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The Red Bulletin Decembre 2020 (FR)

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<strong>FR</strong>ANCE<br />

DÉCEMBRE <strong>2020</strong><br />

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mois avec<br />

Le rider explosif<br />

MATTHIAS DANDOIS<br />

au casting d’une<br />

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le VTT et le BMX<br />

THE OLD WORLD<br />

Quand la crème du vélo européen passe<br />

en mode cinématographique


MOURIR PEUT ATTENDRE, et autres logos associés à James Bond © 1962-<strong>2020</strong> Danjaq, LLC et MGM.<br />

MOURIR PEUT ATTENDRE, et autres logos marques associés associées à James à James Bond Bond © 1962-<strong>2020</strong> sont la propriété Danjaq, de LLC Danjaq. et MGM. Tous droits réservés<br />

MOURIR PEUT ATTENDRE, et autres marques associées à James Bond sont la propriété de Danjaq. Tous droits réservés


Éditorial<br />

LE PLUS VIEUX<br />

SPOT DU MONDE<br />

Des endroits et du riding de fou au bout du<br />

monde. C’est ce que proposent les meilleures<br />

vidéos dédiées aux sports d’action. Concernant le<br />

VTT, c’est généralement en Colombie-Britannique<br />

ou aux USA qu’on tourne. Cette fois, c’est en<br />

Europe, sur le « vieux » continent, que ça se passe,<br />

en Espagne, en Pologne, ou encore à Paris. Et ça<br />

va faire mal aux yeux.<br />

Malgré la pandémie, les riders blessés et le<br />

matos qui part en sucette, trois frères allemands,<br />

les Tillmann, ont achevé leur plus beau projet à<br />

date : un film de vélo tourné en Europe, avec les<br />

top pilotes européens. Dont deux Français : le<br />

coriace Vincent Tupin, un spécialiste du VTT<br />

freeride, et l’épatant Matthias Dandois, multiple<br />

champion du monde de BMX flatland.<br />

Cette union européenne qui roule sortira sur<br />

<strong>Red</strong> Bull TV sous le nom de <strong>The</strong> Old World. Nous<br />

