’atterrir à l’aérodrome de Samedan,à proximité de Saint-Moritz.43sports<strong>et</strong>loisirs.ch


Vu d’avion, l’Hôtel Waldhaus de<strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> ressemble à s’y méprendreà un de ces paquebotstrès bien décrits par le romancierfrançais Erik Orsenna: «EnSuisse, écrit-il, les paquebots, àpeine construits, sont hissés surle sol <strong>et</strong> deviennent de grandshôtels. C<strong>et</strong>te pratique locale présentebien des avantages, dontcelui-ci: les voyageurs ne souffrentpas du mal de mer...» Lejournaliste vaudois JacquesPil<strong>et</strong> utilise lui aussi une métaphoreaquatique pour décrire leWaldhaus de <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong>, qu’ilqualifie de «navire posé audessusdes eaux très calmes dulac de <strong>Sils</strong> <strong>et</strong> propice aux voyagesintérieurs dans la lumièrechangeante de l’Engadine...».«Toutes sortes d’énergies se croisentà <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong>», relève encoreJacques Pil<strong>et</strong>. «La vallée, curieusement,ne se ferme pas. Au lieude sa naissance, elle s’ouvre versl’Italie <strong>et</strong>, à l’autre bout, glissepaisiblement vers l’Autriche. Carrefoursuspendu entre latinité <strong>et</strong>germanitude.» Des propos qui nesont pas sans rappeler ceux deMarcel Proust: «Nous nous sommesaimés dans un village perdud’Engadine au nom deux foisdoux: <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong>. Le rêve des sonoritésallemandes s’y mouraitdans la volupté des syllabes italiennes.A l’entour, trois lacs d’unvert inconnu baignaient des forêtsde sapins. Un soir, le soleil baissantfit passer l’eau par toutes lesnuances...»Le Waldhaus de <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> ?Un bijou!Ce mélange de «latinité <strong>et</strong> de germanitude»se r<strong>et</strong>rouve égalementau sein de la famille propriétairede l’hôtel, qui est toujours lamême depuis l’ouverture duWaldhaus en 1908. Oskar Kienberger,qui a épousé en 1911 HelenGiger, la fille du fondateur del’hôtel Josef Giger, a en eff<strong>et</strong> longtempsdirigé le Palace de Lugano.Et Rolf Kienberger, le deuxièmefils d’Oskar Kienberger, a étudiéà Fribourg avant de diriger le ParkHotel de Lugano en 1946, puis leWaldhaus familial de <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> àpartir de 1950. Aujourd’hui, cesont deux de leurs quatre enfants,Urs Kienberger <strong>et</strong> sa sœur <strong>Maria</strong>Di<strong>et</strong>rich-Kienberger, qui le dirigentavec Felix Di<strong>et</strong>rich, l’épouxde <strong>Maria</strong>. Tous les trois, avec leursavoir-faire <strong>et</strong> leur amour du détail,ont su développer leur cinq étoilesfamilial en faisant bien attentionà respecter l’esprit de leursancêtres, à mille lieues du luxeostentatoire que l’on peut trouver,10 km plus loin, dans les palacesde Saint-Moritz. Au Waldhaus de<strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong>, la direction tricéphaleactuelle ne mise en eff<strong>et</strong> pas sur laj<strong>et</strong>-s<strong>et</strong>, mais bien sur des valeurshumaines qui font que tout lemonde s’y sent à l’aise, même desfamilles avec des enfants en basâge, ce qui, vous en conviendrez,n’est pas courant dans un cinqétoiles. Achevé en 1908, l’HôtelPhoto: www.waldhaus-sils.ch44


Photos: www.waldhaus-sils.chWaldhaus de <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> estresté étonnament fidèle àl’état initial. Tant son aspectextérieur que son aménagementintérieur révèlentune mutation de l’exubérancede la Belle-Epoque de la fin duXIX e siècle vers le cadre plussobre du XX e siècle. Préservé<strong>et</strong> conservé pour l’essentieldans son état d’origine, il aobtenu en 2005 le titre d’«Hôtelhistorique de l’année», une distinctiondécernée par la section suisse del’ICOMOS, le Conseil international des monuments<strong>et</strong> des sites. «Un siècle après sa conception, leWaldhaus est devenu le bastion d’une culture hôtelièrede premier ordre. C’est ainsi que dans l’hôtel de<strong>Maria</strong> <strong>et</strong> Felix Di<strong>et</strong>rich-Kienberger, ainsi que d’UrsPhoto: Martin BuesslauerPhoto: Martin BuesslauerKienberger, il y a toujours, comme à la Belle-Epoque,un membre de la direction qui salue personnellementchacun des hôtes à leur arrivée <strong>et</strong> qui prendcongé d’eux à leur départ», a écrit l’historien RolandFlückiger, président du jury de l’Hôtel historique del’année. «C’est également ainsi, qu’à l’ère des ordinateurs,tous les départs <strong>et</strong> toutesles arrivées, sont consignésà la craie sur un tableaunoir situé devant le guich<strong>et</strong> dela caisse où l’on vient régler,tout comme en 1908, la facturede son séjour.» Autantpréciser tout de suite que ceque l’on ressent au Waldhausde <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> ne doit pas êtrebien différent des impressionsrecueillies en Engadine,il y a plus d’un siècle, parMarcel Proust.45sports<strong>et</strong>loisirs.ch


