À votre service sans ordonnance<strong>Traitement</strong> <strong>des</strong> problèmes <strong>buccaux</strong> –Produits en vente libre (1 re partie)Sensation de brûlure dans la bouche, gros bouton de fièvre sur les lèvres... Les gens souffrant de problèmes à la bouche consultentfréquemment leur pharmacien, en quête de soulagement. Or, dans la majorité <strong>des</strong> cas, il existe <strong>des</strong> produits en vente libre offrant untraitement efficace. Ainsi, dans cet article, qui sera publié en deux parties, nous nous attarderons davantage sur trois de ces problèmes: les aphtes <strong>buccaux</strong> (première partie), ainsi que l’herpès labial et la xérostomie (deuxième partie).Présentation clinique<strong>des</strong> aphtes <strong>buccaux</strong>Les aphtes, aussi appelés « ulcères » ou « stomatiteaphteuse récurrente », représentent un problèmeauquel nous sommes souvent confrontésen pharmacie. Les aphtes sont assez fréquents,puisque près de 20 % de la population en souffrede façon répétitive à un moment donné 1 . La prévalenceest de 5 % à 25 %, avec un taux de récurrencede 50 % en trois mois 2 . La stomatite aphteuseest un problème très dérangeant, car ellecause de la douleur, parfois très intense. Ellegêne la mastication, la déglutition ainsi que laparole, jusqu’à les rendre pénibles 3,7 . Les aphtessont en général ronds ou ovales, entourés par unhalo érythémateux, et sont recouverts d’unepseudomembrane blanche ou jaune, parfoisgrise 1,4,5 . Ils peuvent être classés en trois catégories: la forme mineure, la forme majeure et laforme herpétiforme 1,2,4-6 .La forme mineure comprend 75 % à 85 % <strong>des</strong>cas et présente un à cinq aphtes, chacun ayantun diamètre de moins de 1 cm. Ils guérissent engénéral de façon spontanée en 7 à 14 jours 1,2,4-6 .On les retrouve principalement sur les partiesnon kératinisées de la muqueuse <strong>des</strong> lèvres, surles joues et sous la langue ou sur le côté. Ils sontrarement situés au niveau du palet ou du dos dela langue 4,5,7 . Lorsque les lésions ont un diamètreplus grand que 1 cm et prennent plus de deuxsemaines à guérir, il s’agit de la forme majeure.Ils représentent 10 % à 15 % <strong>des</strong> cas, sont souventaccompagnés de fièvre et peuvent laisser <strong>des</strong>cicatrices 4,5,6 . La forme herpétiforme, soit 5 % à10 % <strong>des</strong> cas, se présente comme une zone ulcéreusecomposée de 5 à 100 minuscules ulcères(1 à 3 mm) regroupés 4,5,6 . Elle persiste entre unesemaine et deux mois. Ces ulcères peuvent êtreconfondus avec le virus de l’herpès simplex 4 .Seule la présentation est semblable puisque levirus n’est pas, ici, en cause 7 . Étant donné quecette manifestation est la plus commune et laseule que l’on puisse traiter en vente libre, nousparlerons surtout de la forme mineure.ÉtiologieLes causes de la stomatite aphteuse récurrentene sont pas très claires et il est très difficile d’établir<strong>des</strong> facteurs de risque 4,5 . Environ 40 % <strong>des</strong>patients ont une histoire familiale de stomatitewww.professionsante.caaphteuse 5 . De plus, elle est plus fréquente chezles femmes, chez les gens âgés de moins de40 ans (encore plus chez les enfants et les adolescents),chez les personnes de race blanche etchez les non-fumeurs 1,2,4-6 . Les facteurs déclenchantssemblent provenir surtout <strong>des</strong> comportementset <strong>des</strong> habitu<strong>des</strong> de vie : traumatismelocal, stress et anxiété, cessation tabagique,changements