dédions douze pages à ce film d’anthologie qui<br />

vient clôturer cette année de m**de en beauté.<br />

CONTRIBUTEURS<br />

NOS ÉQUIPIERS<br />

ALEX KING<br />

Le journaliste et documentariste<br />

britannique s’est installé<br />

à Athènes en 2017. Il y a rencontré<br />

une clique de roller<br />

girls, Chicks in Bowls, qui a<br />

fait l’objet d’un court- métrage<br />

et d’un reportage dans ce<br />

numéro. « Je voulais montrer<br />

Athènes d’une manière que<br />

les étrangers n’avaient jamais<br />

vue auparavant, dit King. Le<br />

résultat, c’est grâce aux filles.<br />

Elles ont vraiment poussé fort<br />

et ont tout donné ! »<br />

Page 58<br />

JULIAN MITTELSTAEDT(COUVERTURE), OSSI PIISPANEN, JULIAN MITTELSTAEDT<br />

Belle lecture !<br />

Votre Rédaction<br />

Ceci est le tournage d’un super film sur le vélo : dans<br />

<strong>The</strong> Old World, les top riders européens transforment<br />

le vieux continent en spot géant de VTT et de BMX.<br />

MARK BAILEY<br />

En tant que journaliste indépendant,<br />

Bailey a rencontré<br />

des alpinistes, des astronautes<br />

et des explorateurs<br />

polaires, mais pour ce numéro<br />

il a traqué ceux qui s’aventurent<br />

au centre de la Terre<br />

pour la science et des frissons<br />

d’un autre genre. « Il y a<br />

un monde extraordinaire sous<br />

nos pieds, que nous connaissons<br />

à peine, dit-il. Ces aventuriers<br />

sans peur amènent<br />

la lumière dans un monde<br />

souterrain. » Page 48<br />

THE RED BULLETIN 3


CONTENUS<br />

décembre <strong>2020</strong><br />

22<br />

<strong>The</strong> Old World : le<br />

top des riders vélo<br />

européens dans un<br />

film d’anthologie.<br />

6 Galerie : le sport comme vous<br />

ne le voyez jamais...<br />

12 L’une des plus grosses collec’<br />

de mags de skate en accès libre<br />

14 La photographe Magali Chesnel<br />

a fait de son vertige un art<br />

16 Le rappeur Benny <strong>The</strong> Butcher<br />

désosse ses classiques du rap<br />

18 Un simulateur de vol tranquille<br />

20 Comment Vinsky est passé de<br />

Fifa à Ronaldo et à manager<br />

d’une équipe de football<br />

amateur<br />

22 Tous ensemble<br />

Le vélo d’action européen à<br />

l’honneur d’un blockbuster :<br />

<strong>The</strong> Old World.<br />

34 Stefflon Don<br />

Comment la MC anglaise passée<br />

par les Pays-Bas veut élever le<br />

niveau du rap game. Vraiment.<br />

40 Besoin de personne<br />

Ce que la Française Mélusine<br />

Mallender a appris, seule sur sa<br />

moto à travers le monde. Avec la<br />

liberté pour GPS.<br />

48 Le sens du dessous<br />

Sous la surface terrestre, ces<br />

scientifiques spéléologues lisent<br />

l’avenir… et le passé.<br />

58 En roues libres<br />

Comment des filles en roller<br />

d’Athènes se bougent pour leur<br />

espace vital et du respect.<br />

66 L’eau sacrée<br />

Avec la communauté Navajo<br />

aux États-Unis pour vivre l’un de<br />

ses combats les plus acharnés :<br />

l’accès à l’eau.<br />

4 THE RED BULLETIN


48<br />

Là, sous nos pieds :<br />

ils explorent un monde<br />

où l’homme a la capacité<br />

de remonter dans<br />

le temps.<br />

JULIAN MITTELSTAEDT, ROBBIE SHONE, SALIM ADAM<br />

Stefflon Don : la baronne du rap anglais n’a pas sa langue dans sa poche.<br />

34<br />

79 Voyage : les vertus du kayak<br />

de mer en Écosse<br />

84 Gaming : manettes mania<br />

87 Gaming : la recette Min-Liang<br />

88 <strong>Red</strong> Bull TV : plein écran<br />

90 Montres : le temps fort<br />

96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

98 Instant magique : phare ouest<br />

THE RED BULLETIN 5


<strong>FR</strong>ODE SANDBECH/RED BULL CONTENT POOL<br />

LOFOTEN, NORVÈGE<br />

Du haut<br />

niveau<br />

Quel sport vous vient immédiatement à l’esprit<br />

en voyant cette image ? C’est exact : le beachvolley.<br />

Les médaillés du championnat du monde<br />

Anders Mol et Christian Sørum – chacun sur un<br />

sommet – ont décidé le mois dernier qu’il n’y<br />

avait pas de meilleur endroit pour un entraînement<br />

d’avant-match que les Lofoten, dans leur<br />

Norvège natale. Le pilier de granit de 150 mètres<br />

de haut connu sous le nom de Svolværgeita<br />

(trad. la chèvre) et l’archipel environnant, qui se<br />

trouve à l’intérieur du cercle polaire, offrent un<br />

cadre spectaculaire pour cette photo, réalisée<br />

par leur compatriote Petter Foshaug.<br />

petterfoshaug.com<br />

7


RUSSELL ORD<br />

TEAHUPOO, TAHITI,<br />

POLYNÉSIE <strong>FR</strong>ANÇAISE<br />

Aquaman<br />

Quand l’un des meilleurs photographes<br />

de surf au monde fait équipe avec l’un<br />

des jeunes surfeurs les plus chauds de<br />

Tahiti, la magie opère. C’est lors d’un<br />

workshop à Teahupoo l’an dernier que<br />

l’Australien Russell Ord a pris cette<br />

photo du surfeur local Matahi Drollet<br />

dans un tube parfait. Drollet, qui a<br />

maintenant 23 ans, n’en avait que huit<br />

lorsqu’il a surfé la vague notoirement<br />

coriace de Teahupoo la première fois…<br />

russellordphoto.com<br />

9


CRANS-MONTANA, SUISSE<br />

L’emmuré<br />

Certains enfants ont un coin d’herbe boueuse<br />

ou un jardin à la maison pour se défouler ;<br />

pour d’autres, il faut se rendre au parc du coin.<br />

Nicolas Vuignier et son frère Anthony, autoproclamés<br />

« broyeurs professionnels d’étendues<br />

gelées », avaient en revanche le luxe de disposer<br />

à leur porte de la station de ski de Crans-<br />

Montana, dans les Alpes suisses. Ici, nous<br />

voyons le freeskieur sur son propre terrain<br />

(ou plutôt, sur le rocher) à l’âge adulte, shooté<br />

par le photographe genevois Dom Daher. Sur<br />

Instagram, Nicolas décrit modestement cette<br />

image extraordinaire comme une « séance de<br />

photos de wallride pluvieux ». Qui aurait cru<br />

que défier la gravité pourrait devenir si banal ?<br />

domdaher.com<br />

DOM DAHER


11


MÉMOIRE DU SKATE<br />

Mags à l’âme<br />

En fan de skateboard, Kevin Marks possède la plus grosse collection de<br />

magazines dédiés à cette scène, et il la partage avec les passionnés.<br />

Chez Kevin Marks, à San Diego,<br />

en Californie, se trouve la plus<br />

grande collection de revues de<br />

skateboard au monde. Son<br />

énorme bibliothèque s’étend<br />

sur plusieurs pièces, du sol au<br />

plafond, avec des numéros<br />

classés minutieusement par<br />

titre, date et pays de publication,<br />

allant des premiers zines<br />

indépendants au Thrasher du<br />

mois dernier.<br />

Cette collection est plus<br />

qu’un simple passe-temps :<br />

Marks a pour mission de trouver<br />

et de partager avec les<br />

skateurs du monde entier tous<br />

les magazines de skate de<br />

l’Histoire, afin de préserver un<br />

Marks et sa collec’ : « Celui-là, c’est un mag de… skate. »<br />

héritage imprimé de la scène.<br />

En <strong>2020</strong>, le skateboard vit en<br />

ligne. Avec des millions d’édits<br />

sur YouTube et des canaux de<br />

médias sociaux dédiés, quiconque<br />

cherche à s’immerger<br />

dans la culture du skate n’a qu’à<br />

se tourner vers son téléphone.<br />

Mais dans les années 80,<br />

c’était une autre histoire. « Mon<br />

amour des magazines de skate<br />

est né du fait que j’ai grandi<br />

en faisant du skateboard au<br />

milieu du Kansas, dit Marks.<br />

Je me sentais très loin de la<br />

culture, alors quand j’ai trouvé<br />

les publications américaines<br />

Thrasher et Transworld<br />

Skateboarding et que je m’y<br />

suis abonné, ils sont devenus<br />

ma bouée de sauvetage. »<br />

En 2015, après trente ans à<br />

constituer sa collection, Kevin<br />

lance Look Back Library, une<br />

archive publique pour les fans<br />

de skate. « L’idée n’était pas de<br />

consulter les magazines chez<br />

moi, explique Marks, qui a travaillé<br />

pour une organisation<br />

à but non lucratif promouvant<br />

le skate dans le Colorado, et qui<br />

a également chanté et joué de<br />

la guitare dans des groupes<br />

punk et metal. Il s’agissait de<br />

constituer de petites collections<br />

et de les transporter dans<br />

des endroits où ils peuvent être<br />

lus, comme les skate-shops,<br />

les skateparks indoor et les<br />

associations liées au skate. »<br />

Look Back Library est<br />

devenu une communauté<br />

tentaculaire de bibliothèques<br />

et d’expositions dans tous les<br />

USA. Au cours de ses voyages<br />

en van à travers le pays, Marks<br />

a collecté des milliers de<br />

magazines, et a mis en place<br />

de nombreuses expos et du<br />

libre accès dans les skateparks<br />

et les skate-shops, tant temporaires<br />

que de longue durée.<br />

« J’ai quitté San Diego en<br />

avril 2019, pensant que j’allais<br />

monter quatre bibliothèques,<br />

mais j’ai fini par en créer une<br />

trentaine en six mois, dit-il.<br />

Cela m’a donné la chance de<br />

me dédier à quelque chose que<br />

j’adore, avec des skateurs. »<br />

lookbacklibrary.org<br />

JEF<strong>FR</strong>EY HALLERAN LOU BOYD<br />

12 THE RED BULLETIN


*<br />

<br />

INSTINCT ® SOLAR<br />

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1<br />

MAGALI CHESNEL<br />

La force de<br />

l’illusion<br />

Cette artiste peintre s’est tournée vers la photographie<br />

aérienne en autodidacte, malgré son vertige. En<br />

quelques mois seulement, ses œuvres sont primées.<br />

La Française Magali Chesnel,<br />

45 ans, entraîne ceux qui la<br />

suivent à la frontière entre<br />

microcosme et macrocosme.<br />

Quatre ans plus tôt, elle-même<br />

portée par la curiosité et son<br />

intuition, elle se surprend à surmonter<br />

sa peur du vide en prenant<br />

place à bord d’un ULM,<br />

appareil photo en main. « J’arrivais<br />

depuis la terre à me dire<br />

que ça devait être hyper graphique<br />

vu d’en haut, avec ces<br />

grandes parcelles géométriques.<br />

J’aime tout ce qui est<br />

carré, propre. »<br />

L’expérience la récompense<br />

au-delà de ses attentes : les<br />

couleurs des marais salants<br />

au sol, en Camargue où elle<br />

passe ses vacances, prennent<br />

une ampleur extraordinaire<br />

à 400 mètres d’altitude. « En<br />

Magali Chesnel maîtrise l’art de<br />

sublimer la peur du vide.<br />

découvrant le monde selon une<br />

autre perspective, j’ai appris<br />

à dépasser mes limites et à<br />

suivre mon instinct. » Depuis,<br />

les salins sont devenus le sujet<br />

de prédilection de l’artiste.<br />

Elle transforme une scène de<br />

récolte de sel avec tracteur, peu<br />

glamour à hauteur d’homme,<br />

en un sublime paysage abstrait<br />

aux couleurs exceptionnelles.<br />

« En avion ou en ULM, j’ai le<br />

cordon de l’appareil photo, un<br />

Nikon D500, autour du cou,<br />

seule la ceinture de sécurité<br />

me retient. Le pilote est devant<br />

moi. Je mets ma tête et l’appareil<br />

face au sol, et je mitraille. »<br />

En gommant les échelles,<br />

elle brouille les pistes de l’illusion<br />

et de la réalité, de la peinture<br />

et de la photographie,<br />

et joue avec les perceptions.<br />

Ses photos de paysages vus<br />

du ciel (clin d’œil à Yann Arthus-<br />

Bertrand), qu’elle qualifie de<br />

painting-like, ressemblent,<br />

de près comme de loin, à des<br />

tableaux abstraits aux larges<br />

aplats de couleurs, minutieusement<br />

structurés en lignes,<br />

carrés et rectangles.<br />

Certains voient dans son<br />

travail une source de sérénité ;<br />

Magali Chesnel y ajoute une<br />

dimension « thérapeutique,<br />

relaxante, toujours gratifiante ».<br />

Pour elle, la photographie<br />

aérienne a quelque chose de<br />

« complètement électrisant ».<br />

Notamment lors des premières<br />

3<br />

5<br />

4<br />

14 THE RED BULLETIN


2<br />

6 7<br />

1 Painting-Like. L’une des photos<br />

favorites de l’artiste. Aigues-Mortes,<br />

Camargue, juillet 2017.<br />

2 Flamants roses en vol, mention<br />

honorable aux International Color<br />

Awards <strong>2020</strong>. Sète, sept. 2019.<br />

3 Pantone Vert. Marais salants<br />

de Guérande, juin 2019.<br />

4 Visite du Salin de Gruissan.<br />

Sa couleur rose/orangée vient de<br />

la Dunaliella Salina, une micro algue.<br />

Juillet <strong>2020</strong>.<br />

5 Mouette volant au-dessus d’une<br />

station d’épuration aux verts profonds.<br />

Camargue, juillet <strong>2020</strong>.<br />

6 Bassin naturel d’ostréiculture<br />

à Guérande, juin 2019.<br />

7 Récolte du sel de déneigement<br />

à Gruissan. International Photograph<br />

of the Year 2019 : 1 er prix. Sept. 2019.<br />

MAGALI CHESNEL, AUGUSTE WENGER/AÉRODROME D’ANNEMASSE<br />

CHRISTINE VITEL<br />

minutes de vol, où elle se<br />

concentre sur sa respiration et<br />

se coache pour ne pas succomber<br />

à l’angoisse du vertige. Puis<br />

lâche prise, car le temps est<br />

compté : 45 minutes pour réaliser<br />

des centaines de photos<br />

parmi lesquelles une dizaine<br />

sortiront du lot. « C’est une sensation<br />

très grisante. Je ne sais<br />

plus où donner de la tête tant<br />

je suis en alerte. Mes yeux sont<br />

de véritables radars. Il faut aller<br />

là-bas ! Je regarde devant, à<br />

droite, à gauche… Je scanne<br />

tout. J’essaie de ne pas perdre<br />

une seule miette de ces paysages<br />

à l’état brut. »<br />

Si Magali Chesnel sait<br />

concrétiser ses rêves, elle a<br />

aussi vu ses pires cauchemars<br />

devenir réalité : dernièrement,<br />

elle s’est fait voler tout son<br />

matériel photo. Elle se dit « chat<br />

noir », on pense ironie de la vie.<br />

Comme en 2017, quand elle<br />

se rend aux prestigieuses Rencontres<br />

de la Photographie à<br />

Arles, et qu’un accident de la<br />

route, dont elle est victime, la<br />

cloue au sol pendant deux ans.<br />

Mais au lieu de se laisser sombrer<br />

dans la mélancolie, la<br />

photographe investit dans un<br />

drone et déploie un nouveau<br />

champ des possibles dans son<br />

art, en attendant de pouvoir<br />

décoller à nouveau. « J’espère<br />

que mon travail incitera toutes<br />

celles et ceux qui aspirent à se<br />

dépasser. »<br />

Suite à cet accident, Magali<br />

Chesnel a remporté de nombreux<br />

concours, lui valant des<br />

expositions au niveau international.<br />

Exploiter son mental de<br />

manière positive, pour rebondir<br />

malgré l’adversité ou affronter<br />

ses peurs, donne toujours<br />

accès à des tickets pour de<br />

nouvelles aventures… quand<br />

on ose déployer ses ailes !<br />

Exposition à Gruissan jusqu’au<br />

5 déc. ; magalichesnel.com<br />

THE RED BULLETIN 15


BENNY THE BUTCHER<br />

Made in<br />

New York<br />

Le rappeur new-yorkais et<br />

membre du collectif hip-hop<br />

Griselda partage quatre classiques<br />

de la Grosse Pomme<br />

qui ont façonné sa carrière.<br />

Le hip-hop new-yorkais connaît<br />

une renaissance, et parmi ceux<br />

qui mènent la charge se trouve le<br />

rappeur Jeremie Pennick, 35 ans,<br />

alias Benny the Butcher. Benny et<br />

son collectif hip-hop Griselda, formé<br />

à Buffalo, New-York, en 2012, ont<br />

repris le flambeau des Wu-Tang Clan<br />

et Mobb Deep dans les années 90,<br />

en offrant leur propre interprétation<br />

du son hardcore de la côte est.<br />

En 2017, Eminem a signé Griselda<br />

sur son label Shady Records, et<br />

l’année dernière, Benny a signé un<br />

contrat avec l’agence de management<br />

de Jay-Z, Roc Nation. Avec<br />

plus de quinze ans d’expérience,<br />

il est temps pour Benny de briller.<br />

Ici, il rend hommage à certains des<br />

morceaux qui l’ont aidé à y parvenir.<br />

Dispo : Benny <strong>The</strong> Butcher & DJ<br />

Drama Presents: Gangsta Grillz X<br />

BSF Da Respected Sopranos ;<br />

blacksopranofamily.com<br />

Marley Marl feat<br />

Masta Ace, Craig G, Kool<br />

G Rap & Big Daddy Kane<br />

<strong>The</strong> Symphony (1988)<br />

« Mon père était l’un des plus<br />

grands fans de hip-hop au<br />

monde. Il écoutait tout, et j’ai<br />

pu tout savourer depuis le siège<br />

arrière de sa voiture. Dont ce<br />

morceau. Ce clavier que Marley<br />

Marl a pris à Otis <strong>Red</strong>ding était<br />

ouf, et la façon dont Kool G Rap<br />

fait rimer ses mots est folle.<br />

Monumental ! »<br />

<strong>The</strong> Notorious B.I.G.<br />

Juicy (1994)<br />

« Juicy a été un grand moment<br />

pour New York. Il est sorti à un<br />

moment où la côte ouest avait<br />

le jeu en main, donc nous<br />

étions heureux d’avoir un tel<br />

track. J’étais gosse, et chaque<br />

fois qu’il passait à la radio,<br />

tout le monde avait la banane.<br />

Ce n’est pas juste l’un des plus<br />

grands hymnes de New York,<br />

c’est aussi l’un des plus grands<br />

hymnes hip-hop, point final. »<br />

Nas feat Lauryn Hill<br />

If I Ruled <strong>The</strong> World (Imagine<br />

That) (1996)<br />

« Nas et Lauryn sur le même<br />

titre, c’était unique. Ça n’aurait<br />

pas été pareil sans eux. C’était<br />

tellement New York – la vidéo<br />

a été tournée à Times Square –<br />

et pourtant ce titre avait un<br />

attrait universel indéniable.<br />

Il a fini par être une référence<br />

pour tant d’artistes qui voulaient<br />

recréer cette même<br />

vibe pour les années à venir. »<br />

Puff Daddy & <strong>The</strong> Family<br />

It’s All About <strong>The</strong> Benjamins<br />

(1997)<br />

« La première fois que j’ai entendu<br />

ce truc, j’ai trouvé son<br />

beat incroyable. Puis ce couplet<br />

de Sheek (du groupe <strong>The</strong> LOX,<br />

ndlr) m’a retourné : “J’essaie<br />

simplement de me débarrasser<br />

de ces Picasso de taille colossale…”<br />

Trop fort ! Puff est tellement<br />

doué pour rassembler<br />

les gens ; ce truc a clairement<br />

influencé Griselda. »<br />

WILL LAVIN<br />

16 THE RED BULLETIN


L’A BUS D’A LCOOL EST DANGEREUX POUR L A S A NTÉ. À CONSOMMER AV EC MODÉR ATION.


Vol virtuel. Bonne nouvelle : il y a des dessins animés. Mauvaise nouvelle : voilà votre repas.<br />

EN MODE AVION<br />

Voler sans voler<br />

Préparez-vous au décollage avec un nouveau<br />

genre de simulateur de vol. Pas d’atterrissage<br />

périlleux à réaliser ou d’avions ennemis à abattre,<br />

mais ça risque de taper dans votre siège.<br />

L’avion inspire le monde du jeu<br />

vidéo depuis des décennies,<br />

avec des titres qui mettent<br />

généralement le joueur dans<br />

un cockpit pour voir comment<br />

il se comporte sous pression.<br />

Le développeur de jeux<br />

Hosni Auji (à droite) va à<br />

contre-pied avec son projet<br />

Airplane Mode (trad. en mode<br />

avion). Dans le jeu unique de ce<br />

New-Yorkais, vous ne contrôlez<br />

rien de l’action mais jouez plutôt<br />

le rôle passif d’un passager<br />

de tous les jours sur un vol<br />

long-courrier en temps réel.<br />

Airplane Mode place le<br />

joueur dans un siège de classe<br />

économique sur un vol de six<br />

heures de l’aéroport JFK de<br />

New York à Reykjavík, en<br />

Islande, ou sur un vol plus<br />

court de deux heures et demie<br />

vers Halifax, au Canada. Il n’y<br />

a pas deux vols identiques, et<br />

la seule certitude est que la<br />

banalité du jeu correspondra<br />

à la réalité qu’il imite. Des<br />

bébés peuvent pleurer, des<br />

turbulences peuvent survenir<br />

et le Wi-Fi va très probablement<br />

lâcher ; il faut recharger<br />

son smartphone, lancer des<br />

films et lire des magazines.<br />

De la nourriture et du vin sont<br />

servis à bord, et le suivi de vol<br />

sur l’écran devant vous indique<br />

la distance parcourue.<br />

« Ce que j’ai trouvé intéressant<br />

au début du processus,<br />

c’est que tout le monde semblait<br />

avoir une forte opinion<br />

sur l’avion, plus que sur toute<br />

autre forme de voyage, dit<br />

Auji, originaire de Beyrouth,<br />

au Liban. À un certain niveau,<br />

tout ce qui concerne l’avion<br />

n’est pas naturel. En tant<br />

qu’espèce, notre envie de voler<br />

a dépassé nos limites évolutives.<br />

Que nous volions tout<br />

court, c’est de la folie ; que<br />

nous volions en sirotant à<br />

contrecœur du vin sur des<br />

sièges inclinables est manifestement<br />

absurde. En mettant<br />

les joueurs dans la position<br />

où ils sont confrontés au vol –<br />

non pas comme ils sont habitués<br />

à le voir dans les jeux mais<br />

plutôt comme ils le voient dans<br />

la vie – nous espérons capturer<br />

un peu de cette absurdité. »<br />

À une époque où les déplacements<br />

sont limités, il a pu<br />

être surprenant de constater<br />

à quel point nous avions envie<br />

non seulement de visiter des<br />

destinations, mais aussi de<br />

revivre le processus pour y<br />

arriver. Le jeu d’Auji questionne<br />

notre envie pour cette nécessité<br />

fastidieuse et souvent<br />

tortueuse. « Les vols apparaissant<br />

désormais comme nostalgiques,<br />

notre intention est<br />

d’offrir aux joueurs une expérience<br />

de jeu unique. »<br />

Pour que les joueurs soient<br />

vraiment immergés dans la<br />

simulation, il n’y a pas de possibilité<br />

de faire une pause et de<br />

revenir plus tard. « Nous avons<br />

décidé que le joueur devait<br />

effectuer le vol en une seule<br />

séance car le jeu ne sauvegarde<br />

pas votre progression en<br />

milieu de vol. Mais vous obtiendrez<br />

des miles aériens une fois<br />

que vous aurez atterri. »<br />

Peut-être qu’un jour, nous<br />

pourrons jouer à ce jeu durant<br />

un vrai vol.<br />

playairplanemode.com<br />

AMC GAMES LOU BOYD<br />

18 THE RED BULLETIN


« Un club de foot,<br />

ça ne se prend pas<br />

à la légère, c’est<br />

presque un projet<br />

de vie. »<br />

20 THE RED BULLETIN


RAPHAEL SCELLIER SMAEL BOUAICI<br />

VINSKY<br />

Step by step<br />

Il y a dix ans, il gérait ses équipes sur le jeu vidéo FIFA. Aujourd’hui, il est<br />

