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accrochée pour ne pas rater les cours”, insiste-t-elle. Bhagwat<br />

Nandan, un Indien à la tête de la formation, assure que le plaisir<br />

d’apprendre triomphe toujours du mal du pays. “Dès que les<br />

femmes assemblent leur premier circuit électrique, leur visage<br />

s’illumine”, affirme ce sexagénaire. À quelques jours de la fin<br />

de la formation, aucune ne regrette le voyage. Ledua Fane sait<br />

que “les autres femmes vont (lui) manquer”. Béatrice Thiabo<br />

est pressée de retrouver ses enfants, mais fière du chemin<br />

parcouru : “J’ai un métier qui va me donner un rôle important<br />

dans ma communauté.”<br />

La formation à l’énergie solaire, estiment les responsables du<br />

Barefoot College, est un puissant vecteur<br />

d’émancipation économique et sociale<br />

pour les femmes. En plus d’apprendre<br />

un métier, les stagiaires participent à<br />

des ateliers sur la santé, la gestion ou<br />

encore l’écologie. “Nous mettons à profit<br />

le temps qu’elles passent ici”, explique<br />

Lucie Argeliès, directrice du programme.<br />

D’abord, pour qu’elles transmettent à<br />

leurs proches des savoirs qui sont sources de progrès. “Elles<br />

reviennent chez elles avec des compétences qu’elles sont<br />

seules à détenir. Les gens les écoutent”, observe-t-elle.<br />

L’autre objectif est de sécuriser les acquis des élèves. Béatrice<br />

Thiabo et Ledua Fane vont toucher un salaire pour la gestion<br />

des panneaux solaires. Or, sans compte bancaire, difficile de<br />

protéger leurs revenus et d’en garder la maîtrise. “Certaines<br />

se sont déjà fait voler leurs économies. Elles n’ont pas non plus<br />

appris à gérer un budget et à épargner”, explique Lucie Argeliès.<br />

“Nous leur présentons les différentes solutions bancaires et<br />

nous les mettons en contact avec des partenaires sur place,<br />

par exemple des banques spécialisées dans les services aux<br />

communautés rurales.”<br />

Les “mamas” repartent transformées par leur expérience.<br />

“Mais ça ne suffit pas toujours pour qu’elles acquièrent un plus<br />

grand contrôle de leur vie”, admet la directrice. La clé consiste<br />

selon elle à créer des activités génératrices de revenus sur le<br />

long terme. Pour compléter leur salaire d’experte en solaire,<br />

les stagiaires de Tilonia peuvent apprendre la couture et<br />

repartir chez elles avec une machine à coudre. Sur le campus<br />

ouvert en 2015 à Zanzibar, elles se forment à l’apiculture.<br />

“LA FORMATION À L’ÉNERGIE SOLAIRE<br />

EST UN PUISSANT VECTEUR D’ÉMANCIPATION<br />

ÉCONOMIQUE ET SOCIALE POUR LES FEMMES.<br />

”<br />

La conquête de leur indépendance est parfois un chemin<br />

sinueux. À Tilonia, tout le monde se souvient de Rafea Anadi,<br />

la première élève venue de Jordanie. Son mari avait accepté<br />

son départ à condition que son frère l’accompagne, avant<br />

de faire marche arrière en menaçant de la priver de ses<br />

enfants. Après des semaines de tergiversations, la jeune<br />

femme a fini par convaincre sa famille de la laisser finir sa<br />

formation. À son retour en Jordanie, la presse l’a accueillie<br />

en une véritable héroïne. Rafea Anadi est devenue depuis la<br />

première Jordanienne élue membre d’un conseil local.<br />

Norti Devi fait partie d'une coopérative de femmes, désormais indépendante<br />

du Barefoot College, qui fabrique des fours solaires à Tilonia.<br />

#18 I MARS-AVRIL 2017 I Reportage I 23

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