hormonaux. Près de 20 % <strong>des</strong> personnesatteintes disent qu’une blessure est àl’origine de leur aphte 7 . Un stress situationnel ouémotionnel précède 60 % <strong>des</strong> premiers cas <strong>des</strong>tomatite et est impliqué dans 21 % <strong>des</strong> épiso<strong>des</strong>récurrents 7 . Nommons aussi les allergies alimentaires(<strong>des</strong> anticorps au lait de vache et auxprotéines bovines ont été détectés dans la salivede plusieurs patients), la sensibilité à certainsagents de conservation (l’acide benzoïque et lecinnamaldéhyde) ou à <strong>des</strong> agents utilisés dansles dentifrices, comme le dodécylsulfate <strong>des</strong>odium (cette hypothèse est pourtant contestée)2,4,5,6,7 . De plus, les aphtes peuvent être provoquéspar certains médicaments, tels que les antinéoplasiques,les anti-inflammatoires nonstéroïdiens (AINS), les ß-bloquants, les inhibiteursde l’enzyme de conversion de l’angiotensine(IECA) (spécialement le captopril) et lesbisphosphonates 2,5,6,7 . L’hypothèse d’une originevirale ou bactérienne a été soulevée, mais elles’est révélée fausse 7 .Des ulcères avec une présentation cliniquesimilaire, mais ne guérissant pas de façon spontanéeavec le temps peuvent être reliés à uneautre maladie, comme le syndrome deBehçet (vascularite systémique <strong>des</strong> petitsvaisseaux qui cause aussi <strong>des</strong> lésionsgénitales, cutanées et ophtalmiques), àune maladie inflammatoire intestinale ouà une maladie inflammatoire chronique. Lesfacteurs de risque comprennent aussi le VIH etautres déficits immunitaires 1,2,5,6,7 .PréventionDes mesures peuvent être prises pour tenter dediminuer la fréquence <strong>des</strong> aphtes. Premièrement,il faut veiller particulièrement à ne pas se blesserou causer <strong>des</strong> irritations. Pour ce faire, on utiliseune brosse à dents à soie souple et on évite de semordiller les joues. De plus, on évite de parler enmangeant et on mastique lentement pour éviterTexte rédigé par Catherine Lambert, B. Pharm.,Pharmacie François Otis et Alexandre Deslauriers.Texte original soumis le 16 septembre 2010.Texte final remis le 22 novembre 2010.Révision : Julie Martineau, B. Pharm.(Pharmacie J. Martineau, J. Riberdy et associés),et Nancy Desmarais, B. Pharm.(Pharmacie Jean-François Martel).Février – mars 2011 vol. 58 n° 1 Québec Pharmacie 13
À votre service sans ordonnance20 % <strong>des</strong> personnes atteintes disent qu’une blessure est à l’originede leur aphte buccal et 60 % disent que la cause est le stress.de se mordre. Deuxièmement, il est importantd’avoir une bonne hygiène buccale. Les lotionsbuccales antibactériennes (Listerine MD , Scope MD ),utilisées en prévention, pourraient peut-êtrediminuer la fréquence <strong>des</strong> récidives 6 . Toutefois,les lotions buccales commerciales contenant del’alcool sont à éviter en présence de lésions, carelles peuvent occasionner une sensation de brûlureet augmenter l’irritation 2 . De plus, le patientdevrait essayer de connaître ses intolérances alimentaireset éviter les aliments en cause 2,4,6 . Si onsoupçonne une intolérance au dodécylsulfate <strong>des</strong>odium, détergent utilisé dans les dentifrices, ilconvient d’employer un dentifrice qui n’encontient pas (p. ex., Biotène MD ) 2 .Des déficiences en fer, en vitamine B 1, B 2, B 6etB 12, en acide folique et en zinc ont été rapportéeschez près de 20 % <strong>des</strong> patients 1,2,4,5,7 . Certainsauteurs suggèrent que la correction <strong>des</strong> déficitspourrait