manager d’un club amateur. Avec la plus grosse communauté football<br />

francophone sur YouTube (1,23 million d’abonnés), Vincent Maduro, ou<br />

Vinsky, n’a pas de secret : il prend les matches les uns après les autres.<br />

La vie de Vinsky est comme un grand<br />

escalier, qu’il a construit marche<br />

après marche. Star de YouTube et<br />

aujourd’hui manager du club amateur<br />

le plus connu de France, Vincent<br />

Maduro a toujours fourmillé d’idées.<br />

Et les a concrétisées. « J’ai toujours eu<br />

la fibre créative et entrepreneuriale,<br />

explique-t-il. Je ne savais pas quelle<br />

forme ça allait prendre, mais au fond<br />

de moi, je savais que j’allais créer<br />

mon propre projet. » Ou plutôt ses<br />

propres projets, tant il en a enchaînés<br />

depuis une décennie. En 2010, à<br />

19 ans, son pseudo, Vinsky, émerge<br />

sur la toile avec son site de compétition<br />

pour le plus fameux des jeux de<br />

foot, FIFA. À l’époque, il est en école<br />

d’ingénieurs du côté de Troyes,<br />

une formation qui lui apporte une<br />

« rigueur de travail et une logique »<br />

dont il a toujours l’utilité. Deux ans<br />

plus tard, il lance une chaîne You-<br />

Tube à son nom, avec l’ambition de<br />

« libérer les geeks » sur le carré vert.<br />

« J’adore surprendre et casser les<br />

codes. Je voulais montrer qu’on<br />

Un club de foot IRL<br />

Vinsky pousse le foot amateur avec le Vinsky FC,<br />

équipe de Buchelay évoluant en Ligue de Paris Île de<br />

France. À l’aube de sa 4 e saison (après une montée<br />

en 5 e division), le capitaine Vinsky a changé de rôle,<br />

et devient manager. Après avoir tenté de gérer seul<br />

sponsors, entraînements et matches, il s’est autorisé<br />

à déléguer, à une présidente, et a recruté un préparateur<br />

physique et un coach. L’objectif : une montée<br />

chaque saison. « Que puis-je apporter à ces<br />

joueurs qui pourraient évoluer au niveau régional ?,<br />

dit Vincent. On doit les faire progresser avec des<br />

vrais entraînements, pas des crossbar challenges. »<br />

pouvait aimer jouer aux jeux vidéo et<br />

être fort en sport. » Comme toujours,<br />

Vinsky fait les choses sans se presser.<br />

« Je vais d’objectif en objectif. Je<br />

me suis d’abord demandé comment<br />

augmenter ma communauté, puis<br />

le nombre de vues, etc. Et à chaque<br />

étape, de nouvelles opportunités<br />

s’ouvrent. Je ne suis pas un youtubeur<br />

qui a explosé en deux ans. C’est<br />

un projet sur le long terme, auquel<br />

j’essaye de donner du sens. »<br />

Ce positionnement d’amateur<br />

éclairé attire le public et bientôt les<br />

marques, qui lui proposent de rencontrer<br />

des joueurs et joueuses professionnel(le)s.<br />

Vinsky installe alors<br />

son personnage de grand ado qui<br />

s’amuse autour d’un ballon avec ses<br />

idoles. Un vrai plaisir, qu’il fait vivre<br />

par procuration à sa communauté.<br />

« L’une des clés pour devenir youtubeur,<br />

c’est de produire un sentiment<br />

d’identification. Je n’ai jamais proclamé<br />

être fort au foot. Au contraire,<br />

même si je fais un peu de freestyle,<br />

je suis un joueur assez lambda qui<br />

rencontre des pros et mon public vit<br />

à travers moi une espèce de rêve. »<br />

Face à Cristiano Ronaldo, Didier<br />

Drogba, Florian Thauvin, Sergio<br />

Ramos ou Eugénie Le Sommer,<br />

Vinsky enchaîne crossbar challenges<br />

(jeu dont le but est de taper la barre<br />

transversale), concours de tirs et un<br />

contre un. « C’est intéressant de montrer<br />

qu’un amateur peut rivaliser avec<br />

des pros sur des jeux de précision.<br />

En un contre un, Thauvin me met à<br />

l’amende mais je peux le battre au<br />

crossbar. Ça rappelle que les pros<br />

aussi sont des êtres humains. »<br />

Après deux ans de vidéos avec des<br />

footballeurs, Vinsky se pique d’un<br />

nouveau projet, bien plus ambitieux :<br />

sortir de YouTube pour monter un<br />

vrai club de football. Il lance en 2017<br />

le Vinsky FC, une équipe composée<br />

de copains (voir encadré). Au bout<br />

de deux saisons de matches amicaux,<br />

il l’inscrit à la Fédération française<br />

de football. « Au début, c’était une<br />

histoire très digitale. Mais on était<br />

arrivés à un tournant : c’était bien de<br />

jouer contre des youtubeurs, mais les<br />

gens avaient besoin de savoir où je<br />

voulais aller. Il fallait devenir un vrai<br />

club de foot. Ce n’est pas un choix<br />

que j’ai fait à la légère. Un club, il faut<br />

des années pour avoir des résultats,<br />

c’est presque un projet de vie. »<br />

Aujourd’hui, Vincent partage son<br />

emploi du temps entre le club et sa<br />

chaîne. Et le premier pourrait prendre<br />

l’ascendant. Le manager Vinsky,<br />

ambitieux, s’est fixé comme mission<br />

de promouvoir l’équipe, dont tous<br />

les matches sont filmés, et la marque<br />

Vinsky FC, déclinée sur une ligne<br />

sportswear. Sa marque de produits<br />

dérivés lifestyle nommée Peace and<br />

Game (sa devise sur YouTube) est<br />

mise de côté au profit de Vinsky FC.<br />

« Pour ne pas s’éparpiller. C’est la<br />

marque qui a le plus de potentiel<br />

en merchandising. » Mais il faudra<br />

des résultats, « parce qu’une équipe<br />

nulle ne vend pas de maillots ».<br />

Pour Vincent, la prochaine<br />

marche de l’escalier est déjà en vue :<br />

pour monter plus haut dans le foot<br />

français, il veut ouvrir une seconde<br />

section dans son club, dédiée aux<br />

moins de 18 ans, le cœur de sa communauté<br />

sur YouTube. « Avec deux<br />

équipes, on sera un véritable club<br />

de foot et ça va être impressionnant.<br />

Les parents qui viendront assister<br />

aux matches de leurs enfants. Là, on<br />

ne comptera plus le nombre de vues,<br />

ce sera la vraie vie. »<br />

Retrouvez Vinsky sur YouTube ;<br />

et le Vinsky FC sur tightr.com/vinsky<br />

THE RED BULLETIN 21


France, 2019 : le BMX<br />

a amené Matthias<br />

Dandois partout dans<br />

le monde. Mais rien<br />

ne vaut un spot local.<br />

22


L’union<br />

européenne<br />

Sept pays, quinze riders,<br />

huit nationalités, huit<br />

disciplines, des drones<br />

en miettes et des blessures<br />

pour un film épique…<br />

Les coulisses du plus gros<br />

film européen sur le vélo.<br />

Texte TOM GUISE, STU KENNY,<br />

PIERRE-HENRI CAMY<br />

Photos JULIAN MITTELSTÄDT


Premières heures du jour à Strandafjellet<br />

(Norvège). Nous sommes au<br />

printemps 2019 et une couverture<br />

nuageuse surplombe les pentes verdoyantes.<br />

Le rider Martin Söderström<br />

surgit de nulle part, suivi dans tous<br />

ses mouvements par une équipe de<br />

cinéma. À 28 ans, il est l’un des meilleurs<br />

freeriders de Suède. Pourtant,<br />

force est de constater qu’il s’agit là<br />

de son tout premier long métrage…<br />

Pourquoi l’un des riders les plus influents au monde n’a-t-il<br />

jamais été la vedette d’une grosse production cinématographique<br />

? L’Allemand Andi Tillmann, pilote de VTT professionnel,<br />

s’est posé la question en 2018. Pour lui, la réponse est simple :<br />

tous les grands films de sports extrêmes ont été réalisés en Amérique<br />

du Nord. « Ils choisissent leur région et leurs riders », explique<br />

Andi Tillmann qui, à 32 ans et en compagnie de ses frères<br />

Toni et Michi, a déjà produit des films de VTT dont il était la tête<br />

d’affiche et qui ont été vus par des millions de personnes. « Les<br />

grands riders européens ne sont pas mis en avant. » Ce fut le<br />

déclic pour le projet le plus ambitieux des frères Tillmann, et<br />

peut-être de tous les réalisateurs de films sur le vélo en Europe.<br />

<strong>2020</strong> : <strong>The</strong> Old World est prêt. Ce film nous fait voyager des<br />

fjords norvégiens aux spots désertiques de La Poma (Espagne),<br />

en passant par les banlieues de Berlin et de Paris, et il réunit<br />

une flopée de riders européens dans un casting inédit. Mais<br />

l’aventure n’a pas été de tout repos (blessures, problèmes techniques,<br />

pandémie mondiale). « En Europe, la fenêtre météo est<br />

très étroite. Et chaque pays applique ses propres restrictions en<br />

matière de drones et de tournage », dit Andi, qui a carrément<br />

perdu ses cheveux à cause du stress. Avec d’autres riders, il<br />

évoque le premier blockbuster européen consacré au vélo…<br />

<strong>The</strong> Old World sortira le 22 nov sur <strong>Red</strong> Bull TV ; redbull.com<br />

Le réalisateur Andi<br />

Tillmann filme<br />

Martin Söderström à<br />

Stranda (Norvège).<br />

Ci-contre : Andi<br />

Tillmann (au centre)<br />

avec ses frères Toni<br />

(à gauche) et Michi<br />

(à droite) .<br />

24 THE RED BULLETIN


STRANDA<br />

(NORVÈGE)<br />

Riders : Martin Söderström<br />

(photo), Emil et Simon<br />

Johansson (tous SWE)<br />

Discipline : trail et slopestyle<br />

Tillman : Il a fallu un an pour<br />

convaincre les autorités de<br />

nous laisser tourner : le paysage<br />

ne doit en aucun cas être<br />

endommagé, car il fait partie<br />

intégrante de leurs pistes.<br />

Nous voulions faire découvrir<br />

la parfaite maîtrise des Scandinaves,<br />

et nos trois riders se<br />

sont livrés à une magnifique<br />

démonstration du « style suédois<br />

». Nous avons développé<br />

un équipement constitué d’une<br />

caméra de cinéma Arri Alexa<br />

fixée à une armature sur un sac<br />

à dos, porté par un autre rider,<br />

en l’occurrence moi.<br />

Söderström : C’était surréaliste<br />

d’assister au lever du<br />

soleil avec mes potes, Emil<br />

et Simon, et d’avoir les pistes<br />

pour nous. Je suis le premier<br />

rider suédois à être passé<br />

pro, mais une foule d’athlètes<br />

incroyables est arrivée depuis.<br />

J’ose croire que certains se<br />

sont inspirés de ma technique,<br />

et que tout cela est devenu<br />

le « style suédois ». En hiver,<br />

on ride indoor à cause de la<br />

météo. C’est pourquoi les Suédois<br />

ont un excellent bagage<br />

technique. On fait beaucoup<br />

de barspins et de tailwhips. Je<br />

préfère faire des tricks moins<br />

compliqués mais propres plutôt<br />

que de perdre le contrôle.<br />

THE RED BULLETIN 25


Le freerider Vincent<br />

Tupin (en haut)<br />

filme sa « partie<br />

été » avec son comparse<br />

Robin Delale<br />

en Rhône-Alpes.<br />

BERLIN,<br />

ALLEMAGNE<br />

Riders : Bruno Hoffmann<br />

(ci-dessus), Mo Nussbaumer<br />

(tous deux GER)<br />

Discipline : BMX street<br />

CHÂTEL, <strong>FR</strong>ANCE<br />

Rider : Vincent Tupin (<strong>FR</strong>A)<br />

Discipline : snow freeride, downhill MTB<br />

Tillmann : À la base, ce devait être une partie filmée en<br />

hiver au snowpark de Châtel, avec un caméraman pour<br />

suivre les moves et les sauts de freeride de Vinny.<br />

Tupin : Au début mars 2019, tout allait bien. Puis j’ai<br />

planté ma roue avant dans la neige, j’ai fait un soleil et<br />

me suis démis l’épaule. On a reporté à l’hiver suivant.<br />

Tillmann : Mais le mois de février <strong>2020</strong> s’est révélé le<br />

pire de tous les temps. Les températures étaient si<br />

élevées que la descente dans la vallée était fermée.<br />

Tupin : Et avec la pandémie, les stations ont fermé.<br />

Alors on a tourné sur les pistes à côté de chez moi,<br />

à Maxilly-sur-Léman, et on a réalisé une dernière<br />

séquence à la fin de l’été, dans la boue.<br />

Tillmann : Pour le BMX, nous<br />

avons uniquement filmé avec<br />

une caméra portative afin<br />

de capturer la façon dont<br />

les pilotes de BMX street<br />

détournent les restrictions<br />

de la ville pour s’exprimer.<br />

Hoffmann : Le street riding<br />

est souvent illégal, mais cette<br />

fois-ci, nous avions des autorisations<br />

sur presque tous les<br />

spots. Cela nous a ôté un peu<br />

de pression, mais la taille de<br />

la production en a ajouté de<br />

son côté : on ne pouvait pas se<br />

contenter de rider au hasard.<br />

Je pense que le BMX street<br />

est plus accessible que le VTT :<br />

on n’a pas besoin d’investir des<br />

sommes dingues dans un vélo<br />

ou d’aller sur des pistes spéciales.<br />

Avec un BMX, on voit<br />

la ville sous un autre angle.<br />

On observe tout ce qui nous<br />

entoure : les escaliers, les<br />

rampes, les rebords. Tout<br />

devient un spot potentiel.<br />

26 THE RED BULLETIN


Bruno Hoffman,<br />

pilote de BMX<br />

street professionnel,<br />

en août 2019 :<br />

« J’adore venir<br />

à Berlin, surtout<br />

l’été. »<br />

« Avec un BMX,<br />

on voit la ville<br />

sous un autre<br />

angle. Tout<br />

devient un spot<br />

potentiel. »


« Suivre Chris en<br />

reconnaissance ?<br />

Il ride des trucs<br />

que personne<br />

ne veut rider ! »<br />

Chris Akrigg,<br />

trialiste dans les<br />

Highlands d’Écosse,<br />

en septembre 2019 :<br />

« Tous les matins, le<br />

planning changeait à<br />

cause de la météo. »


