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Spectrum #6 2018

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UNIPOLITIQUE<br />

Fribourg, une Université trilingue ?<br />

L’anglais est la lingua franca du monde scientifique. Quelle est sa place dans les différents domaines<br />

d’étude et de recherche à Fribourg ?<br />

JEREMY WRIGHT<br />

Les domaines scientifiques entretiennent<br />

différentes relations avec le<br />

langage. Le professeur d’anthropologie<br />

sociale David Bozzini nous explique :<br />

« Pour ce qui est de l’anthropologie, il<br />

s’agit d’une science interprétative et<br />

toute interprétation nécessite d’être expliquée<br />

». Et cette explication varie, car<br />

« chaque langue a sa propre esthétique<br />

et son argumentaire. Et naviguer entre<br />

celles-ci, c’est naviguer entre des sensibilités,<br />

des questionnements différents ».<br />

Ce discours semble s’appliquer au reste<br />

des sciences sociales aussi. Une langue<br />

supplémentaire, l’anglais par exemple,<br />

apparaît donc un atout pour l’approche<br />

multidimensionnelle d’une problématique.<br />

Quant aux sciences dures, « la<br />

matière se dissocie de la langue qui la<br />

porte », comme l’indique Christian Bochet,<br />

professeur de chimie et doyen de la<br />

Faculté des sciences et de médecine : « Les<br />

concepts que je veux enseigner sont indépendants<br />

de la langue. Je n’en ai pas<br />

besoin pour décrire une molécule ou<br />

une réaction chimique ; je peux faire un<br />

dessin ou donner une équation ».<br />

langue d’enseignement de près d’un tiers<br />

des cours offerts à ce niveau, avec une des<br />

options offrant un cursus entièrement en<br />

anglais.<br />

Et les études bilingues en anglais ?<br />

Il est peu probable que l’Université<br />

mette en place des programmes d’études<br />

bilingues de ce type en bachelor. « L’anglais<br />

ne fait pas partie des langues nationales<br />

», dit le professeur Caldara<br />

et il continue en expliquant qu’en fin<br />

de compte, « même dans le cadre du<br />

FNS, le français et l’allemand sont<br />

beaucoup usités, que les thématiques<br />

soient scientifiques ou non ». Professeur<br />

Bochet acquiesce : « il serait extrêmement<br />

délicat, politiquement, de<br />

renoncer aux langues nationales pour<br />

former nos étudiant∙e∙s ». Ceci va pour le<br />

bachelor. Mais dans les masters en psychologie,<br />

selon les options choisies par<br />

les étudiant.e.s, il est possible que plus<br />

de 40% des crédits effectués soient en<br />

anglais. Faudrait-il donc attribuer une<br />

mention bilingue ? Il va de soi qu’un.e<br />

étudiant.e dans un domaine scientifique<br />

ait acquis des connaissances en<br />

anglais. À la différence qu’il ne semble<br />

pas y avoir de véritable raison pour la<br />

mention spécifique bilingue, car à la fin,<br />

l’anglais n’est que le support pour expliquer<br />

la théorie. Ceci marque une claire<br />

différence avec d’autres disciplines, telle<br />

que le « droit ou la théologie, dans lesquelles<br />

le cœur du message est dans sa<br />

formulation » comme le dit professeur<br />

Bochet. La mention bilingue signifie<br />

dans ces cas que l’étudiant.e maîtrise les<br />

subtilités des langues à un haut niveau,<br />

ce qui n’est simplement pas nécessaire<br />

pour une formation scientifique.<br />

L’anglais, fortement restreint<br />

Qu’est-ce que cela implique pour l’enseignement<br />

? Le professeur Roberto Caldara,<br />

président du département de psychologie,<br />

parle de son expérience avec ses<br />

collègues du Fonds national suisse de la<br />

recherche scientifique (FNS) : « La division<br />

des sciences humaines parle les langues<br />

nationales, alors que la division des mathématiques<br />

parle l’anglais ». Fribourg se positionne<br />

clairement en faveur du français<br />

et de l’allemand avec les directives relatives<br />

à la langue d’enseignement à l’Université<br />

de Fribourg qui précisent que les<br />

cours de bachelor doivent être dispensés<br />

en français et/ou allemand. Sans cellesci<br />

« une majorité écrasante des cours en<br />

sciences seraient très rapidement donnés<br />

en anglais » indique le professeur Bochet,<br />

reflétant la tendance des chercheur∙se∙s<br />

du FNS. En revanche, bien que l’anglais<br />

soit mis à l’écart au bachelor, il se rattrape<br />

avec les programmes de master où il est<br />

la langue officielle de tous les masters de<br />

la Faculté des sciences et de médecine<br />

ainsi que de psychologie : il constitue la<br />

© Illustration: Guillaume Babey<br />

©Foto: Valentina Scheiwiller<br />

6 12.<strong>2018</strong>

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