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Témoignages et avis recueillis<br />

L’abattage, étape délicate pour un éleveur et un « prédateur » attentionnés<br />

L’abattage est l’étape charnière entre la période<br />

d’élevage et de soins aux animaux et celle du<br />

traitement et de la commercialisation du produit fini,<br />

la viande. C’est aussi l’étape la plus difficile à accepter,<br />

tant pour les éleveurs que pour les consommateurs.<br />

Du coté des consommateurs, les préoccupations et<br />

questionnements sur la consommation de viande sont<br />

en plein développement, notamment suite à l’essor<br />

des moyens de communication permettant de créer et<br />

de diffuser une foule de documentaires ciblés, articles<br />

et vidéos dénonçant des cas de maltraitance animale<br />

partout dans le monde. Si l’Homme est, au sens de la<br />

pyramide alimentaire, un prédateur, et certains<br />

animaux, sa proie, cette prédation comporte une<br />

caractéristique singulière : l’intérêt pour le bien-être<br />

de la proie, voire la culpabilisation de priver de vie (ou<br />

serait-ce plutôt de mort ?) des animaux afin de les<br />

manger. L’Homme, le consommateur, serait un<br />

« prédateur attentionné ».<br />

Les éleveurs accompagnent les animaux dans leur vie,<br />

souvent à partir de la naissance. Ils mettent tous les<br />

moyens en œuvre pour leur confort, leur alimentation,<br />

leur protection contre les prédateurs, et ce, quotidiennement<br />

et à toute heure. L’élevage relève le plus<br />

souvent d’une passion et il implique un lien fort avec<br />

les animaux, tout en sachant qu’un jour, lorsque<br />

l’éleveur l’aura décidé, l’animal devra être mis à mort.<br />

Les éleveurs présents aux rencontres témoignent de<br />

leur frustration à ne pas pouvoir mieux maîtriser cette<br />

étape essentielle de l’élevage. Déléguer cet acte<br />

crucial, délicat et plein de sens à des personnes<br />

étrangères aux animaux et dans un lieu étranger à la<br />

ferme entre en contradiction avec le lien important<br />

développé entre l’éleveur et l’animal tout au long de<br />

sa vie.<br />

« On se dit qu'on a bien travaillé jusque-là, on a fait<br />

tout, on s'est relevé les nuits pour le petit veau, pour<br />

que tout aille bien... On ne vit pas sur leur dos, on vit<br />

avec, on se sent autant exploités qu'elles dans le<br />

donnant-donnant. Si on peut parler d'exploitation<br />

d'animale, nous aussi, on donne pour elles... Et on a<br />

l'impression que tout ça n'a plus aucun sens le jour<br />

où... Le jour J, quoi ».<br />

« Les solutions d’abattage qu’on a ne me conviennent<br />

pas du tout. Dans les années 90, on a abattu un certain<br />

nombre d’animaux ici, à la carabine. Pas parce que<br />

c’était encore permis mais parce qu’à l’époque on<br />

n’avait pas encore les ordinateurs et qu’on ne pouvait<br />

pas suivre les animaux à la trace comme aujourd’hui.<br />

Ce n’est pas un moment que j’aimais beaucoup. Mais<br />

voilà. Le cochon c’est plus difficile, mais le bovin, il<br />

tombe, il ne s’en rend pas vraiment compte. C’est très<br />

paisible. On a l’impression d’accompagner quand<br />

même jusqu’au bout. Tandis qu’au moment où il part à<br />

l’abattoir, on est un peu enclin à fermer les yeux. Voilà<br />

c’est plus notre histoire. Après, c’est la viande qui<br />

revient et c’est tout autre chose que l’animal vivant.<br />

Donc, oui, je me réjouirais de pouvoir faire autrement<br />

».<br />

« Mon père, il conduisait ses bêtes dans un abattoir à<br />

150 mètres de la ferme. C’était fort paisible. Et j’ai vu<br />

fermer 3 ou 4 abattoirs dans la région. On en a vu<br />

fermer beaucoup. On a encore la chance, quelque part,<br />

d’avoir ici un petit abattoir mais on n’a quand même<br />

pas le lien qu’on voudrait avoir, sans employer le grand<br />

mot de ritualisation. Quand même, pouvoir mieux<br />

accompagner l’animal jusqu’au bout et être responsable,<br />

tout simplement. Si on arrive à rassembler assez<br />

de citoyens, c’est un combat qu’il faut absolument<br />

mener. Parallèlement au combat pour l’élevage. C’est<br />

intimement lié ».<br />

« Je pense qu’on a besoin de la mort. Elle n’est plus du<br />

tout présente autour de nous. En tant qu’éleveur, je<br />

donne naissance à 15 veaux par an. Je suis tout dans<br />

leur vie. Et la mort, elle m’est éloignée. Elle est<br />

emmenée à l’abattoir alors qu’en fait, elle devrait<br />

rester ici pour faire l’équilibre. Cet équilibre n’est plus<br />

fait, il est juste réparti sur 30 abattoirs. Comment<br />

voulez-vous que tout le monde soit équilibré au niveau<br />

de l’animal sans avoir la mort. Et comprendre ce que<br />

c’est la mort et la vie et pas juste voir le côté vivant ».<br />

« Pour moi, c’est ça la torture d’avoir des bêtes. C’est<br />

vraiment le fait de ne pas pouvoir tuer ma propre bête,<br />

qui pour moi est horrible. Je me souviens quand j’étais<br />

ici. C’était une torture de voir partir les bêtes. Surtout<br />

pour les bœufs. Tu passes déjà tant d’années à les<br />

PARTIE 1 - POURQUOI<br />

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