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Destination Portugal - Septembre/Novembre

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Mon <strong>Portugal</strong><br />

à moi<br />

La première démarche de mon<br />

film était de rendre hommage à<br />

toute cette génération d’immigrés<br />

portugais qui a travaillé dur, quitte<br />

à avaler quelques couleuvres.<br />

…<br />

Comment analysez-vous le fait<br />

que les Portugais soient si fiers<br />

de leur patrimoine culturel ?<br />

Les Portugais, à l’instar d’autres pays<br />

latins ou du nord de l’Afrique, sont très<br />

fiers de leur pays. Ce côté latin fait que<br />

l’on vibre pour sa terre, mais d’autres<br />

choses peuvent l’expliquer. Nous avons<br />

notamment hérité d’un complexe lié à<br />

certaines périodes du passé. Je mets<br />

ce complexe en corrélation avec les 40<br />

ans de dictature salazariste. C’était alors<br />

un pays où il ne fallait pas faire de bruit.<br />

Les Portugais étaient habitués à faire<br />

constamment attention à ce qu’il fallait<br />

dire ou pas. Dans mon film, j’ai essayé de<br />

retranscrire ce côté : « On ne veut pas faire<br />

de bruit, on ne veut pas gêner, chut ! ». Ce<br />

sentiment était dans l’ADN des gens qui<br />

ont vécu et/ou grandi sous la dictature. Je<br />

pense qu’il se transmet inconsciemment<br />

de génération en génération et déteint<br />

sur la mentalité générale. Les Portugais<br />

ont en eux un sentiment patriotique<br />

très fort, qu’ils n’ont pas toujours eu<br />

l’occasion d’exprimer. Aujourd’hui, je<br />

commence à observer un phénomène<br />

inverse. Le pays est en train de se<br />

rouvrir au monde, avec une nouvelle<br />

génération de Portugais qui dit : « Stop !<br />

Nous ne voulons plus être silencieux ! ».<br />

Ce film est clairement dédié<br />

à vos parents. N’est-ce pas<br />

finalement un moyen de dire à<br />

toute cette génération : « Soyez<br />

fiers d’être Portugais et revendiquez<br />

enfin ce que vous êtes » ?<br />

Exactement ! Lors de la promotion<br />

du film, nous avions l’impression que<br />

les gens découvraient la culture et la<br />

personnalité des Portugais. Auparavant,<br />

ce n’était pas glamour de dire qu’on<br />

était Portugais. Aujourd’hui, ça l’est<br />

complètement. Le <strong>Portugal</strong> est dans l’air<br />

du temps, à la mode touristiquement<br />

parlant. Le personnage de Cristiano<br />

Ronaldo a également mis un vrai coup<br />

de projecteur sur le pays. D’un coup, les<br />

Portugais, ces gens très humbles, très<br />

discrets, ont découvert un personnage<br />

qui incarnait tout l’inverse ! Quoi qu’on<br />

puisse penser de sa manière d’être, ce<br />

personnage, fier de porter le maillot<br />

du <strong>Portugal</strong>, renvoie un message fort à<br />

tout le monde, et plus particulièrement<br />

à ses concitoyens. L’été dernier, le pays<br />

a gagné l’Euro 2016, et c’était beau<br />

de voir des gamins chanter l’hymne<br />

national portugais alors qu’ils sont nés<br />

et ont grandi en France. Ce footballeur<br />

a donné un coup de boost à toute<br />

une génération et l’a décomplexée.<br />

Nous avons une belle culture à faire<br />

découvrir et une riche histoire qui<br />

mérite que l’on s’y penche, avec de<br />

grands poètes et bien plus encore.<br />

Quel aspect du <strong>Portugal</strong> souhaitiezvous<br />

mettre en lumière au moment<br />

de l’écriture du scénario ?<br />

La première démarche de mon film<br />

était de rendre hommage à toute cette<br />

génération d’immigrés portugais qui a<br />

travaillé dur, quitte à avaler quelques<br />

couleuvres. Le film est tourné dans<br />

les beaux quartiers de Paris, mais il<br />

aurait pu se dérouler bien avant, dans<br />

les bidonvilles de Champigny. À cette<br />

période, certains n’avaient ni l’eau ni<br />

l’électricité, et ne se révoltaient pas. Il y<br />

a des images d’archives incroyables, où<br />

l’on voit des Portugais et des Portugaises<br />

travailler dans la boue, habillés de<br />

blanc, sans la moindre tache sur leurs<br />

Rencontre<br />

vêtements. Car c’est aussi très portugais<br />

de travailler dans des endroits austères<br />

et de revenir très propre. Au-delà d’être<br />

curieux, je trouve cela très touchant.<br />

En quoi est-ce typiquement<br />

portugais ?<br />

Quand vous rentrez dans un<br />

appartement ou dans une maison au<br />

<strong>Portugal</strong>, vous pouvez lécher le sol.<br />

Les Portugais sont très à cheval sur<br />

la propreté. Quand je vais la voir, ma<br />

tante me dit : « Mon dieu, je ne savais<br />

pas que tu venais, c’est tout sale ! », alors<br />

que la maison brille de mille feux.<br />

C’est incroyable et ça en dit beaucoup<br />

sur la mentalité des Portugais.<br />

Votre film a eu un très<br />

fort retentissement. Quels<br />

sont vos projets ?<br />

La Cage dorée a été produit en France<br />

avec des acteurs portugais que je<br />

suis allé chercher. Ça a été une petite<br />

bataille avec les producteurs français,<br />

qui ne connaissaient pas forcément<br />

ces acteurs. Joaquim De Almeida, lui,<br />

travaillait aux États-Unis depuis près<br />

de 30 ans, notamment sur la série<br />

24 Heures Chrono. Depuis La Cage<br />

dorée, je suis souvent allé au <strong>Portugal</strong>,<br />

où j’ai créé une boîte de production<br />

avec laquelle j’ai lancé des projets<br />

comme des documentaires, dont un<br />

sur le fado destiné à la télé. Nous avons<br />

produit un second documentaire sur<br />

le peintre Amadeo de Souza Cardozo,<br />

qui a été redécouvert l’année dernière<br />

par le Grand Palais. J’en ai également<br />

un troisième en projet sur un athlète<br />

portugais spécialiste du triple saut.<br />

Je travaille actuellement sur deux<br />

autres films pour le cinéma, dont un<br />

qui se déroulerait au <strong>Portugal</strong> avec<br />

des acteurs portugais. Quand j’y<br />

pense, mon parcours professionnel<br />

reflète finalement bien ma vie :<br />

perpétuellement entre la France et le<br />

<strong>Portugal</strong>. Je n’arrive pas à choisir entre<br />

Paris, ou j’ai mon socle professionnel<br />

bien installé, et Lisbonne, où la<br />

qualité de vie est extraordinaire. Mais<br />

pourquoi choisir, au fond ? h<br />

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