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<strong>FR</strong>ANCE<br />
OCTOBRE <strong>2019</strong><br />
HORS DU COMMUN<br />
Votre magazine<br />
offert chaque<br />
mois avec<br />
Aura, détermination,<br />
plaisir et interaction…<br />
Ce que la danseuse<br />
belge Mavinga doit<br />
donner dans un battle<br />
où tous les styles<br />
sont permis, et où les<br />
visages dansent aussi<br />
RED BULL DANCE<br />
YOUR STYLE<br />
LA FINALE<br />
MONDIALE<br />
À PARIS !
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LG accompagnera toutes les étapes<br />
du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style <strong>2019</strong>.<br />
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ÉDITORIAL<br />
L’INSPIRATION<br />
CONTRIBUTEURS<br />
NOS ÉQUIPIERS<br />
LITTLE SHAO (COUVERTURE), ASTID KAROUAL<br />
EN MOUVEMENT<br />
On insiste ! Après l’ovni Diablo en juin, voici notre<br />
seconde une de l’année honorant un danseur.<br />
Une danseuse pour être exact, la Belge Mavinga.<br />
Qu’ils soient des B-Boys, des adeptes du voguing<br />
ou encore de la house dance (comme Mavinga),<br />
ces phénomènes sont une source d’inspiration<br />
inépuisable. Et pas seulement par les moves qu’ils<br />
maîtrisent. On se souvient du guide de voyage de<br />
B-Boy Lilou dans lequel il partageait avec vous ses<br />
tips (dont : « Que faire si l’on te braque avec un<br />
flingue ? ») après avoir visité près de 90 pays. Avec<br />
cette compétitrice de la finale mondiale du <strong>Red</strong><br />
Bull Dance Your Style le 12 octobre à Paris, il est<br />
question de spontanéité et d’audace, de s’exprimer<br />
tel que l’on est, quel que soit son style, plus que<br />
d’un tutoriel de danse. On en est sûrs : au-delà de<br />
leurs spécialités, parfois très « core », nos invités<br />
ont la capacité de vous inspirer au quotidien.<br />
Lisez plus !<br />
Votre Rédaction<br />
« Mavinga est calme, humble et discrète, mais dotée<br />
d’une énergie explosive ! Son aura est particulière »,<br />
dit le photographe Little Shao à propos de la Liégeoise.<br />
LELO JIMMY<br />
BATISTA<br />
Sa bio, version courte, vaut le<br />
détour : « Lelo Jimmy Batista<br />
est auteur, scénariste, traducteur<br />
et journaliste (Libération,<br />
Sofilm, Binge Audio). Il a grandi<br />
dans un département où le<br />
premier escalator a été installé<br />
en 1995, se nourrit à 70 % de<br />
piment et sait à peu près tout<br />
ce qu’il y a à savoir sur Bob<br />
Dylan, Nicolas Cage et la série<br />
Seinfeld. » Pour vous, il a rencontré<br />
les graphistes très<br />
metal de Fortifem. Page 28<br />
LITTLE SHAO<br />
D’abord danseur, Little Shao<br />
a voulu documenter les péripéties<br />
de son crew, et représenter<br />
« avec justesse cette culture<br />
hip-hop » devenue sa passion<br />
première. S’ouvrant en<br />
parallèle à d’autres univers<br />
(musique, artistes, sports,<br />
haute couture, événementiel,<br />
portraits…), il s’est imposé<br />
comme le photographe référence<br />
pour la danse hip-hop.<br />
Little Shao était donc une<br />
évidence pour notre sujet de<br />
une sur Mavinga. Page 50<br />
THE RED BULLETIN 3
SOMMAIRE<br />
octobre <strong>2019</strong><br />
58<br />
84 Choper la fièvre du rallye, une<br />
autre raison de filer en Australie<br />
88 À l’époque de sa sortie, le jeu des<br />
Sims a plongé la planète dans le<br />
virtuel. En quoi la dernière version<br />
bénéficie-t-elle au monde réel ?<br />
90 Oubliez votre abonnement à la<br />
salle de fitness : c’est dehors que<br />
ça se passe, au naturel !<br />
92 Des surfeurs qui volent, une orgie<br />
de bosses, des B-Boys en feu et<br />
un festival de musique hors du<br />
commun : ne ratez rien !<br />
94 Sur <strong>Red</strong> Bull TV, les surfeurs<br />
volent aussi, et les crossmen se<br />
paient une ligne droite de l’enfer,<br />
tandis que les drifters s’en<br />
donnent à cœur joie. C’est trop !!!<br />
98 Le pilote VTT français Kilian Bron<br />
va tellement vite dans sa vidéo<br />
Follow Me que nous avons décidé<br />
de le mettre sur « pause<br />
prolongée »<br />
Tous ensemble ! Quand Loïc Bruni assure une descente, il emporte tous ses fans avec lui.<br />
6 Vous pourrez rester scotchés<br />
des heures sur ces photos<br />
d’action sports<br />
12 La playlist d’un vieux punk de<br />
72 ans ? On parle d’Iggy Pop,<br />
bien sûr !<br />
14 Face aux braconniers en Afrique<br />
du Sud, les Black Mambas sont en<br />
alerte, sans armes, entre femmes<br />
16 Pour améliorer la circulation des<br />
grandes villes, déplaçons-nous<br />
sur l’eau<br />
18 C’est beau, une carte orbitale !<br />
20 Dans ce piano à queue, se cache<br />
un véritable orchestre. Si, si !<br />
22 Man in black<br />
Beauden Barrett a des vérités<br />
à partager sur l’équipe de rugby<br />
la plus respectée au monde<br />
28 Metal ardent<br />
Un duo français dont les œuvres<br />
régalent la scène metal<br />
internationale<br />
36 « Je n’ai pas peur… »<br />
Pour préserver les espèces en<br />
danger, Andrea Crosta met en<br />
action ses méthodes héritées de<br />
l’espionnage et de la sécurité<br />
50 Mavinga<br />
Comment penser d’abord à soi<br />
et pas aux autres permet de<br />
mieux s’ouvrir à eux… Pigé ?<br />
58 Fans factor<br />
Ce que ses fans apportent au pilote<br />
de VTT descente Loïc Bruni<br />
68 C’est du lourd<br />
USA : l’autre pays du sumo<br />
28<br />
L’univers visuel des<br />
Fortifem a séduit le<br />
groupe Rammstein.<br />
TEDDY MORELLEC, WILLIAM LACALMONTIE<br />
4 THE RED BULLETIN
COL DU ROMBO,<br />
ITALIE<br />
Gare à la<br />
marche !<br />
Certains endroits sur la planète sont<br />
si extraordinaires qu’ils semblent<br />
avoir été créés dans le seul but d’être<br />
pris en photo. Comme cette terrasse<br />
d’observation, nichée au cœur des<br />
Alpes dans le nord de l’Italie : un site<br />
dont l’architecture épurée en fait un<br />
spot parfait pour les skateurs un peu<br />
chauds. C’est en tout cas ce que s’est<br />
dit un photographe du coin, Stefan<br />
Mahlknecht : « Je connais bien le lieu :<br />
l’idée d’y photographier un skateur<br />
en action m’est venue lors de l’une<br />
de mes visites, par une lourde soirée<br />
d’été. J’ai eu la chance, quelques mois<br />
plus tard, de trouver un mec suffisamment<br />
taré pour tenter ce gap. » Un<br />
« match » parfait pour cet instantané<br />
en apesanteur avec Simon Neulichedl.<br />
Instagram : @stefan_mahl<br />
7
ÖLÜDENIZ,<br />
TURQUIE<br />
Plus près<br />
du soleil<br />
« Ferdi Toy et Guillaume Galvani rejoignant<br />
le soleil à travers les nuages » :<br />
voici comment Tristan Shu décrit<br />
sa photo : un cliché surréaliste que<br />
le photographe d’aventures a pris<br />
en plein vol dans le cadre d’un projet<br />
pour Elinchrom, fabricant suisse de<br />
matériel photo. « De nouvelles limites<br />
ont été franchies dans le domaine<br />
de la photographie d’aventures :<br />
pour ce projet, nous avons en effet<br />
pu recréer un véritable studio dans<br />
les airs en impliquant un parapente,<br />
un base jumper et un wingsuit. »<br />
Instagram : @tristanshu
ST-PÉTERSBOURG,<br />
RUSSIE<br />
Gardez<br />
la ligne<br />
Une image que l’on croirait tirée<br />
d’une scène du film de science-fiction<br />
TRON : L’Héritage… Pourtant cette<br />
photo, présentée au concours Illume<br />
de <strong>Red</strong> Bull, est bien réelle : on y voit<br />
la grimpeuse russe Anna Zaikina en<br />
action sur le North Wall, le plus grand<br />
mur d’escalade indoor de Russie. Le<br />
photographe sportif Leo Zhukov, qui<br />
l’a immortalisée alors qu’il visitait le<br />
complexe l’année dernière, explique<br />
comment il s’y prend pour réaliser<br />
de tels clichés : « Dès le début, vous<br />
devez avoir votre plan en tête : visualiser<br />
et anticiper les mouvements de<br />
l’athlète, puis prendre la meilleure<br />
position au meilleur moment pour<br />
obtenir ce genre de prises. »<br />
Instagram : @tedescophoto<br />
9
HOKKAÏDO, JAPON<br />
À fond de<br />
blanche<br />
Les skieurs et snowboardeurs du<br />
monde entier s’y verraient bien : les<br />
montagnes de l’île d’Hokkaïdo sont un<br />
must en termes de neige fraîche. Les<br />
stations de ski y sont connues pour la<br />
régularité de leurs chutes de neige,<br />
garantissant une poudreuse abondante<br />
tout l’hiver. Cette photo prise<br />
par Matthias Fritzenwallner à Kiroro<br />
illustre ce qui attend les heureux amateurs<br />
de glisse qui débarquent sur<br />
l’île. De quoi méditer d’ici au début<br />
de votre saison de sports d’hiver.<br />
Instagram : @matthias_fritzenwallner<br />
11
IGGY POP<br />
Punk 4.0<br />
Le gourou bondissant nous<br />
présente quatre petites perles<br />
hurlantes qui prouvent que le punk<br />
n’est décidément pas mort.<br />
À la fin des années 60, Iggy Pop<br />
entreprend avec son groupe <strong>The</strong><br />
Stooges de désosser le rock’n’roll<br />
pour n’en garder que la substantifique<br />
rage, jetant par accident<br />
les bases d’une musique nouvelle<br />
: le punk. Considéré par<br />
beaucoup comme le parrain de<br />
ce genre musical, l’Américain,<br />
72 ans dans les gambettes, n’a<br />
pourtant jamais cessé d’explorer,<br />
comme un gamin curieux, tous<br />
les styles et toutes les possibilités<br />
– que ce soit en musique,<br />
avec un dernier album, Free,<br />
qui flirte avec le jazz avantgardiste,<br />
ou au cinéma, où il<br />
excelle en zombie dans le dernier<br />
Jim Jarmusch, <strong>The</strong> Dead Don’t<br />
Die. Désormais DJ sur BBC Radio<br />
6 Music, il s’est donné pour mission<br />
de faire découvrir, chaque<br />
semaine, les jeunes artistes qui<br />
incarnent à leur façon l’esprit<br />
tempétueux de la première génération<br />
punk. Voici une sélection<br />
de ses chouchous du moment,<br />
et leurs morceaux. iggypop.com<br />
IDLES<br />
Mercedes Marxist (<strong>2019</strong>)<br />
« En devenant DJ sur la BBC, je me<br />
suis intéressé à John Peel (célèbre<br />
présentateur de la radio britannique,<br />
ndlr) et à sa bio. C’était le mec que<br />
la jeunesse anglaise écoutait pour<br />
savoir ce qui se passait dans l’underground,<br />
alors je m’en suis inspiré.<br />
Je passe souvent IDLES, un groupe<br />
de Bristol, à l’antenne : ils sont cash<br />
et vraiment bons – ça me rappelle<br />
un peu mon vieux moi ! »<br />
Sleaford Mods<br />
McFlurry (2013)<br />
« Plus tout jeunes, mais à découvrir<br />
absolument si vous ne les connaissez<br />
pas encore. McFlurry parle de<br />
la folie du fast-food en Grande-<br />
Bretagne : le clip de la chanson<br />
montre une photo de 4 pom-pom<br />
girls, dont les uniformes épellent le<br />
mot c**t (vilain mot pour désigner<br />
le sexe féminin, ndlr). C’est bon, ça !<br />
(rires) Ils ont ce côté affreux, moche<br />
et méchant que j’aime bien. »<br />
Death Grips<br />
Death Grips is Online (2018)<br />
« C’est un groupe très, très hardcore,<br />
originaire de Sacramento en<br />
Californie, qui mélange des percus<br />
hardcore et électroniques avec de<br />
la guitare, et un chanteur complètement<br />
taré. Après, si les gens n’aiment<br />
pas, vous savez… (rires), rien<br />
à foutre, je passe ce que je veux !<br />
Mais je pense que cette musique<br />
déjantée peut beaucoup plaire<br />
à un certain public. »<br />
Diät<br />
Dogshit (<strong>2019</strong>)<br />
« Je lis les critiques des albums et<br />
j’écoute des extraits sur le net pour<br />
m’en faire une idée. Je me fie aussi<br />
aux algorithmes au hasard de mes<br />
recherches, ce qui procure parfois<br />
de belles surprises. Concernant<br />
Diät, je les ai découverts en lisant<br />
une critique quelque part : j’ai choisi<br />
leur titre Dogshit parce que c’est<br />
drôle et complètement dans l’esprit<br />
punk. Faites-vous plaisir ! »<br />
HARMONY KORINE FLORIAN OBKIRCHER<br />
12 THE RED BULLETIN
BLACK MAMBAS<br />
Pacifiquement,<br />
et sans réserve<br />
En Afrique du Sud, une unité de rangers exclusivement<br />
composée de femmes fait la chasse aux braconniers<br />
et protège les animaux en danger. Sans armes.<br />
Réserve naturelle de Balule, au<br />
cœur du grand Parc National<br />
du Kruger, en Afrique du Sud :<br />
c’est là que travaille une unité<br />
anti-braconnage un peu spéciale,<br />
uniquement constituéee<br />
de femmes : la Black Mamba<br />
Anti-Poaching Unit. Autre<br />
particularité : ces femmes,<br />
dont le travail et les patrouilles<br />
successives ont réussi à faire<br />
enfin chuter les prises de braconnage,<br />
ne sont pas armées.<br />
C’est peut-être là leur force :<br />
un engagement dévoué et pacifique<br />
au service de la nature<br />
qui leur assure une couverture<br />
médiatique valorisante depuis<br />
la création de l’unité en 2013<br />
et une efficacité prouvée en<br />
termes de préservation de la<br />
faune sauvage, notamment<br />
celle du rhinocéros blanc. Ces<br />
femmes doivent pourtant faire<br />
face à une triste réalité : le braconnage<br />
en Afrique du Sud<br />
représente une véritable industrie,<br />
avec 769 rhinocéros tués<br />
pendant la seule année 2018,<br />
et près de 8 000 ces dix dernières<br />
années. La raison de ce<br />
massacre est l’engouement<br />
toujours plus pressant des pays<br />
« L’objectif était de<br />
protéger la faune du<br />
parc tout en soutenant<br />
l’émancipation<br />
des femmes. »<br />
asiatiques – Chine et Vietnam<br />
en tête – pour la corne de<br />
rhinocéros, prisée pour ses<br />
prétendues vertus médicinales,<br />
sans compter le fait que son<br />
prix exorbitant en fait un symbole<br />
de richesse.<br />
Collet Ngobeni est l’une de<br />
ces Black Mambas : après<br />
avoir vu des rhinocéros et des<br />
éléphants en pleine nature<br />
lors d’un projet scolaire, elle<br />
s’est prise de passion pour la<br />
défense de l’environnement<br />
et a décidé de devenir ranger.<br />
Comme ses collègues, elle<br />
œuvre également à sensibiliser<br />
sa communauté à la protection<br />
des rhinocéros.<br />
the red bulletin : L’unité<br />
anti-braconnage des Blacks<br />
Mambas est la première<br />
unité de rangers 100 % féminine<br />
au monde. Pourquoi<br />
a-t-elle été créée ?<br />
collet ngobeni : Notre<br />
équipe a vu le jour en 2013,<br />
avec six membres. L’objectif<br />
était non seulement de protéger<br />
la faune du parc mais également<br />
de soutenir l’émancipation<br />
des femmes issues des<br />
communautés alentour – en<br />
montrant que les femmes pouvaient<br />
aussi faire ce boulot.<br />
Nous voulions faire connaître<br />
aux gens vivant près du<br />
Kruger l’importance de leur<br />
environnement naturel.<br />
Comment faites-vous pour<br />
détecter les braconniers ?<br />
Nous sommes les yeux et les<br />
oreilles de la réserve : notre<br />
travail consiste à surveiller,<br />
collecter le plus d’infos possible<br />
sur la présence des braconniers<br />
comme les traces de<br />
pas, vérifier l’état des barrières,<br />
reboucher les trous<br />
creusés par les phacochères,<br />
qui peuvent servir de passage.<br />
Une autre équipe est chargée<br />
de surveiller l’entrée et de<br />
contrôler le contenu des véhicules<br />
qui rentrent et sortent.<br />
Nous effectuons également<br />
des missions de patrouille aux<br />
quatre coins du parc, à la<br />
recherche d’éventuels pièges<br />
posés par les braconniers.<br />
Et si vous en trouvez un en<br />
train de braconner, que<br />
faites-vous ?<br />
Nous envoyons un signalement<br />
à notre équipe de contrôle, qui<br />
peut localiser directement sur<br />
un écran géant l’endroit d’où<br />
le signalement a été lancé. La<br />
Black Mamba sur place prend<br />
des photos, qui arrivent directement<br />
au bureau, pendant<br />
que nous appelons les gardes<br />
armés à la rescousse.<br />
Pourquoi faire patrouiller<br />
uniquement des femmes ?<br />
Nous sommes moins corruptibles<br />
que les hommes. Dans<br />
d’autres réserves, certains<br />
rangers n’hésitent pas à communiquer<br />
à l’extérieur de précieuses<br />
infos sur l’emplacement<br />
des proies.<br />
Les Black Mambas sont-elles<br />
exposées au danger ?<br />
Le danger ne vient pas des<br />
animaux, car nous savons<br />
exactement quel comportement<br />
adopter face aux animaux<br />
du bush pour éviter<br />
toute situation dangereuse.<br />
Quant aux braconniers, ils ne<br />
sont pas là pour nous mais<br />
pour les animaux.<br />
Êtes-vous armées ?<br />
Non, pour ne pas porter<br />
atteinte à la vie humaine.<br />
Avoir à tuer des êtres<br />
humains pour protéger la vie<br />
JULIA GUNTHER<br />
14 THE RED BULLETIN
Garde rapprochée pour le rhinocéros blanc : Collet Ngobeni (au milieu) et les Black Mambas en patrouille dans la réserve.<br />
animale serait insensé. Si nous<br />
avions des armes, nous<br />
serions peut-être tentées de<br />
nous en servir contre des braconniers,<br />
mais après, comment<br />
vivre avec cette culpabilité<br />
? Comment pourrais-je<br />
m’occuper de mes enfants en<br />
sachant que j’ai ôté la vie d’un<br />
homme qui est père ou oncle ?<br />
Nous ne voulons pas vivre<br />
dans une zone de non-droit<br />
ni avoir des veuves sur la<br />
conscience, au sein de nos<br />
communautés.<br />
Le commerce illégal de<br />
corne de rhinocéros dans<br />
le Parc National du Kruger<br />
cessera-t-il un jour ?<br />
Oui, je pense que ça finira par<br />
s’arrêter. Les gens qui vivent<br />
autour du parc sont nombreux<br />
à ne rien savoir de la vie des<br />
animaux à l’intérieur : c’est<br />
pour cela que nous consacrons<br />
du temps à les informer, surtout<br />
les enfants, qui vont à<br />
leur tour éduquer leurs<br />
parents. Les gens pensent que<br />
les animaux sauvages appartiennent<br />
aux Blancs, alors que<br />
c’est faux : ils n’appartiennent<br />
à personne.<br />
blackmambas.org<br />
THE RED BULLETIN 15
Bulles citadines : les taxis fluviaux de SeaBubbles sont équipés de foils pour aller plus vite.<br />
SEABUBBLES<br />
Un futur au<br />
fil de l’eau<br />
D’ici 2050, le nombre de véhicules<br />
polluant les routes aura dépassé les<br />
trois milliards. Un Français compte<br />
bien y remédier… par la voie des eaux.<br />
Et si le taxi du futur ne volait pas<br />
dans les airs, mais au-dessus de<br />
l’eau ? Conçues par la start-up<br />
française SeaBubbles, ces capsules<br />
hydrodynamiques pourraient<br />
bien débarquer dans les<br />
plus grandes métropoles du<br />
monde d’ici quelques années.<br />
Les ingénieurs et navigateurs<br />
Alain Thébault et Anders<br />
Bringdal, fondateurs du projet,<br />
espèrent ainsi désengorger les<br />
centres-villes en utilisant les<br />
cours d’eau qui les traversent.<br />
Alain Thébault (à g.) et Anders<br />
Bringdal, initiateurs de SeaBubbles.<br />
« 92 pour cent de la population<br />
mondiale est exposée à un<br />
air pollué et le trafic dans les<br />
grandes villes est de plus en<br />
plus saturé, explique Alain, alors<br />
que des villes comme Paris<br />
pourraient exploiter davantage<br />
leurs voies fluviales. » Le Français<br />
est le concepteur de l’Hydroptère,<br />
ce trimaran à hydrofoil<br />
qui a battu le record de<br />
vitesse en mer en 2009 grâce<br />
au foil qui lui permet de s’élever<br />
au-dessus de l’eau : une technologie<br />
appliquée sur ses Sea-<br />
Bubbles, de petits véhicules<br />
électriques, propres, silencieux<br />
et rapides, qui frôlent l’eau et<br />
