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GQ France

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Goûter_Vélo trip<br />

Une fois attablés, nous pénétrons un univers culinaire parallèle, où<br />

une cuisson experte succède à une autre. Pieuvre aux oignons caramélisés<br />

et sa sauce à l’encre (celle de la pieuvre, forcément), homard<br />

grillé et ses œufs orange vif, kokotxas (une spécialité basque<br />

que le menu décrit comme « de délicates languettes de chair qui<br />

pendent de la gorge du merlu », autrement dit le double menton du<br />

poisson) servis de trois façons et donc, ce turbot, qui nous arrive<br />

déconstruit en une vingtaine de parties, chacune d’entre elles décrite<br />

par le chef Pedro Arregui avec la même intensité que les déclamations<br />

d’Hamlet dont nous gâtait mon prof de littérature anglaise<br />

à la fac. On nous recommande de manger avec les doigts<br />

et nous nous exécutons ; bientôt nous sommes en train de lécher<br />

les toutes petites arêtes du poisson, enrobées de gélatine naturelle.<br />

Je commence à me demander si tous ces efforts ne déforment<br />

pas trop ma perception gustative. Est-il dieu possible que<br />

je puisse savourer deux des meilleurs repas de ma vie en à peine<br />

vingt-quatre heures ? La remontée vers San Sebastián ne parvient<br />

pas à tempérer mon ardeur, même sous une pluie torrentielle. Je<br />

suis prêt à reprendre la route le lendemain et à aller voir ce que le<br />

Pays basque a encore à m’offrir.<br />

« J’observe les moutons et vaches un par un,<br />

je hume l’air imprégné de réglisse, de lavande…<br />

Je ne suis pas défoncé, je suis juste zen. »<br />

ÉTAPE 4<br />

100 KM // 4H45 // 5 500 CALORIES<br />

BRÛLÉES<br />

À vélo, on remarque des choses que l’on ne<br />

voit pas en conduisant une voiture. On se sent<br />

plus connecté à ce qui nous entoure. On se<br />

retrouve à la merci des intempéries et des<br />

routes en mauvais état ; on prend conscience<br />

que l’on peut tomber dans un ravin à n’importe<br />

quel moment et ne plus jamais revoir<br />

les gens qu’on aime. Cette vulnérabilité rend<br />

plus sensible à l’environnement. Nous pédalons<br />

vers l’ouest en direction<br />

de Mundaka : c’est le plus<br />

long trajet de notre voyage.<br />

Voici trois jours que nous roulons,<br />

nous avons déjà parcouru<br />

200 kilomètres et je comprends<br />

peu à peu ce qui fait<br />

l’attrait de ce genre d’effort<br />

intensif : j’observe les moutons<br />

et vaches un par un, je<br />

marque des haltes devant les<br />

coteaux de vigne, j’inventorie<br />

mentalement les petits jardins<br />

qui s’étendent à l’arrière de<br />

chaque maison basque, je hume<br />

l’air imprégné de réglisse,<br />

de lavande et de sel alors que<br />

nous approchons de la côte.<br />

Je ne suis même pas défoncé,<br />

je suis juste parfaitement zen.<br />

C’est ce que ça fait, de rouler à<br />

vélo toute la journée. Après des kilomètres passés à changer frénétiquement<br />

de vitesse entre les villes de Zumaia et de Lekeitio,<br />

nous faisons une petite halte pour pique-niquer au bord de la route,<br />

sur une corniche surplombant un verger. Cesar nous a préparé<br />

quelques fantastiques tartines de bonito del norte (du thon blanc à<br />

l'huile d'olive) à l’huile d’olive, de jamon iberico et de poivrons guindillas<br />

vinaigrés. Le tout, arrosé de Coca, bien sûr, se termine par<br />

une part de gâteau basque.<br />

ÉTAPE 5<br />

70 KM // 3H30 // 4 500 CALORIES BRÛLÉES<br />

On m’a raconté bien des merveilles au sujet de l’Etxebarri. La<br />

moitié d’entre elles pourrait n’être que baliverne que ce restaurant<br />

resterait tout de même le meilleur moment de mon voyage.<br />

Mais j’ai encore une fois bien des kilomètres à parcourir<br />

Étape 5 : Victor Arguinzoniz (ci-contre), le chef de l’Etxebarri, a créé son propre grill et<br />

recherche les effets subtils que celui-ci peut produire sur les aliments. Ci-dessus, un<br />

spectateur régulier, la vache, et une assiette de pouces-pieds en récompense. Page de<br />

gauche : soupe de haricots agrémentée de chorizo et de boudin au Santuario Urkiola.<br />

2017 Été 99<br />

LIFE

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