LA <strong>RSE</strong>, DE NOUVEAUX DÉFIS POUR LES JURISTESPARTENARIAT : L’<strong>AFJE</strong> ET L’ASSOCIATION C3D ONT DÉCIDÉ DE TRAVAILLER ENSEMBLE…40résumer à « appliquer le droit », il doitêtre prospectif, anticipateur, y compris<strong>de</strong> la soft law et <strong>de</strong> ses implications.Catherine Roux en est tellementconvaincue, qu’elle s’est rapprochéedu C3D <strong>pour</strong> créer ce partenariat ens’appuyant sur un évènement quisoit à la fois ludique et créateur <strong>de</strong>liens. « <strong>La</strong> pièce <strong>de</strong> théâtre “PartiePrenante”, révélatrice <strong>de</strong> la complexitédu sujet en prenant un cas concret,a surtout servi <strong>de</strong> support <strong>pour</strong> cettepremière rencontre entre nos <strong>de</strong>uxassociations. Ce n’était qu’une miseen bouche et nous allons développer<strong>de</strong>s thèmes <strong>de</strong> réflexion communs.Nous pouvons envisager la réparation<strong>de</strong>s atteintes à la biodiversité, <strong>les</strong>chartes éthiques, <strong>les</strong> achats responsab<strong>les</strong>(loyauté <strong>de</strong>s pratiques, sécurité<strong>de</strong>s produits…), la combinaison dudroit social et <strong>de</strong> la <strong>RSE</strong>… ». Elle rappelleque la Commission Européennea mis l’accent dans sa <strong>de</strong>rnière déclarationsur la nécessité <strong>de</strong> créer plus<strong>de</strong> régulations et d’encourager la corégulationavec <strong>les</strong> salariés en interne.Travailler en transversal, maindans la main avec la Direction duDéveloppement Durable, semble s’imposerà terme à la Direction Juridique.Et si la fonction DD n’existe pas, lejuriste peut être lui-même initiateur<strong>de</strong> la démarche !Le DDD vient au droitHélène Vala<strong>de</strong> rappelle que la fonction<strong>de</strong> Directeur du DéveloppementDurable dans l’entreprise est une fonctionrécente, 15 ans <strong>pour</strong> le DDD leplus anciennement installé, une DDDd’ailleurs et elle fut d’abord chargéedu reporting environnemental et socialdu fait <strong>de</strong> la loi NRE ! Actuellement, ilssont environ 300 en entreprises, <strong>de</strong>profils très variés, c’est une fonctiontrès en pointe dans <strong>les</strong> gran<strong>de</strong>s collectivités.« On constate aussi que lafonction va vers <strong>les</strong> PME, dès que lePDG ou la DG impulse une politique<strong>de</strong> DD » constate-t-elle.Il faut aller plus loin : passer du rendrecompte à la proposition. Ainsi, en quoile DDD peut ai<strong>de</strong>r le commercial àaller vers <strong>les</strong> clients ? Comment peutilpousser l’innovation ? Etc. … Eneffet, <strong>les</strong> attentes <strong>de</strong>s clients évoluentet intègrent <strong>de</strong> plus en plus le DD.L’entreprise doit donc elle aussi sel’approprier le plus largement possible.Le DDD intervient ainsi à différentsniveaux : « que ce soit sur l’aspectargumentaire, narratif et <strong>de</strong> discours,par exemple avec <strong>les</strong> rapportsannuels, ou <strong>les</strong> références sur<strong>les</strong> aspects DD <strong>de</strong> nos produits, <strong>de</strong>nos solutions, mais aussi sur l’évolution<strong>de</strong> la présentation <strong>de</strong> ces produitsjusqu’à la commercialisation »décrypte Hélène Vala<strong>de</strong>. Ensuite, leDDD travaille sur <strong>les</strong> modifications <strong>de</strong>la conception, du process <strong>de</strong> production,<strong>de</strong> la fabrication <strong>de</strong>s produits,comme <strong>les</strong> économies d’énergie, laréduction <strong>de</strong>s coûts ou l’utilisation plusefficiente <strong>de</strong> tel ou tel produit <strong>de</strong> sacomposition. Enfin, toute l’ingénieriesociale/sociétale : gestion <strong>de</strong>s RH,avec la diversité, la formation, le handicap,l’hygiène, l’employabilité… Soitune performance sociale au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>la performance financière ! Ingénieriesociétale qui s’étend d’ailleurs à lamédiation avec <strong>les</strong> clients en difficultés,<strong>les</strong> associations loca<strong>les</strong> ou même<strong>les</strong> rapports avec <strong>les</strong> fournisseurs…C’est-à-dire à la création <strong>de</strong> rapportspositifs avec <strong>les</strong> acteurs extérieursà l’entreprise mais en lien avec elle.Sont abordées <strong>de</strong>s questions touchantaux paiements, aux économiesbudgétaires, aux nuisances <strong>pour</strong> levoisinage… <strong>La</strong> <strong>RSE</strong> va jusqu’à promouvoirla bonne gouvernance, lacitoyenneté <strong>de</strong> l’entreprise, et adopterun comportement éthique avec <strong>les</strong>parties prenantes, et <strong>les</strong> encouragerdans ce sens.Cette fonction <strong>de</strong> DDD est toute enPREMIER ACTE DU PARTENARIAT C3D – <strong>AFJE</strong> : « PARTIE PRENANTE »Une pièce <strong>de</strong> théâtre « Partie Prenante » a été l’occasion <strong>de</strong> rapprocher <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux professions,<strong>juristes</strong> d’entreprise et directeurs du développement durable, <strong>pour</strong> mieuxexplorer leurs complémentarités. Les échanges animés qui ont suivi la représentationsont porteurs d’une promesse <strong>de</strong> lien… durable entre nos <strong>de</strong>ux associationsdont la première étape a été la signature d’une convention <strong>de</strong> partenariat.Créée par <strong>les</strong> associés d’ASG Stratégie et Gouvernance à <strong>de</strong>s fi ns pédagogiques et jouée par<strong>de</strong> talentueux comédiens professionnels, Partie Prenante, présente <strong>les</strong> vastes périmètres et <strong>les</strong>enjeux du développement durable et <strong>de</strong> la responsabilité sociale. Construite autour <strong>de</strong> quatrepersonnages porteurs <strong>de</strong> visions très contrastées, cette pièce <strong>de</strong> théâtre met en scène leursparadoxes et contradictions quand il s’agit <strong>de</strong> mettre en place concrètement une démarche <strong>de</strong> développement durable dans l’entreprise.Plus <strong>de</strong> 80 <strong>juristes</strong> d’entreprise et directeurs du développement durable étaient présents à cette représentation, reçus par le CabinetDeloitte. Motivée par ce succès et la richesse <strong>de</strong>s échanges, Catherine Roux, acteur majeur <strong>de</strong> ce partenariat, prépare dès à présent <strong>les</strong>econd acte <strong>de</strong> ce partenariat avec C3D. Pour ce faire, elle sera accompagnée par <strong>de</strong>ux <strong>nouveaux</strong> co-animateurs <strong>de</strong> la CEDD : Anne-Gwenn Alexandre (voir encadré page 24) et Emmanuel <strong>La</strong>clavière.Pour toute question : afje.cedd@gmail.comPour en savoir plus sur C3D : contact@cddd.frJuriste d’Entreprise Magazine N°14 – Juillet 2012
LA <strong>RSE</strong>, DE NOUVEAUX DÉFIS POUR LES JURISTESPARTENARIAT : L’<strong>AFJE</strong> ET L’ASSOCIATION C3D ONT DÉCIDÉ DE TRAVAILLER ENSEMBLE…transversalité. Elle a aussi <strong>pour</strong> particularité<strong>de</strong> s’emparer <strong>de</strong> sujets <strong>nouveaux</strong>,jusqu’alors inconnus ou délaissés,puis <strong>de</strong> <strong>les</strong> retravailler <strong>pour</strong> <strong>les</strong>renvoyer vers <strong>les</strong> opérationnels afinqu’ils s’en emparent et <strong>les</strong> appliquent.