peuvent être bookés grâce à<br />
une application mobile.<br />
« J’avais 20 ans quand j’ai<br />
dessiné l’Hydroptère, raconte<br />
Thébault, et j’ai parcouru le<br />
monde sur ce bateau jusqu’en<br />
2009 où j’ai battu le record du<br />
monde de vitesse. Alors, mes<br />
trois filles m’ont dit : “N’essaie<br />
pas seulement d’être le mec le<br />
plus rapide du monde, sois aussi<br />
celui qui va aider la prochaine<br />
génération.” Je me suis aussitôt<br />
mis à dessiner ce qui allait devenir<br />
la première Bubble. »<br />
Aujourd’hui, la start-up propose<br />
son concept à de grandes<br />
métropoles en bordure de<br />
fleuves ou de lacs : « Si cette idée<br />
convainc les populations de<br />
délaisser leurs voitures pour<br />
utiliser les cours d’eau, elles<br />
pourront changer le destin de<br />
leur ville, à chaque trajet ».<br />
seabubbles.com<br />
<strong>FR</strong>ANCIS DEMANGE LOU BOYD<br />
16 THE RED BULLETIN
ATLAS DE L’ESPACE<br />
C’est beau,<br />
la connaissance<br />
Une chercheuse en biologie américaine, Eleanor Lutz,<br />
crée de l’art en compilant les données brutes des<br />
sciences astronomiques.<br />
Notre connaissance de l’Univers,<br />
avec tous ses astres et planètes,<br />
peut sembler déroutante. Pas<br />
une année sans que nous apprenions<br />
l’existence d’une nouvelle<br />
planète ou des détails fascinants<br />
sur une autre qui se trouve à<br />
des millions de kilomètres de la<br />
nôtre. Dur de s’y retrouver dans<br />
une telle masse exponentielle de<br />
données : c’est là qu’intervient<br />
le génie d’Eleanor Lutz.<br />
Cette jeune doctorante américaine<br />
a rassemblé des milliers<br />
de données publiques fournies<br />
par la NASA et l’Institut Américain<br />
de Géologie pour créer<br />
quelque chose d’unique, baptisé<br />
An Atlas of Space (un atlas de<br />
l’espace, ndlr) : projet colossal à<br />
mi-chemin entre œuvre d’art et<br />
infographie scientifique. En bref :<br />
la vulgarisation des sciences<br />
portée à son plus beau niveau.<br />
Parmi les nombreuses visualisations<br />
ainsi créées, l’une des plus<br />
folles est sa Carte orbitale du<br />
système solaire. « Au début, je<br />
voulais y montrer les différentes<br />
trajectoires suivies par tous les<br />
objets qui composent notre système<br />
solaire », explique la jeune<br />
biologiste. « Mais cela aurait été<br />
impossible, j’ai donc dû me limiter<br />
à ceux qui font plus de 10 km<br />
de diamètre – au final, plus de<br />
10 000 astéroïdes, sans oublier<br />
toutes les planètes et leurs<br />
lunes. » Sa matière première : la<br />
multitude de données publiques<br />
de la NASA, que Lutz a patiemment<br />
sélectionnées, filtrées et<br />
combinées pour les assembler<br />
sur une seule carte. « Rassembler<br />
tout ça sur une carte qui soit<br />
également agréable à regarder<br />
m’a pris un bon moment »,<br />
explique Eleanor.<br />
Sur son site, elle dévoile<br />
d’autres œuvres, comme sa<br />
Carte topographique de Mercure,<br />
la Géologie de Mars, une<br />
Carte animée de la Terre, et ne<br />
compte pas s’arrêter là. « J’adore<br />
le fait que les données actuelles<br />
soient si précises, mais qu’il<br />
n’existe aucune norme quant à<br />
la façon de les présenter esthétiquement.<br />
Ce qui me plaît, c’est<br />
la recherche et la possibilité de<br />
partager toutes ces connaissances<br />
géniales avec les gens,<br />
grâce au design. »<br />
tabletopwhale.com<br />
AN ORBIT MAP OF THE SOLAR SYSTEM BY ELEANOR LUTZ LOU BOYD<br />
18 THE RED BULLETIN
Cette Carte orbitale du système<br />
solaire montre la position de<br />
plus de 18 000 astéroïdes,<br />
planètes, lunes et autres<br />
au 31 décembre 1999.<br />
THE RED BULLETIN 19
L’orgue et le mélodica placés à l’intérieur de ce piano sont alimentés par une pompe et des soufflets,<br />
tandis que le mécanisme d’une vieille machine à coudre sert à actionner les archers sur les cordes.<br />
BRUNETTES SHOOT BLONDES<br />
À queue…<br />
mais pas que<br />
Ce groupe indie-rock venu d’Ukraine a placé<br />
dans un piano à queue du XIX e siècle un<br />
orchestre de vingt instruments différents.<br />
En écoutant le groupe ukrainien<br />
Brunettes Shoot Blondes chanter<br />
leur chanson Houston, vous<br />
vous imaginerez probablement<br />
tout un orchestre présent dans<br />
le studio. En fait, derrière la voix<br />
langoureuse du chanteur<br />
Andrew Kovaliov, tous les instruments,<br />
qu’ils soient à cordes,<br />
percussions, ou à vent (vingt au<br />
total) sont logés à l’intérieur<br />
d’un vieux piano à queue traficoté<br />
à l’extrême. Pour actionner<br />
les claviers de ce synthé géant<br />
mécanique et multifonction : les<br />
deux Ukrainiens de Brunettes<br />
Shoot Blondes, c’est tout.<br />
« On s’est dit que ce serait<br />
cool d’inventer un piano qui<br />
contienne une vingtaine d’instruments<br />
de musique, raconte<br />
Andrew Kovaliov (sur la photo,<br />
à droite). L’idée était de créer<br />
un truc qui puisse être joué par<br />
deux personnes tout en donnant<br />
l’impression d’être accompagné<br />
par un véritable orchestre. »<br />
Aidé d’une équipe d’ingénieurs,<br />
les deux membres de BSB ont<br />
commencé à décortiquer un<br />
piano au fur et à mesure, remplaçant<br />
certaines octaves par<br />
des cordes de basse, ajoutant<br />
à d’autres endroits des percussions,<br />
tous ces éléments étant<br />
reliés par des câbles aux touches<br />
du clavier afin de permettre aux<br />
musiciens de jouer l’intégralité<br />
des instruments à seulement<br />
quatre mains. Au final, ce piano<br />
hybride contient deux violons,<br />
un violoncelle, un xylophone, une<br />
grosse caisse, des percussions,<br />
un orgue… et bien d’autres surprises,<br />
pouvant toutes être activées<br />
par une des 88 touches des<br />
claviers. « Par chance, aucun<br />
de nous n’a fait des études d’ingénieur<br />
: sinon, nous ne nous<br />
serions jamais lancés dans un<br />
tel projet, plaisante Kovaliov.<br />
Le plus grand défi fut de trouver<br />
les bonnes personnes avec qui<br />
travailler, parce que tout le<br />
monde nous prenait pour des<br />
fous au début. »<br />
Houston, de Brunettes Shoot<br />
Blondes, à voir sur YouTube.<br />
FESENKO MAKSYM LOU BOYD<br />
20 THE RED BULLETIN
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« Notre<br />
secret ?<br />
On bosse<br />
dur !»<br />
La coupe du monde de rugby a lieu en ce moment<br />
au Japon, et les All Blacks sont évidemment<br />
pressentis pour y faire sensation. On aura tout<br />
entendu ou presque à propos des Néo-Zélandais,<br />
équipe associée à nombre de mythes et à une<br />
tonne d’idées reçues. Alors nous avons questionné<br />
l’un d’entre eux, BEAUDEN BARRETT, pour rétablir<br />
quelques vérités sur les hommes en noir.<br />
Texte HANS HAMMER<br />
Avec plus de 70 sélections et deux titres<br />
de meilleur joueur de rugby au monde<br />
(en 2016 et 2017), l’athlète de 28 ans, fraîchement<br />
signé chez les Blues de Auckland,<br />
est une personnalité appréciée et respectée<br />
dans la sphère ovale. Nous nous sommes<br />
pointés à son contact avec une liste d’idées<br />
reçues pour les confronter à ce champion<br />
au cœur du sujet, et lui permettre de partager<br />
sa vision du rugby actuel, ainsi que sa<br />
philosophie. C’est un joueur tout en finesse<br />
et en mesure qui s’est exprimé, loin du<br />
cliché du néo- zélandais frontal auquel<br />
certains pourraient s’attendre.<br />
Les joueurs de l’équipe nationale<br />
néo-zélandaise font tous au<br />
moins 2 mètres et pèsent 150 kg…<br />
Non ! Beauden Barrett en est la preuve<br />
vivante ! Il mesure 1,87 m et pèse 92 kg.<br />
« En fait, tout dépend de ton rôle au sein de<br />
l’équipe, explique-t-il. Chaque place dans<br />
l’équipe requiert un physique et des qualités<br />
différentes. Certains doivent être très<br />
forts et puissants, d’autres doivent être<br />
plus explosifs, d’autres sont plus dans les<br />
tirs, les courses… Des joueurs doivent être<br />
rapides et bien taillés. Pour ma part, je suis<br />
là pour attraper les balles, faire des passes,<br />
courir, tirer, plaquer. Chez les All Blacks,<br />
être imposant physiquement ne fait pas de<br />
GRAEME MURRAY/RED BULL CONTENT POOL<br />
22 THE RED BULLETIN
« Chez les All Blacks, être<br />
imposant physiquement ne fait<br />
pas de toi un patron. »
« Dans cette<br />
attitude des<br />
Français, je vois<br />
avant tout une<br />
forme de respect. »<br />
Millennium<br />
Stadium de Cardiff,<br />
6 octobre 2007 : les<br />
Français s’avancent<br />
à quelques centimètres<br />
des Blacks<br />
durant le haka.<br />
L’un des moments<br />
les plus intenses de<br />
l’histoire du rugby.<br />
GETTY IMAGES, BRAD HANSON/RED BULL CONTENT POOL
« Être aux côtés de mes frères durant l’hymne national,<br />
c’est un instant puissant. »<br />
toi un patron, et chez nous, il n’y a pas<br />
vraiment de hiérarchie. Le truc, c’est de<br />
respecter les anciens, et les mecs plus<br />
expérimentés que toi. »<br />
Cette coupe du monde est pliée<br />
d’avance : les All Blacks les ont<br />
toutes remportées !<br />
C’est absolument faux : depuis la création<br />
de la Coupe du monde de rugby en 1987,<br />
la Nouvelle-Zélande l’a remportée trois<br />
fois, l’Australie et l’Afrique du Sud deux<br />
fois, et l’Angleterre une fois. « Une Coupe<br />
du monde, c’est plein de variables, précise<br />
Beauden. Des matches de poule jusqu’aux<br />
quarts de finale, on appréhende les<br />
matches un par un, l’un après l’autre. Il<br />
n’y aura qu’un vainqueur au final, ça c’est<br />
sûr, mais il y a beaucoup d’équipes qui se<br />
développent de manière très intéressante.<br />
Si tu prends le pays hôte, le Japon : leur<br />
équipe se développe très rapidement, et<br />
ils sont très bien coachés. Je peux te dire<br />
qu’ils vont taquiner deux ou trois équipes<br />
durant ce tournoi. N’oublions pas qu’ils<br />
ont battu l’Afrique du Sud lors de la coupe<br />
du monde 2015. »<br />
Les Blacks se la pètent !<br />
Normal, ils sont la meilleure<br />
équipe au monde !<br />
Au contact de l’ambassadeur des montres<br />
Tudor, c’est l’esprit contraire qui se dégage.<br />
Dans une interview en 2018, il se déclarait<br />
embarrassé par le fait d’être considéré<br />
comme une superstar du rugby. Et le<br />
confirme lors de notre entretien : « Être<br />
une bonne personne avant tout, c’est très<br />
important. Si tu es une bonne personne, tu<br />
seras un bon All Black. Quand on parle de<br />
culture d’équipe, chez nous, il n’y a pas de<br />
place pour les enfoirés… Je ne sais pas si<br />
tu pourras écrire ça… (rires) En fait, ce<br />
genre de gars n’arrivent même pas aux<br />
portes de l’équipe. Un All Black n’est pas<br />
recruté que pour son talent, encore une<br />
fois, il doit être une bonne personne. »<br />
Le jour où les Français ont défié<br />
les Néo-Zélandais durant le haka<br />
lors de la World Cup 2007, et les<br />
ont battus, le mythe des Blacks<br />
surpuissants s’est écroulé…<br />
Côté français, on en est persuadé ! Les<br />
fans de rugby n’oublieront jamais cette<br />
scène : le XV de France venant défier les<br />
Blacks durant le haka en quart de finale,<br />
jusqu’à se retrouver à quelques centimètres<br />
de leur visage, avec Sébastien<br />
Chabal en mode baston de regard. Une<br />
archive visible sur YouTube et présentée<br />
comme « le meilleur haka de tous les<br />
temps ». « Ce moment, au fond, c’était un<br />
moment d’opposition, se souvient Barrett.<br />
C’est la façon dont les Français ont voulu<br />
signifier leur opposition aux Blacks. Je ne<br />
m’en souviens pas comme de la fin de<br />
quelque chose pour les Néo-Zélandais, ou<br />
de quelque chose d’irrespectueux, de too<br />
much. Dans cette attitude des Français, je<br />
vois avant tout une forme de respect, du<br />
challenge. Durant le haka, certaines<br />
équipes sourient, d’autres sont flippées…<br />
Et de notre côté, nous montrons à quel<br />
point nous sommes puissants à l’instant T.<br />
Tu sais, ce haka, pour ne pas oublier sa<br />
signification et son importance, on le travaille<br />
chaque semaine, voire plus pour les<br />
nouveaux arrivants dans l’équipe. Quand<br />
on le fait devant des millions de personnes,<br />
on se doit de bien le faire. »<br />
THE RED BULLETIN 25
« Que votre<br />
équipe perde ou<br />
qu’elle gagne,<br />
soyez présents<br />
pour elle. »<br />
Stopper un All Black, une mission !<br />
Même quand il ne pèse que 92 kg,<br />
comme Barrett. Pour lui, la réunion<br />
des talents fait la force du groupe.<br />
GETTY IMAGES, TUDOR<br />
26 THE RED BULLETIN
Le maillot de la Nouvelle-Zélande<br />
a des propriétés magiques...<br />
Pour Beauden Barrett, c’est presque une<br />
conviction : quand il évoque le premier<br />
match durant lequel il a porté le jersey<br />
de son équipe nationale, il se souvient<br />
avoir ressenti quelque chose d’exceptionnel,<br />
et s’être senti comme Superman.<br />
Est-ce toujours le cas après plus de 70<br />
sélections en équipe nationale ? « Assurément,<br />
nous dit Barrett sans hésitation.<br />
Bien sûr, ce fameux match où j’ai porté le<br />
maillot pour la première fois restera un<br />
jour particulier, avec un sentiment incomparable<br />
de puissance. Aujourd’hui,<br />
chaque fois je l’enfile, je prends un petit<br />
moment pour rassembler mes pensées,<br />
et bien prendre la mesure de ce que je<br />
m’apprête à faire. Car à chaque fois que<br />
je mets ce maillot, un moment particulier<br />
s’annonce. Quand je vois un nouvel équipier<br />
mettre ce maillot à son tour, je sais<br />
qu’il se passe quelque chose en lui, que<br />
c’est une grande occasion. De nouvelles<br />
choses s’ouvrent à lui. Ce que je peux<br />
faire à mon niveau pour accompagner ce<br />
moment, c’est lui ouvrir la voie, et l’encourager<br />
à suivre la dynamique que nous<br />
essayons de créer avec l’équipe. »<br />
Les All Blacks, c’est l’esprit de<br />
fraternité poussé a l’extrême...<br />
La sélection néo-zélandaise est en effet<br />
réputée pour sa cohésion, et au cœur de<br />
cet effectif la fraternité est une réalité,<br />
littéralement, avec plus de quarante<br />
paires de frères recensées dans l’effectif<br />
historiquement. Plus fort encore, on<br />
compte trois Barrett au sein du groupe !<br />
Beauden est en effet accompagné de ses<br />
frères Scott (25 ans) et Jordie (22 ans).<br />
Seront-ils tous présents sur la World Cup ?<br />
« Mon frère Scott s’est blessé récemment,<br />
indique le plus âgé des trois, mais il est<br />
de retour. J’espère que nous jouerons tous<br />
ensemble. Ça nous est déjà arrivé, mais<br />
jamais durant une Coupe du monde. Pendant<br />
un match, le fait de jouer ensemble,<br />
on n’a pas trop ça en tête, mais pendant<br />
les préparations de matchs, et surtout<br />
durant l’hymne national, c’est vraiment<br />
émouvant d’être aux côtés de ses frères<br />
dans la même équipe. C’est un instant<br />
puissant. Pendant le match, le fait de<br />
jouer avec eux n’est pas quelque chose<br />
de particulièrement palpable, on se fait<br />
confiance pour donner le meilleur de soimême,<br />
comme avec n’importe quel autre<br />
joueur de la sélection. »<br />
« Si tu n’apprécies<br />
pas ce que tu<br />
fais, tu ne pourras<br />
pas te dépasser<br />
à l’entraînement ni<br />
durant un match. »<br />
C’est sûr, pour être aussi bons,<br />
les All Blacks ont un secret !<br />
Leur préparation, leur nourriture, un truc<br />
néo-zélandais ancestral ? Pour expliquer<br />
la prédominance des Blacks sur le rugby<br />
international ces dernières décennies,<br />
les explications les plus farfelues ont été<br />
avancées. Mais Barrett garde la tête<br />
froide. « Ça n’est pas une seule chose,<br />
c’est un ensemble de choses, temporise<br />
Barrett. Tout d’abord, on bosse dur.<br />
Il y a aussi la discipline. Et on se fixe des<br />
objectifs hauts. Il faut être lucide dans<br />
tes objectifs, ne pas t’emballer, mais<br />
tu dois surtout prendre du bon temps,<br />
apprécier les choses, pour te challenger,<br />
aller plus loin. Prendre du bon temps,<br />
c’est la clef. Si tu n’apprécies pas ce que<br />
tu fais, tu ne pourras pas te dépasser,<br />
que ce soit à l’entraînement ou durant<br />
un match. »<br />
Une vérité que Beauden souhaite<br />
partager avec vous, les Français<br />
« Je voudrais dire aux supporteurs français<br />
que, quelle que soit l’issue d’un<br />
match, il faut soutenir votre équipe.<br />
Qu’elle perde ou qu’elle gagne, soyez<br />
présents pour elle. C’est très important.<br />
De toute façon, une seule équipe va l’emporter.<br />
(rires) J’espère que vous serez présents<br />
en nombre au Japon pour apprécier<br />
ce que nous aurons à donner durant cette<br />
compétition, et n’oubliez pas, en 2023,<br />
la Coupe du monde de rugby, c’est chez<br />
vous, en France, que ça se passe ! »<br />
Instagram : @beaudenbarrett ;<br />
Coupe du monde de rugby au Japon,<br />
du 20 septembre au 2 novembre.<br />
THE RED BULLETIN 27
METAL<br />
ARDENT<br />
Couple d’illustrateurs parisiens, FORTIFEM a réussi en quelques<br />
années à se faire une place dans le paysage visuel international. Leur<br />
particularité : un style unique, qui emprunte à la gravure, au tatouage<br />
et à l’imagerie metal, et une éthique de travail forte. Quel que soit le<br />
degré de notoriété de ses clients, le duo est toujours à fond sur ses<br />
projets, il s’engage pleinement et place la barre très haut.<br />
XX EDITOR ILLUSTRATOR
Fortifem : sept<br />
ans d’illustrations,<br />
pied au<br />
plancher.<br />
Texte LELO JIMMY BATISTA<br />
Photos WILLIAM LACALMONTIE<br />
29
Illustration en duo,<br />
réalisée dans le cadre<br />
de Work of Love, la<br />
première rétrospective<br />
de Fortifem, qui<br />
a eu lieu à Paris en<br />
2018.<br />
« Qu’on travaille pour<br />
Rammstein, une<br />
marque de luxe ou<br />
pour un petit groupe<br />
qui n’a sorti qu’une<br />
démo, on y consacre<br />
la même énergie, la<br />
même exigence. »
J<br />
« On s’est donné<br />
rendez-vous à un<br />
concert de hardcore,<br />
et le lendemain,<br />
on emménageait<br />
ensemble. »<br />
esse est penché sur sa feuille depuis<br />
pas loin d’une heure. Après avoir fini<br />
le tracé d’une série de longues lignes<br />
sinueuses, Adrien vient noircir une<br />
partie du dessin à coups de stries<br />
microscopiques. La tâche est longue,<br />
minutieuse, effectuée avec une précision<br />
quasi-maniaque. Depuis plusieurs<br />
semaines, Fortifem travaillent<br />
sur la pochette du sixième album<br />
d’Alcest, groupe de metal atmosphérique<br />
français qui compte de nombreux<br />
fans en Europe – parmi lesquels<br />
Robert Smith, le leader de<br />
<strong>The</strong> Cure. Cette pochette est l’un des<br />
nombreux projets en cours pour ce<br />
couple d’illustrateurs parisiens qui<br />
rencontre depuis quelques années<br />
un succès grandissant, grâce à un<br />
style unique, inspiré des gravures du<br />
XIX e siècle, du tatouage et de l’esthétique<br />
metal, mais aussi à une forte<br />
éthique de travail. Le duo s’impose<br />
en effet de s’impliquer avec la même<br />
rigueur et la même exigence, qu’il<br />
travaille pour une grande marque,<br />
un artiste renommé ou un groupe<br />
qui sort son premier disque. Une histoire<br />
portée par la passion et née<br />
d’une série d’accidents heureux.<br />
