16 <strong>Mondomix</strong>.comJeuxde cordesRichard BonaTexte : Bertrand Bouard Photographie : Ian Abelan Richard Bona Bonafied (Universal)n En concertle 11 mai à Jazz sous les Pommiers ; le 13 à Ris-Orangis ; le15 à Lyon ; le 17 à Marseille ; le 18 à Nice ; le 21 à Parisn www.bonamusic.comBassiste virtuose parmi les plus convoités du jazz, Richard Bona sait se mueren songwriter folk sensible en solo et agréger harmonies modernes et mélodiesde son Cameroun natal.Richard Bona s’est retiré à la campagne. Aune heure de Paris, dans un minuscule villagede Picardie. « Passé la quarantaine, jen’arrivais plus à composer à Paris. Trop desollicitations, tout le temps. Là, pour que lesgens viennent me voir, il faut qu’ils en aientvraiment envie », s’amuse-t-il. Ce samedi dela fin mars, c’est donc au vert que RichardBona potasse les partitions de son prochainconcert à Budapest, en compagnie du guitaristegitan Ferenc Snétberger. Ceci aprèsplusieurs jours de studio dans le New Jerseyaux côtés de... Lauryn Hill. « Elle est dans unétat d’esprit très cool », précise-t-il à proposde celle dont la disparition des écrans radarforme l’un des épais mystères de la pop musiquemoderne.Egaler JacoCette vie à courir les scènes et les studios,Richard Bona la mène depuis une vingtained’années, aux côtés de Manu Dibango, SalifKeita, Joe Zawinul, Harry Belafonte ou GeorgeBenson, tous tombés à la renverse face àson jeu de basse, torrentiel et hyper précis.Outre un sens du groove torride, Bona apporteà leur musique quelques couleurs deson pays natal, le Cameroun. Héritier d’ungrand père griot, Bona commença par toucherun peu à tout - balafon, percussions,saxophone, guitare, orgue. Jusqu’à sadécouverte, à Douala, des disques d’un certainJaco Pastorius. Des heures, des jours,« Les machines sont en trainde remplacer les musiciens »des mois à suer sur l’instrument pour égalerle maître de la basse jazz moderne. « Mongrand père me disait : “L’excellence vient desmouvements répétés. Si tu joues tous lesjours, tu vas devenir très bon musicien”. Tousles gens que j’ai côtoyés qui excellaient dansleur domaine, quel qu’il soit, font ça. Quand jetournais avec Kenny Garrett, j’ai dû changerde chambre car dès qu’il se levait le matin, ilcommençait à souffler dans son sax... ».Bassiste le plus recherché de la planète jazz--rock, Bona mène en parallèle une carrièresolo calme et apaisée, comme sur Bonified,son nouvel album, entièrement acoustique,où il recompose son propre univers à partirde tous les mondes dans lesquels il navigue.« Mes racines sont africaines, mais j’ai unepassion pour les harmonies européennes,ainsi que celles, modernes, du jazz ». Sescordes vocales y sont bien plus à l’honneurque celles de son instrument fétiche, commeen témoignent deux aventures a cappella ouun duo gracile avec Camille. « Je l’ai connueà New York, des années avant qu’elle ne deviennecélèbre. On s’est tout de suite entendus.Elle a aimé le morceau [La Fille d’à Côté]et y a fait sa Camillonette », sourit-il.Bona sourit moins lorsqu’on l’interroge sur lamusique africaine contemporaine. « J’essaiede retourner vers celle que j’entendais gamin,car aujourd’hui, les machines sont en train deremplacer les musiciens. Mais c’est pareil ici[en Occident]. Neuf concerts pop sur dix sonten playback... Les traditions disparaissent unpeu partout. Combien de Japonais jouentencore le samishen ? Pour ma part, je veuxgarder mon essence, mes racines, et prendrece qu’il y a de bien dans le jazz, la musiqueindienne, ou chez les musiciens que je rencontre.Et la musique, c’est un apprentissagesans fin. Quand j’avais 15 ans et que je jouaistout Jaco par cœur, je me disais : “C’est bon,j’ai bouclé la boucle”. Et puis tu ouvres uneautre porte : “Oh man, y’a encore ça à faire”(rires).»n°57 Mai/Juin 2013
