LA <strong>RSE</strong>, DE NOUVEAUX DÉFIS POUR LES JURISTES38d’activité, ne sépare plus le suivi financierdu suivi extra-financier (DD), <strong>pour</strong>rendre compte <strong>de</strong> sa performanceMutation 6, la <strong>RSE</strong> ne consiste plussimplement à améliorer le modèleéconomique <strong>de</strong> l’entreprise dans sacréation <strong>de</strong> valeur partagée avec sesparties prenantes mais à contribuerpar sa participation à l’action collectiveà améliorer le fonctionnement <strong>de</strong>son cadre d’activité en logique plusdurableMutation 7, la <strong>RSE</strong>, mesurée, négociée,globalisée, assumée, conduit àinfléchir le modèle économique <strong>de</strong>l’entreprise dans ce qu’il a <strong>de</strong> nondurable, en recherchant <strong>de</strong>s innovationscorrectrices, technologiques oud’usage, et ne se contentant pas <strong>de</strong>compensations résiduel<strong>les</strong><strong>La</strong> <strong>RSE</strong> n’achèvera saconstruction normative encours, dans son espaceoriginal nouveau, entre loi etmarché, faite <strong>de</strong> volonté et<strong>de</strong> collaboration, que si elleprogresse dans la décenniequi vient sur <strong>les</strong> trois terrainsdéterminants suivants :– elle a besoin <strong>de</strong> s’intégrer dans <strong>de</strong>spolitiques publiques qui compensent<strong>les</strong> surcoûts et qui encouragent <strong>les</strong> initiativespositives, à travers <strong>de</strong>s contrepartiesqui ai<strong>de</strong>nt à internaliser <strong>les</strong>externalités négatives, lorsque la dynamiquedu marché ne suffit pas,– elle a besoin <strong>de</strong> se fon<strong>de</strong>r sur <strong>de</strong>sexpérimentations, <strong>de</strong>s évaluationset <strong>de</strong>s démarches d’apprentissagequi engendrent <strong>de</strong>s savoirs et quiconstruisent <strong>de</strong>s outils et <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>sopératoires sans <strong>les</strong>quels la <strong>RSE</strong> resteencore un champ <strong>de</strong> bonnes pratiqueséclatées,– elle a besoin enfin <strong>de</strong> viser son intégrationdans la comptabilité afin quesa mesure rejoigne <strong>les</strong> cadres universels<strong>de</strong> l’analyse économique etqu’elle soit utilisable à partir <strong>de</strong> donnéesrépondant aux mêmes exigences<strong>de</strong> rigueur que cel<strong>les</strong> qui régissent <strong>les</strong>flux monétaires.<strong>La</strong> <strong>RSE</strong> apporte à l’entreprise cettepossibilité <strong>de</strong> choisir son modèle, dèslors que la régulation l’y encourage. Lemérite <strong>de</strong>s années critiques que l’onvient <strong>de</strong> vivre et l’intérêt <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong>conscience réelle <strong>de</strong> nombreux dirigeantssur leur responsabilité intrinsèque,sous la pression d’une transparencequi est autant une menacequ’un stimulant, est <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> la <strong>RSE</strong>un sujet très sérieux qui n’a plus rien àvoir avec la morale. C’est une questiongéopolitique par excellence, <strong>de</strong> régulation<strong>de</strong>s échanges, sur <strong>de</strong>s bases quenous voudrons – ou non – compatib<strong>les</strong>avec le modèle politique soutenable,sinon souhaitable qui se <strong>de</strong>ssine. Onvoit bien que la montée <strong>de</strong>s risquesobligera <strong>les</strong> entreprises à prendre leurresponsabilité politique dans cetteévolution et donc à <strong>de</strong>voir afficheret négocier <strong>de</strong>s comportements quicontribueront à l’équilibre durable <strong>de</strong>srapports économiques sur la planète.Cette criticité <strong>de</strong>s risques ne cessera<strong>de</strong> tirer la <strong>RSE</strong> dans un cadre normatifdur, juridique et comptable, en attendantd’être stratégique.■ Patrick d’Humières, Directeurdu CHEE-DD Paris, Executiveformation <strong>de</strong> l’École CentraleJuriste d’Entreprise Magazine N°14 – Juillet 2012
LA <strong>RSE</strong>, DE NOUVEAUX DÉFIS POUR LES JURISTESPARTENARIAT : L’<strong>AFJE</strong> ET L’ASSOCIATION C3D ONT DÉCIDÉ DE TRAVAILLER ENSEMBLE…Pourquoi un partenariat <strong>AFJE</strong> – C3D ?DD et <strong>RSE</strong>, soutenabilité, préjudice écologique, principe <strong>de</strong> précaution, agenda 21,rapport environnemental, social et sociétal… autant <strong>de</strong> <strong>nouveaux</strong> concepts que <strong>les</strong>Directeurs du Développement Durable <strong>de</strong>s entreprises ont appris à transformer enactions dans leurs entreprises. Mais ces objets sont aussi appréhendés par le droit ou<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s normes juridiques que <strong>les</strong> <strong>juristes</strong> d’entreprise doivent traiter ! Alorsfaudra-t-il créer un JDD (Juriste Développement Durable) ?Des conventions internationa<strong>les</strong>, <strong>de</strong>schartes, <strong>de</strong>s livres blancs ou verts,<strong>de</strong>s discours, <strong>de</strong>s directives, <strong>de</strong>slois… tout un arsenal a progressivementpermis d’installer le développementdurable comme un conceptmajeur dans le paysage médiatique,social, politique, entrepreneurial etbien évi<strong>de</strong>mment juridique <strong>de</strong>s entrepriseset <strong>de</strong> ses