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UNIPOLITIQUE<br />
Fribourg, une Université trilingue ?<br />
L’anglais est la lingua franca du monde scientifique. Quelle est sa place dans les différents domaines<br />
d’étude et de recherche à Fribourg ?<br />
JEREMY WRIGHT<br />
Les domaines scientifiques entretiennent<br />
différentes relations avec le<br />
langage. Le professeur d’anthropologie<br />
sociale David Bozzini nous explique :<br />
« Pour ce qui est de l’anthropologie, il<br />
s’agit d’une science interprétative et<br />
toute interprétation nécessite d’être expliquée<br />
». Et cette explication varie, car<br />
« chaque langue a sa propre esthétique<br />
et son argumentaire. Et naviguer entre<br />
celles-ci, c’est naviguer entre des sensibilités,<br />
des questionnements différents ».<br />
Ce discours semble s’appliquer au reste<br />
des sciences sociales aussi. Une langue<br />
supplémentaire, l’anglais par exemple,<br />
apparaît donc un atout pour l’approche<br />
multidimensionnelle d’une problématique.<br />
Quant aux sciences dures, « la<br />
matière se dissocie de la langue qui la<br />
porte », comme l’indique Christian Bochet,<br />
professeur de chimie et doyen de la<br />
Faculté des sciences et de médecine : « Les<br />
concepts que je veux enseigner sont indépendants<br />
de la langue. Je n’en ai pas<br />
besoin pour décrire une molécule ou<br />
une réaction chimique ; je peux faire un<br />
dessin ou donner une équation ».<br />
langue d’enseignement de près d’un tiers<br />
des cours offerts à ce niveau, avec une des<br />
options offrant un cursus entièrement en<br />
anglais.<br />
Et les études bilingues en anglais ?<br />
Il est peu probable que l’Université<br />
mette en place des programmes d’études<br />
bilingues de ce type en bachelor. « L’anglais<br />
ne fait pas partie des langues nationales<br />
», dit le professeur Caldara<br />
et il continue en expliquant qu’en fin<br />
de compte, « même dans le cadre du<br />
FNS, le français et l’allemand sont<br />
beaucoup usités, que les thématiques<br />
soient scientifiques ou non ». Professeur<br />
Bochet acquiesce : « il serait extrêmement<br />
délicat, politiquement, de<br />
renoncer aux langues nationales pour<br />
former nos étudiant∙e∙s ». Ceci va pour le<br />
bachelor. Mais dans les masters en psychologie,<br />
selon les options choisies par<br />
les étudiant.e.s, il est possible que plus<br />
de 40% des crédits effectués soient en<br />
anglais. Faudrait-il donc attribuer une<br />
mention bilingue ? Il va de soi qu’un.e<br />
étudiant.e dans un domaine scientifique<br />
ait acquis des connaissances en<br />
anglais. À la différence qu’il ne semble<br />
pas y avoir de véritable raison pour la<br />
mention spécifique bilingue, car à la fin,<br />
l’anglais n’est que le support pour expliquer<br />
la théorie. Ceci marque une claire<br />
différence avec d’autres disciplines, telle<br />
que le « droit ou la théologie, dans lesquelles<br />
le cœur du message est dans sa<br />
formulation » comme le dit professeur<br />
Bochet. La mention bilingue signifie<br />
dans ces cas que l’étudiant.e maîtrise les<br />
subtilités des langues à un haut niveau,<br />
ce qui n’est simplement pas nécessaire<br />
pour une formation scientifique.<br />
L’anglais, fortement restreint<br />
Qu’est-ce que cela implique pour l’enseignement<br />
? Le professeur Roberto Caldara,<br />
président du département de psychologie,<br />
parle de son expérience avec ses<br />
collègues du Fonds national suisse de la<br />
recherche scientifique (FNS) : « La division<br />
des sciences humaines parle les langues<br />
nationales, alors que la division des mathématiques<br />
parle l’anglais ». Fribourg se positionne<br />
clairement en faveur du français<br />
et de l’allemand avec les directives relatives<br />
à la langue d’enseignement à l’Université<br />
de Fribourg qui précisent que les<br />
cours de bachelor doivent être dispensés<br />
en français et/ou allemand. Sans cellesci<br />
« une majorité écrasante des cours en<br />
sciences seraient très rapidement donnés<br />
en anglais » indique le professeur Bochet,<br />
reflétant la tendance des chercheur∙se∙s<br />
du FNS. En revanche, bien que l’anglais<br />
soit mis à l’écart au bachelor, il se rattrape<br />
avec les programmes de master où il est<br />
la langue officielle de tous les masters de<br />
la Faculté des sciences et de médecine<br />
ainsi que de psychologie : il constitue la<br />
© Illustration: Guillaume Babey<br />
©Foto: Valentina Scheiwiller<br />
6 12.<strong>2018</strong>