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“ Les souvenirs d'un gruyérien ” par Joseph Jaquet, d ... - pharisa.ch

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“ <strong>Les</strong> <strong>souvenirs</strong> d’un gruyérien ” <strong>par</strong> <strong>Joseph</strong> <strong>Jaquet</strong>, d’Estavannens, volume I, 1822-1871 Page 61immédiatement mis en votation. <strong>Les</strong> deux camps étaient sé<strong>par</strong>és <strong>par</strong> un petit intervalle; vus du bureau, les radicaux étaien.à droite, les conservateurs à gau<strong>ch</strong>e. Ceux-là votèrent pour, et, à la contre-épreuve ceux-ci votèrent contre.<strong>Les</strong> membres du bureau se consultèrent; ils étaient pâles, agités. Le terrain occupé <strong>par</strong> les libéraux-conservateurs,quoiqu’ils fussent plus serrés, était beaucoup plus étendu que celui occupé <strong>par</strong> les radicaux. Le bureau dit alors à ceux-ci, àhaute voix : Elargissez-vous. ” Et aux autres: “ Faites place. ” En même temps, la gendarmerie pressait les libérauxconservateurs<strong>par</strong> derrière pour réduire de plus en plus l'espace qu'ils occupaient.L'article 12 de la loi électorale disait qu'en cas de doute, on doit compter les votants. Un grand nombre de voix crièrent.:“Comptez, comptez, vous n'osez pas compter! ” Un membre du bureau, M. le notaire Toffel, insistait aussi pour que ledénombrement eût lieu, en déclarant que la majorité était acquise aux conservateurs.M. le président de l'assemblée annonça que le bureau voulait une seconde épreuve. On vota une seconde fois pour etcontre avec le même résultat; les deux <strong>par</strong>tis votaient comme un seul homme. Enfin, après quelques minutes d'hésitation, leprésident déclara que M. Fra<strong>ch</strong>eboud avait réuni la majorité et le proclama élu. <strong>Les</strong> électeurs radicaux se retirèrentimmédiatement; on aurait dit qu'ils obéissaient à un ordre. <strong>Les</strong> libéraux-conservateurs se récrient et demandent plus quejamais qu'on compte. Cinq de ces derniers, MM. Castella, notaire à Gruyères, Castella, docteur à Bulle, François Blanc, deCorbières, Louis Savary, d' Avry, et l'auteur de ces mémoires, montent alors au bureau pour protester et demander avecplus d'insistal1ce que l'on compte conformément à la loi. Le préfet-président répond que le bureau a prononcé; qu'il ne peutpas aller à l'encontre de sa décision, et que les réclamants peuvent s’adresser au conseil d'Etat. Comme nous descendions,deux autres individus se présentaient encore au bureau pour faire les mêmes protestations. Ces réclamations furent depuisqualifiées d'envahissement du bureau.On avait la veille fait arriver de Fribourg un, certain nombre d'artilleurs et de carabiniers. Ces soldats étaient rangés, sabrenu, dans la ruelle, qui, de la Grand'rue, débou<strong>ch</strong>e sur la place où avait lieu l'élection. L'aile droite de cette troupe s'avançaitjusqu'à quelques pas du mur, au-dessus duquel se trouve le balcon où siégeait le bureau, les hommes faisant face à celuici;l'aile gau<strong>ch</strong>e débordait de quelques files dans la Grand'rue, qui est <strong>par</strong>allèle à la place qu'occupaient les électeurs. J'étaisretourné au pied du balcon, d'où je pouvais voir tous les mouvements des membres du bureau et de la troupe. Comme leslibéraux-conservateurs restaient sur place en protestant, M. Perrier, préfet de Châtel, se tournant vers la troupe, dit à celle-cià haute et intelligible voix: “ en avant ” accompagnant ces <strong>par</strong>oles <strong>d'un</strong> geste impératif. Aussitôt les soldats se précipitentsur les électeurs, frappant à droite et à gau<strong>ch</strong>e, poursuivant