ÉCOSSE,<br />

ROYAUME-UNI<br />

Rider : Chris Akrigg (GBR)<br />

Discipline : trial<br />

Tillmann : Chris Akrigg est<br />

connu pour son humour et son<br />

style un peu fou mais engagé.<br />

Le suivre en reconnaissance<br />

est particulier : il ride des trucs<br />

que personne d’autre ne veut<br />

rider, et ça glisse tout seul !<br />

On a repéré des spots dans les<br />

Highlands et sur les îles alentour,<br />

tout ça pour rien : à notre<br />

arrivée, le mauvais temps nous<br />

a empêchés de tourner. On a<br />

donc travaillé dans l’instant<br />

pour trouver des lieux à filmer.<br />

Akrigg : Dès que j’arrive sur un<br />

spot, les idées affluent. Parfois,<br />

il me suffit de cinq minutes<br />

pour élaborer une stratégie.<br />

Mais ce n’est pas toujours facile<br />

de transmettre la technicité<br />

de choses plus complexes en<br />

vidéo. À la moitié du tournage,<br />

je me suis pris une antenne<br />

radio dans les côtes, j’ai<br />

déchaussé et je me suis<br />

ramassé, recroquevillé sur moimême.<br />

J’avais une radio, et elle<br />

était dans mon pantalon et elle<br />

s’est coincée pile entre ma<br />

cuisse et ma cage thoracique.<br />

Je ne sais pas vraiment ce qui<br />

s’est passé, mais ça ne sentait<br />

pas bon. J’ai réussi à rider pendant<br />

encore deux ou trois jours,<br />

mais à un moment donné,<br />

j’étais trop à l’ouest pour continuer.<br />

Vers la fin, je prenais de<br />

quoi assommer un éléphant<br />

pour calmer la douleur.<br />

« Pour ce genre<br />

de films, vous<br />

voulez être<br />

au sommet de<br />

votre art. »<br />

PAYS DE GALLES,<br />

ROYAUME-UNI<br />

Rider : Rachel Atherton (GBR)<br />

Discipline : downhill<br />

Tillmann : Cette partie du film<br />

était initialement consacrée<br />

à la passion, mais elle a pris un<br />

tout autre sens. Nous avions<br />

prévu d’utiliser uniquement<br />

des drones pour filmer, mais<br />

le vent et la pluie rendaient les<br />

conditions de tournage extrêmement<br />

mauvaises pour la<br />

première session sur Cadair<br />

Idris (montagne de Snowdonia,<br />

ndlr). Le drone s’est crashé dès<br />

la première prise. J’ai dû alors<br />

descendre la montagne à toute<br />

blinde pour récupérer le matériel<br />

de remplacement, et c’est<br />

à ce moment-là que je me suis<br />

rendu compte d’un problème<br />

logiciel. Puis juste avant la<br />

session de tournage suivante,<br />

Rachel Atherton s’est déchiré<br />

le tendon d’Achille…<br />

Atherton : Je m’en souviens<br />

comme si c’était hier (la blessure<br />

date de juillet 2019, ndlr).<br />

On passe par tout un processus,<br />

un peu comme un deuil.<br />

D’abord, on se sent bouleversé<br />

La pro du VTT<br />

descente Rachel<br />

Atherton en<br />

tournage aux environs<br />

de Cadair Idris<br />

(Pays de Galles).<br />

et en colère, puis juste<br />

dévasté. Avec une blessure à<br />

la mi-saison (dans le calendrier<br />

de la Coupe du monde de VTT<br />

descente UCI, ndlr), on passe<br />

des podiums au néant. Il faut<br />

une énergie titanesque pour<br />

changer d’état d’esprit et se<br />

concentrer sur le long chemin<br />

qui nous attend. Neuf mois se<br />

sont écoulés avant que je ne<br />

puisse de nouveau enfourcher<br />

un vélo. Dans ce genre de<br />

films, vous voulez être au sommet<br />

de votre art. J’ai eu l’impression<br />

de bien rider lors de<br />

la reprise du tournage. La première<br />

moitié des prises se<br />

sont déroulées en montagne,<br />

avec des rides en pleine cambrousse<br />

et sur d’énormes montagnes,<br />

pour dévoiler un sentiment<br />

de liberté totale. Ensuite,<br />

nous sommes allés sur les<br />

pistes à côté de chez moi, au<br />

Pays de Galles. Cette grosse<br />

blessure en plein milieu du<br />

tournage a un peu chamboulé<br />

les plans, mais heureusement,<br />

les efforts et l’envie de revenir<br />

ont payé. Et j’ai retrouvé ma<br />

vitesse ainsi que mes sensations<br />

en tant que rideuse.<br />

THE RED BULLETIN 29


PARIS, <strong>FR</strong>ANCE<br />

Rider : Matthias Dandois<br />

(<strong>FR</strong>A)<br />

Discipline : BMX flatland<br />

Tillmann : À Paris, Matthias<br />

nous a offert son interprétation<br />

toute en fluidité du BMX<br />

flatland. Cela n’a pas été<br />

facile de trouver un nouvel<br />

angle d’approche dans la<br />

ville, car il y avait déjà multiplié<br />

les tournages. Nous<br />

avons mis au point une nouvelle<br />

façon de le filmer avec<br />

un supertéléobjectif de<br />

600 mm sur une armature<br />

fixée à un Segway pour capturer<br />

la technicité de ses tricks.<br />

Dandois : Il faut des mois<br />

pour obtenir des autorisations<br />

de tournage à Paris,<br />

mais la production a facilité<br />

les choses. Ce film est une<br />

véritable collaboration artistique<br />

et sportive, un juste<br />

milieu avec des images de<br />

riding hors du commun. Pour<br />

ma part, ce sera l’un des plus<br />

grands moments d’une année<br />

particulière. Je suis très fier<br />

d’avoir été choisi pour en faire<br />

partie, de faire partie de cette<br />

communauté du vélo européen<br />

qui est à l’honneur dans<br />

<strong>The</strong> Old World. Le film sort<br />

au moment où la pratique<br />

du vélo explose, c’est le transport<br />

de demain : roulez tous<br />

à vélo !


Août 2019 : Matthias<br />

Dandois réalise un<br />

MC circle one-hand<br />

dans une gare du<br />

Nord en pleine effervescence<br />

à Paris.<br />

31


LA POMA, ESPAGNE<br />

Riders : Nico Scholze (GER, ci-contre), Dawid Godziek (POL),<br />

Diego Caverzasi (ITA), Bienve Aguado Alba (ESP)<br />

Discipline : dirt<br />

Tillmann : Le dirt rassemble une grande communauté sur ce<br />

bikepark (à 30 minutes de Barcelone, ndlr), un peu comme le surf.<br />

On a tourné avec un gros cable-cam et une grue. Pendant la troisième<br />

journée de tournage, Nico Scholze a été violemment projeté<br />

au sol, ce qui lui a causé plusieurs fractures au niveau des vertèbres.<br />

Heureusement, rien de grave.<br />

Scholze : C’était un trick classique, un 360 tailwhip sur un énorme<br />

saut, mais j’ai raté mon coup et je suis passé par-dessus le guidon.<br />

Quand je pense que je venais de dire à Andi : « Je sens que ça va<br />

être une bonne journée ! »… Je voulais montrer que c’était possible<br />

de faire des tricks de motocross freestyle sur un VTT.<br />

La star polonaise<br />

du dirt jump Dawid<br />

Godziek réalise<br />

un one-foot tabletop<br />

au bikepark de<br />

La Poma.<br />

« Je voulais<br />

montrer à tout<br />

le monde qu’il<br />

était possible<br />

de faire des<br />

tricks de FMX<br />

sur un VTT. »<br />

32 THE RED BULLETIN


Un manual de feu<br />

pour Nico Vink :<br />

« Andi nous a<br />

demandé d’apporter<br />

un casque supplémentaire,<br />

car il<br />

était possible qu’on<br />

nous transforme en<br />

torches humaines. »<br />

KUDOWA-ZDRÓJ,<br />

POLOGNE<br />

Riders : Nico Vink (BEL, à droite),<br />

Szymon Godziek (POL)<br />

Discipline : big air<br />

Tillmann : Nous avons filmé des performances<br />

de big air et de vitesse à l’aide d’une<br />

grue, d’un sac à dos sur lequel était fixée<br />

une caméra dont la valeur avoisinait les<br />

85 000 €, mais aussi d’une caméra Super 8.<br />

Cette course folle va éblouir les spectateurs.<br />

Et pour cause : les gars à l’écran<br />

prennent littéralement feu. En règle générale,<br />

des cascadeurs sont là pour doubler<br />

les acteurs, mais aucun ne pouvait rider<br />

à ce niveau. L’équipe responsable des cascades<br />

a donné son accord seulement après<br />

avoir constaté que les athlètes ne paniqueraient<br />

pas lorsqu’ils s’embraseraient.<br />

Vink : Nous avions des sous-couches<br />

d’équipements couverts de gel de protection,<br />

et la couche du dessus était imbibée<br />

de combustible : c’est elle qui a pris feu.<br />

Nos performances n’étaient pas hyperlongues<br />

et il y avait deux extincteurs au<br />

bout du parcours, mais si on se plantait à<br />

mi-chemin, on cramait pour de bon. Quand<br />

on ride, tout est une question de maîtrise :<br />

on prend tous les risques sans franchir les<br />

limites. C’est la ligne de conduite de tous<br />

les sportifs de l’extrême. C’est notre vie.<br />

THE RED BULLETIN 33


« Je voulais<br />

être sûre de<br />

les détruire<br />

au micro »<br />

Née à Birmingham,<br />

cette artiste à la<br />

croisée des<br />

cultures a forgé<br />

son propre style<br />

de rap, qui résonne<br />

de Londres à L.A.,<br />

STEFFLON DON<br />

parle des sages<br />

conseils de Drake,<br />

de sa maîtrise du<br />

néerlandais et du<br />

côté naze d’Insta.<br />

Texte FLORIAN OBKIRCHER<br />

Photos SALIM ADAM<br />

34


Alerte rouge :<br />

Stefflon Don,<br />

29 ans, n’a jamais<br />

l’air à moins de<br />

100 % – même<br />

lorsqu’elle inspecte<br />

votre vaisselle.