acteurs internes ouexternes, allant <strong>de</strong>s actionnaires auxcitoyens en passant par <strong>les</strong> salariés,<strong>les</strong> fournisseurs, <strong>les</strong> clients… En breftoutes <strong>les</strong> parties prenantes. D’abordperçu comme un enjeu environnemental,le Développement Durable(DD) concerne aussi <strong>les</strong> enjeuxsociaux et économiques et se déclineen normes aux pouvoirs réglementairesdifférents allant <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s <strong>de</strong>bonnes pratiques et <strong>de</strong>s recommandationsaux normes réglementairesétablies et le Juriste d’entreprise nepeut l’éviter aujourd’hui dans la gestionjuridique <strong>de</strong> l’entreprise. C’estun fait.Le juriste poussé vers le DDLes enjeux environnementaux furentla porte d’entrée du développementdurable. Avant même l’apparitiondu co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’environnement relativementrécent, il existait un foisonnement<strong>de</strong> normes disparates. Plusrécemment, en 2005, la protection<strong>de</strong> l’environnement est <strong>de</strong>venue unevaleur constitutionnelle avec l’intégration<strong>de</strong> la Charte <strong>de</strong> l’Environnementdans la Constitution. <strong>La</strong> loidu 15 mai 2001 sur <strong>les</strong> Nouvel<strong>les</strong>Régulations Économiques (NRE)marque une étape importante : l’entreprisecotée va <strong>de</strong>voir communiquerdans son rapport annuel <strong>de</strong>s informationsrelatives à la prise en compte<strong>de</strong>s conséquences socia<strong>les</strong> et environnementa<strong>les</strong><strong>de</strong> son activité. C’estalors que l’on voit naître le concept<strong>de</strong> <strong>RSE</strong> qui est la contribution <strong>de</strong>sentreprises aux enjeux du développementdurable. Progressivement, leDD couvre tous <strong>les</strong> domaines et <strong>les</strong>textes dits Grenelle sont une reconnaissancejuridique officielle. « <strong>La</strong> <strong>RSE</strong>couvre <strong>de</strong> nombreux sujets allant <strong>de</strong>sdroits <strong>de</strong> l’homme à l’environnementet la biodiversité, <strong>de</strong> la productionéco-conçue à l’innovation, <strong>de</strong>s achatsresponsab<strong>les</strong> aux droits <strong>de</strong>s consommateurs,<strong>de</strong>s co<strong>de</strong>s d’éthique auxprincipes <strong>de</strong> gouvernance… touty passe » disent d’une même voixHélène Vala<strong>de</strong> (Prési<strong>de</strong>nte du C3D)et Catherine Roux.Et <strong>les</strong> <strong>juristes</strong> d’entreprise dans toutcela ? « Mon objectif en 2004 enreprenant l’animation <strong>de</strong> la commissionEnvironnement était déjà d’engagerune réflexion sur le rôle du juristed’entreprise dans la démarche DD ».(Voir <strong>les</strong> travaux <strong>de</strong> la commission surle site et en particulier le compte rendu<strong>de</strong> l’événement d’octobre 2007) etelle souligne : « aujourd’hui, se rapprocher<strong>de</strong>s acteurs du DD permet<strong>de</strong> continuer à sensibiliser <strong>les</strong> <strong>juristes</strong>sur ce concept et ses conséquencesjuridiques et <strong>les</strong> faire participer à cequi constitue un enjeu <strong>de</strong> compétitivité<strong>de</strong>s entreprises <strong>pour</strong> <strong>de</strong>main ».Le Grenelle a prévu <strong>de</strong> dépasser ledomaine <strong>de</strong> l’environnement, d’allerplus loin que la NRE, par exemple enétendant l’obligation <strong>de</strong> reporting à<strong>de</strong>s entreprises non cotées et dépassant500 personnes, mais aussi entermes <strong>de</strong> sanctions : el<strong>les</strong> venaient<strong>de</strong> la société civile, aujourd’hui el<strong>les</strong>viennent du droit lui-même. Le DD a<strong>de</strong>s conséquences juridiques et ce n’estpas qu’un discours à la mo<strong>de</strong>, il fautstructurer et prouver l’action durable.Les 3 piliers (environnement, social,économique) du DD semblentaujourd’hui équilibrés, même si l’environnementreste encore le plus visible,le plus concret, le plus mesurable,même juridiquement parlant. Lesconséquences socia<strong>les</strong>, sociéta<strong>les</strong>et économiques sont plus diffici<strong>les</strong>à appréhen<strong>de</strong>r et surtout à mesurer.Mais cela progresse très vite etle juriste d’entreprise doit y faire facedans <strong>de</strong> multip<strong>les</strong> facettes <strong>de</strong> la vie<strong>de</strong> l’entreprise. Et même <strong>de</strong>s dossiersprospectifs : le respect du consommateur,l’exigence vis-à-vis <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>l’homme, la norme ISO 26000 (norme<strong>RSE</strong> <strong>de</strong> novembre 2010), etc. …Ainsi, le juriste d’entreprise peut,voire doit, utiliser une accumulation<strong>de</strong> normes qui va du réglementaire,la hard law, jusqu’à la multitu<strong>de</strong> d’éléments<strong>de</strong> soft law, allant <strong>de</strong>s conventionsinternationa<strong>les</strong> jusqu’aux gui<strong>de</strong>s<strong>de</strong> bonnes pratiques, émanant <strong>de</strong>syndicats ou d’associations professionnel<strong>les</strong>,<strong>de</strong>s chartes… Dès lors, lerôle du juriste d’entreprise ne peut se39Juriste d’Entreprise Magazine N°14 – Juillet 2012