Adrien Havet et Jesse Daubertes<br />
se sont trouvés il y a bientôt dix ans<br />
sur Tumblr, par hasard. Chacun<br />
possédait une page sur la plateforme<br />
où ils partageaient des photos et<br />
illustrations glanées sur internet.<br />
Tous deux réagissaient régulièrement<br />
sur la page de l’autre sans avoir la<br />
moindre idée de qui était en face.<br />
« Pour tout dire, raconte Adrien, au<br />
départ je pensais que Jesse était<br />
anglais et lui pensait que j’étais norvégien.<br />
Un jour, Jesse m’a laissé un<br />
message en anglais, je lui ai répondu<br />
que je parlais français. Quelques<br />
jours plus tard, on entrait en contact<br />
sur Facebook et on réalisait qu’on<br />
avait plusieurs amis communs. On<br />
s’est donné rendez-vous à un concert<br />
de hardcore, à Paris, et le lendemain,<br />
on emménageait ensemble. » À ce<br />
moment, chacun occupe encore un<br />
emploi de graphiste – freelance pour<br />
Jesse, en agence de pub pour Adrien<br />
– et il n’est pas encore question de<br />
collaboration. Mais tous deux<br />
occupent déjà leur temps libre à l’illustration,<br />
le soir, sans autre but que<br />
de se faire plaisir et de collaborer de<br />
temps à autre avec des amis musiciens<br />
ou tatoueurs. C’est l’un d’entre<br />
eux, Olivier Marescaux, sérigraphe<br />
basé à Reims, qui, le premier, va leur<br />
proposer de réaliser une dizaine de<br />
dessins pour une exposition. Hasard<br />
du calendrier, l’événement a lieu le<br />
Dessin pour la<br />
pochette intérieure<br />
d’Exile,<br />
deuxième album<br />
de Regarde Les<br />
Hommes Tomber.<br />
THE RED BULLETIN 31
Adrien dans l’intimité de la chambre de Bret Halford, le personnage fictif que l’on retrouve<br />
au centre des derniers albums de Carpenter Brut. Comme toujours avec cet artiste français,<br />
l’illustration est truffée de détails et de références qu’il partage avec Fortifem.<br />
21 février 2012, un an jour pour jour<br />
après la première rencontre de Jesse<br />
et Adrien.<br />
À ce stade, le duo n’est pas encore<br />
officiellement lancé et évolue encore<br />
sans nom, au gré des opportunités.<br />
« Ça restait quelque chose de très<br />
ponctuel, explique Jesse. Et quand<br />
on a fini par se donner un nom,<br />
c’était finalement plus par contrainte<br />
qu’autre chose. On avait répondu à<br />
un appel d’offre émis par une marque<br />
norvégienne qui faisait des vêtements<br />
d’inspiration metal. Elle avait<br />
diffusé une vidéo dont chaque artiste<br />
devait isoler une image et la réinterpréter.<br />
Pour y participer, il nous fallait<br />
un nom. Comme on revenait d’un<br />
séjour en Norvège et qu’on habitait<br />
au n° 45, on a opté pour førtifem,<br />
qui signifie 45 en norvégien. C’était<br />
simple, facile à prononcer dans<br />
toutes les langues et sans connotation<br />
particulière. Ça nous allait<br />
parfaitement. »<br />
Mais ce qui va vraiment changer<br />
les choses, l’élément qui va asseoir<br />
l’identité du duo et faire circuler<br />
« Emperor, l’une<br />
des plus grandes<br />
légendes de la<br />
scène black metal<br />
norvégienne, nous<br />
a demandé de revisiter<br />
leur logo. »<br />
son travail, c’est son ancrage dans le<br />
monde de la musique et plus précisément<br />
sur la scène metal. Et là encore,<br />
les choses vont se faire toutes seules,<br />
ou presque. Adrien : « Matthias<br />
Jungbluth, le fondateur du label<br />
rennais Throatruiner avait vu passer<br />
quelques-uns de nos dessins et nous<br />
a demandé de réaliser son logo, puis<br />
de réaliser la pochette du premier<br />
album de Cowards, un jeune groupe<br />
parisien qu’il venait de signer. Cette<br />
pochette a attiré l’attention de<br />
Regarde Les Hommes Tomber, un<br />
autre groupe basé à Nantes, qui<br />
démarrait tout juste et nous a<br />
demandé de réaliser la leur. »<br />
En trois coups, la machine est<br />
lancée, doucement. Mais ne semble<br />
bientôt plus vouloir s’arrêter, chaque<br />
commande en appelant systématiquement<br />
une autre. À tel point que<br />
le couple décide d’en faire son occupation<br />
principale. « Ça n’a pas été<br />
une décision facile, continue Adrien.<br />
Travailler pour la musique rapporte<br />
peu d’argent, notre style demande<br />
beaucoup de temps et de minutie et<br />
il était hors de question pour nous<br />
de faire des compromis sur la qualité.<br />
C’est quelque chose que l’on n’a pas<br />
voulu sacrifier. Le sacrifice, il s’est<br />
plutôt fait du côté de notre niveau<br />
de vie, qui a un peu baissé au départ.<br />
Il aura fallu environ quatre ans pour<br />
qu’on trouve un équilibre, le temps<br />
de se faire une place dans d’autres<br />
créneaux, plus porteurs, chez les<br />
grandes marques, dans l’édition… »<br />
Et d’attirer l’attention de gens<br />
comme Matt Heafy, chanteur du<br />
groupe metal américain Trivium, qui<br />
va permettre à Fortifem d’accéder<br />
à certains de leurs héros musicaux.<br />
« On a fait plusieurs illustrations<br />
pour Trivium, après quoi Matt a parlé<br />
de nous à Emperor, l’une des plus<br />
grandes légendes de la scène black<br />
metal norvégienne, qui nous a<br />
demandé rien de moins que de revisiter<br />
leur logo. Pour nous, c’était inespéré…<br />
Et tout cela est arrivé parce<br />
que Matt avait découvert notre travail<br />
avec les pochettes de Regarde<br />
Les Hommes Tomber, avec qui on a<br />
continué à travailler et qui ont acquis<br />
petit à petit une certaine notoriété. »<br />
C’est là un des aspects les plus<br />
excitants et les plus gratifiants du<br />
travail du duo : accompagner des<br />
groupes dans leur ascension. Comme<br />
32 THE RED BULLETIN
THE RED BULLETIN 33
Carpenter Brut, aujourd’hui pilier de<br />
la scène synthwave, un courant<br />
mêlant musique électronique, bandes<br />
originales de films d’horreur et esthétique<br />
metal, avec qui Fortifem a commencé<br />
à travailler à ses débuts, il y a<br />
six ans. Jesse : « Quand Carpenter<br />
Brut sont venus nous trouver pour<br />
qu’on fasse leur logo, ils n’avaient<br />
enregistré que quatre titres. Mais on<br />
trouvait le projet passionnant et on<br />
avait envie d’en être. Ça a été super<br />
ensuite de voir le groupe grandir et<br />
de pouvoir faire partie de l’aventure.<br />
C’est pour ce type de collaborations<br />
qu’on fait ce travail. Au fil du temps,<br />
la confiance et la compréhension<br />
s’installent entre les deux partis, c’est<br />
génial. »<br />
Car une des dernières clés, et sans<br />
doute la plus importante, pour comprendre<br />
la mécanique Fortifem, c’est<br />
l’élément humain. Pour Adrien et<br />
Jesse, l’échange, la confiance et la<br />
communication sont primordiaux et<br />
passent bien avant la musique. « On<br />
Deux portraits de « saints du rock » réalisés par Fortifem dans le cadre du projet <strong>The</strong> Holy<br />
Bloody Book, mêlant rock, design et édition. Des illustrations qui ont été imprimées en grand<br />
format avant d’être collées sur les murs du quartier de Montmartre, à Paris. À gauche, Lou<br />
Reed. À droite, Ian Curtis, le chanteur de Joy Division.<br />
34 THE RED BULLETIN
« On a dit non à de<br />
très gros groupes<br />
parce que le contact<br />
n’avait pas été<br />
bon. »<br />
peut tout à fait travailler pour un<br />
groupe dont on n’apprécie pas plus<br />
la musique que ça, ce n’est pas un<br />
problème. En revanche, il faut qu’il<br />
y ait une connexion avec la personne.<br />
Si ça coince, on refusera. De la même<br />
manière, on préférera décliner si on<br />
sait qu’on ne pourra pas faire notre<br />
travail correctement. On a dit non<br />
à de très gros groupes parce que le<br />
contact n’avait pas été bon, ou parce<br />
qu’on s’est rendu compte qu’on allait<br />
travailler pour un manager et pas<br />
pour un artiste. »<br />
Pour cette raison précisément,<br />
le duo démarche peu – hormis<br />
Rammstein et quelques groupes<br />
japonais dont ils sont fans, Adrien<br />
et Jesse contactent rarement les<br />
artistes. « Tout simplement parce<br />
que souvent, les choses ne fonctionnent<br />
pas aussi bien dans ce sens,<br />
continue Adrien. On n’est pas dans<br />
le même rapport. La personne en<br />
face va souvent vouloir prendre le<br />
dessus, être plus directive. Et ce<br />
qu’on cherche, c’est un échange sincère.<br />
On veut essayer de coller à<br />
l’esprit de l’artiste et de son projet.<br />
Quand une marque vient nous chercher,<br />
c’est souvent parce qu’elle a vu<br />
passer une illustration qui lui plaisait<br />
et qu’elle veut quelque chose de similaire.<br />
Ça reste intéressant, mais c’est<br />
cadré. Avec les groupes, on peut<br />
davantage expérimenter, tenter de<br />
nouvelles choses. Notre collaboration<br />
avec Carpenter Brut, par exemple,<br />
nous a permis de sortir du noir et<br />
blanc pour aller vers des couleurs<br />
très vives, fluorescentes, vers lesquelles<br />
on ne serait peut-être pas<br />
allés de notre plein gré. On n’a pas<br />
envie de se poser de limites et ce type<br />
de collaboration nous aide, justement,<br />
à les dépasser. »<br />
Limites qui vont être encore<br />
repoussées en cette rentrée <strong>2019</strong>,<br />
où les deux Fortifem vont passer du<br />
papier aux écrans géants, le temps<br />
d’un concert au Trianon (Paris).<br />
À cette occasion, ils ont invité six<br />
groupes de leur entourage proche –<br />
parmi lesquels Alcest et Regarde Les<br />
Hommes Tomber – à se produire<br />
dans le cadre de collaborations inédites<br />
et d’une scénographie qu’ils<br />
auront intégralement réalisée, inspirée<br />
des arcanes du jeu de tarot.<br />
Jesse : « On se lance encore dans<br />
quelque chose de nouveau, quelque<br />
chose qui nous excite et nous fait<br />
peur à la fois parce qu’on ne l’a<br />
jamais fait et qu’on ne sait pas trop<br />
où on va. Mais on sait qu’on a envie<br />
d’y aller. Parce que c’est le seul<br />
moyen d’avancer et de faire en sorte<br />
que ce boulot reste stimulant chaque<br />
jour. »<br />
Major Arcana - Une cérémonie<br />
metal illustrée par Fortifem :<br />
avec Alcest & Perturbator,<br />
Nostromo & Dehn Sora, Hangman’s<br />
Chair & Regarde Les Hommes<br />
Tomber ; le 25 septembre au Trianon,<br />
dans le cadre du <strong>Red</strong> Bull Music<br />
Festival Paris, et sur Arte Concert.<br />
THE RED BULLETIN 35
« Je<br />
n’ai<br />
pas<br />
peur »<br />
L’homme qui infiltre<br />
des réseaux criminels<br />
pour sauver des<br />
espèces menacées<br />
d’extinction raconte<br />
son quotidien.<br />
Andrea Crosta était conseiller en<br />
sécurité pour le compte de grandes<br />
entreprises, de gouvernements et<br />
de services secrets. Aujourd’hui,<br />
l’Italien dirige l’ONG Earth League<br />
International, dédiée au sauvetage<br />
d’espèces en voie de disparition,<br />
en employant des moyens dignes<br />
des renseignements. Il lève le voile<br />
sur ses méthodes d’engagement.<br />
Propos recueillis par MAN<strong>FR</strong>ED KLIMEK<br />
36 THE RED BULLETIN
Le bateau<br />
Le Sea of Shadows met le cap sur le golfe<br />
de Californie, au Mexique, où la vaquita,<br />
une espèce de marsouins en voie d’extinction,<br />
est en période de reproduction.<br />
THE RED BULLETIN 37
La question qu’on me pose le plus<br />
souvent, c’est si j’ai peur. Ça ne<br />
m’étonne qu’à moitié. Après tout,<br />
mon métier est risqué et m’expose<br />
à de nombreux dangers.<br />
Avec mon équipe, nous menons<br />
depuis près de dix ans un combat contre les criminels<br />
qui se livrent à un commerce illégal. Dans ce<br />
genre d’activité, on se fait forcément beaucoup<br />
d’ennemis. Et on peut partir du principe qu’on<br />
continuera à s’en faire. Je n’ai pas peur. Et je m’inquiète<br />
uniquement pour mes équipes lorsqu’elles<br />
sont en mission. Nos agents opèrent généralement<br />
sous couverture. S’ils étaient démasqués,<br />
ils se retrouveraient très vite en danger de mort.<br />
Je ne me fais pas de souci pour moi-même. Je vis<br />
seul avec mon chien en Californie et suis souvent<br />
en voyage. Je m’imagine parfois qu’on me surveille<br />
et que quelqu’un m’attend au coin de la rue<br />
pour me régler mon compte. Mais je m’efforce<br />
de m’ôter rapidement cette idée de la tête.<br />
« Je n’ai pas peur. Et je<br />
m’inquiète uniquement<br />
pour mes équipes lorsqu’elles<br />
sont en mission.<br />
Nos agents opèrent généralement<br />
sous couverture.<br />
S’ils étaient démasqués,<br />
ils se retrouveraient très<br />
vite en danger de mort. »<br />
Le sauveur<br />
Andrea Crosta (50 ans) vit avec son chien en<br />
Californie. La plupart du temps, il vadrouille<br />
à travers le monde. Toute compagne à<br />
ses côtés serait menacée. C’est pourquoi<br />
il préfère rester célibataire.<br />
Je m’appelle Andrea Crosta, j’ai 50 ans, je suis né<br />
près de Milan, j’ai étudié la zoologie, les sciences<br />
naturelles, l’économie et la psychologie. Je suis<br />
directeur exécutif de l’ONG Earth League International<br />
qui se consacre à la dénonciation des crimes<br />
perpétrés contre les espèces sauvages. Notre vocation<br />
est d’œuvrer pour la sauvegarde des espèces<br />
menacées et en voie de disparition. De nombreuses<br />
organisations poursuivent ce même objectif à travers<br />
le monde, et on ne peut que s’en réjouir. Mais<br />
nous nous distinguons des autres organisations<br />
par les méthodes que nous mettons en œuvre lors<br />
de nos opérations, des méthodes directement inspirées<br />
du domaine du renseignement. Oui, c’est<br />
très précisément ce que nous faisons : nous<br />
sommes une organisation professionnelle digne<br />
d’un service de renseignement agissant dans le<br />
monde entier, parfois clandestinement, qui met au<br />
jour des activités criminelles et livre aux autorités<br />
les résultats de ses enquêtes. Il ne s’agit pas pour<br />
nous de nous indigner, mais d’apporter la preuve<br />
d’agissements criminels permettant à la police et à<br />
la justice de sévir contre le massacre organisé et le<br />
trafic d’espèces en voie de disparition.<br />
J’ai entendu parler de la vaquita pour la première<br />
fois il y a environ quatre ans. La vaquita, qui signifie<br />
« petite vache » en espagnol, est un marsouin<br />
mesurant environ un mètre et demi de long qui<br />
ne vit le long des côtes mexicaines qu’au cours de<br />
sa période de reproduction. Avant et après cette<br />
période, ces animaux mènent une existence plutôt<br />
solitaire. On estime que seule une trentaine de<br />
TERRA MATER FACTUAL STUDIOS GMBH<br />
38 THE RED BULLETIN
La victime<br />
Une vaquita dans les filets d’un pêcheur<br />
mexicain. Une prise accessoire : les pêcheurs<br />
ciblent en fait le totoaba, poisson dont la vessie<br />
natatoire se vend à prix d’or en Chine.<br />
THE RED BULLETIN 39
vaquitas sont encore en vie à l’heure actuelle.<br />
Je présume malheureusement que ce nombre<br />
aura encore diminué entre-temps.<br />
Le repérage<br />
La nuit venue, les équipiers du<br />
Sea of Shadows scrutent les sonars<br />
de leurs instruments de surveillance<br />
des heures durant. Soudain,<br />
ils repèrent un bateau de pêcheur.<br />
« Après avoir étudié la<br />
question plus en détail,<br />
j’ai vite réalisé à quel point<br />
la vaquita était menacée<br />
et j’ai pris conscience<br />
du rythme effréné de<br />
son extinction. »<br />
La vaquita a un problème : elle partage son habitat<br />
naturel avec des bancs de totoabas. En Chine, la<br />
vessie natatoire de ce poisson est réputée pour ses<br />
vertus prétendument miraculeuses : les femmes<br />
enceintes la consomment pour prévenir les fausses<br />
couches. Le remède est en outre censé rendre la<br />
peau plus belle et, bien sûr, augmenter la puissance<br />
sexuelle de l’homme. Des effets jamais<br />
démontrés scientifiquement, mais il est difficile de<br />
lutter contre des croyances traditionnelles si profondément<br />
ancrées. Les totoabas sont capturés à<br />
l’aide de filets dits maillants posés dans les fonds<br />
marins. Les vaquitas sont prises dans les mailles<br />
du filet et meurent par asphyxie. La saison de<br />
pêche à venir, qui débutera à l’automne <strong>2019</strong>, sera<br />
peut-être sa dernière. Ensuite, la vaquita risque de<br />
disparaître intégralement du règne animal.<br />
En 2016, nous avons donc commencé à enquêter<br />
pour localiser la zone géographique vers laquelle<br />
les vessies séchées de totoaba étaient expédiées.<br />
Des recherches qui nous ont menés tout droit en<br />
Chine. Les membres de notre équipe asiatique se<br />
sont fait passer pour de riches businessmen qui<br />
menaient leurs affaires dans la province du<br />
Guangdong, dans le sud de la Chine. Canton, la<br />
capitale du Guangdong, est une ville côtière et<br />
un haut lieu du commerce des poissons et des<br />
crustacés. Nous nous sommes d’abord présentés<br />
comme des négociants sérieux traitant avec des<br />
marchandises légales. Puis, une fois bien établis<br />
dans le monde des affaires local, nous avons<br />
commencé à nous intéresser aux vessies natatoires<br />
de totoaba.<br />
40 THE RED BULLETIN
Les pirates<br />
Des pêcheurs mexicains remontent leurs filets.<br />
Ils représentent à la fois le maillon le plus important<br />
et le plus pauvre de la chaîne. On ne saurait pour<br />
autant leur accorder notre empathie.<br />
THE RED BULLETIN 41
L’attaque<br />
Les protecteurs d’espèces du<br />
Sea of Shadows tentent d’éloigner les<br />
pêcheurs illégaux de leurs filets.<br />
Une telle opération représente une somme de<br />
travail immense, financée en conséquence. Les<br />
membres de notre équipe asiatique devaient avoir<br />
l’air très fortunés : costumes haut de gamme,<br />
grosses berlines, les meilleurs hôtels et un budget<br />
généreux dédié aux invitations. Cette opération a<br />
nécessité l’engagement de sommes d’argent considérables,<br />
perdues en cas d’échec. Il a également<br />
fallu s’armer de patience pour gagner la confiance<br />
des gens et les amener à nous proposer des marchandises<br />
rares et illégales. Nous avons dû nous<br />
rendre plusieurs fois dans la région et attendre de<br />
longues semaines avant qu’on nous présente enfin<br />
une vessie séchée de totoaba. Nos agents ont filmé<br />
cette rencontre avec des caméras cachées dans les<br />
attachés-cases ou dissimulées dans les vêtements.<br />
Nous savions à présent à quoi ressemblait la marchandise<br />
– rien de très spectaculaire.<br />
Comble de l’absurdité, la vessie de totoaba n’est<br />
aujourd’hui quasiment plus vendue en Chine pour<br />
être consommée, mais fait essentiellement office<br />
de cadeau dans les milieux d’affaires afin de faciliter<br />
les relations commerciales. Cadeau qui sera par<br />
la suite offert à un autre partenaire commercial et<br />
voyagera de main en main. En raison de sa rareté,<br />
le prix au gramme de la vessie natatoire atteint<br />
aujourd’hui le double de celui de l’or. Un trafic<br />
dont on devine aisément la dimension lucrative.<br />
« Les membres de<br />
notre équipe asiatique<br />
devaient avoir l’air<br />
très fortunés : costumes<br />
haut de gamme,<br />
grosses berlines, les<br />
meilleurs hôtels et un<br />
budget généreux dédié<br />
aux invitations. »<br />
42 THE RED BULLETIN
THE RED BULLETIN 43
En Chine aussi, le commerce et la consommation<br />
de la vessie de totoaba sont strictement prohibés.<br />
