<strong>Les</strong> <strong>Nanotechnologies</strong> 24 novembre 2002d’échanges, la prédominance <strong>de</strong> rapports surface/volume ou d’autres effets ouphénomènes mésoscopiques. Ils résultent aussi souvent d’une hiérarchie d’architectures, àl’image <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> processus rencontrés dans les êtres vivants.En raison <strong>de</strong> l’apparition <strong>de</strong> ces comportements nouveaux, les nanotechnologies suscitent etutilisent le développement <strong>de</strong> champs scientifiques nouveaux qui explorent les phénomènesqui apparaissent à l’échelle nanométrique. Ce sont les nanosciences. Nanosciences etnanotechnologies s’intéressent donc à la même échelle, et par conséquent partagent etdéveloppent <strong>de</strong>s outils communs. Elles n’en ont pas moins <strong>de</strong>s finalités distinctes. <strong>Les</strong>nanosciences requièrent la manipulation et le contrôle <strong>de</strong> la matière –éventuellementjusqu’au niveau atomique– et élaborent <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> laboratoire permettant la mise enévi<strong>de</strong>nce et l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> phénomènes nouveaux. <strong>Les</strong> nanotechnologies visent à formaliser <strong>de</strong>sconcepts et <strong>de</strong>s savoir-faire permettant d’élaborer <strong>de</strong>s matériaux ou <strong>de</strong>s systèmes dont lafonctionnalité répond à un besoin particulier, en vue d’une application i<strong>de</strong>ntifiée. Elles sepréoccupent <strong>de</strong>s procédés <strong>de</strong> mise en œuvre pour la fabrication <strong>de</strong> masse, et <strong>de</strong> l’impactqu’aura le produit développé sur le marché. Il en découle que les enjeux, le mo<strong>de</strong>d’organisation <strong>de</strong> la recherche, le rôle <strong>de</strong> l’état et <strong>de</strong>s autres acteurs seront différents entrenanosciences et nanotechnologies. 1Plusieurs approches scientifiques et techniques permettent <strong>de</strong> concevoir et <strong>de</strong> fabriquer <strong>de</strong>smatériaux, <strong>de</strong>s dispositifs ou <strong>de</strong>s systèmes présentant les comportements nouveauxrecherchés. Schématiquement, on peut distinguer l’approche privilégiant la miniaturisation<strong>de</strong>s procédés <strong>de</strong> micro fabrication déjà développés (approche dite <strong>de</strong> « haut en bas » ou« top-down » ), et celle privilégiant la mise au point <strong>de</strong> techniques d’assemblage à l’échelleatomique ou moléculaire pour structurer la matière à partir <strong>de</strong> blocs constitutifs (approchedite <strong>de</strong> « bas en haut » ou « bottom-up »). Quel que soit le cas <strong>de</strong> figure, lesnanotechnologies impliquent l’incorporation <strong>de</strong> ces structures à l’échelle nanométrique ausein <strong>de</strong> matériaux, <strong>de</strong> composants, <strong>de</strong> systèmes ou d’architectures plus ou moins complexespour les amener à l'échelle <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> tous les jours, dont les fonctions ou les propriétés1 Cette distinction entre sciences et technologies est essentielle car elle permet <strong>de</strong> toucher du doigt un <strong>de</strong>sphénomènes très préoccupant mis en évi<strong>de</strong>nce par les indicateurs récents <strong>de</strong> la recherche et <strong>de</strong> latechnologie, tels ceux produits par l’Observatoire <strong>de</strong> la Science et <strong>de</strong> la Technologie (OST, 2002), la NationalScience Foundation aux États-Unis, ou l’OCDE. Dans les 15 <strong>de</strong>rnières années, la part <strong>de</strong> l’Europe dans lespublications scientifiques mondiales a augmenté, passant <strong>de</strong> 29,8% à 33,9%, alors que les États Unispassaient <strong>de</strong> 36,3% à 30,5%. Par contre, en ce qui concerne les brevets européens, la part américaine estpassée <strong>de</strong> 28,7% à 32,1%, alors que l’Europe rétrogra<strong>de</strong> <strong>de</strong> 50,1% à 42,6%. La tendance est la même sur lesbrevets américains. Pour la France, les tendances en publications et brevets sont encore plus marquées ! <strong>Les</strong>fournisseurs <strong>de</strong> ces statistiques n'expliquent pas ces tendances. Toutefois, il est vraisemblable quel’augmentation <strong>de</strong>s publications européennes ne reflète pas une augmentation relative <strong>de</strong>s budgets, maisplutôt une augmentation <strong>de</strong> la productivité par chercheur : à l’instar <strong>de</strong> leurs homologues américains, leschercheurs européens se sont mis à publier abondamment. L’évolution du nombre <strong>de</strong>s brevets est associée àun changement dans l'origine <strong>de</strong>s brevets, en particulier ceux portant sur <strong>de</strong>s technologies émergentes.Jusqu’aux années 80, une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s brevets était déposée par les grands laboratoires <strong>de</strong> rechercheindustriels ( Bell labs, General Electric, IBM, Xerox, etc. aux États Unis, Alcatel, Thomson, GEC, Marconi,Siemens, Philips, etc. en Europe). Ces laboratoires ont fondu, et ce sont aux États Unis <strong>de</strong> nouveaux acteursqui ont pris la relève : les universités (déjà 5 % <strong>de</strong> tous les brevets