L<br />

orsque la rappeuse britannique Stefflon<br />

Don a surgi en 2016, des têtes ont<br />

tourné. Son flow sur sa première mixtape<br />

Real Ting était sans faille, avec<br />

des paroles qui mélangeaient le patois<br />

jamaïcain, l’argot de l’Est de Londres<br />

et les références au hip hop américain.<br />

Et, contrairement à l’attitude terre-àterre<br />

de la plupart des rappeurs britan-<br />

Sur<br />

niques, elle s’est présentée comme<br />

une superstar en devenir, glamour<br />

et effrontée.<br />

En novembre de la même année,<br />

elle a été sélectionnée parmi les talents<br />

de 2017 à suivre par la BBC. Quatre<br />

mois plus tard, elle a signé un contrat<br />

de 1,2 million de livres sterling avec un<br />

grand label et, en août 2017, son single<br />

Hurtin’ Me, avec le rappeur américain<br />

French Montana, a atteint la septième<br />

place du classement des singles britanniques.<br />

Depuis, la jeune femme de 28 ans<br />

– de son vrai nom Stephanie Allen – a<br />

collaboré avec des artistes tels que Sean<br />

Paul, Nile Rodgers, Charli XCX, Skepta,<br />

Drake et Mariah Carey et, en 2018, est<br />

devenue la première artiste anglaise à<br />

figurer sur la liste annuelle des nouveaux<br />

talents du légendaire magazine américain<br />

de hip-hop XXL.<br />

Née à Birmingham de parents jamaïcains,<br />

la rappeuse s’est installée avec sa<br />

famille à Rotterdam aux Pays-Bas à l’âge<br />

de cinq ans, avant de revenir au Royaume-<br />

Uni, à Hackney, à 14 ans. La musique<br />

de Stefflon Don est donc un mélange de<br />

dance hall, de grime, de R’n’B et de house,<br />

ses rimes incorporant des influences de<br />

Londres, de la Jamaïque, de la Hollande<br />

et des USA. Elle dit que le fait d’avoir<br />

grandi au milieu de différentes cultures<br />

lui a ouvert l’esprit et a élargi sa musique<br />

et, en ce sens, c’est le secret de son<br />

succès.<br />

THE RED BULLETIN : Vous avez une<br />

gouaille caractéristique de l’Est de<br />

Londres, mais vous utilisez aussi<br />

du patois jamaïcain et de l’argot<br />

américain. Vous rappez même en<br />

néerlandais…<br />

STEFFLON DON : C’est à cause de mon<br />

éducation diversifiée. J’ai passé la plupart<br />

de mon enfance à Rotterdam. Les<br />

gens y parlent l’anglais américain, et j’ai<br />

grandi dans un foyer jamaïcain. J’avais<br />

des amis blancs, turcs, marocains. Les<br />

gens y sont très accueillants, j’ai donc<br />

beaucoup appris sur leur culture, leurs<br />

traditions, leur nourriture, leur musique.<br />

Quelles influences musicales y avezvous<br />

absorbées ?<br />

Les Pays-Bas contrôlaient le Suriname<br />

(le pays sud-américain était sous domination<br />

néerlandaise entre 1667 et 1975,<br />

ndlr) et la culture surinamaise a une<br />

forte influence à Rotterdam – similaire<br />

à l’influence de la culture jamaïcaine à<br />

Londres. La langue qu’ils parlent au<br />

Suriname est un mélange d’espagnol,<br />

de français, de néerlandais et d’anglais.<br />

En étant proche de cette communauté,<br />

j’écoutais tout le temps des chansons<br />

surinamaises ; on utilisait aussi leurs<br />

mots d’argot. Je pense que cela a même<br />

marqué ma prononciation : j’étais en<br />

Espagne l’autre jour et certains habitants<br />

pensaient que j’étais de là-bas. Pourtant,<br />

je ne parle pas l’espagnol couramment !<br />

Pensez-vous que le fait de parler couramment<br />

le néerlandais a eu un<br />

impact sur vos talents de rappeuse ?<br />

Sans aucun doute. Quand je parle néerlandais,<br />

je parle très vite. C’est pour ça<br />

que je suis rapide avec ma langue quand<br />

je rappe. C’était un gros avantage quand<br />

j’ai commencé.<br />

votre nouvelle mixtape, Island 54,<br />

vous ajoutez des sons afrobeats à<br />

votre mélange déjà éclectique. Les<br />

directeurs artistiques ne préfèreraient-ils<br />

pas que vous vous en teniez<br />

à une seule chose afin de ne pas submerger<br />

votre fanbase ?<br />

J’ai l’impression qu’il y a certains artistes<br />

que l’on peut mettre sur n’importe quel<br />

morceau – que ce soit un morceau latino,<br />

un truc posé ou une chanson alternative<br />

– parce que leur voix est comme un instrument.<br />

Leur voix apporte un certain<br />

son, et j’ai l’impression que c’est le cas<br />

pour moi. Dans mon prochain single,<br />

je parle le yoruba, une langue parlée<br />

principalement en Afrique de l’Ouest.<br />

Je pense que le public va être choqué :<br />

c’est encore une fois totalement nouveau.<br />

Mais, pour moi, c’est quelque chose que<br />

j’ai toujours expérimenté. En tant qu’artiste,<br />

je me sens tellement libre.<br />

Il y a deux ans, vous êtes entrée dans<br />

l’Histoire en étant la première artiste<br />

anglaise à figurer sur la Freshman List<br />

du magazine américain XXL. Pensezvous<br />

que votre perspective globale est<br />

la raison pour laquelle le public américain<br />

vous a plus adoptée que les autres<br />

MCs britanniques ?<br />

À fond ! Je sens que c’est seulement<br />

maintenant que les Américains acceptent<br />

mieux l’accent britannique sur un morceau<br />

de rap. Avant cela, c’était du genre :<br />

« J’aime quand vous parlez, mais quand<br />

quelqu’un rappe, je ne peux pas vous<br />

36 THE RED BULLETIN


« Dans mon prochain single,<br />

je parle le yoruba, une langue<br />

parlée principalement en<br />

Afrique de l’Ouest. Je pense que<br />

le public va être choqué. »


« Dans tout ce que vous faites,<br />

que vous soyez plombier, gamer<br />

ou menuisier, vous devez<br />

toujours vouloir être le meilleur.<br />

Sinon, pourquoi le faire ? »


prendre au sérieux. J’ai l’impression<br />

que vous mangez des biscuits et que vous<br />

buvez du thé toute la journée. » Littéralement,<br />

c’est ce qu’ils me disaient ! Mais<br />

quand ils ont entendu mes chansons,<br />

ils m’ont sorti : « Tu ne sonnes pas vraiment<br />

comme une Britannique. » Encore<br />

une fois, cela vient du fait que j’ai grandi<br />

en Hollande, où je parlais l’anglais américain.<br />

Le rap avec un véritable accent<br />

britannique était en fait un défi pour<br />

moi au début.<br />

Drake vous a donné des conseils au<br />

début de votre carrière. Il vous a dit :<br />

« Assure-toi, quoi que tu fasses, que<br />

ton adversaire ait peur de toi. » Est-ce<br />

quelque chose dont vous vous inspirez<br />

encore ?<br />

Oui, à 100 %. Dans tout ce que vous<br />

faites, que vous soyez plombier, menuisier<br />

ou un gamer, vous devez toujours<br />

vouloir être le meilleur. Sinon, pourquoi<br />

le faire ? En arrivant dans le rap, je me<br />

suis retrouvée dans tellement de situations<br />

où il y avait un rythme qui jouait<br />

et où on se disait : « Qui va rapper dessus<br />

? » Et j’étais toujours prête dans ces<br />

situations. Je m’assurais toujours d’avoir<br />

beaucoup de rimes prêtes, pour être sûre<br />

de détruire qui que ce soit au micro.<br />

Impitoyable…<br />

Oui, j’ai toujours eu cette mentalité. Je<br />

veux donner envie aux gens de réécrire<br />

leurs textes. Parce que ça m’est déjà<br />

arrivé… J’entendais certaines nanas rapper<br />

et je me disais : « Oh mon Dieu, ce que<br />

j’ai écrit n’est pas aussi bon. J’ai besoin<br />

de poser là-dessus et de réécrire mon<br />

bordel. » C’est ça que je veux que les gens<br />

ressentent quand ils m’écoutent. Parce<br />

que c’est comme ça qu’on maintient une<br />

dynamique saine, c’est comme ça qu’on<br />

se pousse les uns les autres. Si les gens ne<br />

se défient pas, s’ils se contentent de faire<br />

comme les autres, alors on est foutus.<br />

Et c’est ce qui se passe depuis un certain<br />

temps. Personne n’essaie vraiment d’être<br />

le meilleur. Je vois beaucoup de suiveurs.<br />

Je vois beaucoup de gens qui se disent :<br />

« Ça marche. Laissez-moi faire quelque<br />

chose de similaire. »<br />

Pourquoi pensez-vous que c’est le cas ?<br />

En tant qu’artiste, la façon dont vous êtes<br />

critiqué aujourd’hui est différente de celle<br />

que j’ai connue à mes débuts. À l’époque,<br />

« Si les gens ne<br />

se défient pas,<br />

se contentent de<br />

faire comme les<br />

autres, alors on<br />

est foutus. »<br />

il n’y avait pas de trolls Instagram. Je<br />

n’avais pas peur d’échouer en sortant des<br />

vidéos qui n’étaient peut-être pas ce que<br />

je voulais qu’elles soient – je devais juste<br />

le faire, parce que c’est tout ce que je pouvais<br />

me permettre. Je ne peux pas imaginer<br />

comment c’est pour les jeunes artistes<br />

d’aujourd’hui avec tant de gens qui les<br />

observent ; tant d’yeux de personnes qui<br />

ne savent pas ce dont elles parlent, qui<br />

projettent leurs doutes sur les autres sur<br />

les médias sociaux. Les plateformes<br />

comme Instagram sont responsables du<br />

manque de créativité de la nouvelle génération<br />

d’artistes. Et même pour les artistes<br />

établis, il est très difficile de dire ce qu’ils<br />

veulent vraiment dire ou d’exprimer ce<br />

qu’ils ressentent.<br />

On sent que vous parlez d’après votre<br />

expérience...<br />

J’avais l’habitude d’enregistrer ma<br />

famille sur Snapchat très souvent. Je<br />

disais toujours ce que je pensais sur<br />

certains sujets qui m’ont causé des problèmes<br />

à plusieurs reprises. (En 2018,<br />

elle s’est excusée pour des tweets de 2013<br />

dans lesquels elle disait que les filles « à<br />

la peau foncée » changeraient de couleur<br />

de peau si elles le pouvaient, ndlr.) J’ai<br />

eu des ennuis pour des choses que je<br />

ne pensais pas de la façon dont je les<br />

ai dites, et les choses ont été sorties de<br />

leur contexte. Je me disais : « Est-ce que<br />

tu mérites vraiment de savoir qui je suis<br />

si tu te contentes de ne prendre que des<br />

petites séquences de ma réalité et de les<br />

utiliser pour me faire passer pour<br />

quelqu’un que je ne suis pas ? » C’est ce<br />

qu’Internet est devenu aujourd’hui. Les<br />

gens regardent votre image et se disent :<br />

« Qu’est-ce que je peux en exploiter de<br />

négatif ? » Et la deuxième chose est :<br />

« Voyons les commentaires », pour trouver<br />

quel angle exploiter. Vous n’êtes pas<br />

censé y être vous-même. Vous n’êtes pas<br />

censé y être un libre penseur. Il s’agit<br />

de jouer la sécurité, de suivre les autres.<br />

Et je veux vraiment m’éloigner de cela.<br />

Y a-t-il un moyen de refaire d’Internet<br />

un lieu de positivité à nouveau ?<br />

En fait, j’ai eu plusieurs réunions avec<br />

l’un des responsables d’Instagram, et j’ai<br />

notamment suggéré que l’on retire les<br />

likes des commentaires.<br />

C’est-à-dire ?<br />

Fut un temps où vous pouviez commenter<br />

les messages, mais vous ne le faisiez<br />

pas pour obtenir des appréciations sur<br />

votre commentaire. Désormais, les gens<br />

sont plus extrêmes et plus méchants dans<br />

leurs commentaires parce qu’ils veulent<br />

se démarquer afin d’être appréciés, c’est<br />

comme une compétition. En conséquence,<br />

vous regardez votre message et<br />

vous vous rendez compte que 3 000 personnes<br />

ont aimé un commentaire vraiment<br />

détestable à votre sujet. C’est horrible<br />

! Je ne pense pas que les gens se<br />

rendent compte à quel point Instagram<br />

est préjudiciable pour nous et la prochaine<br />

génération. Tout le monde tourne<br />

autour du pot et dit : « Oh oui, c’est mauvais.<br />

» Mais les gens sont tellement mal<br />

à l’aise à cause de cela, les gens ne créent<br />

pas à cause de cela, les gens ne partagent<br />

pas de nouvelles idées à cause de cela.<br />

C’est une chose très sérieuse et j’aimerais<br />

que plus de gens en parlent davantage<br />

et appellent au changement.<br />

Cela étant dit, quelle est votre stratégie<br />

pour rester saine d’esprit ?<br />

Je suis si chanceuse d’avoir ma famille.<br />

J’ai acheté une grande maison, et mon<br />

fils (de 11 ans, ndlr), la plupart de mes<br />

six frères et sœurs et ma mère vivent<br />

avec moi. C’est la principale raison pour<br />

laquelle je vais bien. Je me considère<br />

également chanceuse de ne pas avoir<br />

émergé dans l’ère des médias sociaux.<br />

J’ai le sens de la réalité. Je sais ce que<br />

cela signifie d’être originale. Je sais<br />

ce que cela signifie de ne pas vraiment<br />

se soucier de ce que pensent les autres.<br />

Et personne ne peut m’enlever cela.<br />

Island 54, la nouvelle mixtape de Stefflon<br />

Don, est dispo ; stefflondonofficial.com<br />

THE RED BULLETIN 39


Népal, dans la vallée<br />

des Annapurnas.<br />

Mélusine, 40 ans,<br />

avec sa moto<br />

« idéale, celle dont<br />

on accepte les<br />

défauts » !


Sur les<br />

roues de<br />

la liberté<br />

Elle a un nom d’héroïne de BD. Seule sur sa<br />

moto de 800 cm³, MÉLUSINE MALLENDER<br />

parcourt le monde en quête d’humanité, une<br />

question en tête : c’est quoi, la liberté ? En<br />

particulier celle des femmes, avec autant de<br />

réponses inspirées que de droits bafoués.<br />

De l’Asie à l’Afrique en passant par l’Amérique<br />

latine, retour sur cinq moments et rencontres<br />

clés qui ont jalonné ses expéditions, et ce que<br />

ses virées de par le monde lui ont enseigné.<br />

Texte PATRICIA OUDIT<br />

XX MALLENDER/CHRISTIAN EDITOR ILLUSTRATOR CLOT ZEPPELIN<br />

41


Dans la circulation<br />

chaotique de Dhaka<br />

(Bangladesh) et ses<br />

rickshaws, lors<br />

de son expédition<br />

de la Route du tigre<br />

en 2016.<br />

Vivre des aventures, « Mélu » en avait envie<br />

depuis son enfance. Elle commence par faire<br />

du volontariat en Afrique à 18 ans, mais c’est<br />

en 2010, à 30 ans, que cette costumière de<br />

métier enfourche sa très vieille Honda, une<br />

125 cm³ pour sa première expédition solo<br />

à moto en Asie. Quatre mois et 22 500 km<br />

qui la conduiront jusqu’à Vladivostok où<br />

« Poupy », 110 000 km au compteur finira sa<br />

vie, avant le terme du voyage initial, le Japon, sa terre natale<br />

(de la Honda, pas de Mélusine). Depuis, toujours en solo, elle<br />

n’a cessé d’arpenter l’asphalte, du Népal à l’Éthiopie, de l’Iran<br />

au Kazakhstan, de la Bolivie à la Birmanie, lors d’expéditions<br />

au long cours.<br />

Troquant sa 125 cm³ pour de plus grosses cylindrées. « C’est<br />

un vrai choix d’avoir une grosse machine, un symbole de s’être<br />

emparée d’un emblème de virilité. Dans beaucoup de pays, peu<br />

de femmes se sentent autorisées à piloter une moto, et si moi je<br />

peux le faire avec une grosse moto, cela prouve qu’une femme<br />

peut le faire ! Et puis, c’est un sésame extraordinaire qui intrigue<br />

et incite au partage. » Son credo : prendre le temps d’aller<br />

à la rencontre des gens, tenter de les comprendre en profondeur<br />

dans des pays qui n’ont souvent pas bonne réputation, à<br />

tort ou à raison. « J’ai toujours eu une fascination pour l’humain<br />

et une grande empathie pour ses contradictions, une sensibilité<br />

de justice, de féminisme, c’est-à-dire vouloir qu’une femme ait<br />

les mêmes droits qu’un homme, tout simplement », insiste<br />

Mélusine.<br />

Au fil du temps et sans que Mélusine ne s’en rende compte,<br />

cette question autour de la liberté est devenue l’axe principal<br />

de sa quête « sans fin, passionnante, où ma propre vision évolue<br />

au fil des réponses que je reçois »… Juste avant le confinement,<br />

la quarantenaire qui cumule 150 000 km à moto et 55 pays explorés<br />

sur les cinq continents était partie repérer son prochain<br />

trip, en Arabie saoudite. Avec la même approche pétrie de<br />

tolérance. « En voyageant, on s’aperçoit que l’immense majorité<br />

des gens recherche la même chose. »<br />

Elle ne sait ni quand ni où elle repartira, mais son message<br />

à l’adresse de tous, femmes et hommes, lui, ne changera pas :<br />

« Avance, tente l’aventure, fais-toi ta propre opinion, et surtout :<br />

ne te dégonfle pas ! »<br />

À lire : Les voies de la liberté, 21 €, Robert Laffont.<br />

Pour partager votre vision de la liberté, en mots, photos,<br />

films, dessins : shareyourfreedom@melusinemallender.com ;<br />

melusinemallender.com<br />

PARIS<br />

UKRAINE<br />

RUSSIE<br />

KAZAKHSTAN MONGOLIE<br />

Volgograd<br />

Oulan-Bator<br />

Almaty<br />

Samarcande<br />

VLADIVOSTOK<br />

42 THE RED BULLETIN


MALLENDER/SUMAN PAUL ZEPPELIN<br />

2010 : BACK TO JAPAN<br />

4 mois, 22 500 km<br />

Moto : « Poupy », 125 Varadero (Honda)<br />

« Je suis en Mongolie, à environ 600 km de la capitale Oulan-Bator, sur des pistes sublimes avec<br />

cette impression d’être minuscule, mais d’être à ma place. La Mongolie, j’en rêvais depuis toujours…<br />

