You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
«Allez les voir<br />
et appréciez leur beauté»<br />
Interview: Monique Ryser<br />
PORTFOLIO<br />
Avec «Giants in Motion», David Carlier<br />
cherche à garder une trace<br />
de la beauté des glaciers. Ses photos<br />
sont exposées du 14 décembre <strong>2019</strong><br />
au 18 avril 2020 au Panorama-<br />
Restaurant de Bettmerhorn.<br />
www.aletscharena.ch<br />
Photographe et réalisateur, David<br />
Carlier passe sa vie en montagne.<br />
Aucune piste n’est trop raide,<br />
aucun rocher trop lisse pour ce<br />
photographe outdoor qui accompagne<br />
les plus grands sportifs de l’extrême.<br />
Connaissant lui-même très bien ce<br />
terrain, il est à même d’évaluer les dangers.<br />
Et il est conscient que la nature demeure<br />
invariablement plus forte que l’être<br />
humain. Celui qui se montre incapable de<br />
la décrypter et de la respecter est perdu.<br />
Les glaciers ont toujours fait partie de sa<br />
vie. «Je les vois comme une immense<br />
horloge suisse qui mesurerait le temps en<br />
siècles.» Les courants glaciaires ont<br />
façonné le paysage helvète, donnant<br />
naissance au château d’eau de l’Europe.<br />
D’ici partent quatre grands courants qui<br />
s’écoulent vers les quatre points<br />
cardinaux. Le lac Léman, qu’alimente le<br />
Rhône, est le plus important réservoir<br />
d’eau douce de notre continent. «En<br />
Camargue, les eaux de ce fleuve se jettent<br />
dans la Méditerranée et ce sont les<br />
mêmes qui ont traversé la vallée de<br />
Conches», rappelle-t-il. A l’origine de cet<br />
élixir de vie, la neige et la glace, qui se<br />
forment au fil des saisons, avant de fondre<br />
de nouveau. Or, depuis des décennies,<br />
elles ne cessent de fondre sans vraiment<br />
se reconstituer. «Il faut aller contempler<br />
les glaciers pendant qu’il est encore<br />
temps», affirme cet homme de 47 ans. Il<br />
exprime son admiration en images: il y a<br />
trente-cinq ans, il photographiait des<br />
glaciers pour la première fois. Depuis<br />
deux ans, il le fait de façon systématique,<br />
dans l’urgence: «J’ai réalisé qu’ils allaient<br />
disparaître un jour et que seules des<br />
photos pourraient nous rappeler leur<br />
puissance, leur force et leur beauté.» Le<br />
but du projet Giants in Motion consiste à<br />
capturer des images de ces glaces que<br />
l’on croyait éternelles. A bord d’un avion<br />
ultraléger, il survole ces immenses mers<br />
gelées, témoignant de ce qui va bientôt<br />
disparaître. Il témoigne: «Les glaciers<br />
fondent en longueur comme en épaisseur,<br />
à une vitesse impressionnante. Les<br />
ruptures forment des trous dans la<br />
couche de glace. L’été, le soleil s’y<br />
engouffre profondément, accélérant<br />
encore la fonte.» On lui reproche parfois<br />
d’utiliser un ULM, ce à quoi il objecte: «Je<br />
produirais davantage de CO2 en me<br />
rendant sur place en voiture et en<br />
remontées mécaniques.»<br />
Il tire le portrait du glacier d’Aletsch, plus<br />
grand courant glaciaire d’Europe, du<br />
glacier du Rhône et de ceux situés au pied<br />
du Mont-Rose et du massif du Grand<br />
Combin. «Réaliser à quelle vitesse la glace<br />
fond m’a mis très en colère. Aujourd’hui, je<br />
ne peux que vous conseiller d’aller<br />
contempler ces géants. Allez par exemple<br />
vous asseoir sur l’Eggishorn, d’où l’on a une<br />
vue imprenable sur l’Aletsch. C’est en<br />
observant les glaciers que vous découvrirez<br />
leur beauté et leur vie intime.»<br />
44