« C’est afficher un certain côté militant,car il faut incarner une problématiqueémergente et être très professionnel ! »souligne Hélène Vala<strong>de</strong>.L’entreprise ne peut plus être renferméesur elle-même. En intégrant cettenouvelle problématique, elle appréhen<strong>de</strong><strong>de</strong> <strong>nouveaux</strong> territoires (quellegouvernance est acceptable <strong>pour</strong> nossalariés ? <strong>les</strong> ressources naturel<strong>les</strong>sont-el<strong>les</strong> durab<strong>les</strong> ? le climat est-ilnotre problème ?…) et le businessmo<strong>de</strong>l s’en trouve automatiquementimpacté, pas tant en terme <strong>de</strong> quantitémais au niveau <strong>de</strong> la valeur. Le DDpermet d’accé<strong>de</strong>r au cœur <strong>de</strong> l’entreprise: son modèle économique.Il faut concrétiser le DD, et <strong>de</strong> cecôté-là, Hélène Vala<strong>de</strong> le confirme :<strong>les</strong> DDD ont besoin du droit et donc<strong>de</strong>s <strong>juristes</strong> <strong>de</strong> l’entreprise où ils sont.Certes, travailler ensemble, mais surtoutrattraper le retard <strong>de</strong> coopérationqui s’est installé. Les DDD ont rapi<strong>de</strong>menttravaillé avec <strong>les</strong> qualiticiens<strong>de</strong>s entreprises (sur <strong>les</strong> process, leconcret…), mais pas assez vite avec<strong>les</strong> <strong>juristes</strong> d’entreprise. Hélène Vala<strong>de</strong>le constate : « on s’est aperçu que lemon<strong>de</strong> juridique était aussi présentdans l’entreprise et pouvait <strong>de</strong>venir unréel partenaire. Car quand on inventedu neuf, il est nécessaire <strong>de</strong> le passerau crible du droit ». C’est d’un juristed’entreprise qui ai<strong>de</strong> à faire appliquerle DD et non le freiner que <strong>les</strong> DDDont recherché.On a cru qu’avec la crise, le DD etdonc <strong>les</strong> fonctions liées allaient s’estompervoire disparaître. L’antienneliant préoccupation <strong>pour</strong> l’environnementet pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> prospéritéest enterrée. Le DD est au contrairele domaine dont il faut s’occuper,quoiqu’il advienne, et même, il peutpermettre <strong>de</strong> participer à la sortie <strong>de</strong>la crise. Sur ce point <strong>les</strong> entreprises,poussées sans doute par le consommateuracteur du DD, vont plus viteque <strong>les</strong> politiques. D’ailleurs, le DDn’est plus vraiment un sujet clivantdans la société (sauf peut-être encoresur ses aspects fiscaux et sur le « quipaie quoi ? »). « On n’est plus du toutdans l’idéologie, le discours d’intention,on est dans l’action et la solution» conclut Hélène Vala<strong>de</strong>.Des <strong>juristes</strong> intégrés au sein<strong>de</strong> la Direction DD ou <strong>de</strong>sexperts DD et <strong>RSE</strong> au sein<strong>de</strong> la Direction Juridique ?Tout d’abord, soulignons que, enterme <strong>de</strong> métier, <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux professionsdoivent démontrer la valeur ajoutée <strong>de</strong>leur fonction au sein <strong>de</strong> l’entreprise etleurs contributions à sa performance.Ensuite, un autre point commun entrejuriste d’entreprise et Directeur/responsabledu Développement Durable,c’est d’être très transversaux. Entrele droit pur et dur, <strong>les</strong> risques, <strong>les</strong>accords internes, la conformité, lecontrôle, la compliance, l’éthique,la qualité. C’est aussi d’être en lienavec toutes <strong>les</strong> autres fonctions <strong>de</strong>l’entreprise, y compris <strong>les</strong> opérationnels.Verra-t-on naître un être hybri<strong>de</strong>nommé JDD ou J<strong>RSE</strong> (Juriste experten DD et <strong>RSE</strong>) ?Comme le souligne Catherine Roux :« <strong>les</strong> collaborations sont à envisageret seront multip<strong>les</strong>, avec <strong>de</strong> <strong>nouveaux</strong>sujets