Lors d’une pause dans une station-service, je tombe sur Sukh Oshir, un géologue japonais d’origine<br />

mongole, qui fait de la prospection, et je lui raconte ce que je fais là. Il est épaté, mais il me dit : “Quand<br />

même, tu es toute seule au milieu de rien, sans moyen de communication…” Je reprends la route et là,<br />

je le vois, arrêté avec sa camionnette sur le bas-côté… Et voilà qu’il me tend son téléphone de secours :<br />

“Au moins s’il t’arrive quelque chose, tu auras quelqu’un à qui demander de l’aide ! Tu me le rendras<br />

à Oulan-Bator.” J’ai trouvé l’acte tellement improbable, spontané, gentil. Cet inconnu qui me donne<br />

quelque chose de précieux, c’est tellement symbolique du voyage, de ces rencontres venues de nulle<br />

part, ces marques de confiance qui me font avancer. On s’est retrouvés dans la capitale, dans un pub<br />

où jouait le groupe de punk metal diaphonique Altan Urag. Je ne lui ai pas dit mais je n’ai jamais eu<br />

à me servir de son téléphone : la seule fois où j’ai essayé de l’utiliser, il n’y avait aucun réseau ! »<br />

THE RED BULLETIN 43


PARIS<br />

UKRAINE<br />

2011 : ROUTES PERSANES<br />

4 mois, 28 000 km<br />

Moto : « Shirine », 800 Crossrunner (Honda)<br />

TURQUIE<br />

IRAN<br />

ALMATY<br />

« Le choc de ce voyage, c’est l’Iran ! En France, on me dissuadait<br />

de partir dans ce pays “à risques”, et sur place à la frontière,<br />

quelqu’un me crie, joyeux : “Bienvenue en Iran !” Le déclic de<br />

parler du sort des femmes m’est venu dans ce pays. Il fallait que<br />

je montre cette réalité beaucoup plus nuancée, réparer cette<br />

forme d’injustice. Rien n’est simple là-bas, mais par rapport<br />

à d’autres pays musulmans, la femme est éduquée, autonome,<br />

elle a une place. La rencontre sur une route de montagne avec<br />

ces quatre jeunes femmes illustrent bien leur audace. En descendant<br />

de leur voiture, elles se mettent aussitôt à danser autour de<br />

ma moto, volume de leur autoradio à fond. Avant de partir, Laila,<br />

la plus exubérante d’entre elles, me glisse un petit cafard en<br />

plastique dans la main : “Nous sommes du mouvement pour la<br />

liberté me dit-elle. Nous sommes comme les cafards, on nous<br />

écrase, mais on revient toujours !” Cette scène fugace résume<br />

tout : cette envie de vivre, d’être soi, malgré tout. »<br />

Désert du Dasht-e<br />

Lut (Iran). Dans sa<br />

tente, ses essentiels<br />

: chocolat,<br />

outils, sel, sangles et<br />

bons sacs étanches.<br />

PAS DE PROBLÈMES,<br />

QUE DES SOLUTIONS !<br />

Comment faire de ses peurs et<br />

des contraintes une force. Les<br />

trucs et les mantras de « Mélu »<br />

qu’elle s’est forgés sur la route,<br />

à moto.<br />

MISER SUR<br />

L’ADAPTABILITÉ<br />

« Lors de mon premier voyage, n’ayant pas de<br />

repères par rapport à la difficulté, cette naïveté<br />

et cette spontanéité m’ont paradoxalement<br />

aidée. Comme je pensais que tout allait être<br />

très difficile, j’ai pris chaque problème l’un<br />

après l’autre, et j’envisageais de la même façon<br />

les solutions. Je me remettais constamment en<br />

question. Il m’est arrivé de fondre en larmes<br />

suite à un souci, mais j’ai vite su être réactive,<br />

en misant sur cette plasticité depuis. »<br />

SE DIRE QU’ÊTRE UNE<br />

FEMME SEULE PEUT<br />

ÊTRE UN AVANTAGE<br />

« Je suis persuadée qu’on accueille plus souvent<br />

une femme chez soi pour la nuit, que l’on<br />

rentre plus facilement dans l’intimité des gens<br />

lorsqu’on est une femme. Cela s’est vérifié,<br />

surtout dans les pays où les femmes sont<br />

considérées comme vulnérables. Les femmes<br />

elles-mêmes deviennent alors une source de<br />

protection. Ce sont aussi elles qui savent où<br />

il y a de la nourriture et de l’eau. »<br />

44 THE RED BULLETIN


À Kampala<br />

(Ouganda),<br />

Mélusine est<br />

accueillie en famille.<br />

« Être une femme<br />

seule est souvent<br />

gage d’hospitalité. »<br />

Almaty<br />

MALLENDER/CHRISTIAN CLOT ZEPPELIN, MALLENDER/MALLENDER ZEPPELIN<br />

2014 : LES GRANDS LACS D’A<strong>FR</strong>IQUE<br />

4 mois, 15 000 km<br />

Moto : « Lucy », Tiger 800 (Triumph)<br />

« Me restent gravées en mémoire ces boxeuses de Kampala (Ouganda). Parmi elles,<br />

Hélène et Diana, deux sœurs qui s’entraînent comme des dingues pour sortir de leur<br />

bidonville où elles vivent dans des conditions d’insalubrité inimaginables. Hélène s’est<br />

mise à la boxe parce qu’elle a été tabassée dans la rue et laissée pour morte… À ce<br />

moment, je me dis qu’il est possible de prendre sa vie en main. Leurs réponses sont la<br />

base de ce questionnement sur la liberté : “Je veux faire ce que je veux, sans plus avoir<br />

peur, mais cela doit être juste.” La deuxième rencontre, ce sont les tambourineuses du<br />

Rwanda. Vingt ans après le génocide, ces femmes décident de jouer du tambour, pratique<br />

réservée aux hommes. Dans le groupe, il y a des veuves de génocidaires, des femmes de<br />

génocidaires, des filles de génocidaires. En jouant ensemble, elles disent que le pardon<br />

est possible, que l’on peut construire, aller de l’avant, même après la pire des barbaries. »<br />

FAIRE FI DES PRÉJUGÉS,<br />

ÊTRE À L’ÉCOUTE<br />

« Quand Habiba l’ancienne exciseuse éthiopienne<br />

me raconte comment elle procédait,<br />

j’ai le cœur qui se soulève, mais qui suis-je pour<br />

juger et comment comprendre si on ne fait que<br />

s’indigner sans écouter ? Au fil de mes voyages,<br />

j’ai appris à laisser les gens être eux-mêmes,<br />

accepter que l’humain est hyper complexe,<br />

qu’il soit bon ou mauvais. Ne pas espérer de<br />

l’autre ce qu’il n’est pas, ne pas lui demander<br />

plus que ce qu’il peut donner. »<br />

BIEN SÉCURISER<br />

SON BIVOUAC<br />

« Soit je m’approche de la civilisation, soit je<br />

m’en éloigne. C’est le cas dans les pays considérés<br />

comme risqués : je vais là où il n’y a plus<br />

de route, et personne ne doit deviner que je suis<br />

seule. J’ai une tente deux place pour plus de<br />

confort, avec une double entrée pour pouvoir<br />

sortir par l’autre côté si quelqu’un rentre. Tout<br />

ce qui est précieux est avec moi, dans ma tente.<br />

Je dors d’un œil, un couteau à côté de moi, et<br />

mon casque peut servir d’arme redoutable. »<br />

ÉTHIOPIE<br />

TANZANIE<br />

ANTICIPER LA FUITE<br />

KENYA<br />

SOMALI-<br />

LAND<br />

DAR ES<br />

SALAM<br />

« Que je bivouaque en pleine nature ou que je<br />

campe chez l’habitant, la moto, parfois cachée<br />

sous une bâche, est toujours garée dans le sens<br />

où je peux m’échapper le plus vite possible.<br />

Si j’ai un doute sur les gens qui m’entourent,<br />

je dors tout habillée. »<br />

THE RED BULLETIN 45


2016 : JAKARTA-PARIS<br />

9 mois, 28 000 km<br />

Moto : « Mustang », Tiger 800 (Triumph)<br />

PARIS<br />

« J’ai entendu parler d’une association au Népal qui aide<br />

les gens à sortir de l’esclavage, encore légal dans le pays.<br />

J’y rencontre Sanu, jeune femme de 25 ans que l’association<br />

a formée pour devenir mécanicienne. C’est la première fois<br />

que je suis face à quelqu’un qui a été esclave durant des<br />

années. Je sens chez cette femme que tout se mesure à l’aune<br />

de cette privation de liberté. Elle n’a pas de rancœur envers<br />

sa famille, elle sait que c’est le destin réservé aux pauvres,<br />

que sa famille n’aurait pas eu de quoi la nourrir, qu’elle n’avait<br />

pas le choix. Quand elle a pu enfin sortir de cette situation,<br />

au début, elle ne savait pas quoi faire de cette liberté<br />

qu’elle n’avait jamais connue… »<br />

Istanbul<br />

Téhéran<br />

Islamabad<br />

Katmandou<br />

New Dehli Mandalay<br />

Bangkok<br />

JAKARTA<br />

Village de<br />

Tatopani (Népal).<br />

« Mustang », sa<br />

moto a une devise :<br />

« Il n’y a pas de<br />

mauvaise météo,<br />

seulement du mauvais<br />

équipement ! »<br />

POUVOIR LÂCHER PRISE,<br />

FAIRE CONFIANCE<br />

« Me faire voler, ça ne m’est arrivé qu’une fois !<br />

De manière générale, les gens sont honnêtes,<br />

j’ai appris à faire confiance et à ne plus m’en<br />

inquiéter. Il faut bien laisser la moto pour aller<br />

boire, manger et pisser. Si on est sur ses gardes<br />

en permanence, on ne vit plus. »<br />

ÉLIMINER TOUTE<br />

FORME D’AMBIGUÏTÉ<br />

« Une femme seule est naturellement étiquetée<br />

“aventurière de l’amour”, a fortiori si elle<br />

vient de France ! Je prends donc soin d’affirmer<br />

ma respectabilité de femme mariée avec une<br />

fermeté qui ne laisse aucune place au doute !<br />

J’essaie aussi de calquer mon comportement<br />

autant que possible sur celui des femmes<br />

du pays. »<br />

SAVOIR NÉGOCIER…<br />

MAIS S’IMPOSER<br />

« Si la personne insiste, comme c’est arrivé,<br />

j’essaie de comprendre ce que veut l’autre,<br />

je négocie pour trouver un compromis qui ne<br />

soit pas vexant pour l’autre mais sécurisant<br />

pour moi. Après, j’ai des bonnes bases de selfdefense<br />

: même si le langage a toujours suffi<br />

jusqu’à présent, ces sports de combat m’ont<br />

appris à m’imposer dans l’espace, à montrer<br />

que je suis dominante, pas victime. »<br />

46 THE RED BULLETIN


À gauche, à La Paz, le marché<br />

des sorcières… Ci-dessus, un<br />

graffiti du collectif anarchoféministe<br />

bolivien Mujeres<br />

Creando : « Femme, pour être<br />

libre : aime-toi ! »<br />

LOS ANGELES<br />

MEXIQUE<br />

PANAMA<br />

COLOMBIE<br />

VENEZUELA<br />

PÉROU<br />

BOLIVIE<br />

SANTIAGO<br />

2018-19 : AMÉRIQUE LATINE<br />

9 mois, 25 000 km<br />

Moto : « Tania », Tiger 800 (Triumph)<br />

« Ma rencontre avec Rosario, à La Paz (Bolivie), résume bien la rage et la<br />

difficulté de changer de vie pour une femme en Amérique latine. Cette jeune<br />

femme est modèle dans une agence de mannequins Cholitas (ces femmes<br />

de l’Altiplano qui conservent le style vestimentaire caractéristique de la<br />

tradition aymara, ndlr). Avec l’envie de montrer qu’on peut être fière de<br />

poser dans une tenue traditionnelle, de défendre ses valeurs et sauver une<br />

culture moribonde. On est aux antipodes des canons de la mode occidentale<br />

: ces femmes n’ont pas l’habitude de s’exposer et dire “Je suis là, belle,<br />

fière”. Cela va à l’encontre de cet héritage colonial qui montre les Cholitas<br />

