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Magazine SWISSLIFE Printemps 2012

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Il y a quelques semaines, Roger Widmer s’est approprié<br />

un nouveau lieu: une terrasse située entre des haies et<br />

du béton. L’endroit est désaffecté. Un «spot» urbain<br />

comme il les aime. Ce sportif de 31 ans s’échauffe consciencieusement<br />

avant de glisser sur les bancs vides, de se lancer<br />

sur les parapets qui ne protègent personne et de gravir des<br />

murs oubliés depuis longtemps. Widmer répète des mouvements<br />

qui s’enchaînent souplement, sans effort apparent.<br />

Soudain, une voix retentit sur la terrasse. «Eh, vous! Dégagez<br />

de là, et tout de suite!» C’est le concierge, et il s’approche<br />

à grands pas.<br />

Roger Widmer prend la chose avec philosophie. «Pour le<br />

concierge, il y a un type pas soigné avec un pantalon trop<br />

large qui fait un truc interdit», explique­t­il. «Il pense tout de<br />

suite que c’est un vandale agressif qui pourrait lui attirer des<br />

ennuis.» Depuis douze ans, Widmer pratique le parkour, l’art<br />

de se déplacer en ville. Il a déjà vécu toutes sortes de situations<br />

similaires. En fait, il apprécie ce type de rencontre. C’est<br />

comme parcourir la ville en sautant les murs et les précipices,<br />

ce qu’il fait fréquemment. Ce sont des obstacles à franchir.<br />

Des ennuis, de la violence, du vandalisme? Le concierge<br />

est très loin de la vérité. En 2008, Roger Widmer a fondé<br />

ParkourOne avec des amis. Depuis, il vit de son sport. Il organise<br />

des performances et tourne des films, enseigne dans des<br />

écoles et des maisons de jeunes, dans des centres de prévention,<br />

dans des postes de police ou lors de séminaires de management.<br />

Il a appris le métier d’orfèvre et a passé un diplôme<br />

d’enseignement. Il possède en outre sa propre marque de vêtements<br />

«Etre fort», dont 1% des recettes est reversé pour la<br />

protection de l’environnement. Roger Widmer est marié et<br />

père de deux garçons qu’il éduque «selon l’esprit du parkour».<br />

Widmer fait plus jeune que son âge. Il est mince et très<br />

entraîné, a l’esprit vif et s’exprime de manière précise. Pour<br />

expliquer sa philosophie du sport, il tend sa main calleuse à<br />

force de râcler le béton et le métal des villes. Chaque doigt<br />

représente un principe: humilité, respect, confiance, prudence<br />

et renonciation à l’esprit de compétition. «Etre fort<br />

pour être utile» est la devise du parkour. Un slogan qui pourrait<br />

tout aussi bien appartenir aux éclaireurs. En effet, un<br />

traceur, comme on appelle les adeptes de ce sport, sont des<br />

éclaireurs. Des personnes qui vont en reconnaissance pour<br />

ouvrir la voie.<br />

Si l’on oublie la philosophie, le parkour peut être défini<br />

comme suit: «le but est de se déplacer d’un point à un autre<br />

de la manière la plus efficace possible», nous dit Widmer.<br />

Cette méthode a été développée par l’armée française pour<br />

économiser les forces des troupes dans la jungle. A la fin des<br />

années 80, David Belle, un fils de soldat, a transposé ces techniques<br />

dans le milieu urbain des banlieues parisiennes. L’on<br />

peut emprunter les rues... ou ouvrir d’autres voies. Un traceur<br />

voit un passage là où d’autres ne voient qu’un mur. Il<br />

voit des escaliers sur les façades lisses ou des couloirs entre<br />

les toits. «Nous ne suivons pas les indications des architectes<br />

et des urbanistes», explique Roger Widmer. «Nous redécouvrons<br />

chaque terrain avec des yeux d’enfants mais avec notre<br />

raison d’adultes.»<br />

«Pour le concierge, il y a un<br />

type pas soigné avec un<br />

pantalon trop large qui fait<br />

un truc interdit. Il pense<br />

tout de suite que c’est un<br />

vandale agressif qui pourrait<br />

lui attirer des ennuis.»<br />

Lorsqu’il était jeune, Roger Widmer sortait déjà des sentiers<br />

battus. Alors que les autres jouaient au foot, il a préféré apprendre<br />

le monocycle tout seul. A 12 ans, il a découvert le<br />

Didgeridoo et en a construit un lui­même. A 18 ans, après<br />

avoir vu un reportage sur David Belle, il a décidé de se consacrer<br />

au parkour. A cette époque, impossible d’apprendre<br />

cette technique en prenant des cours. Peu importe. Le jour<br />

suivant, Widmer trouve un endroit adéquat: une cour désaffectée<br />

près de la gare de Münsingen. Il se lance sur des parapets,<br />

franchit des murs, se suspend à des branches et s’entraîne<br />

sans relâche jour après jour. «J’aime les formes<br />

réduites» déclare­t­il. «Le parkour est le sport le plus réduit<br />

qui soit: ici, il n’y a que ton corps et le terrain.»<br />

Roger Widmer et ses amis, toujours plus nombreux,<br />

furent la première troupe de parkour hors de France. Après<br />

s’être entraînés quatre ans de suite, ils pensaient être parmi<br />

les meilleurs traceurs. Lors d’un voyage en France à Lisses, la<br />

patrie de David Belle et la Mecque du parkour, ils constatent<br />

Le parcours du traceur: dans la vieille ville de Berne, les gens se sont habitués à voir Roger Widmer emprunter des passages improbables.<br />

<strong>SWISSLIFE</strong> <strong>Printemps</strong> <strong>2012</strong>

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