régler le problème chez ces patients 2 .Toutefois, d’autres affirment que la prise de suppléments(éléments déficients identifiés, fer oumultivitamines) n’a montré aucune améliorationde la guérison ou de la fréquence <strong>des</strong> ulcères,mis à part peut-être la vitamine B 124,8.En effet, une étude à double insu a cherché àévaluer l’efficacité de la vitamine B 12dans le traitementde la stomatite aphteuse récurrente 8 .L’ étude d’une durée de six mois a comparé troismarqueurs : la durée <strong>des</strong> poussées, le nombre delésions et le niveau de douleur ressenti chez untotal de 58 patients. Aucun d’entre eux n’avait unréel déficit en vitamine B 12au départ. Les patientsdu groupe intervention recevaient un comprimésublingual de 1000 mcg de vitamine B 12une foispar jour. Les résultats ont démontré une légèrediminution <strong>des</strong> trois critères dans les deux groupesdurant les quatre premiers mois, mais ladiminution était significativement plus importantedans le groupe intervention après cinqmois et six mois de traitement. De plus, 55 % <strong>des</strong>patients du groupe intervention, ainsi que 16 %du groupe témoin ont atteint le statut « pas d’aphtes» au cours <strong>des</strong> deux derniers mois (p < 0,01).La vitamine B 12semble donc un traitement simpleet peu coûteux pour les patients souffrant <strong>des</strong>tomatite aphteuse récurrente, quel que soit leniveau sérique au départ 8 . Malheureusement,rien n’indique la tendance après six mois. Nousaurons besoin de plus amples données afin deconclure sur son efficacité à long terme.<strong>Traitement</strong>sLes traitements que vous pourrez suggérer et lesconseils que vous donnerez visent d’abord etavant tout à soulager la douleur, étant donnéque les aphtes guérissent habituellement d’euxmêmes2,4 . Il sera important d’adresser les14 Québec Pharmacie vol. 58 n° 1 février – mars 2011patients à un médecin si les aphtes sont accompagnésde fièvre, de rougeurs aux yeux, de douleursarticulaires ou de diarrhées à cause du lienpossible avec une maladie inflammatoire et/ouauto-immune 6 . Il en est de même pour lespatients qui présentent <strong>des</strong> récurrences très fréquentesou <strong>des</strong> lésions d’ulcérations durables. Lemédecin pourrait décider de procéder à unebiopsie si un ulcère tarde à guérir 6 .Une étude récente menée sous la forme d’unsondage visant à déterminer la prévalence <strong>des</strong>traitements utilisés par les patients atteints <strong>des</strong>tomatite aphteuse récurrente montre que 50 %d’entre eux ont tenté un traitement, quel qu’ilsoit 9 . Parmi ceux-ci, plus de 50 % ont utilisé unanesthésique topique, une lotion buccale antiseptiqueou un corticostéroïde topique, alorsque 30 % ont opté pour <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> dites «alternatives » ou « traditionnelles », telles que<strong>des</strong> solutions à base de citron et d’eau chaude,<strong>des</strong> solutions à base d’eau et de sel, et autres produitsnaturels 9 .Mesures non pharmacologiquesLorsque <strong>des</strong> lésions sont présentes, nous pouvonsconseiller aux patients certaines mesuresnon pharmacologiques permettant de diminuerla douleur, à savoir :■ Éviter les aliments durs (rôties, tous les typesde noix, croustilles) 2,4,5,6 ;■ Éviter les aliments aci<strong>des</strong> (p. ex., agrumes,tomates, fraises, boissons gazeuses), irritants(p. ex., chocolat, café, alcool), mets salés ouépicés (p. ex., poivre, curry) 2,4 ;■ Laisser fondre un glaçon sur l’ulcère 2,6 ;■ Se rincer la bouche avec une solution constituéede 250 ml d’eau, une cuillerée à thé de selet une cuillerée à thé de bicarbonate <strong>des</strong>oude 2,6 ;■ Se rincer la bouche avec une solution constituéede 500 ml (2 tasses) d’eau et une cuilleréeà soupe (15 ml) de peroxyde d’hydrogène (onpeut suggérer le produit Peroxyl® )6 .