comme les bonnes à tout faire, soumises. Rosario prouve le contraire. »<br />

CRÉDIT MALLENDER/CHRISTIAN CLOT ZEPPELIN, MALLENDER<br />

SAVOIR FAIRE PREUVE<br />

DE PATIENCE<br />

« Dans les moments d’extrême frustration,<br />

comme quand ma moto est restée bloquée<br />

quinze jours à la douane en Éthiopie à cause<br />

d’un papier pouvant compromettre la suite du<br />

voyage, ne pas s’énerver. Au contraire : c’est un<br />

jeu de psychologie et de patience pour trouver<br />

la personne ayant le pouvoir de débloquer la<br />

situation. Idem pour la mécanique, quand vous<br />

devez attendre une pièce de rechange plusieurs<br />

jours pour réparer votre moto. Patience ! »<br />

TRANSFORMER SA<br />

PEUR EN FORCE<br />

« Parce que j’ai peur, je vais analyser le pourquoi.<br />

Je garde cette peur en tête, comme un<br />

point de vigilance. C’est mon côté chercheur<br />

(Mélusine a fait des études en géographie<br />

sociale, ndlr) : je suis dans le doute, prête<br />

à accepter que ce qui va venir sera différent<br />

de ce que j’avais anticipé. Le nombre de fois<br />

où j’ai gardé le sourire, même quand je flippais<br />

à mort… Ça donne un signal : même pas peur,<br />

je ne serai pas ta victime. »<br />

SE MONTRER CRÉATIVE<br />

« Le virus m’oblige, comme tout le monde,<br />

à revoir mes projets de voyage. Qui vont,<br />

dans le futur proche, être forcément francophones<br />

! C’est peut-être le pays que je connais<br />

le moins bien… J’y réfléchis, et me dit une<br />

fois de plus que la contrainte, moins qu’un<br />

obstacle, est une façon de le contourner. »<br />

THE RED BULLETIN 47


Dans un puits circulaire<br />

de la grotte Um<br />

Ladaw en Inde, où<br />

des scientifiques<br />

ont découvert l’année<br />

dernière une<br />

nouvelle espèce de<br />

poisson souterrain.<br />

À la rencontre des<br />

« ASTRONAUTES<br />

SOUTERRAINS »,<br />

dont les aventures<br />

dans le monde<br />

sous nos pieds<br />

aident à éclairer<br />

notre passé et<br />

à façonner<br />

notre avenir.<br />

Texte MARK BAILEY<br />

ROBBIE SHONE


la Terre<br />

49<br />

Au<br />

centre<br />

de


Nous vivons notre vie au jour le<br />

jour à la surface de la planète.<br />

Mais sous cette croûte familière,<br />

il existe de mystérieux labyrinthes<br />

de grottes, crevasses, cavernes<br />

marines et lacs souterrains.<br />

C’est la frontière<br />

oubliée de l’humanité.<br />

Nous avons exploré les pôles, les montagnes et la<br />

lune. Pourtant, plus de la moitié des cavernes de<br />

la planète n’ont pas encore été découvertes. Même<br />

la plus grande grotte connue au monde, Hang So’n<br />

Đoòng au Vietnam, n’a été cartographiée qu’en<br />

2009. Avec 38,5 millions de mètres cubes, elle pourrait<br />

abriter un gratte-ciel de quarante étages. Pourtant,<br />

l’année dernière des explorateurs ont découvert<br />

que la grotte est plus grande de 1,6 millions<br />

de mètres cubes que ce que l’on pensait auparavant.<br />

Elle possède son propre système fluvial, sa jungle<br />

et son microclimat, avec des arbres de 30 mètres<br />

de haut, et des stalagmites de 70 mètres.<br />

Au plus profond du monde souterrain, des scientifiques<br />

ont découvert des organismes qui produisent<br />

des antibiotiques ; une vie microbienne apparentée<br />

aux formes de vie les plus anciennes, existant il y a<br />

des milliards d’années ; et des pierres fantastiques et<br />

des dunes aussi étrangères à nous que les déserts de<br />

Vénus. En 2017, des experts de la NASA ont fait revivre<br />

une forme de vie microbienne qui était restée<br />

endormie dans des cristaux de gypse au fond d’une<br />

grotte mexicaine pendant près de 50 000 ans, faisant<br />

émerger l’espoir que des organismes extraterrestres<br />

puissent être trouvés dans des environnements extrêmes<br />

sur des planètes éloignées.<br />

« J’ai exploré des grottes partout sur la planète et<br />

vu des choses les plus spectaculaires qui soient, dit<br />

l’exploratrice souterraine et microbiologiste Hazel<br />

Barton, qui a travaillé avec la NASA au Mexique. Et<br />

mes yeux ont été les premiers à voir ces microbes.<br />

Quand vous pensez au premier alunissage et à Neil<br />

Armstrong… L’expérience du “premier homme sur la<br />

lune” est un phénomène rare. Mais dans les grottes,<br />

c’est quelque chose qui arrive régulièrement. »<br />

Les spéléologues doivent se faufiler dans des fissures<br />

semblables à des étaux et naviguer dans l’obscurité<br />

totale. Savoir par où commencer est la première<br />

difficulté. « Les grottes sont uniques en ce sens<br />

qu’on ne peut pas les voir, dit Dr Barton. Les montagnes<br />

sont visibles, l’espace est visible. La meilleure<br />

comparaison que nous puissions faire est avec<br />

l’océan, mais on peut le cartographier à l’aide d’un<br />

sonar. Avec les radars à pénétration de sol, on peut<br />

s’estimer heureux si on récolte des résultats à 30<br />

mètres de profondeur. Le seul moyen d’obtenir des<br />

résultats, c’est d’aller sur le terrain. »<br />

Avec le changement climatique et l’accroissement<br />

de la pollution, les calottes glaciaires qui fondent<br />

et les infections résistantes aux médicaments qui<br />

prolifèrent, explorer le monde souterrain n’a jamais<br />

été aussi urgent. Les glaciologues descendent en<br />

rappel dans des trous de glace pour surveiller les<br />

taux de fonte, les microbiologistes vont en profondeur<br />

à la recherche de nouveaux antibiotiques,<br />

et les plongeurs s’enfoncent dans des grottes pour<br />

démontrer la vulnérabilité de nos réserves d’eau<br />

potable.<br />

Selon MacFarlane, le monde souterrain invite<br />

à une perspective de “temps profond” qui va bien<br />

au-delà de notre propre courte durée de vie. Les<br />

paléoclimatologues étudient les stalagmites qui<br />

éclairent sur le changement climatique d’il y a<br />

650 000 ans, alors que les astronautes de l’Agence<br />

spatiale Européenne nagent dans des grottes de<br />

lave en vue d’une éventuelle mission sur Mars.<br />

Les grottes sont donc une métaphore des failles<br />

dans nos connaissances. « Loin des yeux, loin du<br />

cœur, et donc loin de la tête – c’est là le problème,<br />

alerte l’anthropologiste environnemental Dr Kenny<br />

Broad. Nous avons du mal à concevoir que 95 % de<br />

l’eau potable du monde est stockée sous nos pieds,<br />

sous forme d’eau souterraine. » Avec moins d’1 %<br />

de l’eau douce accessible stockée dans les rivières et<br />

les lacs de surface, les eaux souterraines invisibles<br />

constituent le principal système de soutien pour<br />

toute la vie humaine et animale.<br />

Mais comme nous continuons à polluer et à empoisonner<br />

la planète, les photographies, les histoires<br />

et les découvertes exceptionnelles des spéléologues<br />

contribuent à sensibiliser à la beauté et à la fragilité<br />

du monde souterrain. Ils nous forcent à réfléchir<br />

d’où vient notre eau potable, ce que nous faisons<br />

de nos déchets, et combien il nous reste encore à<br />

apprendre. Ici, nous rendons hommage aux « astronautes<br />

souterrains » qui nous donnent des visions<br />

pour le monde de demain dans l’obscurité du<br />

monde du dessous.<br />

ROBBIE SHONE<br />

50 THE RED BULLETIN


Dr Hazel Barton a trouvé<br />

des microbes susceptibles<br />

de sauver des vies dans la<br />

grotte de Lechuguilla au<br />

Nouveau Mexique (USA).<br />

La microbiologiste<br />

Dr Hazel Barton<br />

Surnommée la Lara Croft de la microbiologie,<br />

Hazel Barton a exploré des grottes sur les six<br />

continents, de Lechuguilla au Nouveau-Mexique<br />

(USA) et ses 242 km de tunnels, à la vaste<br />

Cloud Ladder Hall dans la grotte Er Wang Dong<br />

en Chine, tellement grande qu’elle possède son<br />

propre système fluvial. « Je fais du sport tous<br />

les jours, car il faut être en forme pour faire<br />

mon métier, détaille la scientifique de 48 ans<br />

qui dirige le programme de doctorat de biosciences<br />

intégrées à l’université d’Akron (Ohio,<br />

USA). Lors d’une expédition dans la grotte<br />

Lechuguilla, on reste en général huit jours sous<br />

THE RED BULLETIN 51


terre. On porte des sacs de 17 à 20 kilos, on fait<br />

du rappel dans des tunnels étroits. J’ai traversé<br />

la jungle de Bornéo pour atteindre des grottes<br />

où il faisait 25 ou 27 °C. Elles sont pleines de<br />

sangsues, vous avez de l’eau jusqu’à la taille,<br />

les chauve-souris vous frôlent le crâne. Comme<br />

pour tout dans la vie, même en vous donnant<br />

à 100 %, vous risquez de ne récolter que 3 %<br />

en retour, mais ces 3 % en valent vraiment la<br />

peine. »<br />

Les recherches du Dr Barton portent sur la<br />

résistance aux antibiotiques. Ces dérivés de<br />

composés naturels fabriqués par des microbes<br />

dans le sol aident à combattre les maladies<br />

infectieuses. Mais leur consommation abusive<br />

a conduit les microbes nuisibles à développer<br />

une résistance, affaiblissant l’efficacité des<br />

traitements de maladies telles que la pneumonie<br />

ou la tuberculose. Les Nations Unies ont<br />

averti que le nombre de décès dus à des infections<br />

résistantes aux médicaments pourraient<br />

atteindre dix millions par an d’ici 2050, qualifiant<br />

ce phénomène de « l’une des plus grandes<br />

menaces auxquelles nous soyons confrontées ».<br />

Mais Hazel Barton a fait une découverte prometteuse<br />

dans la grotte de Lechuguilla, à<br />

près de 500 mètres de profondeur.<br />

« Je sais que personne n’est jamais passé<br />

par là, dit-elle. L’endroit est immaculé. L’eau de<br />

pluie depuis la surface met mille ans à s’infiltrer,<br />

soit depuis bien avant les années 1940, lorsque<br />

les premiers antibiotiques ont été utilisés.<br />

Nous avons testé les insectes qui vivent ici, et<br />

ils étaient résistants à tous les types d’antibiotiques<br />

utilisés en médecine. Pourtant, cette<br />

« En vous donnant à 100 %,<br />

vous risquez de ne récolter<br />

que 3 % en retour, mais ces<br />

3 % en valent la peine. »<br />

grotte est restée intacte et vierge depuis quatre<br />

millions d’années. Ce qui suggère que la résistance<br />

aux antibiotiques est solidement et<br />

anciennement ancrée. »<br />

Elle prévoie de passer au crible un million<br />

de bactéries souterraines afin de trouver de<br />

nouveaux microbes qui pourraient constituer<br />

la base de nouveaux antibiotiques.<br />

Née à Bristol, Hazel Barton a commencé<br />

la spéléologie à 14 ans et s’est enthousiasmée<br />

pour l’exploration des grottes en trois dimensions.<br />

Pendant qu’elle préparait son doctorat<br />

à l’Université du Colorado, elle est partie faire<br />

des expéditions dans des grottes du Dakota du<br />

Sud et du Nouveau-Mexique. C’est durant ses<br />

recherches postdoc qu’elle a décidé de conjuguer<br />

ses deux passions.<br />

« Peu de scientifiques aiment partir à l’aventure<br />

dans des conditions humides et effrayantes.<br />

Cela m’a donné l’opportunité de visiter des<br />

grottes qu’un microbiologiste n’avait jamais<br />

pénétrées avant moi, dit-elle. Et d’y découvrir<br />

de nouvelles choses. L’exploration souterraine<br />

est très similaire à la science car on résout des<br />

problèmes et on acquiert une forme de persévérance.<br />

»<br />

L’explorateur<br />

urbain Steve Duncan<br />

brave les égouts<br />

d’Aix-la-Chapelle<br />

près de Cologne,<br />

en Allemagne.<br />

Hazel Barton<br />

étudie une formation<br />

séculaire de<br />

gypse dans la grotte<br />

de Lechuguilla.<br />

DAVE BUNNELL, STEVE DUNCAN/UNDERCITY.ORG<br />

52 THE RED BULLETIN


L’explorateur urbain<br />

Steve Duncan<br />

Équipé d’une pontonnière, de mousquetons,<br />

de cordes et de torches, l’explorateur urbain<br />

Steve Duncan se faufile dans les égouts de<br />

Londres, derrière des portes secrètes des<br />

tunnels du métro new-yorkais, ou dans les<br />

catacombes de Paris. Ses escapades souterraines<br />

nous rappellent brutalement à la fragilité<br />

de l’écologie urbaine.<br />

« La nature est une source d’inspiration<br />

géniale, mais pour ce qui est des environnements<br />

urbains, ça reste à voir, explique Duncan,<br />

41 ans, qui vit à New York. Nous supposons que<br />

l’homme est un expert en matière de gestion<br />

de la ville. Il suffit d’ouvrir le robinet pour que<br />

de l’eau coule. Mais aller sous terre pour voir<br />

d’où vient cette eau, et où elle va, cela change<br />

tout. Si l’on coupait l’alimentation en eau de<br />

New York dans un rayon de 65 à 120 km, les<br />

habitants seraient privés d’eau en moins<br />

de 24 heures. »<br />

L’exploration des égouts a convaincu<br />

Duncan qu’il n’y a pas de distinction entre<br />

les environnements naturels et humains.<br />

Les égouts modernes suivent les anciennes<br />

rivières souterraines, les égouts des villes<br />