Marcel Proust à <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> <strong>et</strong> à <strong>Poschiavo</strong>L’auteur du questionnaire quiporte son nom, né en 1871 àAuteuil, près de Paris, a visitéles localités de <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> <strong>et</strong> de<strong>Poschiavo</strong> en 1893. Son voyageen Engadine donna lieu en 1894à un recueil de poèmes en prose<strong>et</strong> de portraits intitulé Les plaisirs<strong>et</strong> les jours. Ce recueil passeà peu près inaperçu lors de sapublication <strong>et</strong> vaut à MarcelProust une réputation de «mondaindil<strong>et</strong>tante» qui ne se dissiperaqu’après la publication despremiers tomes d’A la recherchedu temps perdu. Aujourd’hui,de nombreux critiqueslittéraires sont cependantunanimes pour relever que leroman moderne a commencéavec Marcel Proust. En rompantavec la notion d’intrigue, il alaissé des portraits uniques, desréflexions sur l’amour <strong>et</strong> la jalousieou, plus prosaïquement,sur une image de la vie. Il a égalementlaissé un style composéde phrases parfois très longues,pareilles à une respiration danslaquelle on «s’embarque». Laphoto publiée sur c<strong>et</strong>te page,montrant le lac de <strong>Sils</strong> dans laquiétude d’une journée automnale,se prête ainsi parfaitementau texte suivant de MarcelProust: «L’automne, plus mêmeréchauffé par le soleil rare, perdune à une ses dernières couleurs.L’extrême ardeur de sesfeuillages, si enflammés qu<strong>et</strong>oute l’après-midi <strong>et</strong> la matinéeelle-même donnaient la glorieuseillusion du couchant,s’est éteinte.»L’œuvre de Marcel Proust estaussi une réflexion majeure surle temps. A la recherche dutemps perdu perm<strong>et</strong> ainsi de s’interrogersur l’existence même dutemps, sur sa relativité <strong>et</strong> sur l’incapacitéà le saisir au présent.D’après lui, le temps n’existe niau présent, ni au futur mais seulementau passé: «Mais que nousnous sommes aimés en Engadine!Jamais je n’avais assez d<strong>et</strong>oi. Tu m’accompagnais dansmes promenades, mangeais à matable, couchais dans mon lit, rêvaisdans mon âme.»46


Marcel Proust ébloui par la beauté des glaciersQuittant <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong> pour rejoindre<strong>Poschiavo</strong>, Marcel Proustemprunta le col de la Bernina <strong>et</strong>s’arrêta à Alp Grüm. «De là,vous verrez jusqu’en Italie», luiavait-on dit. «Nous n’avions nil’un ni l’autre jamais vu l’Italie<strong>et</strong> nous restâmes commeéblouis. Nous partîmes doncpour l’Alp Grüm, imaginantque, dans le spectacle étendudevant le pic, là où commenceraitl’Italie, le paysage réel <strong>et</strong>dur cesserait brusquement <strong>et</strong>s’ouvrirait dans un fond de rêveune vallée toute bleue... En arrivantau somm<strong>et</strong>, nous restâmeséblouis. A côté de nous,des glaciers étincelaient. A nospieds des torrents sillonnaientun sauvage pays d’Engadined’un vert sombre. Puis une collineun peu mystérieuse <strong>et</strong>,après, des pentes mauves entrouvraientune vraie contréebleue, une étincelante avenuevers l’Italie. Les noms n’étaientplus les mêmes, aussitôt s’harmonisaientavec c<strong>et</strong>te suaviténouvelle. On nous montrait lelac de <strong>Poschiavo</strong>, le Pizzo diVerone, le val de Viola. Aprèsnous allâmes à un endroit extraordinairementsauvage <strong>et</strong> solitaire,où la désolation de la nature<strong>et</strong> la certitude qu’on y étaitinaccessible à tous, auraient accrujusqu’au délire la volupté des’aimer là.»47sports<strong>et</strong>loisirs.ch


