puis de nanotechnologie a en effet favorisé les progrèsconceptuels, par de nombreux allers et retours entremodélisation et expérience. Inversement, les besoinsexpérimentaux pour observer et manipuler des objetstoujours plus petits et élaborer des conducteurs toujoursplus purs ont suscité de nouveaux outils d’observatio<strong>ne</strong>t de nouveaux matériaux. Comme on pouvaits’y attendre, l’entrée des conducteurs dans l’ère quanti<strong>que</strong>a apporté de nouvelles quantifications qui ont eud’importants retentissements en métrologie: l’ohm aainsi été détrôné au profit du quantum de résistance,le Klitzing (1) , défini comme le rapport de la constantede Planck h au carré de la charge de l’électron e. <strong>La</strong>quantification de la charge d’un petit circuit autorisantla manipulation d’électrons uni<strong>que</strong>s a permis de reliercourant et fré<strong>que</strong>nce. Mais le plus remarquable estl’universalité de la description quanti<strong>que</strong> obtenue, quis’appli<strong>que</strong> aussi bien aux métaux, aux couches bidimension<strong>ne</strong>llesd’électrons utilisées dans les transistors,qu’à l’électroni<strong>que</strong> de spin ou à l’électroni<strong>que</strong> moléculaire.Ces matériaux, d’aujourd’hui ou de demain,peuvent voir leur conductance modulée par des effetsd’interférences orbitaux ou de spin,ou par des effets dequantification de la charge. De plus, ils conduisent lecourant de façon peu “bruyante”en temps en vertu duprincipe de Pauli qui régule le flot des électrons.Trois bri<strong>que</strong>s de base des conducteursquanti<strong>que</strong>sTrois bri<strong>que</strong>s de base des conducteurs quanti<strong>que</strong>s serontpassées en revue ici: le contact ponctuel, l’interféromètreélectroni<strong>que</strong> et la boîte quanti<strong>que</strong>. Ils illustrentrespectivement les concepts clés suivants: la quantificationde la conductance, les interférences à un électro<strong>ne</strong>t la quantification des états électroni<strong>que</strong>s et de la charge.<strong>La</strong> description d’un conducteur quanti<strong>que</strong> est simple.À un électron est associée u<strong>ne</strong> onde de probabilité.Celle-ci est répartie entre plusieurs modes électroni<strong>que</strong>squi résultent du confi<strong>ne</strong>ment de l’électron par le matériauqui agit comme un guide d’onde.<strong>La</strong> conductanceest alors la somme des coefficients de transmissiondes modes électroni<strong>que</strong>s multiplié par le quantum deconductance e 2 /h (relation de <strong>La</strong>ndauer).Pour décrire la conduction, les contacts sont dissociésdu conducteur, pris en “sandwich” entre eux. Ils(1) Klitzing : du nom du découvreur de l’effet Hall quanti<strong>que</strong>qui apparaît dans les conducteurs bidimension<strong>ne</strong>ls en fortchamp magnéti<strong>que</strong>.GaAlAsGaAsVgrille (V g )couche d’électronsVg100 nmIconductance (2e 2 /h)3210compren<strong>ne</strong>nt un grand nombre d’électrons qu’ilsabsorbent ou émettent, comme le ferait en opti<strong>que</strong> uncorps noir avec des ondes lumi<strong>ne</strong>uses. Ce n’est jamaisle même électron qui est absorbé puis réémis.<strong>La</strong> phasede l’électron émis est aléatoire. C’est l’image qu’on sefait d’un conducteur classi<strong>que</strong>. Au contraire, dans leconducteur quanti<strong>que</strong>, il n’y a pas de relaxation de laphase de l’onde électroni<strong>que</strong>. Un électron émis par lecontact de gauche dans un mode électroni<strong>que</strong> seraabsorbé dans le contact de droite avec u<strong>ne</strong> probabilitédonnée par le coefficient de transmission du mode.Plus nombreux sont les modes électroni<strong>que</strong>s et meilleureest leur transmission: plus le conducteur conduit. Lequantum de conductance s’obtient en remarquant <strong>que</strong>si le contact de gauche est porté à u<strong>ne</strong> é<strong>ne</strong>rgie eV audessusde celui de droite, seuls les électrons dans cettetranche d’é<strong>ne</strong>rgie trouveront des états libres à droiteet participeront donc au courant. Par la relationd’incertitude temps-é<strong>ne</strong>rgie, les électrons émis de lagauche <strong>ne</strong> peuvent se succéder qu’à la fré<strong>que</strong>nce eV/h.Pour un mode de transmission unité, le