Dossierdu moisCANCERNos émotionspeuvent nous tuer…ou nous guérirAu mépris de pansentiers de la recherchescientifique, les discoursofficiels sur le cancer ontrépété jusqu’à présent quela maladie n’a rien à voiravec nos émotions… Maisdeux ouvrages récemmentpubliés démentent cettedoxa. Le premier vient duPr David Khayat, ponteparisien de la cancérologiequi, en septembre, afait son coming-out,reconnaissant dans lestress, « sinon le criminel,du moins le complice ».Par Laurence OiknineJe peux le dire : celafait quatre ans quej’attendais ce jour.Quatre ans que j’airédigé mon premierarticle sur le thème desliens entre stress etcancer et que je suis aucourant. Je peux le diremaintenant sans trahirun secret : cela fait desannées que le Pr Khayatne se contente pas del’arsenal technologiqueanticancer. Cela fait desannées qu’il adresse lespatients réceptifs – etil n’est pas le seul – àdes psychothérapeutesspécialisés dansl’accompagnement desmalades. Officiellement,il s’agit de mieux vivre lamaladie.26 I Santé+ Magazine
Officieusement, ces genss’emploient à guérirémotionnellement… Jusqu’àguérir physiquement. Àl’époque, les praticiensconcernés m’avaient demandéla discrétion sur le sujet,pour que David Khayat eteux mêmes ne soient pasennuyés. Maintenant, tout lemonde sait ce que l’illustreprofesseur pense, puisquepour assurer la promotion deson livre paru en septembre,L’Enquête vérité, il a fait letour des médias, assurant que« le stress peut déclencherla maladie » et qu’il « joue unrôle majeur dans la genèse etla progression du cancer! ».À vrai dire, l’idée n’est pasnouvelle et David Khayat nefait que rappeler une partiede ce qu’a patiemment établila recherche scientifiquedepuis la seconde moitié duXXe siècle. Mais il fallait qu’unoncologue officiel ose le dire.Pourquoi suis-je heureux etsoulagé, à l’instar de nombrede journalistes spécialiséset d’accompagnants ?Parce que précisément,le fait qu’un hommeaussi important admettepubliquement que les vécusdouloureux, lorsqu’ils n’ontpu être métabolisés, puissentdégénérer en cancer, est denature à provoquer une prisede conscience dans le public,chez les malades et leurentourage.Et prendre conscience quel’on souffre émotionnellementest tout simplement lapremière étape de laguérison. L’émotion perddéjà une part de son pouvoirde nuisance lorsqu’elle estpleinement éprouvée. Cela,je l’ai découvert, puis vérifiéà maintes reprises au coursdes différentes enquêtes quej’ai menées, notamment aucontact de psychologues, desurvivants exceptionnels et,malheureusement, de maladesaujourd’hui décédés.Alors que je préparais monpremier article pour Alternatifbien-Être sur ce thème («Une psychothérapie peut-elleguérir le cancer ? »), j’avaisinterviewé des personnesguéries à la suite d’unaccompagnement associantpsychothérapie et protocolemédical.En croisant leurs expériencesavec les données de larecherche en psychologie,il m’était apparu évidentque les expériencesémotionnellement difficilesqui n’avaient pas pu êtremétabolisées, à tout le moins,participaient à la genèse ducancer.Or, les patients guéris quej’avais interrogés, qu’ils aientsuivi le protocole classiquechimio-radio ou non, avaienttous emprunté un chemin quiavait radicalement changéleur vision de l’existenceet leur manière de vivre.En revanche, ma route a aussicroisé d’autres personnes quin’ont pas survécu, même ensuivant les avis médicaux,même en luttant, même enadoptant une vie très saine.Ces dernières sont celles qui,pour des raisons diverses, nesont pas parvenues à opérerle grand tournant, confirmantce que des études nordaméricainesavaient constaté.Ce que j’ai appris, c’estqu’au-delà de l’accès à telleou telle forme de soin, c’est lapossibilité pour une personnede détricoter la trame decontrainte émotionnelle quil’enserre qui préside à saguérison.APPRENDRE ÀEXPRIMER SES ÉMOTIONSET SES BESOINS, JUSQU’ÀLA GUÉRISON…Au cours de mes enquêtes, j’ai fait laconnaissance d’Yvane Wiart, auteure deStress et cancer, quand notre attachementnous joue des tours, ouvrage de référenceet impressionnant par sa solidité et sarigueur. En synthétisant 300 articlesscientifiques, eux-mêmes basés sur desmilliers d’études, cette psycho-oncologuede l’université Paris-Descartes établissaitde manière indiscutable le lien entre laneurophysiologie du stress et le cancer. Ellemontrait également comment le « styled’attachement » acquis dans les relationsavec l’entourage au cours de l’enfance,préside à nos réflexes relationnels, à notrestress et à la genèse ou non de la maladie…Pour Yvane Wiart, la chose était claire : unepersonne à l’attachement sécure, c’està-direcapable d’exprimer librement sesémotions, de prendre en compte autrui sanssacrifier ses propres besoins et de solliciterde l’aide en cas de détresse, une tellepersonne capable de se rendre disponiblecomme de dire non, une personne qui seprend en compte donc, est prémunie contrele cancer.À l’inverse, une personne pour laquellela relation est vécue anxieusement,qu’elle mène à la dépendance affective, àl’autonomie compulsive ou, à l’inverse,à l’aide compulsive à autrui dans le butinconscient d’être aimé, est prédisposée.Cela, ce sont soixante ans d’études enpsychologie qui le montrent. Pour YvaneWiart, la raison en est simple : le stressrelationnel est le premier facteur de stresspsychique, luimême première source destress physiologique, lui-même cause dela cancérisation des cellules, devant lespollutions environnementales. « Le cancern’est pas si mystérieux, finalement. »La bonne nouvelle, c’est que par uneintrospection ou un accompagnementpsychologique adapté, on peut passer d’unprofil anxieux relationnel à un profil sécure,en apprenant à exprimer ses émotions etses besoins, jusqu’à la guérison… C’est ceque montre notamment une étude menéeen 2004 par l’équipe du docteur AlastairCunningham, de l’Ontario Cancer Institute,auprès d’anciens malades de cancersmétastasés, reconnus médicalementincurables mais ayant déjoué le pronostic àlong terme à la suite d’une psychothérapie.Tous ces guéris exceptionnels avaient opéréune prise de conscience qui avait amélioréleur proximité émotionnelle aux autreswww.santeplus.ma I 27