Musiques17Soundsystem2.0MAJOR LAZERTexte : Elodie Maillot Visuel : D.R.Sound system enfanté par le producteur Diplo, Major Lazer conjugue tous les sonsde Brooklyn, Accra et Kingston à même de faire bouger les hanches.« Major Lazer transposela fièvre des pistes de dansesdans ses productionsdiscographiques »Mené par Diplo, le producteur visionnaireque la planète terre s’arrache, de ThomYorke à Beyoncé en passant par SnoopDoggy Dog ou Miss Dynamite, Major Lazerest un sound-system 2.0 : un scénario deBD musclé avec ses danseuses sexy et sonimaginaire dancehall futuriste, ses personnagesqui évoluent dans une voie lactée sonorequi relierait Brooklyn à Accra, Kingstonà la pop anglaise et aux trottoirs brûlants desCaraïbes. Le moyen de locomotion principalreste l’électrisation intense des hanches etde toute partie du corps à même de réagirà un cocktail dub, dancehall, reggae-raggaet electro.Après les succès du précurseur Guns Don’tKill People… Lazers Do, Major Lazer continuede transposer la fièvre des pistes dedanse dans ses productions discographiqueset à mixer la dextérité des potards destudio à une énergie jouissive savammentorchestrée sur scène. Le son crado débarquesur CD et la rue s’imbrique dans sesproductions collectives où les stars desfeaturings (d’Ezra des Vampire Weekend àWyclef Jean ou Santigold) se laissent porterpar le maestro Diplo. « On s’amuse avanttout », résume Diplo, après un concertà Austin où il a sauté, en costard serré etchemise cintrée, sur les enceintes et dans lafoule, passant du micro à l’ordi, en lançantdes confettis sur un public en sueur. Pas detemps mort sur ce dancehall inspiré des discothèquesmobiles de Jamaïque où, du MCau sélecteur en passant par les danseuses,chacun a son rôle pour faire bouger le public.Austin transpireLa caravane intergalactique de Major Lazera d’ailleurs démarré cet hiver à Kingston,avant de filer vers l’Amérique Latine et lesEtats-Unis où le cirque Diplo a électrisé enmoins de quarante minutes le festival SouthBy South West du Texas, carrefour des nouvellestendances à venir. Parrainé par SnoopDogg, devenu Snoop Lion après un trip enJamaïque et un album avec Diplo, Major Lazera enchaîné ses tubes customisés, dufameux Palance du carnaval de Trinidad àun dubplate special de Junior Gong en passantpar le post-ska Downtown. Sur scène,Diplo est rejoint par deux DJ qui ambiancentla foule. En débardeur moulant, l’un de seslieutenants, le DJ de Trinidad Jillionnaires’amuse et électrise les filles : « avec Diploon fait un travail très collectif, en studio ousur scène, chacun amène sa vibration et saculture musicale. C’est ce qui plait au public,la musique d’abord ! ». Effectivement, lesgal (« filles ») et les professionnels d’Austintranspirent déjà. Le clou de cette super party: une des invités de marque du nouvel albumdébarque. Amber Coffman, la voix de DirtyProjectors, donne au single Get Free un élanmélancolique enfumé diablement sexy. Enrobe d’écolière sage au milieu de ce showsurvitaminé, elle fait monter la température etprouve que dancehall ne rime pas toujoursavec extravagance.n Major lazer Free The Universe(Because)n En concertle 11 mai à Marseille au Cabaret Aléatoirede la Frichen www.majorlazer.comn°57 Mai/Juin 2013