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une polarité entre Tamouls et Cinghalais,<br />
deux ethnies jadis puissantes, qui dégénérera<br />
en guerre ouverte quatre décennies plus tard.<br />
En 2004, le tsunami tua 30 000 Sri-Lankais. Aujourd’hui,<br />
le littoral a pourtant été largement reconstruit<br />
et des investisseurs étrangers, notamment<br />
chinois et indiens, y mettent en place<br />
de solides infrastructures. En s’attaquant aux<br />
problèmes intérieurs les plus urgents – la lutte<br />
contre le racisme interethnique en vue de bâtir<br />
une identité nationale unique –, le président Sirisena<br />
a donné à son pays la possibilité de regarder<br />
désormais devant lui. Et il y a quelque chose<br />
de grisant à sentir cette liberté toute neuve sur<br />
l’île, à tel point que l’on se dit parfois que l’on aurait<br />
fait le voyage, même si l’endroit n’offrait pas<br />
de telles merveilles naturelles et historiques.<br />
Le Sri Lanka est une destination trois-en-un : en<br />
deux semaines, on peut y visiter des monuments<br />
d’une beauté comparable à celle de Kyoto, y faire<br />
un safari du niveau du Serengeti (parc national<br />
situé en Tanzanie, ndlr) et y trouver des plages<br />
dignes de la côte amalfitaine. Le tourisme n’y est<br />
pas encore massif : on croise peu d’Européens ou<br />
d’Américains, et plutôt des Sri-Lankais ainsi que<br />
quelques Indiens et Chinois. Il faut en tout cas<br />
cinq bonnes heures pour faire les 100 kilomètres<br />
qui séparent Colombo, la bouillonnante capitale<br />
de bord de mer, et ce qu’on appelle le Triangle<br />
culturel, qui, à l’intérieur des terres, se tient entre<br />
les cités anciennes de Kandy, Anuradhapura et Polonnâruwâ.<br />
On y devine une civilisation qui, à une<br />
époque, était sans aucun doute l’une des plus sophistiquées<br />
du monde – cinq sites sont classés au<br />
Patrimoine mondial de l’Unesco.<br />
BAWA, PÈRE DU « MODERNISME TROPICAL »<br />
À<br />
70 kilomètres de là, la forteresse de Sigiriya<br />
est posée sur un rocher en forme de<br />
soufflé, d’environ 200 mètres de haut :<br />
on dirait une version asiatique du Machu<br />
Picchu. Il faut grimper 1 200 marches<br />
pour gravir son sommet – un peu épuisant par<br />
forte chaleur – mais le parcours et la vue en<br />
valent la peine : on longe des fresques peintes<br />
ornées de beautés sorties d’un harem, un mur<br />
de pierres tellement poli qu’on l’appelle « le miroir<br />
», une grande porte dont on dit qu’elle était<br />
jadis la gueule d’un lion, avant de parvenir à un<br />
plateau surmonté de vastes bassins et de palais<br />
en ruines, qui domine tout le centre de l’île. Et le<br />
centre de ce centre, c’est Kandy. La ville s’étale<br />
autour d’un lac et fourmille de bazars, de cafés<br />
et de passages tortueux. On y admire presque à<br />
chaque instant ce Sri Lanka nouveau. On y visite<br />
forcément le temple de la Dent, où est préservée<br />
une molaire de Bouddha et dont les fresques<br />
murales ont été restaurées après un bombardement<br />
des Tigres tamouls en 1998. Mais l’île ne<br />
se résume pas à ses monuments. Non loin de Sigiriya<br />
et de Dambulla, on trouve ainsi le célèbre<br />
Kandalama Hôtel, bâti par Geoffrey Bawa en 1947.<br />
Parmi les réalisations de l’architecte sri-lankais Geoffrey Bawa, le père du modernisme tropical,<br />
on peut visiter sa résidence privée Number 11 à Colombo (ci-dessus) À droite, la plage de Galle<br />
Fort, à la pointe sud du pays, est idéale pour une partie de cricket. La gastronomie sri-lankaise<br />
(au restaurant Hela Bojun, près de Kandy), est réputée plus douce que sa cousine indienne.<br />
Et les hautes cascades Ravana Ella Falls offrent un lieu de bains naturel aux habitants.<br />
De ce grand édifice horizontal aux lignes nettes<br />
émane un sentiment d’ouverture et de bienveillance<br />
: il est un parfait exemple du modernisme<br />
sri-lankais dont Bawa a été l’un des pionniers.<br />
Homosexuel issu d’un milieu privilégié, l’architecte<br />
avait été formé en Grande-Bretagne avant<br />
de revenir pratiquer dans son pays natal. Il incitera<br />
ses confrères et compatriotes à honorer<br />
l’âme de leur île plutôt que de reproduire les modèles<br />
européens. Bawa est aujourd’hui connu de<br />
ses concitoyens pour avoir été le père du « modernisme<br />
tropical », un style mêlant une certaine<br />
austérité à la densité des jungles. Combinant<br />
à parts égales le spartiate et l’extravagant,<br />
ses créations constituent comme une métaphore<br />
de l’ensemble de la culture locale : Lunuganga, sa<br />
maison de vacances près de Bentota ; Number 11,<br />
sa résidence principale à Colombo, que l’on peut<br />
visiter sur rendez-vous ; sa Last House au bord de<br />
l’océan, à Tangalle, reconvertie en boutique-hôtel,<br />
et enfin, ni plus ni moins que le Parlement srilankais<br />
de la capitale.<br />
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