Les autorités chinoises respectent généralement<br />
la Convention sur la protection des espèces.<br />
Et afin d’écarter tout soupçon de complaisance,<br />
la police chinoise peut également se montrer très<br />
répressive dès lors qu’elle obtient des<br />
informations.<br />
De retour en Californie avec nos données, il<br />
s’agissait à présent d’exploiter les informations<br />
recueillies. Une tâche digne d’une investigation<br />
policière. Trois de nos collaborateurs, des spécialistes<br />
de l’analyse de données, ont visionné nos<br />
innombrables heures d’enregistrements, parfois<br />
en organisant des équipes de nuit, afin d’identifier<br />
et de synthétiser les informations pertinentes.<br />
À la maison, au cours de nos recherches, j’avais<br />
dédié un mur entier de plusieurs mètres de large<br />
à nos travaux, sur lequel nous mettions en relation<br />
les différents lieux et individus. Oui, comme<br />
dans les séries policières. Quand vous reculiez<br />
de trois pas pour contempler le mur, vous étiez<br />
capable de dresser un tableau d’ensemble et<br />
d’appréhender l’affaire dans toute son ampleur.<br />
Je me suis alors rendu à l’évidence que ce projet<br />
devait prendre une dimension supérieure. J’avais<br />
certes déjà obtenu le soutien d’un financier qui<br />
avait réglé la facture de nos voyages et opérations<br />
en Chine, mais la question des vaquitas me semblait<br />
désormais présenter davantage de substance<br />
journalistique que ce que j’imaginais au départ.<br />
« Sur nos précédentes<br />
opérations, nous pouvions<br />
opérer tels des fantômes<br />
invisibles, mais la réalisation<br />
d’un documentaire<br />
implique le transport d’un<br />
volume conséquent de<br />
matos, ce qui signifiait la<br />
fin de notre clandestinité. »<br />
Il fallait donc lui donner une plus grande résonance.<br />
Ici, les négociants de Guandong qui<br />
vendent les vessies natatoires séchées de totoaba<br />
à une petite clientèle choisie. Là, les négociants<br />
basés au Mexique, généralement des Chinois<br />
expatriés, qui expédient les vessies à travers le<br />
monde en prenant soin d’éviter tout envoi direct<br />
vers la Chine, pour ne pas éveiller les soupçons.<br />
Ici encore, les hommes de main des cartels mexicains<br />
qui servent d’intermédiaire entre les<br />
pêcheurs et les Chinois mexicains et leur livrent<br />
les vessies. Là enfin, les pêcheurs qui capturent<br />
illégalement les totoabas et les vaquitas. J’en étais<br />
persuadé : un documentaire permettrait de lever<br />
le voile sur ce commerce criminel et d’en révéler<br />
le fonctionnement. Un trafic qui illustre dans une<br />
très large mesure les failles de la protection des<br />
espèces. J’ai donc appelé Richard Ladkani, le<br />
réalisateur autrichien avec lequel j’ai tourné le<br />
documentaire <strong>The</strong> Ivory Game en 2016 sur le<br />
trafic d’ivoire qui sévit en Chine et à Hongkong.<br />
44 THE RED BULLETIN
La fuite<br />
Après une confrontation mouvementée,<br />
voire carrément violente, les pêcheurs<br />
cherchent leur salut dans la fuite.<br />
THE RED BULLETIN 45
« À partir du mois d’octobre,<br />
les bateaux de pêche<br />
reprendront probablement<br />
leur activité illégale, la pêche<br />
au totoaba. Et il se peut qu’au<br />
cours de l’hiver, nous devions<br />
constater l’extinction des<br />
dernières vaquitas. »<br />
46 THE RED BULLETIN
La libération<br />
Les membres du Sea of Shadows parviennent à<br />
libérer un totoaba capturé illégalement et à le<br />
relâcher en mer. L’assistance vient généralement<br />
trop tard. Une fois prises au piège, les vaquitas<br />
meurent rapidement par asphyxie.<br />
Au début, Richard était peu emballé par l’idée.<br />
J’avais moi-même mis un certain temps avant de<br />
m’intéresser au problème. L’ivoire, ça c’était un<br />
sujet, et tout le monde sait ce qu’est un éléphant.<br />
Mais un petit marsouin dont il ne reste probablement<br />
plus qu’une trentaine de spécimens ? Richard<br />
se demandait sans doute : cette thématique est-elle<br />
suffisamment dense pour en faire un long métrage,<br />
un documentaire diffusé dans les cinémas ou en<br />
streaming ? C’était sans compter sur l’intervention<br />
de Leonardo DiCaprio – qui avait déjà co-produit<br />
<strong>The</strong> Ivory Game. DiCaprio disait qu’il fallait faire ce<br />
film. Et qu’il nous soutiendrait. Après lui, Terra<br />
Mater, la société de production du documentaire<br />
<strong>The</strong> Ivory Game, a à son tour accepté de financer ce<br />
nouveau projet. L’équipe que nous avions formée<br />
par le passé était à nouveau réunie.<br />
Avant de poursuivre, je tiens à raconter brièvement<br />
comment j’ai eu l’idée de créer mes petits<br />
services secrets personnels. Avant de partir m’installer<br />
en Californie, je détenais une société de services<br />
de sécurité en Afrique. Je protégeais des<br />
personnes qui vivaient et travaillaient dans différentes<br />
régions de l’Afrique, souvent au Kenya.<br />
C’est une activité qui vous confronte à des situations<br />
que l’on ne rencontre jamais en Europe et<br />
qui vous familiarise avec le sentiment de danger.<br />
Puis, des années durant, j’ai développé des technologies<br />
de sécurité et de surveillance dans le<br />
monde entier, dont certaines utilisées dans le<br />
cadre de la lutte contre le terrorisme. J’ai découvert<br />
lors de mon travail en Afrique que l’organisation<br />
terroriste islamiste Al-Shabaab se finançait<br />
grâce au trafic d’ivoire. J’ai effectué des<br />
recherches approfondies à ce sujet et ai publié<br />
mon travail avec l’aide de responsables politiques<br />
tels que le sénateur américain John Kerry. Mon<br />
initiative a permis par la suite d’endiguer ce trafic<br />
dans une large mesure, sauvant probablement<br />
des centaines d’éléphants.<br />
THE RED BULLETIN 47
Après l’enquête sur Al-Shabaab, je me suis mis à la<br />
recherche de thématiques similaires, impliquant<br />
également des agissements de marchands criminels<br />
qui mettaient en péril la survie d’espèces<br />
menacées. Et j’ai mis mes compétences dans le renseignement<br />
au service de l’organisation. L’Earth<br />
League International est sans doute la seule ONG<br />
qui réalise des enquêtes en s’appuyant sur des<br />
méthodes dignes des services secrets.<br />
Mais revenons aux vaquitas et au film. Lorsque<br />
Richard est arrivé au Mexique avec son équipe de<br />
tournage, il nous était difficile de passer inaperçus.<br />
Lors de nos précédentes opérations, nous pouvions<br />
opérer tels des fantômes invisibles, mais la réalisation<br />
d’un documentaire implique le transport d’un<br />
volume conséquent de matos, ce qui signifiait la fin<br />
de notre clandestinité. À Mexico, nous avons invité<br />
le journaliste d’investigation Loret Carlos de Mola<br />
à rejoindre notre équipe. Avec sa propre émission<br />
de télévision, il était l’homme idéal pour sensibiliser<br />
le grand public à des problématiques telles que<br />
celle de la vaquita.<br />
Les négociants<br />
Les membres des cartels mexicains ne font<br />
pas vraiment dans la dentelle. Celui ci-dessus<br />
a commis plusieurs homicides.<br />
À Mexico, le tournage du documentaire et nos<br />
enquêtes s’avéraient sensiblement plus compliqués<br />
qu’en Chine. Nous nous y étions préparés :<br />
nous savions que les cartels ne sont pas particulièrement<br />
connus pour reculer devant la violence,<br />
bien au contraire. Malgré la présence de gardes<br />
du corps à nos côtés, nous avons rencontré une<br />
situation particulièrement périlleuse, lorsque des<br />
pêcheurs furieux se sont mis à nous jeter des<br />
pierres et autres objets. Une pierre grosse comme<br />
mon poing a manqué ma tête de deux centimètres.<br />
Lorsqu’une telle situation se présente,<br />
il s’agit de garder son calme et de foutre le camp<br />
au plus vite.<br />
48 THE RED BULLETIN
Le marché<br />
Les vessies natatoires séchées de totoaba<br />
sur le marché noir chinois. Un gramme<br />
de vessies de totoaba coûte aujourd’hui<br />
deux fois plus cher qu’un gramme d’or.<br />
Notre documentaire est aujourd’hui terminé, et il<br />
voyage désormais à travers le monde. Nous avons<br />
fait tout ce qui était en notre pouvoir pour sensibiliser<br />
une large partie de l’opinion publique sur<br />
la situation désastreuse des vaquitas. Mais j’avoue<br />
ne pas être très optimiste quant à la fin réelle de<br />
cette pêche illégale. En revanche, il y a une chose<br />
que nous avons réussie : les autorités chinoises<br />
ont bloqué les routes commerciales par lesquelles<br />
transitent les vessies de totoaba. D’un point de<br />
vue tactique, il peut s’avérer judicieux de faire<br />
obstacle à tout réapprovisionnement en vessies<br />
pendant un certain temps, dans l’espoir que ce<br />
produit et sa légende finissent par tomber dans<br />
l’oubli et par perdre toute valeur. Souhaitons-le.<br />
Mais à partir du mois d’octobre, les bateaux de<br />
pêche reprendront probablement leur activité<br />
illégale, la pêche au totoaba. Et il se peut qu’au<br />
cours de l’hiver, nous devions constater l’extinction<br />
des dernières vaquitas qui se reproduisent<br />
dans le Pacifique le long des côtes mexicaines.<br />
La Terre aura une perte irrémédiable de plus<br />
à déplorer. »<br />
Sea of Shadows, le film<br />
Un film documentaire plusieurs fois récompensé, réalisé par<br />
Richard Ladkani, a vu le jour grâce au soutien de Leonardo<br />
DiCaprio et sous l’égide de la société de production Terra Mater.<br />
Il est actuellement à l’affiche dans les cinémas européens.<br />
Infos (en anglais) sur : terramater.at/cinema/sea-of-shadows<br />
THE RED BULLETIN 49
« Le regard<br />
des gens,<br />
on s’en fout ! »<br />
MAVINGA participera à la finale mondiale<br />
du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style à Paris<br />
(dont elle a remporté l’édition belge en<br />
2018). Lors de ce concours de danse très<br />
particulier où le public est juge, réactivité,<br />
adaptation et personnalité sont les clefs.<br />
La danseuse n’en manque pas.<br />
Texte PIERRE-HENRI CAMY<br />
Photos LITTLE SHAO<br />
50 THE RED BULLETIN
Upside down :<br />
le 12 octobre prochain,<br />
Mavinga et<br />
une trentaine de<br />
danseurs et danseuses<br />
s’affronteront<br />
lors du <strong>Red</strong> Bull<br />
Dance Your Style<br />
à Paris. Qui s’installera<br />
au sommet ?
« Issue des clubs,<br />
la house dance est<br />
une culture différente,<br />
où les gens sont<br />
eux-mêmes. »<br />
Venue de Liège<br />
(Belgique),<br />
Mavinga dédie sa<br />
vie à la danse et<br />
au graphisme.
the red bulletin : Mavinga, la<br />
danse et vous, ça date de quand ?<br />
mavinga : Quand j’avais neuf ans,<br />
j’avais tout le temps envie de danser.<br />
Mes parents voulaient que je sois<br />
concentrée sur mes études, mais<br />
c’était plus fort que moi, il fallait que<br />
je danse, tout le temps ! Vers l’âge de<br />
douze ans, j’ai commencé à aller<br />
dans les écoles de danse, dans les<br />
maisons de jeunes pour m’entraîner.<br />
C’est en gagnant mes premiers<br />
battles que j’ai voulu me consacrer<br />
essentiellement à la danse.<br />
Ces battles, c’était du breakdance ?<br />
J’ai démarré la danse par du breakdance,<br />
mais les premiers battles que<br />
j’ai remportés, c’était en house dance.<br />
Le côté compétition du break, en<br />
un contre un, vous a séduite ?<br />
Quand j’ai essayé le break, j’étais<br />
dedans dès le début. Les films de<br />
danse nous influençaient et nous<br />
mettaient en mode compétition. Mais<br />
j’ai évolué, et aujourd’hui, mon style<br />
de prédilection est la house dance.<br />
Que s’est-il passé entre ces premiers<br />
battles et aujourd’hui ?<br />
Je me suis lassée du côté rentrededans<br />
du break. Même si ça fait<br />
partie de cette culture, je n’étais pas<br />
vraiment épanouie. Alors je me suis<br />
investie dans la danse hip-hop, mais<br />
je n’avais pas encore la flamme.<br />
Quand j’ai découvert la house dance,<br />
j’ai rencontré une culture différente,<br />
née dans les clubs, là où les gens<br />
sont eux-mêmes, où ils ont juste<br />
envie de danser, de partager. Ils<br />
sont dans une bonne vibe. La<br />
musique te parle, elle est redondante,<br />
elle t’emmène vers le haut.<br />
Danser pour soi vous semblait plus<br />
épanouissant que contre un autre ?<br />
À la base, la house n’est pas un mode<br />
de battle, mais d’échange : montremoi<br />
ce que tu as, et on échangera.<br />
Sa variété vous ressemblait plus ?<br />
La house est inspirée de plusieurs<br />
styles de danse : la salsa, les danses<br />
africaines… Tu peux même y mélanger<br />
du break, du hip-hop. Tu peux<br />
tout mélanger, c’est différent, plus<br />
libre, avec plus de feeling. J’y ajoute<br />
mon parcours personnel, je suis passée<br />
par plusieurs styles, le break, le<br />
hip-hop, le dancehall, l’afro également,<br />
naturellement, car je suis<br />
d’origine congolaise. (rires)<br />
S’adapter à tous ces genres et les<br />
mixer est-il difficile ?<br />
En tant que personne, j’ai une facilité<br />
à m’adapter aux gens et à ce qui<br />
m’entoure. Même quand il m’arrive<br />
quelque chose de négatif, je<br />
m’adapte, j’essaie de trouver une<br />
solution. Il y a toujours une solution<br />
THE RED BULLETIN 53
<strong>Red</strong> Bull<br />
Dance<br />
Your Style<br />
Finale mondiale<br />
à La Villette<br />
Le 12 octobre, à Paris, des<br />
danseurs et danseuses issus<br />
de qualifications dans plus<br />
de trente pays sont invités à<br />
s’affronter sur un dancefloor<br />
géant lors de la finale mondiale<br />
du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style.<br />
Dans ce battle de danse en<br />
un contre un, l’improvisation<br />
et l’interaction avec le public<br />
feront la différence, quels que<br />
soient leurs moves de prédilection.<br />
Champions de hip-hop,<br />
de locking ou de popping, ils<br />
devront rivaliser de style,<br />
d’inventivité et de personnalité,<br />
pour emporter les faveurs<br />
du public. Seule juge de cet<br />
événement, la foule désignera<br />
le gagnant ou la gagnante de<br />
chaque battle à l’aide d’un<br />
carton rouge ou bleu.<br />
Autre particularité du<br />
<strong>Red</strong> Bull Dance Your Style, les<br />
sons sur lesquels danseront les<br />
compétiteurs sont inattendus,<br />
de Beyoncé à Boney M en passant<br />
par Britney Spears ou<br />
Nirvana, des hits du moment<br />
ou des titres old school révélés<br />
au moment précis où le danseur<br />
entre dans son battle.<br />
La finale mondiale du<br />
samedi 12 octobre à la Grande<br />
Halle de La Villette sera précédée<br />
d’une soirée la veille, et<br />
d’une semaine d’activations<br />
autour de la danse (workshops,<br />
initiations, démos) organisées<br />
à La Villette et dans Paris.<br />
Billeterie et infos sur<br />
redbulldanceyourstyle.com<br />
à tout. C’est au niveau de l’état d’esprit<br />
que ça se passe. Si tu es ouvert<br />
d’esprit, curieux, tu as envie de<br />
t’exprimer dans plusieurs styles.<br />
C’est exactement le propos du<br />
<strong>Red</strong> Bull Dance Your Style, que<br />
vous avez emporté en Belgique<br />
l’an dernier. En quoi est-ce une<br />
compétition de danse particulière ?<br />
Déjà, les musiques sur lesquelles il<br />
faut danser sont commerciales.<br />
Dans un battle classique, tu peux<br />
tomber sur différentes variétés de<br />
musiques hip-hop, mais pas sur<br />
Beyoncé, Justin Timberlake ou<br />
Michael Jackson.<br />
Leurs chansons sont hyper<br />
connues, il doit donc être facile<br />
de s’adapter à des musiques que<br />
l’on connaît déjà quasi par cœur ?<br />
Ça parait facile, mais ça ne l’est pas<br />
du tout. Quand tu connais bien une<br />
musique, tu as envie d’être hyper<br />
musicale dans ta danse, du coup,<br />
tu peux te perdre dans ton passage.<br />
Si tu es trop en mode stratégie, en<br />
mode : « Je vais mettre ça pour<br />
impressionner », tu n’es pas bien.<br />
Au Dance Your Style, il ne faut pas<br />
trop lancer de cartouches, de tricks,<br />
il faut vraiment penser à s’amuser.<br />
Parce que quand tu t’amuses, ton<br />
corps est bien, et tu fais de bons passages.<br />
Il faut d’abord s’amuser soimême,<br />
et amuser le public. C’est<br />
ça le plus compliqué.<br />
Si l’on prend un Beyoncé, dont<br />
vous connaissez bien les parties<br />
plus instrumentales ou vocales, il<br />
faut éviter « d’organiser » sa danse<br />
sur toutes ses structures ?<br />
En fait, c’est un mix de deux choses.<br />
Dans les battles, c’est 80 % de feeling<br />
et 20 % de préparation. Quand je<br />
parle de préparation, il s’agit de<br />
séquences que tu connais par cœur,<br />
que tu vas placer sur le son. Mais si<br />
tu es trop dans un calcul, à 100 %, ça<br />
« Si tu penses<br />
à ce que vont<br />
penser les gens,<br />
tu vas te bloquer. »<br />
ne marchera pas. Le feeling, c’est<br />
inexplicable, et quand la musique va<br />
faire « boom ! », quelque chose va sortir<br />
à ce moment-là. En fait, la stratégie<br />
c’est de ne pas être trop dans le<br />
calcul, car tu ne sais jamais sur quelle<br />
musique tu vas tomber.<br />
Quand la musique commence,<br />
quelle qu’elle soit, qu’est-ce qui se<br />
passe dans votre tête ?<br />
Je rentre immédiatement dans un<br />
personnage. L’an passé, j’étais habillée<br />
en mode arts martiaux, ambiance<br />
asiatique, avec une tenue ample<br />
orange. Là, je joue à la fois sur ma<br />
féminité et ma masculinité. Sur un<br />
Beyoncé par exemple, je vais plus<br />
aller vers mon côté féminin, si c’est<br />
Nirvana, j’irais plus vers le masculin,<br />
mais toujours dans ce délire d’art<br />
martial. Je garde la même souche<br />
de personnage, que je diversifie.<br />
Est-ce que la danse est un bon<br />
moyen d’assumer tous les traits<br />
de notre personnalité ?<br />
Si tu es un danseur homme face à<br />
une fille, et si tu sais montrer un côté<br />
féminin fort, il n’y a pas de gêne,<br />
c’est un plus pour toi. Si tu penses<br />
à ce que vont penser les gens, tu te<br />
bloques, tu ne pourras pas te libérer.<br />
Cela fait-il encore le lien avec ces<br />
clubs où des gens de tous horizons<br />
et toutes orientations sexuelles ont<br />
trouvé un terrain d’expression en<br />
dansant sur la house ?<br />
C’est ça, il n’y a pas de jugement, juste<br />
de la bienveillance et du partage.<br />
Quand vous ne dansez pas, vous<br />
êtes une graphiste indépendante.<br />
Est-ce aussi un moyen de libérer<br />
votre créativité, et tous les aspects<br />
de votre personnalité ?<br />
C’est très important, car si tu fais de<br />
la danse tout le temps, tu es comme<br />
coincée dans une bulle. Le graphisme<br />
est aussi une forme d’art qui m’inspire.<br />
Je me sers de la danse pour<br />
inspirer mon graphisme, et du graphisme<br />
pour inspirer ma danse. C’est<br />
un plus.<br />
La danse est-elle graphique ?<br />
Durant le shooting photo d’hier avec<br />
Little Shao, certaines pauses, certains<br />
54 THE RED BULLETIN
« Il faut d’abord<br />
s’amuser soi-même,<br />
et amuser le public.<br />
C’est ça le plus<br />
compliqué. »<br />
THE RED BULLETIN 55
« Si dans ton visage<br />
et dans ce que<br />
tu dégages, il n’y<br />
a rien, c’est nul. »<br />
Dans un concours<br />
de danse, pour<br />
la Belge, le visage<br />
aussi a son rôle.
