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L’INSOLITE DU MOIS<br />
Tunnel<br />
ÉNORME SUCCÈS EN CORÉE DU SUD, CE FILM CATASTROPHE SUR UN HOMME COINCÉ DANS<br />
UN TUNNEL ÉCROULÉ CONFIRME LA VITALITÉ ET LA CRÉATIVITÉ DU CINÉMA CORÉEN.<br />
PAR FRANÇOIS CHAMPY<br />
Ha Jung-woo<br />
dans « Tunnel ».<br />
<strong>Le</strong>s films coréens n’en finissent plus de dévorer le<br />
box-oce local. L’été dernier, après les zombies<br />
de Dernier train pour Busan qui ont attiré onze millions<br />
de spectateurs, le survivant de Tunnel a réuni<br />
sept millions de personnes en salles. Depuis le début des<br />
années 2000, le cinéma coréen enfante des succès et des<br />
réalisateurs de talent à la pelle : Kim Ki-duk (Printemps, été,<br />
automne, hiver et… printemps), Park Chan-wook (Old Boy),<br />
Bong Joon-ho (The Host), <strong>Le</strong>e Chang-dong (Secret Sunshine),<br />
Na Hong-jin (The Murderer)… Et maintenant Yeon Sang-ho<br />
(Dernier train pour Busan) et Kim Seong-hun (Tunnel). Un<br />
tel foisonnement créatif n’est pas sans rappeler celui qui<br />
caractérisait les nouvelles vagues européennes dans les<br />
années 60. À cette diérence près que le cinéma coréen<br />
se distingue surtout pour son appétit pour les films dits<br />
« de genre » : polars labyrinthiques, films fantastiques<br />
et d’horreur incroyablement angoissants et gore, thrillers<br />
malsains… <strong>Le</strong>s réalisateurs explorent et explosent les limites<br />
pour des résultats bluants d’audace.<br />
Un film politique et humaniste<br />
Prenez Tunnel. Il s’agit bien d’un film catastrophe mais<br />
la catastrophe en elle-même (l’écroulement d’un tunnel<br />
au moment du passage d’une voiture) dure environ<br />
cinq minutes là où, dans un blockbuster américain, elle<br />
aurait occupé un tiers de l’histoire. De même, le cinéaste<br />
ne s’intéresse qu’à un personnage en détresse alors qu’en<br />
général, dans ce type de production, ils sont plusieurs à<br />
vivre le drame et à en aronter ensemble les conséquences.<br />
Comme ses confrères, Kim Seong-hun pervertit les codes<br />
d’un genre bien défini pour aller vers autre chose, ici une<br />
critique en règle de la bureaucratie coréenne, coupable de<br />
vouloir transformer le pays (et ses infrastructures) à la vitesse<br />
grand V au mépris des règles de sécurité. <strong>Le</strong> réalisateur<br />
définit mieux que personne les enjeux de son film : « Un<br />
type ordinaire, n’ayant commis aucune faute, se retrouve<br />
pris au piège d’une catastrophe provoquée par des erreurs<br />
de la société. » Tunnel passe donc des scènes de survie à<br />
l’intérieur de la carcasse de la voiture, où est coincé le héros,<br />
aux scènes à l’extérieur du sinistre où s’activent le valeureux<br />
chef des pompiers, l’épouse bouleversée du malheureux et<br />
les représentants hypocrites du gouvernement. Avec cette<br />
terrible question en suspens : jusqu’à quel point faut-il<br />
utiliser l’argent des contribuables pour sauver la vie d’un<br />
seul homme dont on ne sait pas s’il est encore vivant (la<br />
batterie du portable finit évidemment par se vider) ? Au-delà<br />
du simple film de genre, à la mise en scène inventive (une<br />
nécessité pour rendre prenante la tentative de survie du<br />
héros dans deux mètres carrés !), Tunnel nous interroge sur<br />
notre échelle de valeurs et sur notre humanité.<br />
TUNNEL<br />
Réalisation : Kim Seong-hun<br />
Avec : Ha Jung-woo, Doona Bae...<br />
Genre : Drame<br />
Durée : 2 h 06<br />
SORTIE : 3 MAI<br />
16<br />
LES CINÉMAS GAUMONT ET PATHÉ