à traiter en commun tels que lereporting renforcé en matière <strong>de</strong> <strong>RSE</strong>ou <strong>les</strong> montages juridiques sur la compensationécologique. Il ne s’agit pasd’une révolution mais d’une évolution<strong>de</strong> notre métier, une nouvelle manièred’utiliser le droit <strong>pour</strong> le mettre au service<strong>de</strong> la <strong>RSE</strong>. Nous savons gérer <strong>les</strong>risques et révéler <strong>les</strong> opportunités etcomme la <strong>RSE</strong> est source d’opportunitéset créatrice <strong>de</strong> valeur, nousavons bouclé la boucle… ! »Helène Vala<strong>de</strong> remarque qu’on n’intègrepas encore <strong>de</strong>s <strong>juristes</strong> dans <strong>les</strong>services dévolus au DD (sauf à imaginer<strong>de</strong>s doub<strong>les</strong> compétences, <strong>de</strong>sdoub<strong>les</strong> formations), mais qu’on estdans « la recherche <strong>de</strong> lien, <strong>de</strong> réalisationsmain dans la main. Le rôle dujuriste auprès <strong>de</strong> nous, c’est <strong>de</strong> nousdire jusqu’où pousser le reporting ou<strong>les</strong> actions, comment sécuriser <strong>les</strong>clauses qui nous permettront d’appliquertel ou tel aspect du DD dans uncontrat, etc. Bref, c’est le défi d’êtreun juriste qui innove et qui se situedans l’audace contrôlée ». Donc, passeulement un applicateur du droit, etsurtout pas un empêcheur <strong>de</strong> faire.Le droit <strong>de</strong> l’environnement a été lepremier domaine partagé entre <strong>les</strong><strong>de</strong>ux professions, il est aussi le premierperçu, le plus visible et le pluslégiféré. Les relations vont bien au-<strong>de</strong>làaujourd’hui et couvrent <strong>de</strong> bien nombreuxdomaines <strong>de</strong> droit. Mais l’intérêt<strong>pour</strong> <strong>les</strong> DDD d’avoir <strong>les</strong> <strong>juristes</strong> aveceux, c’est bel et bien l’innovation juridique,<strong>pour</strong> porter <strong>de</strong>s solutions, <strong>de</strong>trouver <strong>de</strong>s innovations, par exempleen transposant. Ainsi sur l’organisationsur <strong>les</strong> sujets <strong>de</strong> la ville durable, ousur <strong>de</strong>s partenariats entre entreprisesdifférentes, par exemple <strong>de</strong> tail<strong>les</strong> différentes,ou entre l’agriculture et <strong>les</strong>distributeurs : <strong>de</strong>s formes juridiquesnouvel<strong>les</strong> sont nécessaires. Les DDDont <strong>de</strong>s idées et <strong>de</strong>s actions à mener,<strong>les</strong> JE <strong>de</strong>s expertises et un arsenaljuridique, il s’agit <strong>de</strong> <strong>les</strong> lier.Peut-être <strong>de</strong>s <strong>juristes</strong> d’entrepriserejoindront ou <strong>de</strong>viendront <strong>de</strong>s DDDdans l’entreprise ? Peut-être <strong>de</strong>s finsconnaisseurs du DD feront le chemininverse et se joindront aux équipes<strong>de</strong> <strong>juristes</strong> ? Peut-être <strong>de</strong>s hybri<strong>de</strong>sDroit et Développement Durable semultiplieront ? Chez TOTAL, certains<strong>juristes</strong> sont chargés <strong>de</strong> la <strong>RSE</strong>, chezSaint-Gobain, la démarche durableest confiée à une juriste.Pas forcément. Mais finalement peuimporte. L’intérêt du partenariat <strong>AFJE</strong>/C3D sera <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s relations entreDDD et <strong>juristes</strong> d’entreprise, afin <strong>de</strong><strong>les</strong> ai<strong>de</strong>r à appréhen<strong>de</strong>r <strong>les</strong> enjeux duDD qui s’amplifient, s’infiltrent et seconcrétisent tous <strong>les</strong> jours.■ Nathalie Rebhy41Juriste d’Entreprise Magazine N°14 – Juillet 2012