steps de danse qu’il a photographiés<br />
étaient clairement des formes, des<br />
choses qui peuvent m’inspirer en tant<br />
que graphiste. La silhouette d’un<br />
danseur devient un élément graphique<br />
que tu peux agrémenter<br />
d’autres formes ou de mots, comme<br />
je l’ai déjà fait pour réaliser un flyer,<br />
en me basant sur la silhouette d’une<br />
amie danseuse. Danse et graphisme<br />
se marient vraiment bien.<br />
Le graphisme est un média, un<br />
moyen de transmission, est-ce le<br />
cas également avec la danse ? Comment<br />
connectez-vous avec le<br />
public ? Est-ce que le public peut<br />
aider à remporter la compétition ?<br />
Je joue tout le temps avec le public.<br />
Quand tu danses trop pour toi-même,<br />
ton aura n’est pas libérée. L’aura, c’est<br />
super important. Tu peux faire un step<br />
de fou, mais si dans ton visage et dans<br />
ce que tu dégages, il n’y a rien, c’est<br />
nul. Que le public soit connaisseur<br />
ou non, que les gens qui te regardent<br />
soient des danseurs ou non, ça se<br />
ressent. Ce que tu vas dégager, mais<br />
aussi ressentir, accompagne le mouvement.<br />
Un danseur n’est pas là seulement<br />
pour balancer plein de trucs<br />
techniques, il doit aussi ressentir ce<br />
qu’il fait. C’est un tout. Et bien sûr,<br />
jouer avec le public, c’est aussi une<br />
stratégie pour t’assurer son adhésion<br />
car sur un format de compétition<br />
comme le <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style,<br />
seul le public décide du gagnant.<br />
« Respire, et<br />
imagine que la<br />
personne en face<br />
de toi est nue. »<br />
Est-ce intéressant d’être « jugé » par<br />
le public, notamment par des gens<br />
qui ne sont pas des danseurs ?<br />
C’est une toute autre ambiance. Sur<br />
l’édition belge, je n’avais pas besoin<br />
de faire trop de trucs techniques pour<br />
que le public crie. Quand il voyait<br />
que je m’amusais, il s’amusait avec<br />
moi. C’est un vrai échange.<br />
Dans les fêtes ou dans les clubs,<br />
beaucoup de gens n’osent pas<br />
danser. Pourquoi devraient-ils<br />
se lancer ? Quelle philosophie<br />
pourriez-vous leur transmettre ?<br />
Quand on me dit : « Je n’ose pas trop<br />
danser, les gens vont me regarder »,<br />
je leur explique toujours qu’ils n’ont<br />
rien à perdre. Si tu kiffes la musique,<br />
danse ! Tu ne vas pas perdre mille<br />
euros, tu as tout à gagner. On ne sait<br />
pas ce qu’il va arriver demain, alors<br />
profitons du moment présent, et le<br />
regard des gens, on s’en fout !<br />
Tous styles<br />
confondus<br />
Ces participants sont particulièrement<br />
attendus sur la finale mondiale<br />
du <strong>Red</strong> Bull Dance Your Style.<br />
Angyil (USA) Popping<br />
L’Américaine a débuté par la danse classique.<br />
Guerrière réputée dans les battles, elle<br />
développe une énergie sans limite.<br />
Maika (Japon) Hip-Hop<br />
La jeune danseuse a remporté le Juste Debout<br />
2016 à Paris, en duo avec sa camarade Kyoka.<br />
C’est cet évènement d’envergure qui l’a révélée<br />
à la planète danse.<br />
Jaja (Tchéquie) Krump/Robot<br />
Mavinga dit d’elle que son aura est « sale »,<br />
qu’elle est hyper forte. Au <strong>Red</strong> Bull Dance Your<br />
Style, saura-t-elle interagir avec le public pour<br />
emporter son adhésion ?<br />
Salah (France) Popping<br />
« Il est dans le même délire que moi, il sait tout<br />
faire, dit Mavinga à propos de Salah (avec la<br />
danseuse sur la photo-ci contre). Il a un visage<br />
très expressif, il sait amuser le public, ça va<br />
être un adversaire chaud. »<br />
Tebza (Afrique du Sud) Pantsula<br />
Avec le Pantsula, une danse de Johannesbourg,<br />
Tebza a été révélé sur l’édition du <strong>Red</strong> Bull<br />
Dance Your Style Afrique du Sud l’an dernier.<br />
Il est réputé pour sa dextérité et sa précision.<br />
Blondy (France) Popping<br />
Malgré une carrière copieuse, vous trouverez<br />
encore Blondy dans les rues de Paris, réalisant<br />
des performances de danse qui mettent systématiquement<br />
le public en feu.<br />
Cette confiance en vous, développée<br />
tout au long de votre carrière,<br />
comment la transmettre aux personnes<br />
plus timides, peu sûres<br />
d’elles ?<br />
Il faut savoir qu’à la base, j’étais moimême<br />
quelqu’un de très timide, qui<br />
ne parlait pas du tout. Faire ce que<br />
nous faisons en ce moment, une<br />
interview, il y a quelques années, ça<br />
aurait été impossible. Je n’aurais pas<br />
pu parler. Avant, on disait que j’étais<br />
bizarre. (rires) En fait, j’étais trop<br />
timide. Par contre, quand je dansais<br />
c’était autre chose. Ce que je pourrais<br />
conseiller aux gens qui sont bloqués,<br />
c’est de se forcer. Respire, et imagine<br />
que la personne en face de toi est<br />
nue. Il faut imaginer une situation<br />
qui te mette à l’aise. Force-toi.<br />
Vous avez appris à vous ouvrir, à<br />
être plus à l’aise, grâce à la danse ?<br />
J’ai appris dans tout. En échangeant<br />
avec les gens, en voyageant, en prenant<br />
des cours de danse, en donnant<br />
des cours moi-même. C’est un tout.<br />
Le plus dur, c’est d’essayer, de sortir<br />
de ta situation. Et le pire, c’est de ne<br />
pas essayer. Que ça marche ou non,<br />
au moins tu l’auras fait, et tu passeras<br />
à autre chose.<br />
Instagram : @s.mavinga<br />
THE RED BULLETIN 57
Aux yeux de ces kids, il<br />
est Superbruni. Aux Gets<br />
le 13 juillet dernier, le<br />
champion du monde de<br />
VTT descente Loïc Bruni<br />
dédie du temps à ses<br />
fans. Son parcours<br />
n’aurait pas été le même<br />
sans ses supporteurs.
FANS<br />
FACTOR<br />
Texte<br />
PIERRE-HENRI CAMY<br />
Photos<br />
TEDDY MORELLEC<br />
59
Superbruni… Le Pape de la descente…<br />
Sur le circuit international du VTT DH,<br />
Loïc Bruni n’est pas réputé que pour<br />
ses surnoms, son engagement et ses<br />
titres (il est trois fois champion du<br />
monde de descente). Ses fans, nombreux,<br />
ont contribué à sa carrière et l’ont<br />
installé comme un pilote à part. Nous nous<br />
sommes jetés parmi eux sur l’épreuve de<br />
Coupe du monde UCI de descente, aux<br />
Gets, en juillet dernier, et nous avons<br />
questionné ce Français de 25 ans sur<br />
l’impact de son public sur sa performance.<br />
<strong>The</strong> red bulletin :<br />
Loïc, parmi les<br />
pilotes de VTT<br />
descente de haut<br />
niveau, vous<br />
drainez l’une des<br />
fanbases les plus<br />
copieuses et motivées.<br />
Comment<br />
avez-vous réussi à<br />
fédérer cette foule autour de vous ?<br />
loïc bruni : Je ne sais pas si ma<br />
base de fan est plus vaste ou plus<br />
folle que celle d’autres pilotes, mais<br />
je sais que les fans français aiment<br />
bien se démarquer, se déguiser, faire<br />
des pancartes, faire du bruit au max,<br />
ce qui donne cette impression de<br />
folie quand on roule. S’ils sont là,<br />
je pense que c’est parce que depuis<br />
le début, je suis resté assez disponible<br />
pour les gens, j’ai essayé de leur<br />
répondre sur les réseaux sociaux,<br />
de faire des photos sur les courses<br />
avec eux, de toujours être là pour<br />
eux. Rencontrer un pilote, c’est<br />
toujours une grande opportunité<br />
pour le public.<br />
Voir très rarement vos fans, en<br />
vrai, entretiendrait leur passion<br />
pour votre performance ?<br />
Le fait de ne se voir que sur quelques<br />
rares moments de l’année préserve<br />
le côté unique de ces instants de<br />
rencontre et d’échange. Et quand<br />
on est sur la piste, on passe à 40 ou<br />
50 km/h, donc ils nous voient trois<br />
secondes. Tout est intense, il faut<br />
en profiter à chaque moment.<br />
Comment vous comportez vous<br />
dans ces moments rares ?<br />
J’essaie toujours d’être à la hauteur<br />
de leurs attentes, dans la mesure du<br />
Si l’on fait le compte des épreuves<br />
de descente auxquelles vous participez<br />
sur une saison, les chances<br />
de vous rencontrer physiquement<br />
sont finalement très limitées.<br />
Cela représente quoi ?<br />
Ça doit représenter à peu près un<br />
mois sur la saison, ce qui n’est vraiment<br />
pas beaucoup. Ça reste donc des<br />
moments privilégiés. Mais finalement,<br />
quand tu vois trop quelqu’un que tu<br />
suis, ou que tu le connais trop, probablement<br />
que cela te fait moins rêver.<br />
60 THE RED BULLETIN
Ci-dessus : les sentiers de la gloire. Page de gauche : sur une compétition de descente,<br />
le spectacle est aussi côté public. Ci-contre : autographe dans les paddocks pour un fan heureux.<br />
possible. Après, côté résultat, c’est<br />
parfois en dents de scie, mais en<br />
France, j’ai souvent bien roulé. Et<br />
puis, surtout, mon « histoire » est belle<br />
car les dernières années n’ont jamais<br />
été faciles : des blessures, des retours<br />
de blessure fracassants, des blessures<br />
à nouveau, des galères… Ça n’a jamais<br />
été tout beau ni tout rose.<br />
Cela a contribué à souder ce<br />
public, fidèle, autour de vous ?<br />
Je pense qu’à travers mes galères,<br />
les gens ont pu s’identifier, et quand<br />
j’arrivais à faire péter c’était encore<br />
plus beau. C’est peut-être ça aussi<br />
qui a créé cette adhésion des fans.<br />
C’est comme dans un film : si tout<br />
le monde est heureux, ou si tout le<br />
monde meurt, tu te fais chier. (rires)<br />
Pour les fans, c’est bien quand il y a<br />
des rebondissements, des moments<br />
de galère où c’est la merde, et<br />
d’autres où c’est l’extase. Les gens ont<br />
aimé me suivre, et j’ai l’impression de<br />
les avoir emmenés avec moi. Quand<br />
je suis revenu de blessures et que j’ai<br />
gagné les championnats du monde<br />
en Australie, ils se sont levés à je ne<br />
sais quelle heure pour regarder cette<br />
THE RED BULLETIN 61
course. Et contrairement aux réseaux<br />
sociaux où c’est orienté « chasse aux<br />
followers, chasse à l’engagement »,<br />
ce qui est un peu relou à mes yeux,<br />
dans ces moments de course, tu fais<br />
tout spontanément, et tu ne peux pas<br />
contrôler si le public va t’aimer ou<br />
pas. Que des fans aient accroché à<br />
mon parcours et à mon team, c’est<br />
vraiment cool.<br />
Un pilote spontané, qui rebondit,<br />
s’acharne, qui n’est pas en quête<br />
du like sur les réseaux : c’est tout<br />
ça qui attire les gens vers vous ?<br />
C’est dur à expliquer par A + B…<br />
Je ne sais pas te dire… Je n’ai jamais<br />
fait dans la langue de bois, j’ai toujours<br />
dit ce que je pensais, même si<br />
certains n’ont pas kiffé, et j’ai été apprécié<br />
pour dire le fond de ma pensée.<br />
Je suis assez simple comme gars,<br />
normal, alors quand quelqu’un vient<br />
me voir pour une photo ou autre sur<br />
une course, je tchatche avec lui et<br />
il en garde un bon souvenir. Ça le<br />
motive à me soutenir. Aussi, avec les<br />
sponsors, on fait attention à l’image<br />
que l’on transmet. On prend soin de<br />
nos tenues, de nos casques, de nos<br />
vélos… Tout cela fait rêver les gens,<br />
et contribue à entretenir une belle<br />
image de la descente, nickel.<br />
Être très soutenu peut-être néfaste<br />
pour la performance en course ?<br />
Ça peut l’être, parfois, quand tu te<br />
laisses emporter par les compliments.<br />
Les gens te mettent un peu sur un<br />
piédestal et tu ne te sens plus. Tu<br />
pars faire un run et tu roules à fond,<br />
ton ego est boosté, au taquet, ça<br />
déborde de partout, et au premier<br />
virage, tu te la colles… Il faut donc<br />
faire gaffe !<br />
Comment éviter de prendre trop de<br />
risques à trop vouloir satisfaire ses<br />
fans ?<br />
Aux Gets, cette année, plusieurs fois,<br />
je me suis calmé, je me suis mis à<br />
souffler, à tout relâcher. Quand les<br />
gens te sautent dessus, quand tu en<br />
Les épreuves de DH sont réputées pour leur ambiance survoltée, certains fans<br />
français s’y pointent avec des tronçonneuses customisées au bruit assourdissant.<br />
as 20, 25 sur toi en une seconde, en<br />
mode : « Allez Loïc, allez Loïc, tu vas<br />
gagner, tu roules trop bien ! », là ton<br />
ego et ta confiance prennent un coup<br />
de boost qui peut être too much.<br />
Vous avez dit avoir abordé cette<br />
descente de manière plus « intelligente<br />
». Honorer vos fans peut<br />
aussi vouloir dire ne pas aller trop<br />
vite, trop à fond, être plus stratégique<br />
que fulgurant ?<br />
Les années précédentes, aux Gets,<br />
je me mettais un peu le feu, au bord<br />
de la piste et en course. Je roulais<br />
un poil au-dessus de mes pompes, à<br />
cause du bruit, de l’euphorie, de tous<br />
62 THE RED BULLETIN
Champion du monde<br />
juniors en 2012 et<br />
trois fois en élites<br />
(2015, 2017 et 2018),<br />
Loïc est l’un des boss<br />
de la planète DH.<br />
« Pour les fans, c’est<br />
bien quand il y a des<br />
rebondissements,<br />
des moments de<br />
galère où c’est la<br />
merde, et d’autres où<br />
c’est l’extase. »
« En Australie, en<br />
2017, il y avait toute<br />
cette foule qui gueulait,<br />
qui gueulait,<br />
qui gueulait… alors<br />
je me suis arraché<br />
comme jamais sur<br />
le sprint final, et j’ai<br />
gagné la course ! »<br />
Aux Gets, après un<br />
départ à 1 719 mètres<br />
d’altitude, Loïc défie<br />
le chrono sur 2 300<br />
mètres et un dénivelé<br />
négatif de 550.
les gens qui sont présents et qui te<br />
soutiennent. Il m’est arrivé de me<br />
mettre un peu la pression, sans forcément<br />
tomber. Je savais que cette<br />
année, aux Gets, ça allait être blindé,<br />
un truc de malade, du coup, j’ai<br />
essayé de gérer.<br />
C’est-à-dire ?<br />
J’ai essayé d’avoir des créneaux de<br />
disponibilité pour signer des autographes<br />
et faire des photos avec le<br />
public. Et d’autres où je restais<br />
concentré sur mon week-end de<br />
course. J’ai l’impression que je n’arrive<br />
plus trop à faire les deux : être<br />
dispo pour les fans tout le temps,<br />
toute la journée, et faire une bonne<br />
course. J’ai donc essayé de canaliser<br />
les deux trucs, et de garder un pied<br />
dans la course.<br />
Concrètement, pendant la course,<br />
avec la foule qui vous soutient,<br />
comment faites-vous pour ne pas<br />
« déborder » ?<br />
Sur mon run final, les gens sur le<br />
bord étaient en folie, il y avait beaucoup<br />
de bruit. En tant que pilote, tu<br />
« Rencontrer<br />
son public,<br />
ça reste des<br />
moments<br />
privilégiés. »<br />
sentais qu’il se passait quelque chose<br />
de fort. J’en mettais, je roulais bien,<br />
mais dans un coin de ma tête, j’avais<br />
toujours la petite voix du classement<br />
général de la Coupe du monde qui<br />
me disait : « N’en met pas trop non<br />
plus… » J’ai donc essayé de ne pas<br />
partir à la faute, mais j’ai vraiment<br />
kiffé. J’étais concentré, mais j’arrivais<br />
à profiter du moment, des gens qui<br />
hurlaient. Arrivé en bas, je savais que<br />
mon run était bon, sans être fou. Je<br />
n’ai pas roulé pour gagner, mais pour<br />
marquer des points. Même si j’aurais<br />
kiffé l’emporter aux Gets avec tout ce<br />
monde qu’il y avait.<br />
Ne pas rouler trop à fond pour<br />
préserver une place en tête du<br />
classement général, ça ne doit pas<br />
être facile à assumer en tant que<br />
descendeur pro… Votre but, c’est<br />
bien d’être le plus rapide ?<br />
Je ne regrette rien, car si j’avais plus<br />
attaqué et que j’étais tombé, ça m’aurait<br />
coûté cher. C’est la première fois<br />
que j’avais une aussi bonne position<br />
au classement général, et avec mon<br />
team, on a pas mal discuté de la manière<br />
de marquer des points au général,<br />
tout en roulant bien. En plus,<br />
c’est un Français, Amaury Pierron,<br />
qui a gagné, et un autre Français,<br />
Loris Vergier, a terminé cinquième.<br />
Le public était au rendez-vous et<br />
nous aussi, je suis content.<br />
Les fans vous ont-ils déjà permis<br />
de vous dépasser, vous ont-ils fait<br />
passer dans une dimension supérieure<br />
de performance ?<br />
Oui, la première fois où j’ai roulé à<br />
Lourdes, en 2015. Il y avait un monde<br />
de fou, tout le week-end, ça nous a<br />
porté. On roulait presque sur eux,<br />
pour ainsi dire. On a toujours eu des<br />
fans, mais là, c’était la première fois<br />
de ma vie où je me sentais « connu ».<br />
Ça criait dans tous les sens, et dans<br />
les sections dans les bois, ça résonnait,<br />
c’était fou.<br />
« Make dowhnill great again », indique le panneau qui attend Loïc en bas de la piste. Son run<br />
final à peine terminé, il se tourne vers les panneaux de temps pour connaître son classement.<br />
À l’inverse, le bruit du public peutil<br />
perturber un pilote de descente ?<br />
Ça peut surprendre, car dans le haut<br />
du parcours, tu enchaînes des parties<br />
dans des sections calmes, et puis d’un<br />
coup, vers la fin, le bas, là où tous<br />
les gens sont concentrés, tu as toute<br />
cette foule amassée sur le bord…<br />
Baaaaah ! Ça fait un choc, ça met un<br />
coup d’adrénaline, mais si tu es bien<br />
concentré, bien dans ta course, ça va.<br />
C’est une fois arrivé en bas, quand tu<br />
THE RED BULLETIN 65
« Quand tout<br />
va bien et que ça<br />
soude, c’est la<br />
meilleure version<br />
de moi : c’est là<br />
que Superbruni<br />
est de sortie. »<br />
Avec Hugo, un fan acharné, et son<br />
père au short camo, Bruno. Ils ont<br />
créé ce portrait de Loïc « trumpisé »<br />
pour le soutenir. Mode second degré.