<strong>Traitement</strong>s en vente libreCertaines mesures pourront aussi aider à soulagerles douleurs dues à la stomatite aphteuse àl’aide de produits disponibles sans ordonnance:■ Se rincer la bouche avec une solution constituéed’un sachet de perborate de sodiummonohydraté (Amosan ) dilué dans 30 ml®d’eau 3 . Il libère du peroxyde d’hydrogènependant l’utilisation et aide ainsi à prévenir lacolonisation de certaines bactéries;■ Recouvrir les ulcères avec une pommadeémolliente (p. ex., Orabase ) pour protéger la®muqueuse 2,4,6 . Pour augmenter son efficacité,assécher d’abord la partie à traiter, puis appliqueravec un coton-tige. Éviter de manger oude boire 30 minutes après l’application 2,4 ;■ Recouvrir d’une pommade ou d’un gel analgésique(p. ex., Oragel® ou Oragard ® )2,4 . Ilssont moins appropriés en raison du risqued’hypersensibilité à la benzocaïne. De plus,les patients pourraient être portés à ne pasfaire attention et à mordiller volontairementou non les lésions;■ Les corticostéroï<strong>des</strong> topiques sont la premièreligne de traitement. La triamcinilone acétonideprésente dans une pâte de carboxyméthylcellulose (Kenalog Orabase ) est disponiblesous ordonnance seulement. Certains®auteurs extrapolent cet usage aux crèmesd’hydrocortisone et recommandent l’applicationd’une crème d’hydrocortisone 0,5 %(Cortate® ) 4 fois par jour5 . Toutefois, la puissancen’ est pas comparable et le véhicule nepermet pas une application efficace sur lamuqueuse;■ Badigeonner les aphtes avec du lait de magnésie2 à 3 fois par jour 6 ;■ L’ emploi de la teinture de myrrhe pour soulagerl’inflammation <strong>des</strong> muqueuses estreconnu par la Commission E et l’ESCOP(European Scientific Cooperative on Phytotherapy)6 . On l’utilise pour ses effets antiseptiqueset cicatrisants. On peut appliquerde la teinture de myrrhe non diluée à l’aided’un coton-tige 2 à 3 fois par jour ou se rincerla bouche avec une solution constituéede 30 ml d’eau tiède et de 10 à 15 gouttes deteinture de myrrhe;■ Prendre de l’acétaminophène au besoin selonles doses habituelles 6 .Étant donné que cet article porte sur les traitementsdisponibles sans ordonnance, nous n’élaboreronspas sur les traitements prescrits. Mentionnonssimplement que les corticostéroï<strong>des</strong>topiques (Kenalog Orabase ) peuvent diminuer®l’intensité <strong>des</strong> douleurs, ainsi que la durée <strong>des</strong>lésions 2,5,7 . Les lotions buccales à base de chlorhexidine(Peridex® , Periogard ® ) pourraientdiminuer l’intensité <strong>des</strong> douleurs 1,5 , alors qued’autres auteurs ne mentionnent aucune différence2,7 . Malgré tout, aucun de ces traitements nepeut diminuer l’incidence <strong>des</strong> aphtes <strong>buccaux</strong>.En résumé, la stomatite aphteuse est un problèmecommun. Malheureusement, aucunedonnée ne permet d’établir <strong>des</strong> causes précises nid’identifier <strong>des</strong> traitements préventifs très efficaces.Nous devons donc aider les patients à déterminerles facteurs précipitants et à les éviter.L’automédication aura un rôle à jouer principalementdans le soulagement <strong>des</strong> symptômes. ■