Yoga N°31

INTERVIEW
PROPOS RECUEILLIS PAR Clémentine Kœnig PHOTOGRAPHIE Aura Constantin
mental. Ce n’est donc la “faute” de
personne, mais nous avons besoin
d’un reconditionnement. Nous
devons réorienter notre attention
et le contenu de nos pensées. Tant
que nous serons dans l’ignorance,
cela sera difficile. Mais nous sommes
en train d’évoluer : la méditation
arrive dans les écoles, et les jeunes
aujourd’hui sont moins dans une
dynamique d’archiconsommation qu’il
y a 20 ans.
À quoi ressemblerait un monde
où chacun aurait eu cette prise
de conscience ?
Vous me demandez de décrire le
jardin d’Eden ? Ça ressemble à moins
de violence, à plus d’entraide. Moins
de peur de manquer. Une meilleure
capacité à voir ce qui m’unit à l’autre.
Quelle tête cela aurait, je ne le sais
pas ! Ni quelle catastrophe nous
devrons vivre pour y parvenir…
Une catastrophe est nécessaire ?
Oui. Aujourd’hui, on sait que les
plus grands défis auxquels nous
faisons face – environnementaux,
économiques, bioéthiques – sont des
challenges globaux qui demandent
une grande coopération. Nous
avons besoin d’unir nos forces,
d’être “un”. Or, partout dans le
monde, on va dans la direction
inverse : Bolsonaro, Trump, le Brexit
expriment un repli sur soi. Jusqu’où
cela peut-il aller ? Mon instinct est
que cela va continuer dans ce sens
jusqu’au moment où l’on n’aura
plus d’autre choix que de changer.
On connaît la fameuse parabole
du colibri qui “fait sa part” en
éteignant un incendie goutte
par goutte. Mais n’avonsnous
pas une responsabilité
d’emmener le plus de gens
possible avec nous sur ce
chemin de bonheur ?
Dans son livre Be here now, Ram Dass
écrit : « La meilleure chose que je
puisse faire pour toi, c’est de travailler
sur moi. » Plus je travaille sur moi, plus
grand est mon rayonnement. Certes,
certaines personnes ont un battement
d’ailes de papillon ou une goutte
d’eau de colibri plus conséquents : j’ai
la chance, par exemple, de pouvoir
partager les bienfaits de la méditation
autour de moi. Chacun doit faire en
fonction de ce qu’il veut et de ce qu’il
peut. Certains vont trier leurs déchets
méticuleusement, d’autres vont être
Greta Thunberg, et c’est très bien !
Chacun a un rôle différent à jouer. Un
des actes les plus difficiles consiste
à trouver le sien ; réussir à sortir de
ce que la société veut pour nous, et
arriver à dire : « Voilà ce que je sens
au fond de moi, voilà ma vérité. » Si
nous arrivons à travailler sur nousmêmes
de cette manière, c’est déjà
énorme.
Votre écrivez que le bonheur
n’est pas une fin en soi, mais
une série d’habitudes. La
méditation en est, pour vous, un
des piliers...
Pour incarner le changement,
chaque petit pas compte. Il me
semble que de la même manière
qu’une pratique de yoga peut être
vraiment forte, la pratique de la
méditation est essentielle. Je pense
que nous sommes limités dans notre
potentiel si nous ne méditons pas.
Vous avez fait deux retraites de
méditation Vipassana, dont la
règle d’or est de ne pas parler
pendant dix jours. Qu’est-ce qui
vous plaît dans cette méthode ?
Sa pureté. Et les bienfaits incroyables
que j’ai ressentis. J’ai fait peu de
choses aussi puissantes dans ma vie.
Et aussi dures ! Il y a un avant
et un après-Vipassana, en termes
de compréhension des sensations
physiques, de processus émotionnel,
d’usage de la parole… Au fur et
à mesure, nous avançons vers plus
de subtilité, et notre appréciation
du corps et de son énergie se fait
de plus en plus fine. Comme la vie
est perception – des sensations
physiques qui sont ensuite interprétées
par le mental –, la méditation est un
portail vers une meilleure
compréhension de la vie. C’est pour
cela que cette technique était
enseignée par le Bouddha. Vous voulez
vous éveiller ? Asseyez-vous et écoutez
vos sensations physiques.
De sa quête d’éveil entre l’Inde et la Californie,
Jonathan a tiré un premier récit en 2017, Journal
intime d’un touriste du bonheur. Son nouveau
livre, Les Antisèches du bonheur (Harper
Collins), dans lequel il partage les habitudes
simples qui ont changé sa vie, vient de paraître.
yoga magazine 55