J’ai kiffé la pancarte, et je les ai kiffés<br />
aussi, parc qu’ils étaient grave sympas.<br />
Superbruni est né à ce moment-là.<br />
Quand je dis « when it goes well »,<br />
c’est quand tout va bien et que ça<br />
soude. C’est la meilleure version de<br />
moi-même : c’est là que Superbruni<br />
est de sortie. D’autres jours, c’est<br />
moins le cas. (rires)<br />
Loïc termine deuxième de l’épreuve des Gets mais se maintient en tête du classement<br />
général de la Coupe du monde. Avec deux Français sur le podium, le champagne s’impose.<br />
L’année suivante, on aussi vu<br />
un panneau « Bruni : 1st Pope of<br />
Downhill » (Bruni 1er : le pape<br />
de la descente, ndlr), les mêmes<br />
fans étaient encore à l’origine<br />
du délire ?<br />
Oui, comme pour Superbruni, il<br />
s’agit de Bruno Vallat et de son fils,<br />
Hugo. Ils ont aussi fait un panneau<br />
parodiant une pub Kinder, et un<br />
autre où je porte une coupe nuquelongue,<br />
un mulet, comme dans les<br />
années 80. (rires)<br />
te retournes que tu te dis : « Putain,<br />
à partir de là, il y avait un monde ! »<br />
À Cairns, en Australie, en 2017, il y<br />
avait toute cette foule qui gueulait,<br />
qui gueulait, qui gueulait… alors je<br />
me suis arraché comme jamais sur le<br />
sprint final, et j’ai gagné la course !<br />
C’était fou !<br />
À l’inverse, est-ce que vos fans<br />
vous ont déjà mis en difficulté ?<br />
Pas vraiment. Pas dans la course à<br />
proprement parler. Parfois c’est plus<br />
des à-côtés, des gens qui insistent<br />
un peu, qui te demandent de leur<br />
donner un truc, ton matos. Tu leur<br />
réponds gentiment que tu ne peux<br />
pas, alors ils te demandent un autre<br />
truc. (rires)<br />
Qu’est-ce que vos supporteurs<br />
vous demandent le plus ?<br />
Souvent, c’est le maillot. Des maillots,<br />
on en a très peu, et si on en<br />
donne, c’est aux amis, ou aux sponsors.<br />
Ou bien à des associations. Les<br />
gens ne comprennent pas forcément<br />
qu’on ne puisse pas donner nos<br />
lunettes, notre casque ou notre<br />
casquette. En soirée aussi, ça peut<br />
être chiant. (rires)<br />
Même si certains insistent parfois,<br />
est-ce que dans les moments de<br />
galère, de blessure, vos fans vous<br />
donnent de la motivation et du<br />
courage ?<br />
Quand tu es en galère côté résultat ou<br />
blessure, et que tu reçois des<br />
messages sur tes photos, que les mecs<br />
te répondent, te mettent du positif<br />
dans ton quotidien, ça fait du bien.<br />
Avec de bonnes hormones, ton cerveau<br />
marche bien, alors tout ça, c’est<br />
sûr, c’est du bon. Même si tu ne<br />
connais pas ces gens, même si tu ne<br />
les as jamais rencontrés, ils te font<br />
passer un message, ils te donnent<br />
l’impression d’être important et d’être<br />
bon, parce qu’ils te soutiennent. C’est<br />
toujours appréciable.<br />
Une nouvelle fois, cette année,<br />
aux Gets, on a pu voir des kids qui<br />
portaient des T-shirts « Superbruni<br />
» et sur votre compte Instagram,<br />
vous indiquez « Superbruni, when<br />
it goes well ». D’où est venu ce<br />
surnom et quand vous transformez-vous<br />
en Superbruni ?<br />
Superbruni, je crois que c’est parti<br />
d’un concours pour gagner une de<br />
mes tenues. Il fallait créer un visuel<br />
de pancarte stylé et la mettre sur un<br />
site Internet. Des gars qui avaient mis<br />
une création Superbruni sur le site<br />
l’ont carrément imprimée et sont<br />
venus avec sur la course de Lourdes.<br />
« Cette année, aux Gets,<br />
je savais que ça allait<br />
être blindé, un truc de<br />
malade, du coup, j’ai<br />
essayé de gérer. »<br />
Ils s’étaient préparés pour Les Gets<br />
cette année ?<br />
Carrément ! Ils avaient fait un panneau<br />
où ils m’ont photoshopé sur<br />
la gueule de Trump, avec marqué<br />
« Make downhill great again ». (rires)<br />
À chaque fois, c’est eux. C’est un bon<br />
délire, on rigole bien ensemble.<br />
Ce côté autodérision affiché et assumé,<br />
c’est important pour vous ?<br />
C’est clair, il n’y a rien de sérieux<br />
là-dedans, c’est juste pour le kiff. Ça<br />
motive plein de gens à faire des photos,<br />
des panneaux, je trouve ça cool.<br />
Est-ce que vous êtes vous-même<br />
fan d’un sportif, d’un artiste ou<br />
d’un acteur, que vous suivez sur les<br />
réseaux, à qui vous adressez des<br />
commentaires ?<br />
Je suis beaucoup le moto GP et le<br />
motocross aux US. J’aime bien commenter<br />
quand il se passe un truc.<br />
Quand je vois que le mec galère, si je<br />
pense à quelque chose de positif à lui<br />
adresser, je le fais. Parce que je sais<br />
à quel point c’est cool de recevoir des<br />
messages de la sorte.<br />
Instagram : @loicbruni29<br />
THE RED BULLETIN 67
Apparu il y a 2 000 ans,<br />
le sumo est encore le sport<br />
national au Japon, mais<br />
sa maîtrise a dépassé ses<br />
frontières. De nouveaux<br />
concurrents planétaires<br />
font leur apparition, et<br />
forcent les Japonais à<br />
redoubler d’efforts pour<br />
rester au top. En témoigne<br />
la plus grande compétition<br />
organisée en dehors du<br />
Japon : l’US Sumo Open.<br />
Texte TOM WARD<br />
Photos JEREMY LIEBMAN<br />
C’est<br />
du<br />
lourd<br />
68 THE RED BULLETIN
Byambajav Ulambayar<br />
est un géant du sumo à<br />
plus d’un titre : l’ancien<br />
professionnel mongol<br />
a remporté l’US Sumo<br />
Open dix fois depuis<br />
2007, dans la catégorie<br />
poids lourds.
« Le sumo, c’est un peu<br />
comme la lutte<br />
professionnelle américaine :<br />
un vrai spectacle. »<br />
Le 19 e US Sumo Open, le plus grand tournoi de sumo organisé en<br />
dehors du Japon, a attiré près de 5 000 spectateurs et 64 lutteurs<br />
internationaux à la Walter Pyramid de Long Beach (Californie).<br />
71
Le Norvégien Henning<br />
Westerby tente de faire<br />
sortir du ring l’Américain<br />
Robert Fuimaono, reconnaissable<br />
à son tatouage<br />
« Bulldozer ».
Le sumo mêle héritage<br />
et réinvention pour<br />
satisfaire les attentes<br />
d’un public plus large<br />
et international.<br />
Hiroki Sumi domine la compétition.<br />
En 2018, le lutteur de sumo japonais<br />
a été la grande surprise du WWE<br />
Greatest Royal Rumble, une compétition<br />
de catch organisée en Arabie<br />
saoudite, pendant laquelle se sont<br />
affrontés cinquante hommes.<br />
Sumi repose ses 220 kg.<br />
Il est l’un des sumos les plus<br />
lourds de la competition.<br />
73
Tout en haut des gradins, les trois lutteurs de<br />
sumo qui se mettent en position sur le terrain<br />
de basket-ball ressemblent à de gros ballons de<br />
plage en cuir. C’est une comparaison assez inhabituelle.<br />
Mais après tout, on est en Californie,<br />
et plus précisément dans le stade de l’université<br />
d’État de Californie (California State University)<br />
à Long Beach. La Walter Pyramid compte 4 000<br />
places et accueille les équipes de basket-ball et<br />
d’athlétisme des 49ers de Long Beach State.<br />
L’intérieur de la salle est tapissé de bannières noir et or sur lesquelles<br />
on peut lire : « Go Beach ». Il y a un stand de pop-corn et<br />
des vendeurs proposent des hot-dogs et des sodas XXL.<br />
Dans ce lieu aussi américain que peut l’être l’apple pie, deux<br />
lutteurs japonais et un lutteur mongol ne passent pas inaperçus<br />
lorsqu’ils s’échauffent sur le parquet lustré du terrain de basket.<br />
Les trois athlètes sont Byambajav Ulambayar, un Mongol de<br />
1,84 mètre et ancien lutteur de sumo professionnel ; Hiroki Sumi,<br />
un Japonais de 1,92 mètre ; et, avec son modeste 1,70 mètre,<br />
Takeshi Amitani, quintuple champion japonais universitaire. En<br />
cet après-midi de la mi-mars, ils sont venus pour le 19 e US Sumo<br />
Open annuel, le plus grand tournoi de sumo organisé en dehors<br />
du Japon. Tous les participants réunis ont récolté 18 titres de<br />
champion du monde de sumo et viennent de pays aussi lointains<br />
que le Japon, la Mongolie, l’Inde, l’Égypte, le Tadjikistan, la<br />
Géorgie, l’Ukraine, la Norvège ou l’Allemagne.<br />
Surprenant ? Pas vraiment. Plus que tout autre sport, le sumo<br />
est l’objet d’une tradition en pleine mutation. Au Japon, les meilleurs<br />
lutteurs sont régulièrement battus par de nouveaux concurrents<br />
venus de Russie, de Mongolie et d’Ukraine. En effet, ces<br />
pays ont adopté avec enthousiasme le sport national japonais<br />
et ont entrepris de le dominer.<br />
Cela vaut son pesant d’or<br />
Deux jours avant le début du 19 e US Sumo Open, dans la Walter<br />
Pyramid, nous retrouvons quelques-uns des plus célèbres compétiteurs<br />
à la pesée. Byambajav Ulambayar, l’ancien lutteur de<br />
sumo professionnel de 35 ans, affiche 161 kg sur la balance.<br />
« Je n’ai que la peau sur les os », plaisante-t-il.<br />
Alors que Byambajav Ulambayar revêt son peignoir violet aux<br />
motifs floraux et déambule avec la prestance d’un roi, Hiroki<br />
Sumi, 29 ans, saisit son ventre rebondi à pleines mains et grimpe<br />
sur la balance. Avec ses 220 kg, c’est l’un des lutteurs les plus<br />
lourds de la compétition. Quant à Takeshi Amitani, 26 ans et<br />
100 kg, il entre parfaitement dans la catégorie poids moyens.<br />
Pendant que Byambajav Ulambayar tente de marquer un<br />
panier avec une serviette roulée en boule, Takeshi Amitani et<br />
Hiroki Sumi forment un duo à la Laurel et Hardy, le premier<br />
traduisant nos questions à son collègue bien plus grand que lui.<br />
Affichant un éternel sourire, Hiroki Sumi, qui a combattu en<br />
2018 lors de l’un des plus grands événements de la WWE, le<br />
Greatest Royal Rumble, ressemble à une version japonaise de<br />
Dustin dans Stranger Things, la série Netflix.<br />
« Je m’entraîne très dur », raconte Hiroki Sumi par l’intermédiaire<br />
de Takeshi Amitani, un apollon musclé aux cheveux lissés<br />
vers l’arrière, une oreille gauche en chou-fleur et un œil en partie<br />
fermé à cause d’une blessure. « Je soulève 90 kg sur le banc,<br />
60 kg aux épaules et 140 kg aux jambes. » Sumi reproduit les<br />
mouvements tout en parlant, et ses membres, impressionnants,<br />
se contractent.<br />
Il montre son genou droit lézardé d’une méchante cicatrice<br />
rouge et boursouflée. Le prix à payer pour ses journées passées<br />
à soulever des poids et faire des squats.<br />
La routine de Takeshi Amitani est plus ou moins la même.<br />
Lorsqu’il était à l’université, il a voulu prendre de la masse<br />
74 THE RED BULLETIN
Les Ukrainiens se<br />
montrent performants<br />
dans le sumo moderne.<br />
Ici, les compatriotes<br />
Demid Karachenko et le<br />
futur vainqueur Sviatoslav<br />
Semykras s’affrontent<br />
lors de la finale hommes<br />
en poids légers.<br />
musculaire. Il a donc suivi un régime à base de sushis, de rāmen<br />
et du plat de base des lutteurs de sumo, le chankonabe, un<br />
ragoût assez sain et bourré de protéines (poulet, tofu, boulettes<br />
de viande ou poisson), ainsi que du riz gluant ou des nouilles, et<br />
des légumes (bok choy, champignons, daikon ou radis blanc et<br />
carottes), pour se forger un corps d’athlète. Officiant à présent<br />
dans la catégorie poids moyens, il a ajouté la course à pied à son<br />
hygiène de vie.<br />
Hier soir, les trois lutteurs de sumo ont profité d’un barbecue<br />
à l’hôtel. « Nous avons mangé entre 5 et 6 kg de viande », s’amuse<br />
Byambajav Ulambayar. Pour se bâtir le corps d’un lutteur de haut<br />
niveau, les homologues de Byambajav Ulambayar doivent<br />
enfourner des quantités astronomiques de ce ragoût chaque jour.<br />
Le dîner est plus léger et peut se composer de maquereau frit, de<br />
« Il est autorisé de gifler<br />
ou faire des balayettes.<br />
Pas de donner des coups<br />
ni de tirer les cheveux. »<br />
THE RED BULLETIN 75
Les Russes, Mongols ou<br />
Ukrainiens terrassent<br />
fréquemment les top<br />
lutteurs japonais.<br />
nouilles et de salade. Et comme le sumo est un sport qui se pratique<br />
365 jours par an, sans saisons compétitives spécifiques,<br />
le régime des lutteurs professionnels ne change jamais.<br />
Tout cela entretient l’image occidentale typique d’un lutteur<br />
de sumo obèse mais musclé. De nombreux lutteurs, et notamment<br />
les concurrents ukrainiens, sont issus d’un milieu de lutte<br />
plus traditionnelle, mais les grandes stars de la discipline se<br />
doivent de gagner le plus de masse possible, non seulement pour<br />
faire le spectacle, mais aussi pour devenir des poids inamovibles.<br />
Plus vous êtes lourd, plus votre adversaire aura du mal à vous<br />
sortir du ring.<br />
S’entraîner avec des adversaires de plus de 160 kg facilite<br />
aussi la préparation des matches : essayez d’en arrêter un et vos<br />
jambes développeront rapidement la force nécessaire pour supporter<br />
leurs assauts sur le ring. Les lutteurs peuvent prendre tellement<br />
de poids qu’en 1994, une étude réalisée par des experts<br />
en sciences du sport issus de quatre universités tokyoïtes a pu<br />
déterminer la limite supérieure de masse corporelle non grasse<br />
chez l’être humain. D’après les résultats obtenus, le corps d’un<br />
lutteur de sumo moyen contient 26,1 % de graisse, tandis que le<br />
corps d’un bodybuilder en contient 10,9 %.<br />
Mais pour devenir lutteur de sumo professionnel, un appétit<br />
d’ogre ne suffit pas. Il faut se consacrer entièrement à son équipe<br />
de sumo au Japon et s’entraîner chaque jour pour espérer<br />
concourir au plus haut niveau. Tous les autres sont considérés<br />
comme des amateurs.<br />
Alors que Takeshi Amitani n’était encore qu’un apprenti au<br />
Japon, Hiroki Sumi et Byambajav Ulambayar luttaient déjà à un<br />
niveau professionnel. Aujourd’hui, tous trois vivent en Californie<br />
et représentent donc parfaitement leur sport en dehors du<br />
Japon. Depuis que le sumo est devenu sport olympique (bien<br />
qu’il ne soit pas au programme des JO de Tokyo 2020), ils sont<br />
de plus en plus sollicités.<br />
Lorsqu’il ne participe pas à une compétition, Takeshi Amitani<br />
enseigne dans un dohyō (ring) dans son quartier et réalise régulièrement<br />
des performances pour la télévision, contribue à des<br />
expositions et des conférences, tout comme Hiroki Sumi. Byambajav<br />
Ulambayar est lui venu aux États-Unis en 2007 pour faire<br />
une apparition dans le film Ocean’s 13, et il n’est jamais reparti.<br />
Mais l’US Sumo Open n’est pas une exposition comme les autres<br />
pour ces lutteurs. C’est aussi la compétition la plus prestigieuse<br />
en dehors du monde professionnel du sumo, et c’est un excellent<br />
moyen de garder la forme auprès des concurrents étrangers.<br />
Byambajav Ulambayar a atteint le haut du classement dans la<br />
catégorie poids lourds dix fois depuis 2007, tandis que Hiroki<br />
Sumi a remporté 234 matches pendant toute sa carrière professionnelle<br />
au Japon.<br />
« Le sumo est d’une grande simplicité, explique Hiroki Sumi<br />
au travers de Takeshi Amitani. De nombreuses personnes respectent<br />
l’art du sumo, et cela ne m’ennuie pas que des étrangers<br />
concourent. Le sumo est toujours un sport mineur, mais j’aimerais<br />
qu’il soit plus populaire. J’ai été professionnel pendant longtemps<br />
au Japon, mais je voulais montrer mes techniques à plus<br />
de gens. C’est pourquoi je suis venu en Amérique. »<br />
Le résident mongol, Byambajav Ulambayar, est un homme<br />
peu disert mais d’une grande sagesse. « J’adore mon sport, dit-il.<br />
En Amérique, c’est un sport en plein essor. Les concurrents sont<br />
de plus en plus forts et ils apprennent énormément. Je pense<br />
qu’ils respectent cette culture. Toutefois, il est difficile d’affronter<br />
des gars qui n’ont jamais été professionnels. Avec un profes-<br />
Andrew McKnight prépare sa<br />
ceinture de sumo, mawashi,<br />
pour son premier tournoi.<br />
Sa longueur varie : de cinq à<br />
six mètres pour les amateurs,<br />
jusqu’à dix mètres pour les pros.<br />
76 THE RED BULLETIN
L’Américain Jose Galindo<br />
se fait sortir en finale de<br />
la catégorie poids lourds.<br />
sionnel, vous connaissez tous les mouvements. Eux viennent de<br />
sports différents, comme le judo, et vous ne savez pas comment<br />
ils vont bouger. » Il hausse les épaules. « Mais je m’y ferai. »<br />
Reborn in the USA<br />
Si les anciens pros se sentent au top, il y a toute une flopée de<br />
lutteurs américains désireux de se faire un nom. Originaire de<br />
Californie, le poids léger Andrew McKnight est un gars nerveux<br />
qui ne tient pas en place. « J’ai toujours fait de la lutte, et le sumo<br />
est venu naturellement, raconte-t-il. Je pense que beaucoup de<br />
gars espèrent devenir boxeurs professionnel ou combattants de<br />
MMA, mais une fois que vous avez accepté le fait que cela n’arrivera<br />
jamais, c’est un bon compromis. »<br />
Ayant trouvé l’inspiration il y a environ un an, McKnight a<br />
construit son propre ring dans son jardin et pratique le sumo<br />
avec ses colocataires. Ce sera sa première compétition. « J’adore<br />
le côté traditionnel de ce sport, ajoute-t-il. Le sumo, c’est un peu<br />
comme la lutte professionnelle américaine : un vrai spectacle.<br />
C’est bon de voir un endroit où les traditions sont respectées,<br />
même si elles n’ont plus tellement de sens aujourd’hui. »<br />
Luttant dans la catégorie poids lourds, Jose Galindo a découvert<br />
le sumo en regardant une vidéo YouTube de Byambajav<br />
Ulambayar qui balayait son adversaire.<br />
Né et ayant grandi dans l’Utah et à Los Angeles, Jose Galindo<br />
était joueur de football semi-pro. Il exerce à présent le métier de<br />
chiropracteur et fait son apparition pour la pesée avec des traces<br />
rouges de ventouses sur tout le corps.<br />
Comme Andrew McKnight, ce sera sa première compétition.<br />
« J’ai commencé il y a un mois et demi », explique-t-il. Il a rempli<br />
le formulaire d’inscription et payé les 30 dollars de frais. Et<br />
voilà ! « C’est un baptême du feu », reconnaît Jose Galindo.<br />
Cependant, les concurrents américains ne sont pas tous des<br />
débutants. Le poids lourd Kelly Gneiting est une légende dans ce<br />
sport : il a remporté cinq fois le championnat des États-Unis.<br />
Avec ses 197 kg, il est arrivé dans cette discipline après avoir<br />
dépassé le poids de compétition maximal autorisé pour la lutte<br />
gréco-romaine. Âgé de 48 ans, il est le seul concurrent à avoir<br />
participé au tout premier US Sumo Open en 2001.<br />
« Les plus grandes vérités sont cachées, philosophe-t-il. Le<br />
sumo est le sport le plus dur au monde. C’est de la brutalité à<br />
l’état pur. » Pendant l’un de ses combats à Tokyo en 2004, il a pris<br />
une main dans l’œil. « Vous ne faites pas ça au sumo, dit-il.<br />
C’était comme si l’évier de la cuisine m’était tombé sur la tête.<br />
Des choses qu’on ne tolérerait pas aux États-Unis ou au<br />
