oîte quanti<strong>que</strong>conductanceN N + 1 N + 2 N + 3 … électronsFigure 3.U<strong>ne</strong> boîte quanti<strong>que</strong>(au centre de l’image) est unpetit îlot d’électrons dediamètre submicroni<strong>que</strong>,séparé des contacts par u<strong>ne</strong>barrière tun<strong>ne</strong>l. Saconductance montre des picsen fonction de la tensiond’u<strong>ne</strong> grille placée àproximité (ici la grillecentrale) qui signale l’entréed’un nouvel électrondans l’îlot.5000 nmtension de l’électrodedes électrons don<strong>ne</strong> des niveaux d’é<strong>ne</strong>rgie discrets :quand l’é<strong>ne</strong>rgie de l’électron injecté par les contactscoïncide avec l’un de ces niveaux, la conductance estmaximale. Prati<strong>que</strong>ment, pour changer les niveauxd’é<strong>ne</strong>rgie, un potentiel est appliqué sur u<strong>ne</strong> électrodevoisi<strong>ne</strong> (figure 3).On pourrait s’attendre à ce <strong>que</strong> lacharge de l’îlot varie continûment comme si l’électrodeet l’îlot formaient les deux armatures d’u<strong>ne</strong> capacitémacroscopi<strong>que</strong>. Mais, hors résonance, l’îlot échangedifficilement un électron avec les contacts: sa chargeest quantifiée. <strong>La</strong> charge varie alors par saut de e aupassage de cha<strong>que</strong> résonance de transmission. Celacorrespond à l’occupation d’un nouvel état accessible.<strong>La</strong> quantification de la charge est aussi renforcée parl’é<strong>ne</strong>rgie de Coulomb (ou d’ionisation) qui est l’é<strong>ne</strong>rgiecapacitive à “payer” pour extraire ou addition<strong>ne</strong>rC’est qu’à tout instant l’objet quanti<strong>que</strong>présente la caractéristi<strong>que</strong> de superposerplusieurs états, comme u<strong>ne</strong> onde <strong>peut</strong><strong>être</strong> le résultat de l’addition de plusieursautres. Dans le domai<strong>ne</strong> quanti<strong>que</strong>, lahauteur d’u<strong>ne</strong> onde (assimilable à celled’u<strong>ne</strong> vague par exemple) a pour équivalentu<strong>ne</strong> amplitude de probabilité (ouonde de probabilité), nombre complexeassocié à chacun des états possibles d’unsystème qualifié ainsi de quanti<strong>que</strong>.Mathémati<strong>que</strong>ment, un état physi<strong>que</strong>d’un tel système est représenté par unvecteur d’état, fonction qui, en vertu duprincipe de superposition, <strong>peut</strong> s’ajouterà d’autres. Autrement dit, la somme dedeux vecteurs d’état possibles d’un systèmeest aussi un vecteur d’état possibledu système. De plus, le produit de deuxespaces vectoriels est aussi la sommede produits de vecteurs, ce qui traduitl’intrication: un vecteur d’état étant généralementétalé dans l’espace, l’idée delocalité des objets <strong>ne</strong> va plus de soi. Dansu<strong>ne</strong> paire de particules intriquées, c’està-direcréées ensemble ou ayant déjàinteragi l’u<strong>ne</strong> sur l’autre, décrite par leproduit et non par la somme de deux vecteursd’état individuels, le destin de chacu<strong>ne</strong>est lié à celui de l’autre, <strong>que</strong>lle <strong>que</strong>soit la distance qui pourra les séparer.Cette caractéristi<strong>que</strong>, également appeléel’enchev<strong>être</strong>ment quanti<strong>que</strong> d’états, ades implications vertigi<strong>ne</strong>uses, sansparler des applications imaginables, dela cryptographie quanti<strong>que</strong> à – pourquoi<strong>ne</strong> pas rêver? – la téléportation.Dès lors, la possibilité de prévoir le comportementd’un système quanti<strong>que</strong> n’estqu’u<strong>ne</strong> prédictibilité probabiliste et statisti<strong>que</strong>.L’objet quanti<strong>que</strong> est en <strong>que</strong>l<strong>que</strong>sorte u<strong>ne</strong> “juxtaposition de possibles”.Tant <strong>que</strong> la mesure sur lui n’est pas faite,la grandeur censée quantifier la propriétéphysi<strong>que</strong> recherchée n’est passtrictement définie. Mais dès <strong>que</strong> cettemesure est engagée, elle détruit lasuperposition quanti<strong>que</strong>, par réductiondu pa<strong>que</strong>t d’ondes, comme Wer<strong>ne</strong>rHeisenberg l’énonçait en 1927.Toutes les propriétés d’un système quanti<strong>que</strong>peuvent <strong>être</strong> déduites à partir del’équation proposée l’année précédentepar Erwin Schrödinger. <strong>La</strong> résolution decette équation de Schrödinger permetde détermi<strong>ne</strong>r l’é<strong>ne</strong>rgie du système ainsi<strong>que</strong> la fonction d’onde, notion qui a donctendance à <strong>être</strong> remplacée par celled’amplitude de probabilité.Selon un autre grand principe de la physi<strong>que</strong>quanti<strong>que</strong>, le principe (d’exclusion)de Pauli, deux particules identi<strong>que</strong>sde spin 5 (c’est-à-dire des fermions, enparticulier les électrons) <strong>ne</strong> peuvent avoirà la fois la même position, le même spi<strong>ne</strong>t la même vitesse (dans les limitesposées par le principe d’incertitude),c’est-à-dire se trouver dans le mêmeétat quanti<strong>que</strong>. Les bosons (en particulierles photons), <strong>ne</strong> suivent pas ce principeet peuvent se trouver dans le même étatquanti<strong>que</strong>.