Joli programme! D’autant plus jolique la principale place de <strong>Poschiavo</strong>,la place communale, n’apresque pas changé depuis le passagede Marcel Proust en 1893. Ony trouve en eff<strong>et</strong> toujours l’AlbergoAlbrici, une demeure patriciennequi a été construite en 1682 <strong>et</strong> qui,bien que transformée en hôtel en1848, a conservé ses décorations enstucs <strong>et</strong> ses salles historiques. ParmiL’Abergo Albrici,un hôtel decharme sur laPlaza da Cumünde <strong>Poschiavo</strong>.ces dernières, on relèvera laSalle des douze sibylles mythologiques.Membre des SwissHistoric Hotels, l’Albergo Albricidispose de neuf chambres,certes simples mais égalementparticulièrement charmantes.Ce dernier qualificatif convient48


également parfaitement aux p<strong>et</strong>itstrains rouges du Bernina-Express qui relient l’Italie àSaint-Moritz en passant notammentpar <strong>Poschiavo</strong> <strong>et</strong> l’Hospicede la Bernina.Aujourd’hui, l’Hôtel Albrici sertde point de départ à de nombreusesrandonnées pédestresdans les montagnes avoisinantes,ce que Marcel Proust nemanqua pas de faire en 1893, enpassant d’un lac à un autre, «làoù un lac blanc est à côté d’unlac noir doux comme une perleblanche à côté d’une perlenoire... Ta vue ne garde pourmoi qu’un charme, celui de merappeler tout à coup ces nomsd’une douceur étrange, allemande<strong>et</strong> italienne : <strong>Sils</strong>-<strong>Maria</strong>,Silvaplana, Samadan, Bernina,Alp Grüm, <strong>Poschiavo</strong>...Des glaciers <strong>et</strong> des pics y fermaientl’horizon <strong>et</strong>, le soir, ladiversité des plans multipliaitla douceur des éclairages. Oublierons-nousjamais les promenadesau bord du lac? Lesmélèzes d’une si noire sérénitélorsqu’ils avoisinent laneige éblouissante tendaientvers l’eau bleu pâle, presquemauve, leurs branches d’unvert suave <strong>et</strong> brillant. Un soirl’heure nous fut particulièrementpropice; en quelquesinstants, le soleil baissant fitpasser l’eau par toutes lesnuances <strong>et</strong> notre âme par toutesles voluptés...»Comment aimeriez-vousmourir?J’aimerais mieux pasCertains textes de MarcelProust sont ainsi une véritableinvitation à séjourner en Engadinedans un hôtel historique.Si l’«inventeur» du roman moderneavait une belle plume, ilavait également beaucoup d’humour.Celui qui est connu pourson fameux Questionnaire deProust (1886), en réalité un simplequestionnaire de personnalitéauquel il répondit par hasarddans son adolescence,donna en eff<strong>et</strong> quelques réponsesqui sont restées dans les annales.Ainsi, à la question«Comment aimeriez-vous mourir?»,il répondit: «J’aimeraismieux pas»...49sports<strong>et</strong>loisirs.ch


Bernina Gran Turismo Engadin-St. MoritzL’Engadine <strong>et</strong> la région de <strong>Poschiavo</strong>seront le théâtre, du 4 au7 septembre 2008, d’une compétitiond’automobiles anciennes quis’annonce particulièrement prom<strong>et</strong>teuse:la course de côte historiqueBernina Gran Turismo Engadin-St.Moritz. C<strong>et</strong>te manifestation entendcommémorer les deux courses decôte qui se déroulèrent en 1929 <strong>et</strong>1930 dans le cadre des semainesautomobiles de St-Moritz. La courseà proprement parler se disputerasur une distance de 6 km, entre LaRösa <strong>et</strong> l’Hospice de Bernina. Un kilomètrelancé sera également organisé,tout comme cela avait été lecas il y a près de quatre-vingts ans.Les organisateurs de c<strong>et</strong>te épreuvefondent de grands espoirs sur c<strong>et</strong>teréévocation du prestigieux Grand-Prix de Bernina auquel participèrent,entre autres, de magnifiquesBugatti. R<strong>et</strong>o Gansser, un des initiateursde la course, compte en eff<strong>et</strong>réunir en 2008 un plateau de toutebeauté. La Bernina Gran Turismode 2008 se déroulera d’ailleurs lepremier week-end de septembre <strong>et</strong>non pas à fin août afin de ne pasconcurrencer la prestigieuse coursede côte historique d’Arosa, égalementaux Grisons, <strong>et</strong> surtout leprestigieux Festival de voituresanciennes à Goodwood, en Grande-Br<strong>et</strong>agne.www.bernina-granturismo.ch (Photo: documentation iconographique de la bibliothèque de Saint-Moritz).50

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