Royaume-Uni sont parfaitement normales au Japon. » Selon lui,<br />
l’équipe japonaise adverse ne voulait pas d’un étranger dans son<br />
sport. Une attitude courante dans l’univers du sumo professionnel<br />
à cette époque, d’après lui. Il pense cependant que les Japonais<br />
ont appris à lâcher du lest au fil des ans.<br />
Andrew Freund est le fondateur et l’organisateur de l’US<br />
Sumo Open, et on voit en lui l’énergie frénétique des personnes<br />
privées de sommeil. Après avoir vécu au Japon au début des<br />
années 1990, Andrew Freund a commencé à organiser des tournois<br />
de sumo en Californie pour le fun, puis il a créé le premier<br />
THE RED BULLETIN 77
« Pour les Japonais,<br />
le sumo, c’est simple :<br />
peu importe la nationalité<br />
du vainqueur. »<br />
US Open en 2001. Selon lui, la moitié des concurrents sont généralement<br />
Américains. Les autres sont étrangers. Et 90 % du<br />
temps, ce sont les concurrents étrangers qui terminent sur le<br />
podium. « Les États-Unis sont un peu à la traîne dans le domaine<br />
du sumo amateur international », dit-il avec nonchalance.<br />
D’après Andrew Freund, la dichotomie entre le sumo japonais<br />
et le sumo non japonais n’est pas le plus grand élément de division<br />
dans ce sport. Le plus grand contraste se situe en effet entre<br />
le monde professionnel et le monde amateur. « Le sumo professionnel<br />
au Japon est une entité à part entière, ajoute-t-il. Lorsque<br />
vous entrez dans le monde du sumo professionnel, vous n’avez<br />
pas de métier, vous n’avez pas de vacances, et vous n’avez pas<br />
votre chez-vous. Vous voulez aller quelque part pour la journée ?<br />
Vous devez en parler à vos entraîneurs. La plupart de ces gars<br />
s’entraînent 365 jours par an. Ce n’est pas comme le football<br />
américain où vous jouez pendant trois ou quatre mois, puis<br />
profitez d’une saison de liberté. »<br />
Il explique que Byambajav Ulambayar a été lutteur de sumo<br />
pro pendant cinq ans. Tout du long, il n’a vu sa famille qu’une<br />
seule fois. « Lorsque vous devenez pro, vous ne faites plus rien<br />
d’autre. Et quand vous prenez votre retraite, vous ne pouvez plus<br />
revenir en arrière. » Mais toutes les personnes qui pratiquent le<br />
sumo au Japon ne le font pas selon les règles strictes des temps<br />
anciens. « Des dizaines de milliers de personnes pratiquent, précise<br />
Andrew, mais entre 600 et 700 seulement sont pros. »<br />
Les autres pratiquent le sumo comme vous joueriez au foot.<br />
Il y a des équipes scolaires, régionales ou d’entreprise qui s’affrontent<br />
après les heures de cours ou de bureau. Vous pourrez<br />
par exemple voir l’équipe Nissan défier l’équipe Toyota. « Ce n’est<br />
pas une question de pratique au Japon ou en dehors du Japon»,<br />
précise Andrew Freund. C’est une question de standards professionnels<br />
et amateurs au Japon et dans le reste du monde. »<br />
Concernant l’attitude des Japonais vis-à-vis de la compétition<br />
étrangère, Andrew Freund reconnaît que les réactions sont miti-<br />
Dans la catégorie poids<br />
moyens, Takeshi Amitani<br />
expédie son adversaire.<br />
78 THE RED BULLETIN
F RA NCE
L’Américain Kelly<br />
Gneiting (à gauche)<br />
aux prises avec son<br />
adversaire lors des<br />
premiers tours de<br />
la compétition dans<br />
la catégorie hommes<br />
poids lourds.<br />
gées : « Certains puristes disent que nous édulcorons et corrompons<br />
leur sport, et que les étrangers ignorent les concepts d’honneur<br />
et de tradition japonaise. » Malgré cela, il existe un<br />
moratoire officiel concernant les étrangers qui rejoignent les<br />
écuries de sumo professionnelles, à savoir un par équipe. « On<br />
compte 700 lutteurs de sumo répartis dans 35 écuries. Autrement<br />
dit, 5 % d’entre eux peuvent être étrangers, tout au plus,<br />
estime Andrew Freund. Et c’est non négociable. »<br />
Les seigneurs du sumo<br />
C’est le jour J. Les 4 000 spectateurs s’installent avec leurs boîtes<br />
à bento et leurs canettes de Sapporo alors que les joueurs de<br />
taiko traditionnel entament leur performance. Folklore japonais<br />
mis à part, cela pourrait être le public de n’importe quel sport<br />
américain habituel : éclectique et pas timide pour deux sous.<br />
Sur le dohyō, un arbitre japonais officie calmement en chemise<br />
blanche, nœud papillon et gants. Les matches sont souvent<br />
très rapides : à peine 10 secondes avant que l’un des lutteurs ne<br />
mette son adversaire à terre ou ne l’entraîne hors du cercle. Il<br />
existe 82 techniques de combat reconnues, et la plupart d’entre<br />
elles impliquent de pousser ou projeter son adversaire. Il est<br />
autorisé de donner des gifles, de faire des balayages de jambe et<br />
de tirer sur la ceinture (mawashi) de son adversaire. Mais il est<br />
interdit d’asséner des coups de poing, de donner des coups de<br />
pied et de tirer les cheveux.<br />
En bas des gradins, les concurrents attendent leur tour. Les<br />
Ukrainiens, un groupe musclé assez atypique, s’échauffent dans<br />
leur coin. Certains athlètes alternent mouvements d’échauffement<br />
et moments de relaxation. L’équipe norvégienne, blonde<br />
comme sa tenue, a dressé le drapeau national dans un coin,<br />
comme sur un camp de base arctique de fortune.<br />
Les matches hommes poids légers sont vite expédiés : Andrew<br />
McKnight et les douze autres Américains sont éjectés du dohyō<br />
et du tournoi. Point fort de la compétition : l’Ukrainien Sviatoslav<br />
Semykras s’élance contre la poitrine de son adversaire et,<br />
dans un demi-salto, envoie valser ce dernier dans la foule avant<br />
de se réceptionner à la perfection sur ses pieds, ce qui lui permet<br />
de remporter la médaille d’or. Voilà pourquoi les Ukrainiens sont<br />
idolâtrés dans ce sport.<br />
Mais la plupart des spectateurs sont là pour assister à la<br />
compétition hommes poids lourds, et c’est au tour de Byambajav<br />
Ulambayar, qui se place face à l’Égyptien Ramy Elgazar, vainqueur<br />
de l’US Sumo Open en 2015. Un match de sumo commence<br />
lorsque les deux adversaires posent leurs poings sur le sol<br />
du dohyō et lorsqu’ils finissent par s’affronter, l’Égyptien met le<br />
Mongol à terre puis le sort du ring. Il ne s’agit là que de la septième<br />
défaite de Byambajav Ulambayar en plus de dix ans de<br />
matches de sumo aux États-Unis.<br />
Le tournoi du nouveau venu Jose Galindo semble promis<br />
à une fin abrupte alors qu’il se positionne face à Kelly Gneiting,<br />
mais contre toute attente, le vétéran se retrouve soudain hors du<br />
ring. Jose Galindo savoure sa victoire. Un résultat exceptionnel<br />
pour celui qui avoue ne s’être entraîné que quelques semaines.<br />
L’adversaire suivant de Jose Galindo est Hiroki Sumi. Ils se<br />
cherchent pendant un moment, puis Sumi s’effondre. L’arbitre,<br />
persuadé que le pied gauche de l’Américain est sorti du ring en<br />
premier, déclare le lutteur japonais vainqueur. Mais la foule<br />
siffle. La vidéo est consultée et le panel de juges officiels se prononce.<br />
Galindo remporte le match : il bat ainsi son deuxième<br />
champion du monde en deux matches. Alors que Hiroki Sumi<br />
s’assied sereinement, le vainqueur soulève la foule d’un geste.<br />
« J’ai été à des Super Bowls et des finales de la NBA, mais c’est<br />
encore plus génial ! », s’écrie un spectateur.<br />
Enfin, après l’élimination de tous les favoris, Jose se retrouve<br />
face à Oleksandr Veresiuk en finale, mais il tombe sous les<br />
assauts de l’Ukrainien. « Gagner contre Hiroki Sumi, c’était fantastique.<br />
Je ne pensais pas en être capable… J’espérais juste le<br />
fatiguer un peu. » Avec une confiance boostée, Jose Galindo<br />
veut continuer la compétition de sumo. Au point de devenir le<br />
meilleur lutteur américain depuis Kelly Gneiting.<br />
Les compétitions de la journée touchent à leur fin. Les Ukrainiens<br />
ont gagné dans chaque catégorie, hommes et femmes<br />
confondus, à l’exception de la catégorie poids moyens, pour<br />
laquelle Takeshi Amitani a représenté haut les couleurs de son<br />
pays, le berceau du sumo. De tels résultats ne sont plus rares,<br />
mais Takeshi Amitani semble n’éprouver aucune rancœur visà-vis<br />
de ces usurpateurs étrangers, car selon lui, le développement<br />
de la popularité du sumo est très positif. « Je pense que<br />
c’est une bonne chose, dit-il. Le sumo est d’une grande simplicité<br />
et beaucoup de gens peuvent le pratiquer pour s’amuser. Pour<br />
les Japonais, peu importe la nationalité du vainqueur. »<br />
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80 THE RED BULLETIN
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LA CARTE SIMS<br />
Dans le monde virtuel<br />
de ce jeu pionnier, vous<br />
serez bien plus dans le<br />
réel que dans le réel…<br />
PAGE 88<br />
NATURELLEMENT<br />
Erwan est « le plus en<br />
forme du monde », et il<br />
base son fitness sur les<br />
mouvements naturels.<br />
PAGE 90<br />
CLICHÉ DU MOIS<br />
Quand le pilote VTT<br />
Kilian Bron, poursuivi<br />
par un drone, prend<br />
son envol à son tour.<br />
PAGE 98<br />
THOMAS WIELECKI<br />
RALLIEZ LE RALLYE<br />
La dernière étape du WRC<br />
se déroule en Australie en<br />
novembre. Notre reporter<br />
est allé mordre le gravier<br />
et prendre des sensations<br />
« façon rallye ». À vous ?<br />
PAGE 84<br />
THE RED BULLETIN 83
G U I D E<br />
Faire.<br />
Andreas Mikkelsen a perdu du temps en Australie en 2018 après avoir évité un tracteur perdu sur la piste.<br />
FINALE DU WRC<br />
DEVENEZ UN<br />
MORDU DE RALLYE<br />
L’Australie est la Mecque des fans de rallye. Notre rédacteur<br />
en chef musique, Flo Obkircher, s’y est pointé, en<br />
quête de la piste off-road parfaite, et de sensations fortes.<br />
Les oiseaux pépient, les insectes<br />
bourdonnent, le vent<br />
souffle dans les arbres. Le<br />
calme d’un matin parfait. Le long<br />
de la Rhones Creek Road, une<br />
route de gravier qui traverse des<br />
pentes verdoyantes, une douzaine<br />
de lève-tôt s’assoient dans des<br />
chaises de camping. Quand un<br />
grondement sourd nous parvient<br />
au loin, ils bondissent puis courent<br />
vers la piste et s’installent avec<br />
leurs caméras et leurs smartphones.<br />
Le grondement s’amplifie<br />
et devient rugissement. Une voiture<br />
file entre les arbres après le<br />
Covoicourage : avec le pilote pro Brendan Reeves, Flo est violet.<br />
84 THE RED BULLETIN
voyage<br />
NOS RECOS VOYAGE<br />
LE GOÛT DE LA<br />
POUSSIÈRE<br />
Les pilotes parcourent 325 kilomètres<br />
en 25 étapes, répartis sur quatre jours :<br />
où prendre les meilleures photos et<br />
comment vibrer à l’unisson avec le rallye.<br />
Eastern Dorrigo Way : la route de gravier parfaite pour un ressenti rallye.<br />
Australie<br />
Coffs Harbour<br />
Canberra<br />
Sydney<br />
Le rallye a lieu durant le printemps australien, soit<br />
des journées chaudes et ensoleillées (autour de<br />
25 °C) et des soirées fraîches mais agréables.<br />
THOMAS WIELECKI<br />
Trop de poussière ? Les spectateurs en mangent pour être au plus près de l’action.<br />
virage. 160 km/h, 380 chevaux.<br />
Les cailloux volent. La voiture dérape<br />
sur la ligne droite. De longues<br />
secondes… Ensuite, tout devient<br />
brun. De la poussière dans les<br />
yeux, dans le nez, dans la bouche.<br />
Le nuage dense que Thierry Neuville<br />
a créé avec sa Hyundai i20<br />
Coupé WRC subsiste dix secondes.<br />
Tandis qu’il se dissipe, le pilote de<br />
rallye belge a disparu depuis longtemps<br />
vers la colline suivante.<br />
Le Rallye d’Australie disputé en<br />
novembre est un moment fort du<br />
calendrier du World Rally Championship<br />
(WRC), et le nouveau<br />
champion sera couronné ici (c’est<br />
la dernière course de la saison).<br />
Le paysage dans lequel baigne la<br />
ville portuaire de Coffs Harbour<br />
« Vérifiez toujours<br />
les sous-bois.<br />
Ici, les serpents ne<br />
sont jamais loin ! »<br />
sur la côte orientale australienne<br />
est à la fois grandiose et dangereux<br />
(le pilote Toyota Kris Meeke :<br />
« Pendant les pauses pipi, j’examine<br />
toujours les sous-bois, les<br />
serpents ici ne sont jamais loin »).<br />
Les pistes en gravier dans la forêt<br />
tropicale et l’arrière-pays sont parmi<br />
les plus rapides du monde.<br />
Le spectacle des pros du rallye<br />
sur des routes non pavées vu de<br />
POINTS DE VUE<br />
Les meilleurs endroits le long du parcours, pour regarder<br />
les voitures foncer le plus près possible<br />
FLOODED GUMS<br />
Caché au fin fond de la forêt de Wedding Bells, vous pouvez<br />
faire l’expérience des voitures filant à toute vitesse.<br />
SIMPSONS RIDGE<br />
Ici, les voitures passent deux fois. Idéal pour les familles<br />
grâce aux stands restaurants et aux toilettes mobiles.<br />
BLUEBERRY POINT<br />
Deux points d’observation au même endroit : quand les<br />
bagnoles vrombissent en haut et en bas de la colline.<br />
APERÇU<br />
Comment les fans du WRC à Coffs Harbour peuvent groover<br />
AUSTRALIAN RALLY MUSEUM<br />
Cette exposition présente des souvenirs provenant des six<br />
décennies du Rallye d’Australie, sélectionnés par le fondateur<br />
et l’encyclopédie vivante du rallye, Trevor Shelton.<br />
RALEIGH INTERNATIONAL RACEWAY<br />
Pendant le Rallye d’Australie, le parcours situé à 15 minutes<br />
au sud de Coffs Harbour est utilisé par des pros. En dehors du<br />
rallye, vous pouvez le louer pour des séances de drift.<br />
THE RED BULLETIN 85
G U I D E<br />
Faire.<br />
voyage<br />
BOUCLEZ-LA !<br />
RÉVEILLEZ LE PILOTE<br />
QUI EST EN VOUS<br />
Vous avez envie de conduire votre voiture<br />
hors des sentiers battus ? Vous apprendrez<br />
ici à drifter et à la transformer en voiture<br />
de course.<br />
LE DRIFT EN TOUTE SIMPLICITÉ<br />
PRENEZ CHAQUE VIRAGE COMME UN PRO DU RALLYE<br />
3<br />
2<br />
Rapide/furieux : Hayden Paddon, de Nouvelle-Zélande, a terminé deuxième en 2018.<br />
1<br />
Engagez-vous en douceur<br />
dans le virage à l’aide d’un<br />
subtil coup de gaz et mettez<br />
l’arrière de la voiture en<br />
mouvement.<br />
2<br />
Contrebraquez rapidement.<br />
Le frein moteur allège l’arrière<br />
au point qu’il se libère.<br />
4<br />
PLEINS GAZ<br />
Préparer sa voiture pour la course : trois conseils de<br />
l’équipe de développement australienne de Hyundai<br />
1. PNEUS<br />
Andrew Tuitahi : « Aux amateurs, je recommande les<br />
pneus R-Compound ou les Semi-Slicks. Malaisés sur<br />
route mouillée, ils offrent des performances optimales<br />
dans des conditions sèches et durent sans surchauffe. »<br />
2. PLAQUETTES DE <strong>FR</strong>EIN<br />
Jeff Fear : « Misez sur de meilleures plaquettes de frein<br />
au lieu d’investir dans de nouveaux freins. Je recommande<br />
le fabricant japonais Winmax. Avec ce modèle,<br />
plus la température est élevée, mieux c’est. »<br />
3. FORMATION CONTINUE<br />
Tim Rodgers : « Vous voulez de nouvelles suspensions ?<br />
Les bons modèles coûtent très cher… Ne jetez pas votre<br />
argent par la fenêtre pour des améliorations bon marché.<br />
Poursuivez votre formation, soyez copilote d’un pro. »<br />
1<br />
3<br />
Dirigez maintenant avec<br />
l’accélérateur. Mais attention<br />
: trop d’accélérateur et<br />
l’arrière dérape trop loin.<br />
4<br />
Réduisez maintenant les<br />
gaz pour rattraper l’arrière<br />
à nouveau et reprenez<br />
lentement.<br />
près est spectaculaire : le picotement<br />
des nerfs quand les voitures<br />
foncent vers vous ; l’onde de choc<br />
quand elles passent à deux<br />
mètres ; les éclaboussures de boue<br />
à hauteur d’homme quand elles<br />
passent en trombe dans les<br />
flaques. Il est facile de trouver des<br />
emplacements tout près de l’action<br />
(voir page précédente), même si<br />
tous ne sont pas faciles d’accès.<br />
Par conséquent, si vous voulez<br />
être vraiment bien placé, vous<br />
pourrez réservez un Spectator-Tour<br />
(par exemple via rallysportmag.com),<br />
ou demander<br />
aux gars du coin.<br />
Quels sont les effets après trois<br />
jours de spectacle ? Vous êtes bien<br />
sûr accro, et vous voulez faire du<br />
rallye vous-même. Bonne nouvelle<br />
: à trois quarts d’heure à<br />
l’ouest de Coffs Harbour se trouve<br />
une route de gravier de douze kilomètres<br />
sur laquelle vous pouvez<br />
tester vos aptitudes automobiles.<br />
En 2011, la piste montagneuse de<br />
la forêt tropicale entre Eastern<br />
Dorrigo Way et Coramba Road faisait<br />
partie de la quatrième étape<br />
du Rallye d’Australie que le Norvégien<br />
Petter Solberg avait alors<br />
remporté dans sa Citroën.<br />
Le bon tuyau vient d’un type<br />
plutôt crédible : Philip Rodgers,<br />
ancien participant au Rallye Asie-<br />
Pacifique et désormais expert en<br />
réglages de suspension avec<br />
l’équipe Hyundai. « En Australie,<br />
la conduite sur gravier fait partie<br />
de la vie quotidienne, 58 % de nos<br />
routes ne sont pas pavées, dit-il.<br />
C’est comme le ski : ça ne devient<br />
vraiment amusant que lorsque<br />
vous dérapez un peu et que vous<br />
êtes emporté, sans toutefois perdre<br />
le contrôle. » Avant de se lancer,<br />
il est essentiel d’évaluer la surface<br />
(la terre rouge est extrêmement<br />
glissante) et d’avoir une vision suffisamment<br />
globale (les plus grands<br />
dangers : les nids-de-poule, les<br />
grosses pierres et les kangourous).<br />
Et le truc avec lequel les pros<br />
rattrapent le temps perdu sur ces<br />
pistes, c’est quoi ? Ils déstabilisent<br />
leur voiture et font déraper l’arrière<br />
afin que l’avant pointe vers<br />
la ligne droite avant même que le<br />
virage ne soit terminé. Ils peuvent<br />
donc accélérer plus rapidement.<br />
Pilotes amateurs, soyez prudents,<br />
prévient Rodgers. « Ne faites pas<br />
les fous sur cette route publique,<br />
mais vous pourrez ressentir des<br />
sensations proches de celles des<br />
pros du rallye sur gravier. »<br />
Rallye d’Australie, 14-17 novembre,<br />
Coffs Harbour, Nouvelle-Galles du Sud.<br />
Tickets : rallyaustralia.com.au<br />
THOMAS WIELECKI FLORIAN OBKIRCHER<br />
86 THE RED BULLETIN
DE DÉLICIEUX FILETS DE POULET<br />
PANÉS ET <strong>FR</strong>IT-MAISON AVEC AMOUR<br />
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Faire.<br />
gaming<br />
LES SIMS<br />
SAIN ET SIM<br />
Pour ses adeptes, Les Sims est plus qu’un jeu vidéo, c’est un<br />
espace de libération mentale qui apporte du réconfort IRL.<br />
A<br />
vec Les Sims 4, vous pouvez<br />
essayer toutes les vies que<br />
vous voulez en attribuant<br />
à votre personnage des traits et<br />
des singularités qui n’existent<br />
dans aucun autre jeu. Pour ce jeu,<br />
Will Wright, le concepteur des<br />
Sims et co-fondateur de la société<br />
de jeux Maxis, s’est basé sur la<br />
hiérarchie des besoins établie par<br />