<strong>La</strong> coexistence des états superposésdon<strong>ne</strong> sa cohérence au système quanti<strong>que</strong>.Dès lors, la théorie de la décohérencequanti<strong>que</strong> <strong>peut</strong> expli<strong>que</strong>r pourquoiles objets macroscopi<strong>que</strong>s ont uncomportement “classi<strong>que</strong>” tandis <strong>que</strong>les objets microscopi<strong>que</strong>s, atomes etautres particules, ont un comportementquanti<strong>que</strong>. Plus sûrement encore qu’undispositif de mesure pointu, “l’environ<strong>ne</strong>ment”(l’air, le rayon<strong>ne</strong>ment ambiant,etc.) exerce son influence, éliminantradicalement toutes les superpositionsd’état à cette échelle. Plus le systèmeconsidéré est gros, plus il est en effetcouplé à un grand nombre de degrés deliberté de cet environ<strong>ne</strong>ment. Et doncmoins il a de “chances” – pour resterdans la logi<strong>que</strong> probabiliste – de sauvegarderu<strong>ne</strong> <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong> cohérencequanti<strong>que</strong>.POUR EN SAVOIR PLUSÉtien<strong>ne</strong> KLEIN, Petit voyagedans le monde des quanta, Champs,Flammarion, 2004.CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005 17
Des nanosciences aux nanotechnologiesun électron. Ce dernier effet, plus robuste, subsistemême à haute température, quand l’espacement entreniveaux d’é<strong>ne</strong>rgie devient plus petit <strong>que</strong> l’é<strong>ne</strong>rgie associéeaux transferts thermi<strong>que</strong>s.Des conducteurs sans bruit : le silencedes électronsbruit de grenaille100 1 2conductance (2e 2 /h)Figure 4.“Bruit de grenaille” du courant normalisé au bruit de Schottkypour différentes valeurs de la conductance d’un contactponctuel. Le bruit, en général très réduit, va même jusqu’às’annuler quand un nombre entier de modes est parfaitementtransmis, c’est-à-dire quand la conductance est multiple duquantum de conductance (doublé par dégénérescence de spin).Un bon conducteur doit transmettre un courant en yajoutant le minimum de fluctuations. Or, la chargeétant discrète et le nombre d’électrons traversant leconducteur pendant un temps défini u<strong>ne</strong> donnéeprobabiliste, il en résulte un incontournable “bruitde grenaille” du courant. Pour les conducteurs quanti<strong>que</strong>s,ce bruit est très faible, voire nul (figure 4). E<strong>ne</strong>ffet, un contact injecte les électrons régulièrement à lafré<strong>que</strong>nce eV/h. Les fluctuations provien<strong>ne</strong>nt alors duseul caractère probabiliste quanti<strong>que</strong> de passage desélectrons.<strong>La</strong> loi de probabilité est binomiale:un électro<strong>ne</strong>st transmis ou réfléchi.<strong>La</strong> variance du courant est proportion<strong>ne</strong>lleau produit de la transmission par laréflexion. Si la transmission est faible, le bruit est faiblemais le courant I aussi: le bruit est donné par la loi deSchottky (S I =2eI où S I est la puissance de bruit par unitéde fré<strong>que</strong>nce et I la valeur moyen<strong>ne</strong> de l’intensité) observéepour les barrières tun<strong>ne</strong>l ou les diodes à semiconducteurs.Sila transmission approche l’unité,le courantest important, mais le bruit s’annule comme laréflexion. L’annulation du bruit est observée dans uncontact ponctuel. Pour un conducteur <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong>, ontrouve <strong>que</strong> le bruit est trois à quatre fois plus petit <strong>que</strong>le bruit de Schottky.Bien qu’observés au départ dans des systèmes modèlesà basse température,les effets décrits plus haut sont observablesmaintenant à température ambiante sur deséchelles atomi<strong>que</strong>s. En effet, si l’échelle de longueur audelàde la<strong>que</strong>lle les électrons perdent leur cohérencequanti<strong>que</strong> par interaction avec un environ<strong>ne</strong>ment macroscopi<strong>que</strong>est micrométri<strong>que</strong> à basse température, elleest encore de l’ordre de la dizai<strong>ne</strong> de nanomètres pourla plupart des matériaux à température ambiante.À cetteéchelle nanométri<strong>que</strong>, désormais accessible à l’expérimentation,l’électroni<strong>que</strong> <strong>ne</strong> <strong>peut</strong> <strong>être</strong> <strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>!> Denis-Christian Glattli* et Marc San<strong>que</strong>r**Direction des sciences de la matière<strong>CEA</strong> centres de Saclay* et de Grenoble**18CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005