américains en 1998) et les jeunes pousses(« start ups »). Pour ces <strong>de</strong>rnières, la propriété intellectuelle est l’arme essentielle pour exister face auxindustriels établis, et la prise <strong>de</strong> brevet est une question <strong>de</strong> vie ou <strong>de</strong> mort. Ces <strong>de</strong>ux composantes sont trèsinférieures en Europe, en particulier du fait du manque <strong>de</strong> recherche en technologie dans les institutions <strong>de</strong>recherche, et du manque <strong>de</strong> création <strong>de</strong> jeunes pousses, phénomène pas complètement indépendant duprécé<strong>de</strong>nt. <strong>Les</strong> nanosciences et nanotechnologies sont au cœur <strong>de</strong> ce problème, et on y trouve les ingrédientsfortifiant cette explication : la recherche en nanosciences est plutôt bien partie, manquent la recherche ennanotechnologies et les jeunes pousses.Académie <strong>de</strong>s technologies, 28 rue Saint Dominique, Paris 7 ème 8Tel : 33 1 53 85 44 44/ Fax : 33 1 53 85 44 45Mail :http://www.aca<strong>de</strong>mie-technologies.fr
<strong>Les</strong> <strong>Nanotechnologies</strong> 24 novembre 2002découlent directement <strong>de</strong> la structuration ou <strong>de</strong> l’agencement réalisés à l’échellenanométrique.2.3. La situation actuelle <strong>de</strong>s nanotechnologiesIl est clair que les nanotechnologies n’en sont encore qu’à leurs prémisses et n’ont pasatteint un sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> développement avancédans la plupart <strong>de</strong>s domaines. Leur impactsera immense ; il est déjà mesurable danscertains domaines, et les développementsanticipés ont d’ores et déjà une baseréelle. Ainsi, les dispositifs à multicouchesmétalliques exploitant l'effet <strong>de</strong>« MagnétoRésistance Géante » (MRG) onteu un impact spectaculaire sur lesperformances <strong>de</strong>s disques magnétiquescommercialisés à partir du milieu <strong>de</strong>sannées 1990 pour le stockage <strong>de</strong>l’information. Ces couches se présententsous la forme d’un sandwich métallique,dont l’épaisseur totale n’excè<strong>de</strong> pasquelques dizaines <strong>de</strong> nanomètres et dontle cœur, contrôlé à la couche atomiqueprès, a une épaisseur d’un à <strong>de</strong>uxL’incorporation d’un dispositif à magnétorésistancegéante dans les têtes <strong>de</strong> lecture <strong>de</strong>s disques dursa accéléré la progression <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsitéd’enregistrement magnétique <strong>de</strong> manièrespectaculaire. <strong>Les</strong> couches <strong>de</strong>s matériauxconstituant le composant actif ont une épaisseur <strong>de</strong>quelques atomes seulement.nanomètres. Plus <strong>de</strong> dix ans auparavant, l’avènement industriel <strong>de</strong>s lasers à puitsquantiques (<strong>de</strong>s structures constituées d’une superposition <strong>de</strong> couches semi-conductrices<strong>de</strong> quelques nanomètres contrôlées au plan atomique près) avait permis la popularisation <strong>de</strong>l’enregistrement audio numérique au sein du grand public, et le développementspectaculaire <strong>de</strong>s télécommunications par fibre optique.Un autre exemple <strong>de</strong> produit pionnier est celui <strong>de</strong>s catalyseurs nanostructurés, qui ontrévolutionné la catalyse et dont la mise sur le marché <strong>de</strong>puis 40 ans a eu un impactconsidérable en pétrochimie.Ces percées, ainsi que l’analyse et la compréhension <strong>de</strong> nombreux systèmes biologiquesdont le fonctionnement repose sur une organisation adaptée à l’échelle nanométrique, ontstimulé l’imagination <strong>de</strong>s chercheurs et ingénieurs, et fait émerger <strong>de</strong> nombreux objectifstechnologiques à base <strong>de</strong> nano objets dans la quasi-totalité <strong>de</strong>s domaines d’application : lesmatériaux et la fabrication, les technologies <strong>de</strong> l’information, la santé, l’environnement etl’énergie, la chimie, l’aéronautique et les transports, l’agriculture, la défense. Il y a unevingtaine d’années ou plus, certaines <strong>de</strong> ces applications avaient déjà été envisagées parplusieurs personnalités « visionnaires ». Ces objectifs ont acquis une crédibilité nouvelle enraison du développement extraordinaire <strong>de</strong>s nanosciences, permettant l’élaboration, lamanipulation et l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> nouveaux objets nanométriques (assemblages moléculaires,agrégats, nanocristaux, nanotubes, etc.). Ces éléments sont appelés à <strong>de</strong>venir les briques<strong>de</strong> base <strong>de</strong> futurs produits, grâce à <strong>de</strong> nouvelles techniques <strong>de</strong> caractérisation et <strong>de</strong>manipulation à l’échelle nanométrique (en particulier à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s microscopies en champproche qui peuvent atteindre une résolution sub-atomique). Ils impliquent aussi ledéveloppement <strong>de</strong> capacités <strong>de</strong> modélisation et <strong>de</strong> techniques <strong>de</strong> micro fabrication.Académie <strong>de</strong>s technologies, 28 rue Saint Dominique, Paris 7 ème 9Tel : 33 1 53 85 44 44/ Fax : 33 1 53 85 44 45Mail :http://www.aca<strong>de</strong>mie-technologies.fr