le psychologue Abraham Maslow.<br />
À savoir qu’emmener votre personnage<br />
dans une galerie d’art ne<br />
le rendra pas heureux s’il n’a pas<br />
mangé depuis deux jours. Qui<br />
plus est, Wright s’est aperçu que<br />
les gens utilisaient son jeu comme<br />
un espace sécurisant pour rejouer<br />
des expériences passées ou explorer<br />
des scénarios de la vie réelle<br />
qui semblent tabous ou irréalisables.<br />
Le quotient émotionnel de<br />
Wright s’avère plus élevé que celui<br />
de la plupart des tech bros, ce qui<br />
a permis aux Sims de se bâtir une<br />
réputation de lieu inclusif où les<br />
joueurs entrent dans la peau de<br />
différents personnages, sans être<br />
confrontés à des commentaires<br />
humiliants ni dépréciatifs.<br />
FICHE<br />
EXPERT<br />
WILL<br />
RIGHT<br />
LE CRÉATEUR<br />
Le succès remporté<br />
par la série des Sims a<br />
donné raison à Wright<br />
face à ses détracteurs<br />
qui se moquaient de<br />
son jeu en le qualifiant<br />
de « maison de poupées<br />
interactive ». La<br />
dernière version, Les<br />
Sims 4, a été le jeu PC<br />
le plus vendu au monde<br />
en 2014 et 2015.<br />
Les joueurs peuvent explorer leur<br />
propre identité grâce aux Sims.<br />
DE A À B<br />
Les personnages des<br />
Sims vivent ou meurent<br />
selon les décisions des<br />
joueurs mais, parce que<br />
l’on ne « perd » pas vraiment,<br />
ils sont plus enclins<br />
à essayer de nouvelles<br />
approches, à procéder<br />
à une sorte de test A/B<br />
tout au long du jeu.<br />
Comme Les Sims est<br />
codé en fonction des<br />
connaissances psychologiques<br />
du monde réel, le<br />
jeu peut aussi donner<br />
confiance à ses joueurs<br />
dans la vraie vie. Prenons<br />
l’expérience de Bianca,<br />
@BeeSimsFanatic : « Les<br />
Sims est un réconfort<br />
pour moi. Chaque fois<br />
que je me sens triste, je<br />
joue un peu aux Sims.<br />
Je crée une Sim qui me<br />
ressemble, je m’occupe<br />
d’elle et mène une vie<br />
qui me rend heureuse.<br />
Ça m’aide beaucoup. »<br />
UNIVERS DIVERSIFIÉ<br />
Les jeux vidéo sont<br />
souvent normatifs : les<br />
seules options sont celles<br />
prédéfinies par les<br />
concepteurs. Mais Les<br />
Sims permet aux joueurs<br />
de s’exprimer librement.<br />
@blazdndc 0nfusd :<br />
« Quand Les Sims ont<br />
offert l’option de choisir<br />
ses tenues, je portais des<br />
vêtements androgynes<br />
IRL. Je suis une femme<br />
et je suis queer, et la possibilité<br />
de créer un avatar<br />
qui me ressemblait était<br />
très valorisant. »<br />
ÉVASION CRÉATIVE<br />
Les joueurs des Sims<br />
créent des personnages<br />
et construisent des lieux<br />
de vie pour eux, ce qui a<br />
favorisé l’éclosion de<br />
diverses communautés,<br />
dont une sur l’architecture<br />
d’intérieur. @Nels-<br />
Builds affirme que le jeu<br />
l’a même aidée à approfondir<br />
les liens avec sa<br />
famille. « Les Sims a été<br />
mon exutoire créatif pendant<br />
presque vingt ans.<br />
Ça m’a aidée à me rapprocher<br />
de mon père<br />
architecte, et à partager<br />
mes histoires avec ma<br />
mère avant sa mort. Le<br />
jeu m’inspire et m’aide à<br />
repousser les limites de<br />
ma créativité. C’est ma<br />
maison. »<br />
LIBÉRATION<br />
ÉMOTIONNELLE<br />
Le monde virtuel des<br />
Sims offre un espace où<br />
l’on se sent en sécurité,<br />
où l’on n’a pas peur d’être<br />
jugé, à l’instar de @enza_<br />
fiorentino : « Mes parents<br />
m’ont rejetée quand je<br />
leur ai annoncé que j’étais<br />
transsexuelle ; alors je me<br />
suis créé un avatar dans<br />
le jeu, en espérant qu’un<br />
jour, je me sentirais aussi<br />
à l’aise et bien dans ma<br />
peau IRL que dans mon<br />
personnage. Aujourd’hui,<br />
c’est le cas. »<br />
ESPACE MENTAL<br />
VIRTUEL<br />
Le jeu permet de reconfigurer<br />
des schémas de<br />
pensée négatifs et<br />
d’améliorer la santé<br />
mentale. @LucyBGaming<br />
a des antécédents de<br />
dépression épisodiques.<br />
« Je n’aime pas qu’on me<br />
touche ou qu’on me parle<br />
dans ces moments-là.<br />
Je n’arrive pas à me<br />
concentrer, je suis épuisée.<br />
Des tâches simples<br />
comme prendre une<br />
douche, m’habiller et<br />
sortir deviennent alors<br />
très difficiles. Avec Les<br />
Sims, je peux m’évader<br />
mentalement en me<br />
concentrant sur la vie<br />
pixelisée d’une autre<br />
personne. Je bâtis des<br />
maisons, je fonde une<br />
famille, je deviens un<br />
méchant… J’épuise mon<br />
cerveau et j’augmente<br />
les chances de me sentir<br />
bien au lieu de traîner<br />
et de retomber dans de<br />
mauvaises habitudes. »<br />
IMAGINATION<br />
FERTILE<br />
La vie peut à tout<br />
moment vous prendre<br />
au dépourvu et des personnes<br />
en bonne santé<br />
peuvent se retrouver aux<br />
prises avec des maladies<br />
et des handicaps. Les<br />
Sims ne se soucie pas<br />
de savoir si vous êtes<br />
capable de courir un cent<br />
mètres en dix secondes<br />
ou si vous êtes en fauteuil<br />
roulant. Seule votre<br />
imagination compte et<br />
offre de l’espoir à ceux<br />
qui souffrent. Comme<br />
@Pamtastic721 qui,<br />
après deux ans de lutte<br />
contre le cancer et une<br />
chimiothérapie, a commencé<br />
à jouer aux Sims<br />
à 47 ans. « J’avais enfin<br />
le contrôle de quelque<br />
chose. J’étais dans un<br />
monde sans cancer, un<br />
monde qui fonctionnait<br />
comme je le voulais,<br />
et c’était merveilleux.<br />
Encore aujourd’hui, c’est<br />
mon meilleur remède<br />
contre l’anxiété. » Elle<br />
est maintenant une<br />
adepte convaincue du<br />
jeu, et célébrait cinq ans<br />
de rémission en mars<br />
dernier.<br />
ELECTRONIC ARTS MATT RAY<br />
88 THE RED BULLETIN
G U I D E<br />
Faire.<br />
fitness<br />
Erwan Le Corre enseigne<br />
le fitness universel sans<br />
attirail complexe.<br />
EN FORME<br />
C’EST TOUT<br />
NATUREL<br />
Devenez un pro du<br />
MovNat grâce à ces<br />
trois exercice.<br />
MOUVEMENT NATUREL<br />
RETOUR AUX<br />
FONDAMENTAUX<br />
La vie moderne a annihilé notre capacité à nous mouvoir<br />
naturellement. Le MovNat nous aidera-t-il à la recouvrer ?<br />
La façon dont nous nous<br />
déplaçons au quotidien est<br />
contre nature, voire inhumaine,<br />
affirme Erwan Le Corre :<br />
« Nous passons des heures assis à<br />
un bureau, et notre pratique du<br />
sport est insuffisante. Pourtant, la<br />
structure de l’appareil locomoteur<br />
humain nécessite une activité<br />
physique variée et régulière sans<br />
quoi il devient malade. »<br />
Le Français a mis au point une<br />
méthode de remise en forme<br />
basée sur des mouvements qu’enfants<br />
nous répétions inlassablement<br />
: nous tenir en équilibre,<br />
sauter, grimper, ramper, courir,<br />
nager ou encore faire de l’apnée.<br />
Ces mouvements sont regroupés<br />
en fonction de leur pratique<br />
en extérieur ou en intérieur et<br />
sont combinés afin d’améliorer de<br />
manière ludique l’équilibre, la<br />
coordination, la vitesse, la puissance<br />
et la précision.<br />
Son concept MovNat prend<br />
racine dans la « Méthode Naturelle<br />
» développée par l’officier de<br />
marine français Georges Hébert<br />
autour de 1900, qui a également<br />
inspiré le Parkour.<br />
« L’objectif premier de MovNat<br />
n’est pas de booster votre vitesse<br />
ou votre forme mais de redécouvrir<br />
la structure originale des<br />
mouvements humains », explique<br />
cet innovateur de 47 ans. De là<br />
découlera ensuite tout le reste,<br />
y compris la confiance en soi.<br />
movnat.com<br />
« La pratique<br />
abondante de<br />
mouvements<br />
naturels au<br />
quotidien rend<br />
plus fort, plus<br />
sain et plus<br />
heureux. »<br />
Erwan Le Corre,<br />
fondateur du<br />
mouvement MovNat<br />
TRACTION AVEC<br />
AVANT-BRAS<br />
S’accrocher à la barre non pas<br />
avec les mains, mais en posant<br />
les avant-bras parallèle à celleci.<br />
Cela limite l’amplitude de<br />
mouvement et rend l’exercice<br />
plus efficace.<br />
POP UP<br />
Le mouvement débute comme<br />
pour la traction avec les avantbras.<br />
Mais au lieu de l’arrêter<br />
lorsque le menton atteint<br />
le niveau de la barre, continuer<br />
jusqu’à ce que le haut du corps<br />
dépasse complètement la<br />
barre de façon à pouvoir s’y<br />
appuyer.<br />
HAND SWING UP<br />
S’agripper à la barre des deux<br />
mains, passer une jambe<br />
par-dessus et maintenir l’autre<br />
aussi haut que possible<br />
au- dessus de la barre puis s’en<br />
servir comme d’un balancier<br />
pour ramener le corps audessus<br />
de la barre.<br />
Démonstration :<br />
youtube.com/user/MovNat<br />
Le dernier livre de Le Corre :<br />
<strong>The</strong> Practice of Natural<br />
Movement: Reclaim Power,<br />
Health and Freedom<br />
Men’s-Health a élu Le Corre « homme le plus en forme au monde ».<br />
JESSIKA LE CORRE FLORIAN STURM<br />
90 THE RED BULLETIN
À TOI<br />
DE DÉCIDER !<br />
<strong>Red</strong> Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658<br />
12 OCTOBRE PARIS<br />
LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE<br />
BILLETS EN VENTE MAINTENANT
Faire.<br />
G U I D E<br />
3 28<br />
Le surf décolle<br />
à Hossegor.<br />
septembre / octobre<br />
septembre<br />
<strong>Red</strong> Bull Pumptrack<br />
World Championship<br />
Créé par Velosolutions et <strong>Red</strong> Bull en 2018, le<br />
championnat du monde de Pumptrack revient<br />
cette année avec vingt étapes mondiales, de la<br />
Nouvelle-Zélande aux USA, en passant par le<br />
Japon, le Chili… et la France, où l’événement pose<br />
ses bosses sur le tracé de Carpentras. Et c’est l’ensemble<br />
de la communauté cycliste qui est concerné,<br />
puisque la compétition est ouverte à tout type<br />
de vélo ! En 2017, ce sont 19 pays qui ont été visités,<br />
et 67 riders ont participé, culminant dans une finale<br />
mondiale où des champions olympiques de BMX<br />
race et des champions du monde de VTT se sont<br />
affrontés. Qui sera LE Français élu ?<br />
Piste de Carpentras ;<br />
redbull.com<br />
au 9 octobre<br />
RED BULL AIRBORNE<br />
Amateurs de surf aérien, le <strong>Red</strong> Bull Airborne va vous gâter !<br />
Fort du succès de la première édition disputée l’an passé à<br />
Hossegor, ce rendez-vous spectaculaire dédié aux aerials est<br />
devenu, en <strong>2019</strong>, un circuit à part entière avec trois étapes autour<br />
du monde : la première en Australie, la seconde à Bali et<br />
cette étape finale à Hossegor/Seignosse/Capbreton, en marge<br />
du Quiksilver Pro France. Cette année, parmi les 18 surfeurs<br />
internationaux attendus, deux Français sont conviés en mode<br />
wild card : un sortant du <strong>Red</strong> Bull Airborne qualifié, et l’autre<br />
issu d’une sélection vidéo en ligne. Décollage imminent !<br />
Hossegor, Seignosse, Capbreton ; redbull.com/airborne<br />
26 11 20<br />
octobre<br />
Snipes Battle<br />
of <strong>The</strong> Year<br />
International<br />
Le Snipes Battle of <strong>The</strong> Year<br />
International, c’est une vingtaine<br />
de qualifications dans le monde,<br />
et plus de 400 crews et 4 000 danseuses<br />
et danseurs. Pour son trentième<br />
anniversaire et sa finale<br />
mondiale à Montpellier, ce battle<br />
promet un niveau de breakdance<br />
élevé. La saveur artistique de l'événement<br />
en fera une date incontournable<br />
de la culture hip-hop.<br />
Montpellier ;<br />
battleoftheyearfrance.com<br />
au 13 octobre<br />
Music Producer<br />
Convention<br />
La Music Producer Convention<br />
est le rassemblement européen<br />
des producteurs de musique urbaine<br />
et électronique, professionnels<br />
de l’industrie, DJ et beat<br />
makers, organisé dans les locaux<br />
de l’Abbey Road Institute France.<br />
Au menu : ateliers en studio,<br />
modules business, conférences,<br />
networking… Un must pour les<br />
acteurs installés ou en devenir<br />
de la musique.<br />
Paris, Suresnes ;<br />
musicproducerconvention<br />
Des bosses<br />
pour les boss.<br />
au 29 septembre<br />
<strong>Red</strong> Bull Music<br />
Festival Paris<br />
Plusieurs jours, plusieurs lieux,<br />
plusieurs genres et expériences<br />
musicaux proposés : le <strong>Red</strong> Bull<br />
Music Festival Paris excite les foules<br />
avec une prog’ unique alliant la hit<br />
makeuse Wondagurl (en live avec<br />
une dream team de MCs francophones),<br />
des artistes metal, une<br />
nuit de live techno, ou encore<br />
James Murphy (de LCD Soundsystem)<br />
aux platines sur une sono<br />
d’exception. Très fort !<br />
Paris ;<br />
redbull.com<br />
DAMIEN POULLENOT/WSL/ RED BULL CONTENT POOL, MARKO MAGISTER/RED BULL CONTENT POOL<br />
92 THE RED BULLETIN
ATTITUDE & SIX STEP présentent<br />
BATTLE OF THE YEAR<br />
BOTYOFFICIAL<br />
26 OCT. <strong>2019</strong> MONTPELLIER<br />
BREAKING WORLD FINALS<br />
BATTLES 1VS1 BBOYS & BGIRLS / BATTLE BOTY KIDS<br />
WORKSHOPS + LABORATOIRES DE CRÉATION / SOIRÉES HIP HOP EN CRÉATION<br />
RENCONTRES PROFESSIONNELLES RÉSEAU HIP HOP BOTY INTERNATIONAL / FESTIVAL RAP ÉMERGENCY<br />
WWW.BATTLEOFTHEYEAR.NET
G U I D E<br />
Voir.<br />
septembre/octobre<br />
Shane McElrath (g.)<br />
a remporté la compétition<br />
en 2018.<br />
VITESSE,<br />
ENVOL ET<br />
DEXTÉRITÉ<br />
Une bonne vieille ligne<br />
droite en motocross aux<br />
USA, du surf aérien audessus<br />
des vagues du Sud-<br />
Ouest et la fièvre du drift<br />
qui s’empare de l’Irlande…<br />
Juste un aperçu de ce qui<br />
vous attend ce mois-ci.<br />
REGARDEZ<br />
RED BULL TV<br />
PARTOUT<br />
<strong>Red</strong> Bull TV est une chaîne de<br />
télévision connectée : où que<br />
vous soyez dans le monde,<br />
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différé. Le plein de contenus<br />
originaux, forts et créatifs.<br />
Vivez l’expérience sur redbull.tv<br />
5<br />
octobre LIVE<br />
RED BULL<br />
STRAIGHT RHYTHM<br />
La sixième édition de cette course d’inspiration rétro revient<br />
sur la piste de Fairplex à Pomona, en Californie. Deux pilotes<br />
en parallèle sur des motos deux temps old-school se défient<br />
sur une piste d’un demi mile, en mode « meilleur des trois<br />
runs », tout droit, avec des enchaînements type supercross.<br />
Le premier au bout l’emporte. Un must annuel !<br />
3octobre LIVE<br />
RED BULL<br />
AIRBORNE <strong>FR</strong>ANCE<br />
Le <strong>Red</strong> Bull Airborne se voit clôturé sur les vagues<br />
d’Hossegor : il conviendra de ne pas louper ses grands<br />
moments de surf aérien, ni le couronnement du boss<br />
de cette série mondiale en trois étapes.<br />
21<br />
au 22 septembre LIVE<br />
DRIFT MASTERS IRELAND<br />
Le plus grand site de sports mécaniques d’Irlande<br />
reçoit la finale du Drift Masters European Championship<br />
<strong>2019</strong>. Avec les Irlandais en patron du drift pro<br />
ces dernières années, est-ce qu’un autre pays sera<br />
capable de mettre un terme à leur seize ans de règne ?<br />
CHRIS TEDESCO/RED BULL CONTENT POOL, RYAN MILLER/RED BULL CONTENT POOL, JORDAN BUTTERS/DMEC/RED BULL CONTENT POOL<br />
94 THE RED BULLETIN
ALPHATAURI.COM
THE RED<br />
BULLETIN<br />
WORLDWIDE<br />
<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />
est actuellement<br />
distribué dans sept<br />
pays. Vous voyez ici la<br />
couverture de l’édition<br />
américaine, dédiée au<br />
basketteur des Lakers,<br />
Anthony Davis.<br />
Le plein d’histoires<br />
hors du commun sur<br />
redbulletin.com<br />
Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />
part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />
SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />
photos, illustrations et dessins qui engagent<br />
la seule responsabilité des auteurs.<br />
MENTIONS LÉGALES<br />
Rédacteur en chef<br />
Alexander Macheck<br />
Rédacteurs en chef adjoints<br />
Andreas Rottenschlager<br />
Directeur créatif<br />
Erik Turek<br />
Directeurs artistiques<br />
Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />
Miles English, Tara Thompson<br />
Directeur photos<br />
Fritz Schuster<br />
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Marion Batty, Rudi Übelhör<br />
Responsable de la production<br />
Marion Lukas-Wildmann<br />
Managing Editor<br />
Ulrich Corazza<br />
Maquette<br />
Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />
Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />
Booking photos<br />
Susie Forman, Ellen Haas,<br />
Eva Kerschbaum, Tahira Mirza<br />
Directeur commercial & Publishing Management<br />
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Publishing Management<br />
Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard<br />
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Co- Publishing<br />
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Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael<br />
Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer,<br />
Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber,<br />
Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart<br />
Maquette commerciale<br />
Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer,<br />
Martina Maier, Florian Solly<br />
Emplacements publicitaires<br />
Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />
Production<br />
Walter O. Sádaba, Friedrich Indich,<br />
Sabine Wessig<br />
Lithographie<br />
Clemens Ragotzky (Dir.),<br />
Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />
Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher<br />
Fabrication<br />
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Michael Thaler (MIT), Alexander Peham,<br />
Yvonne Tremmel (Office Management)<br />
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Éditeur en chef<br />
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Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com<br />
96 THE RED BULLETIN
11 12 OCT <strong>2019</strong><br />
ROUBAIX - LILLE<br />
BEN KLOCK ELLEN ALLIEN<br />
FUR COAT LAURENT GARNIER<br />
LEHAR B2B MUSUMECI LEN FAKI<br />
MACEO PLEX MODESELEKTOR LIVE<br />
RECONDITE B2B MARCUS WORGULL<br />
RØDHÅD SOLOMUN...<br />
APM001 BLAC COEUS DAVID ASKO<br />
HAP KADOSH LEXX MAINRO<br />
PÉO WATSON SANTIAGO GARCIA...<br />
BILLETS EN EXCLUSIVITÉ<br />
SUR SHOTGUN
Pour finir en beauté<br />
Kilian airlines<br />
À La Clusaz, Kilian Bron est chez lui, et sa piste de décollage est nommée « La Trace ».<br />
C’est ici qu’a été réalisée sa vidéo Follow Me, filmée au plus près de ce rider VTT par le<br />
drone d’un autre Français, TomZ. Kilian y assure un road gap de toute beauté, saisi<br />
pour vous par le photographe Dom Daher. À voir sur Instagram : @redbullfrance<br />
Le prochain<br />
THE RED BULLETIN<br />
n° 93 disponible<br />
dès le 31 octobre<br />
<strong>2019</strong><br />
DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL<br />
98 THE RED BULLETIN