Repères sur l’innovation au Japon<strong>ANRT</strong> – 19 septembre 2002Plusieurs options étaient possibles pour le rapprochement de deux univers si distincts : lamise en compétition des équipes ou la répartition des activités par plaquesgéographiques. Il a été décidé de tenir compte à la fois des plaques géographiques etdes cœurs de compétences. Pour l’essentiel, les moteurs diesel et les boîtes mécaniquessont développées par Renault, les moteurs essence et les transmissions automatiquespar Nissan. Cette organisation a l’avantage d’être bien adaptée aux marchés principauxdes partenaires, mais elle pose problème dans la gestion des fournisseurs, dont lesspécificités selon les zones géographiques ne doivent pas porter atteinte à l’uniformitédes produits. Il faut donc des fournisseurs globaux.Parlons maintenant innovation. Une innovation n’a de sens que si elle a une valeur pourle client. Toute la difficulté est donc de mettre au point des produits qui répondent auxbesoins des différents marchés. Or il se trouve qu’ils sont très différents en Europe, auJapon et aux États-Unis. Par exemple, contrairement aux Américains, les Européenssont très attentifs à la consommation et aux émissions de CO2. Ainsi, le diesel a uneforte image de marque technologique en Europe alors qu’il est très mal considéré auJapon et aux États-Unis. En amont de la conception du produit, l’enjeu est, on le voitbien, d’être capable de décrire des objectifs quantifiés et de définir les innovationscorrespondantes.Les critères de convergence dans le développement d’une gamme commune sont :• la compatibilité de chaque organe mécanique avec les plates-formes à venir etexistantes,• l’amélioration des prestations,• et la rentabilité industrielle de l’innovation, par un échelonnement desinvestissements.Ces critères nous ont conduits à définir avec Nissan un plan à deux horizons temporels,à court et moyen termes dans un premier temps, et à moyen et long termes dans unsecond temps. La première phase, entre 2002 et 2005, consistera à des utilisationscroisées de la banque d’organes existante. A plus long terme, une gamme moteurscommune cible a été définie, les moteurs diesel étant globalement placés sous laresponsabilité de Renault et les moteurs à essence sous celle de Nissan. Les prioritéssont définies en fonction du degré d’obsolescence des organes existants, de l’évolutiondu mix et des prévisions d’accroissement des volumes sur le plan. La gamme cibletransmission est bien entendu conçue en cohérence avec la gamme cible moteur.L’organisation des instances de décision est très importante pour la gestion del’innovation. L’Alliance Board Meeting (ABM) regroupe, au sommet, les plus hautscadres dirigeants et fixe les orientations stratégiques du groupe. Au-dessous,l’Engineering steering committee prépare les dossiers d’ingénierie de l’ABM. Enfin, lesCross company team, qui réalisent un maillage des différentes fonctions présentes dansle groupe, constituent des organes de proposition quant à la stratégie et de pilotageopérationnel. Ces différentes structures se rencontrent une fois par mois, alternativementà Paris et à Tokyo.Le pilotage de l’innovation s’appuie sur une organisation matricielle. Sur chaque projet,un leader est nommé, Renault ou Nissan, assisté de son co-leader, chargé d’attirerl’attention du leader sur les contraintes de ses marchés propres. L’équipe projet,restreinte, qui regroupe entre autres les fonctions Qualité, Planification, Achat, Aprèsventeet Prix de revient, fait appel à des ressources métiers dédiées, hiérarchiquement16
Repères sur l’innovation au Japon<strong>ANRT</strong> – 19 septembre 2002attachées à l’ingénierie mécanique. Le « Master Plan » relie les planificationsstratégiques de l’ensemble des véhicules et des groupes autopropulseurs de Renault etde Nissan. Enfin, un jalonnement conjoint est prévu entre les deux entreprises, de laphase d’avant-projet aux accords de fabrication.L’organisation achat est également fondamentale, dans la mesure où 70 % de la valeurd’un moteur ou d’une boîte de vitesse provient des achats et seulement 30 % de lavaleur créée par la transformation du constructeur. Nous avons donc mis en place unestructure d’achat commune, la RNPO (Renault Nissan Purchasing Organisation), quiimpose quelques bouleversements au fonctionnement culturellement figé de Nissan dansce domaine.Les clefs de la réussite, pour un groupe franco-japonais comme le nôtre, sont uneconfiance et un respect mutuels, la compréhension des contraintes et des objectifs dupartenaire et la recherche de la valeur pour le client, pour la société et pour le groupeRenault-Nissan. Il nous reste encore beaucoup d’obstacles à franchir, mais nospremières réalisations communes devraient voir le jour vers 2004, avec notamment lasortie d’un nouveau moteur diesel à haute performance, de nouvelles transmissions sixvitesses et d’un nouveau moteur à essence. Seules des difficultés d’investissementpourraient, à l’avenir, freiner nos ambitions, mais en aucun cas notre volonté decoopérer les uns avec les autres.DÉBATQuelles sont vos relations avec les universités et les organismes de recherchejaponais ?Y. M. : Nous n’avons pas de relations directes avec les universités. En revanche,l’Alliance nous a permis de tisser des liens avec des équipementiers japonais, trèsproches du milieu scientifique.Quelle est la langue de travail utilisée dans le groupe ?Y. M. : C’est l’anglais.Quels enseignements Renault tire-t-il du management japonais ?Y. M. : Dans le domaine technique, les Japonais sont très respectueux des décisionsprises par l’exécutif : ils ne les contestent pas systématiquement, comme nous le faisonsen France. Dans la gestion de la qualité, ils ont par ailleurs une approche trèspragmatique et peu théorique, complémentaire de la nôtre, beaucoup plus intellectuelle.La préservation de nos différences culturelles est l’objectif affiché des présidents, parcequ’elle est enrichissante pour chacun des partenaires.Exemples de développements industriels avec despartenaires japonais : échecs et réussitesÉdouard GEOFFROIS17