courant estalors e 2 V/h. Du rapport du courant sur la tension, ontire le quantum de conductance e 2 /h.Le contact ponctuel : quantificationde la conductanceIl est possible de réaliser par nanolithographieélectroni<strong>que</strong> un guide d’onde à électrons sans défautsformant u<strong>ne</strong> constriction de longueur submicroni<strong>que</strong>et de largeur comparable à la longueur d’onde desélectrons (figure 1). Quand la largeur de ce contactponctuel est bien inférieure à celle-ci, aucun modeélectroni<strong>que</strong> n’est transmis car les ondes sont éva<strong>ne</strong>scentesdans la constriction. On a u<strong>ne</strong> barrière tun<strong>ne</strong>lde conductance très inférieure au quantum de conductance.Quandla largeur vaut u<strong>ne</strong> demi-longueur d’ondeélectroni<strong>que</strong>, un premier mode est transmis, tandis<strong>que</strong> les autres sont encore réfléchis. <strong>La</strong> conductanceprésente alors un palier de valeur égale au quantumde conductance.Quand la constriction s’élargit encore,un second mode est transmis puis un troisième, etc.,chacun signalé par un plateau multiple du quantumde conductance. L’effet <strong>peut</strong> <strong>être</strong> démontré avec desconducteurs bidimension<strong>ne</strong>ls semblables à ceux utiliséspour les transistors à haute mobilité électroni<strong>que</strong>.Par effet de champ, u<strong>ne</strong> grille fait varier continûmentla constriction (figure 1). Le phénomè<strong>ne</strong> a été ensuiteobservé avec des contacts ponctuels atomi<strong>que</strong>s. <strong>La</strong>relation de <strong>La</strong>ndauer, qui relie conductance et transmission,est donc vérifiée à toute échelle.- 50 0 50 100V g (mV)Figure 1.Contact ponctuel : l’effet dechamp de deux grillesdéfinies par nanolithographieet évaporées au-dessus dela surface d’un conducteurcontenant u<strong>ne</strong> couched’électrons permet de définiru<strong>ne</strong> constriction de largeurvariable. <strong>La</strong> conductancemesure la transmissiondes modes électroni<strong>que</strong>s,chacun avec deuxorientations de spin.Ici, en variant la tension,de zéro à trois modes sonttransmis. Leur transmissioncomplète est signalée parun plateau de conductance,multiple entier du quantumde conductance 2e 2 /h (dontla valeur est ici doublée parla dégénérescence de spin).CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005 15
Des nanosciences aux nanotechnologiesA 2 , GA 2heφ M B = rot (A)∆φ = eA dr = e φ MFigure 2.L’effet Aharanov-Bohm : en présence d’un champ magnéti<strong>que</strong> B, donc du potentielvecteur A, les fonctions d’ondes dans les deux bras de la boucle accumulent u<strong>ne</strong>différence de phase ∆φ. L’amplitude transmise et la conductance varient périodi<strong>que</strong>mentavec le flux magnéti<strong>que</strong> Φ M .AA 2 /4 1 + e i∆φ 2L’effet Aharanov-Bohm :interférences à un électron<strong>La</strong> conductance d’un conducteur <strong>peut</strong> <strong>être</strong> moduléepar des effets d’interférence. Si l’onde électroni<strong>que</strong> estdivisée pour suivre deux chemins différents puisrrecombinée,les amplitudes de probabilité des cheminss’ajoutent. Si les phases associées sont égales modulo2π la transmission, qui est le carré de l’amplitude, estrenforcée.Si elles diffèrent de π,elle s’annule.Un conducteuren forme d’an<strong>ne</strong>au placé entre deux contacts réaliseainsi l’analogue des trous d’Young en opti<strong>que</strong>. Unchamp magnéti<strong>que</strong> perpendiculaire est appliqué àl’an<strong>ne</strong>au pour faire varier la différence de phases entrechemins. Celle-ci dépend du flux du champ magnéti<strong>que</strong>à travers l’an<strong>ne</strong>au (effet Aharanov-Bohm,figure 2).<strong>La</strong> conductance est alors modulée avec u<strong>ne</strong> périodeégale au quantum de flux magnéti<strong>que</strong> h/e.