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LE MOT<br />
SORORITÉ<br />
par Rebecca Amsellem | Dessin de Daphné Collignon<br />
Beyoncé avait raison : ce sont les femmes qui<br />
mènent le monde.<br />
Le samedi 21 janvier, lorsque des<br />
femmes ont marché par millions,<br />
de Washington à Nairobi en<br />
passant par Paris ou Berlin,<br />
on y croyait à la puissance des<br />
femmes. Et s’il ne manquait<br />
qu’un soupçon de sororité<br />
pour construire un monde<br />
plus équitable pour<br />
les femmes (et les<br />
hommes) ?<br />
Sororité ? Si son<br />
pendant masculin,<br />
la fraternité, est<br />
utilisé de manière<br />
u n i v e r s e l l e<br />
pour définir un<br />
état d’unité, un<br />
dépassement du<br />
“je” au profit d’un<br />
“nous”, la sororité a<br />
davantage de mal à<br />
s’imposer.<br />
Le mot existe,<br />
même si Google<br />
s’évertue à le souligner<br />
comme une faute<br />
d’orthographe. Le terme<br />
vient du latin soror<br />
qui signifie “sœur”.<br />
La sororité, sisterhood en<br />
anglais, a été successivement<br />
utilisée pour désigner une<br />
communauté de femmes<br />
(généralement religieuse), une résidence<br />
d’étudiantes aux États-Unis ou encore le lien qui<br />
unit les femmes partageant les aléas de la condition féminine.<br />
La sororité est la capacité de toutes les femmes à s’entraider<br />
et à reconnaître que chacune vit différemment, selon son<br />
milieu social, sa culture, son origine… Et concrètement ?<br />
Maya Angelou, poète, écrivaine et militante américaine, a le<br />
bon mot : “La sororité signifie que si tu es en Birmanie et que<br />
je suis à San Diego et que je suis mariée à quelqu'un de très<br />
jaloux et que tu es mariée à quelqu'un de très possessif, si tu<br />
m’appelles au milieu de la nuit, je dois venir.”<br />
Pourquoi la sororité est-elle<br />
indispensable aux droits des<br />
femmes aujourd’hui ? Pour<br />
tuer le mythe de la femme<br />
parfaite. Tout simplement.<br />
Un mythe qui nous pousse<br />
à mourir de faim trois<br />
semaines avant l’été, à se<br />
blanchir la peau, à passer<br />
sa vingtaine sur Tinder<br />
à la recherche du prince<br />
charmant. Un mythe qui<br />
nous pousse à vouloir<br />
être quelqu’un… qui<br />
n’existe pas. Et in fine à<br />
vouloir rivaliser avec<br />
les autres. La clé<br />
de la sororité est<br />
l’acceptation des<br />
femmes, de toutes<br />
les femmes et de<br />
soi-même. Comme<br />
elles sont, comme je<br />
suis. Pour paraphraser<br />
l’autrice Bell Hooks,<br />
ne prenons pas la<br />
solidarité politique<br />
entre les femmes pour<br />
acquise, mais faisonsen<br />
un but à atteindre.<br />
De son côté, Chloé<br />
Delaume met la<br />
sororité et l’entraide<br />
entre les femmes au<br />
cœur de son puissant<br />
roman, Les sorcières de la<br />
République. Dans un entretien<br />
au Temps, elle ajoute en août 2016<br />
que le dépassement des jalousies<br />
est “la seule façon d’exploser le plafond de<br />
verre. Il y a, chez les femmes, une difficulté énorme à faire<br />
cause commune. C’est un positionnement, un regard qu’il faut<br />
modifier.” Comment ? En favorisant la solidarité entre les<br />
femmes, en multipliant les réseaux et les coups de pouce. Nous<br />
ferons alors de ce monde tout ce que nous voulons. n<br />
#18 I MARS-AVRIL 2017 I Le mot I 9