des gens sans armes, qui ne s'attendaient pas à ce qui leurarrivait. On aurait dit des bêtes fauves se jetant sur une proie pour la dé<strong>ch</strong>irer. D'autres individus intervinrent, frappantmême les vieillards à coups de pieux et d'autres engins. Un canon, de l’aveu du “ Confédéré ”, organe du gouvernement, futsorti du <strong>ch</strong>âteau et avancé jusqu'au milieu du pont, qui est à l'entrée. Afin d’éviter jusqu'à l'ap<strong>par</strong>ence <strong>d'un</strong>e provocation, leslibéraux-conservateurs n'avaient, la plu<strong>par</strong>t, pas même un bâton pour se défendre. On vit <strong>par</strong>aître des armes à feu qu'onn'avait pas remarquées jusqu'alors; on disait la pièce sortie du <strong>ch</strong>âteau <strong>ch</strong>argée à mitraille.<strong>Les</strong> libéraux-conservateurs, qui purent le faire à temps, prirent la fuite dans différentes directions; un grand nombre d’entreeux descendirent la ruelle, qui se trouve vis-à-vis de la place de l'élection, <strong>ch</strong>er<strong>ch</strong>ant, à travers les prés, à s'éloigner de le laville le plus promptement possible. <strong>Les</strong> blessés étaient en <strong>par</strong>tie cou<strong>ch</strong>és le long du mur du jardin et de la maison du docteurCastella, à droite, et des maisons vis-à-vis, à gau<strong>ch</strong>e de la rue dans la direction de l'église. Au bout de quelques instants, laplace était à peu près évacuée et tes électeurs dispersés; tous les électeurs conservateurs avaient fui, sauf les blessés etceux qui leur donnaient des soins. J'étais resté sur tes lieux pour observer et secourir ceux qui pouvaient avoir besoin desecours. Je vis, j'avais peine à croire au témoignage de mes propres yeux, arriver un personnage haut placé, venant du<strong>ch</strong>âteau une carabine à la main. Je le vis se placer au haut de la ruelle <strong>par</strong> où un grand nombre d'électeurs avaient fui, viseret faire feu dans la direction qu'avalent gagnée les fuyards. Apres avoir dé<strong>ch</strong>argé sa carabine, cet homme rentra fièrement<strong>ch</strong>ez lui l'arme en balance.D’autres coups de feu furent tirés <strong>par</strong> des gardes civiques, placés aux fenêtres du <strong>ch</strong>âteau. Heureusement, personne ne futatteint. On a contesté qu'il eût été fait usage d'armes à feu. Le conseil d'Etat, dans un mémoire au conseil fédéral, disait: “ Iln'est pas vrai qu'on ait fait usage d'armes à feu pendant le combat sur la place de l'élection. Le fait seul que personne n'aété atteint suffirait pour le prouver, car il est impossible de faire feu sur des masses aussi compactes sans faire unevictime ”. C'est néanmoins ce qui est arrivé; une balle a effleuré la tête de MM. Castella, notaire à Gruyères, et FélicienGillet, instituteur au même lieu. Auguste Thorin et deux autres électeurs de Villars-sous-Mont, un <strong>par</strong>ticulier de <strong>Les</strong>soc,Nicolas <strong>Jaquet</strong>, d'Estavanens, Jean Andrey dit Bu<strong>ch</strong>s, de Broc, et d'autres, dans des directions opposées, ont entendu desballes siffler à leurs oreilles.Mais tout n'était pas fini; je vis un certain nombre d'individus, que j'envisageais comme la lie de la populace de Bulle, venirde la promenade des tilleuls, prendre des pierres (vraisemblablement apportées d'avance près du lieu de l'élection dans lebut d'en faire usage suivant les circonstances) et les lancer contre les blessés, qui gisaient le long des murs, aux deux bordsde la rue. Je reconnus, <strong>par</strong>mi ces individus, un homme avec lequel j'ai eu depuis de fréquents rapports, M., accompagné de

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