<strong>La</strong> boîte quanti<strong>que</strong> : quantification de la chargeLes effets d’interférence pilotent aussi la conductanced’un petit îlot de <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s dizai<strong>ne</strong>s à <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s centai<strong>ne</strong>sd’électrons relié à deux contacts par des barrièrestun<strong>ne</strong>l (boîte quanti<strong>que</strong>). Un électron injecté par uncontact effectue dans l’îlot de multiples réflexions avantd’atteindre l’autre contact. Quand la phase accumuléeentre deux réflexions est multiple de 2π,les amplitudess’ajoutent: il y a résonance de transmission, commedans un interféromètre de Fabry-Pérot opti<strong>que</strong>.Autrement dit, l’observation des pics de conductanceassociés permet la spectroscopie tun<strong>ne</strong>l des états électroni<strong>que</strong>s.Comme dans un atome, le confi<strong>ne</strong>mentBQuel<strong>que</strong>s repères de physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong><strong>La</strong> physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong> (histori<strong>que</strong>mentdénommée mécani<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>)est l’ensemble des lois physi<strong>que</strong>squi s’appli<strong>que</strong>nt à l’échelle microscopi<strong>que</strong>.Fondamentalement différentesde la plupart de celles qui semblents’appli<strong>que</strong>r à notre propre échelle, ellesn’en constituent pas moins le socle globalde la physi<strong>que</strong> à toutes ses échelles.Mais à l’échelle macroscopi<strong>que</strong>, sesmanifestations <strong>ne</strong> nous apparaissentpas étranges, à l’exception d’un certainnombre de phénomè<strong>ne</strong>s a prioricurieux, comme la supraconductivitéou la superfluidité , qui justement <strong>ne</strong>s’expli<strong>que</strong>nt <strong>que</strong> par les lois de laphysi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>. Au demeurant, lepassage du domai<strong>ne</strong> de validité des loisparadoxales de cette physi<strong>que</strong> à celuides lois, plus simples à imagi<strong>ne</strong>r, de laphysi<strong>que</strong> classi<strong>que</strong> <strong>peut</strong> s‘expli<strong>que</strong>rd’u<strong>ne</strong> façon très générale, comme celasera évoqué plus loin.<strong>La</strong> physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong> tire son nomd’u<strong>ne</strong> caractéristi<strong>que</strong> essentielle desobjets quanti<strong>que</strong>s: des caractéristi<strong>que</strong>scomme le moment angulaire (spin) desparticules sont des quantités discrètesou discontinues appelées quanta, qui<strong>ne</strong> peuvent prendre <strong>que</strong> des valeursmultiples d’un quantum élémentaire. Ilexiste de même un quantum d’action(produit d’u<strong>ne</strong> é<strong>ne</strong>rgie par u<strong>ne</strong> durée)“Vue d’artiste” de l’équation de Schrödinger.appelé constante de Planck (h), dont lavaleur est de 6,626·10 -34 joule·seconde.Alors <strong>que</strong> la physi<strong>que</strong> classi<strong>que</strong> distingueondes et corpuscules, la physi<strong>que</strong>quanti<strong>que</strong> englobe en <strong>que</strong>l<strong>que</strong> sorte cesdeux concepts dans un troisième, quidépasse la simple dualité onde-corpusculeentrevue par Louis de Broglie,et qui, quand nous tentons de l’appréhender,semble tantôt proche du premieret tantôt du deuxième. L’objet quanti<strong>que</strong>constitue u<strong>ne</strong> entité inséparablede ses conditions d’observation, sansattribut propre. Et cela, qu’il s’agissed’u<strong>ne</strong> particule – en aucun cas assimilableà u<strong>ne</strong> bille minuscule qui suivraitu<strong>ne</strong> <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong> trajectoire – de lumière(photon) ou de matière (électron, proton,<strong>ne</strong>utron, atome…).Cette caractéristi<strong>que</strong> don<strong>ne</strong> toute sa forceau principe d’incertitude d’Heisenberg,autre base de la physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>.Selon ce principe (d’indéterminationplutôt <strong>que</strong> d’incertitude), il est impossiblede définir avec précision à un instantdonné à la fois la position d’u<strong>ne</strong> particuleet sa vitesse. <strong>La</strong> mesure, qui restepossible, n’aura jamais u<strong>ne</strong> précisionmeilleure <strong>que</strong> h, la constante de Planck.Ces grandeurs n’ayant pas de réalitéintrinsè<strong>que</strong> en dehors du processusd’observation, cette déterminationsimultanée de la position et de la vitesseest simplement impossible.D. Sarraute/<strong>CEA</strong>16CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005