côtières connaissent des raz-de-marée, et<br />

l’eau obéit à la loi de la gravité. « Les inondations<br />

sont causées par l’activité humaine.<br />

Ce n’est pas l’eau qui s’infiltre là où elle ne<br />

devrait pas, ce sont les bâtiments qui ont été<br />

construits là où il ne fallait pas. Avec le changement<br />

climatique, nous allons assister à<br />

de redoutables inondations en milieu urbain.<br />

Si New York et Londres veulent perdurer<br />

quelque mille ans, il faut se débarrasser de<br />

la dichotomie monde urbain/monde naturel,<br />

et impérativement se consacrer à concevoir<br />

des infrastructures durables et des planifications<br />

intelligentes. »<br />

Duncan a grandi dans le Maryland (USA),<br />

et a commencé à explorer ce qu’il y avait<br />

sous nos pieds alors qu’il était à l’université,<br />

à New York, en se faufilant dans les galeries<br />

techniques du métro à la recherche de sensations<br />

fortes. Il a échappé de justesse à<br />

des rames de métro dans des tunnels, a été<br />

arrêté pour intrusion à New York et à Paris,<br />

et a failli se noyer dans un raz-de-marée. Il<br />

a appris à neutraliser ses peurs avec une<br />

préparation minutieuse.<br />

« J’essaye de maîtriser mes craintes en<br />

prenant des mesures intelligentes et en<br />

avançant pas à pas. Je me renseigne sur les<br />

collecteurs d’eaux pluviales et les marées.<br />

Je possède un compteur de gaz pour vérifier<br />

la présence de sulfure d’hydrogène dans<br />

les égouts. Je ne veux pas m’évanouir et me<br />

noyer dans quelques centimètres d’eau… »<br />

Duncan a dû être hospitalisé à trois<br />

reprises à cause d’infections, mais même<br />

ces maladies avaient leur utilité. « C’est un<br />

bon rappel : les agents pathogènes d’origine<br />

hydrique sont les plus grands meurtriers de<br />

l’histoire de l’urbanisation. Nos égouts sont<br />

une révolution sanitaire, certes, pourtant<br />

ces agents pathogènes ne cessent de circuler<br />

sous nos pieds. Pourquoi continuonsnous<br />

de mélanger nos eaux souillées aux<br />

eaux de précipitation propres ? Il faut<br />

rendre nos cours d’eau plus propres. »<br />

Il espère que ses photographies éveilleront<br />

la curiosité et inspireront les gens à<br />

repenser les agglomérations dans lesquelles<br />

ils habitent. « Les cartes modernes n’offrent<br />

qu’une représentation incomplète des paysages<br />

urbains, dit Duncan. La réalité, elle,<br />

est tridimensionnelle. »<br />

THE RED BULLETIN 53


L’anthropologiste<br />

environnemental<br />

Dr Kenny Broad<br />

Voilà un professeur digne d’Indiana Jones<br />

auquel le National Geographic a déjà décerné<br />

le prix de l’explorateur de l’année. À 53 ans, ce<br />

chercheur sait piloter un hélicoptère, a joué les<br />

cascadeurs à Hollywood, et adore les tenues<br />

de plongée. Il enseigne l’anthropologie environnementaliste<br />

à l’université de Miami et plonge<br />

dans toutes les grottes sous-marines qui se<br />

présentent à lui, des Bahamas au Mexique, pour<br />

étudier le changement climatique, l’évolution<br />

et la gestion de l’eau douce.<br />

« Explorer une grotte sous-marine, c’est<br />

comme pénétrer dans la cathédrale de Saint-<br />

Jacques-de-Compostelle, sauf qu’au lieu<br />

d’avancer dans la nef, vous plongez et vous<br />

glissez sous les voûtes en l’espace d’un instant,<br />

raconte Kenny Broad. C’est une explosion<br />

de beauté qui passe par tous vos sens, une<br />

sensation de flow incroyable. »<br />

Il a appris à plonger gamin ; son hobby est<br />

devenu une aptitude majeure dans ses<br />

recherches. Les sédiments et les stalagmites<br />

sous-marins renferment des indices vitaux sur<br />

les changements climatiques qui ont déjà eu<br />

lieu, sur l’environnement anoxique (ou sans<br />

oxygène) qui a permis la préservation des fossiles.<br />

Son équipe a trouvé des restes d’oiseaux<br />

et de vertébrés jusque-là non répertoriés.<br />

« En plongeant dans ces<br />

cavernes, vous revenez<br />

aux principes fondamentaux<br />

de la vie : chaque<br />

respiration compte. »<br />

Kenny Board plonge dans des trous bleus<br />

(cavernes marines submergées) aux Bahamas<br />

qui servent de comparaison avec les océans<br />

tels qu’ils existaient il y a des millénaires.<br />

« Toutes les vies sont reliées à la plus ancienne<br />

forme de vie sur Terre, il y a plus de deux milliards<br />

et demi d’années. Ils reflètent autant<br />

que possible ce qui peut se passer sur d’autres<br />

planètes. J’ai parlé à quelqu’un de la NASA,<br />

parce qu’il pourrait y avoir quelque chose<br />

d’équivalent, un océan souterrain, sous la<br />

croûte d’Europe, à l’une des lunes de Jupiter.<br />

Ils sont intéressés par les organismes extrêmophiles,<br />

qui supportent des conditions de vie<br />

normalement mortelles pour d’autres. »<br />

Le Dr Broad a fait une apparition dans la<br />

série documentaire du National Geographic,<br />

One Strange Rock (commentée par Will Smith).<br />

Il aime partager le fruit de ses recherches avec<br />

les écoles et les entreprises. Transmettre ce<br />

savoir est aussi important que la recherche<br />

pure, explique-t-il, car « ce n’est pas une nouvelle<br />

publication dans une revue scientifique<br />

spécialisée qui va faire changer la politique ni<br />

les comportements ou les habitudes en matière<br />

d’utilisation de l’eau courante ».<br />

Malgré les dangers de la plongée dans des<br />

cavernes sous-marines, il reste convaincu que<br />

les explorateurs comme lui ramènent de précieuses<br />

leçons de vie à la surface. « Vous revenez<br />

aux principes fondamentaux de la vie :<br />

chaque respiration compte. Et vous réalisez<br />

que vous nagez dans les veines de la Terre. »<br />

Dr Kenny Broad<br />

nage dans un trou<br />

bleu aux Bahamas.<br />

WES C. SKILES/NATGEO, JILL HEINERTH, ROBBIE SHONE<br />

54 THE RED BULLETIN


D’énormes stalagmites<br />

dans le<br />

spectaculaire<br />

Er Wang Dong, en<br />

Chine : un ensemble<br />

de grottes si vastes<br />

qu’elles ont leur<br />

propre système météorologique,<br />

comme<br />

l’a photographié le<br />

spéléologue et photographe<br />

britannique<br />

Robbie Shone.<br />

ROBBIE SHONE<br />

Le photographe<br />

souterrain<br />

Robbie Shone<br />

L’Anglais Robbie Shone prend de sublimes<br />

images de grottes qui, il l’espère, inspireront<br />

un sens du miracle et un profond respect<br />

pour le monde qui coexiste de l’autre côté de<br />

la croûte terrestre. Ses plus belles photos<br />

regroupent la grotte Veryovkina en Géorgie,<br />

2 212 m de fond, la plus profonde connue sur<br />

Terre et la vaste grotte Sarawak à Bornéo et<br />

ses 164 459 m 2 , assez longue pour abriter<br />

huit Boeing 747.<br />

« Quand j’ai commencé la spéléologie,<br />

c’était pour l’excitation que ça procurait.<br />

Je continue d’être grisé dès je descends le<br />

long d’une corde dans une totale obscurité,<br />

raconte Shone, 40 ans, qui vit à Innsbruck,<br />

en Autriche. Mais surtout, j’aime photographier<br />

les grottes où personne n’est jamais allé.<br />

Sur une île en Papouasie Nouvelle-Guinée, j’ai<br />

exploré des grottes formées bien longtemps<br />

avant l’apparition des dinosaures. Elles<br />

n’avaient jamais été vues par l’homme auparavant,<br />

et ne le seront peut-être plus jamais. »<br />

Shone a commencé à faire de la spéléologie<br />

dans les Yorkshire Dales (Angleterre) alors<br />

qu’il étudiait l’art et la photographie à l’université<br />

de Sheffield Hallam. « J’ai eu une vive<br />

réaction à l’obscurité et l’adrénaline déchargée<br />

par le monde du dessous », dit-il. Plus<br />

« Rencontrer tous ces<br />

scientifiques a rempli un<br />

grand vide en moi et a<br />

donné un sens nouveau<br />

à mon travail. »<br />

tard, il met ses compétences en matière de<br />

cordage à profit en nettoyant des gratte-ciels<br />

pour financer des voyages de spéléologie,<br />

avant que magazines et scientifiques ne lui<br />

passent commande.<br />

Lors de son expédition à Veryovkina en<br />

2018, il a été pris dans une étrange inondation.<br />

« Je me souviens du bruit de l’eau qui<br />

déferlait comme un train fonçant sur moi. En<br />

grimpant pour sortir de la grotte, l’eau m’emportait<br />

violemment. Il fallait que je garde ma<br />

tête à l’horizontal pour respirer. Cette expérience<br />

m’a traumatisé pendant des mois. Je<br />

me suis saoulé. Je n’arrivais plus à dormir. »<br />

Il a retrouvé confiance en dialoguant avec<br />

lui-même. « Je m’efforçais de me remémorer<br />

que les grottes sont normalement des<br />

endroits sûrs. Les murs ne s’effondrent pas<br />

comme les puits de mine construits par les<br />

hommes. Et j’ai aussi suivi un cours de plongée<br />

en eau libre pour être en confiance. »<br />

Shone aime documenter le travail des<br />

microbiologistes, des scientifiques et des<br />

géologues. Il a même accompagné des astronautes<br />

de l’ESA dans des tunnels de lave à<br />

Lanzarote, où les géologues leur ont appris<br />

à ramasser des échantillons de roches pour<br />

une éventuelle mission sur Mars. « Rencontrer<br />

tous ces scientifiques a rempli un grand vide<br />

en moi et a donné un sens nouveau à mon travail.<br />

J’espère que mes photos pourront révéler<br />

ces brillants esprits qui nous aident à comprendre<br />

notre planète, pour la sauver. »<br />

THE RED BULLETIN 55


« On se sert de la spéléologie<br />

et de l’escalade sur glace pour<br />

trouver des crevasses que les<br />

alpinistes cherchent à éviter. »<br />

La glace sur les cordes est dangereuse pour le<br />

Dr Sam Doyle lors de la descente en rappel d’un<br />

moulin vertical sur le glacier suisse du Gorner.<br />

56 THE RED BULLETIN


ROBBIE SHONE (2)<br />

Le glaciologue<br />

Dr Sam Doyle<br />

Environ 10 % de la surface terrestre<br />

est couverte de calotte<br />

glaciaire, d’inlandsis et de glaciers,<br />

dont le mouvement et la<br />

fonte sont essentiels pour l’étude<br />

du changement climatique et de<br />

l’élévation du niveau de la mer.<br />

Pour analyser les glaciers de<br />

Suisse, du Groenland et de l’Antarctique,<br />

Sam Doyle – glaciologue<br />

de terrain à l’université<br />

d’Aberystwyth (Pays de Galles) –<br />

descend en rappel des puits de<br />

glace verticaux appelés « moulins<br />

» qui se forment lorsque<br />

l’eau de fonte creuse un trou dans<br />

le glacier au fil du temps. « C’est<br />

très exigeant physiquement, il<br />

fait froid, c’est humide, précise<br />

Sam Doyle. Vous êtes dans un<br />

espace étroit, glissant, et il y a<br />

toujours un risque d’écoulement<br />

d’eau. Nous partons à 2 ou 3<br />

heures du matin en automne,<br />

alors qu’il gèle, parce qu’on ne<br />

veut pas que la glace se mette<br />

à fondre pendant qu’on est en<br />

bas. On utilise des techniques<br />

de spéléologie et d’escalade sur<br />

glace, à la recherche de crevasses<br />

que les alpinistes, eux, essaient<br />

à tout prix d’éviter. Sur le glacier<br />

du Gorner en Suisse, nous avons<br />

exploré un moulin vertical d’une<br />

profondeur de 86 mètres. Nos<br />

cordes super fines de 7 mm de<br />

diamètre étaient gelées, si bien<br />

que nos appareils de descente<br />

ont commencé à glisser de façon<br />

inquiétante. La descente est<br />

devenue très rapide et difficile<br />

à contrôler. »<br />

Doyle perce des trous à l’aide<br />

de jets d’eau chaude pour déposer<br />

des capteurs qui vont enregistrer<br />

les changements de pression<br />

et de mouvements de l’eau.<br />

« La fonte de la glace de surface<br />

s’écoule vers le lit et peut accélérer<br />

ou ralentir la progression<br />

d’un glacier, selon les conditions.<br />

Mes recherches posent la question<br />

suivante : la fonte de la glace<br />

va-t-elle s’accélérer si le climat<br />

se réchauffe ? Est-ce que plus<br />

de glace va être déversée dans<br />

l’océan ? »<br />

Travailler de nuit par des températures<br />

de − 10 °C peut être à<br />

la fois éreintant et décourageant.<br />

« Il faut contrôler sa peur en<br />

évaluant le risque et en ayant les<br />

bonnes notions, poursuit celui<br />

qui a grandi en pratiquant la spéléologie<br />

en Écosse. Se déplacer<br />

sous la glace est incroyable. Tout<br />

est d’un bleu éclatant. »<br />

Des grottes telles<br />

que Lechuguilla<br />

révèlent le passé au<br />

paléoclimatologue<br />

Dr Gina Moseley.<br />

La paléoclimatologue<br />

Dr Gina Moseley<br />

Les grottes sont des capsules temporelles qui<br />

aident les scientifiques à explorer le passé –<br />

et à prévoir l’avenir. « Elles sont connectées<br />

mais aussi préservées de la surface. Ainsi, elles<br />

peuvent conserver des informations sur le climat<br />

depuis des centaines de milliers d’années,<br />

développe Gina Moseley, paléoclimatologue<br />

à Innsbruck, en Autriche. Nous sommes les<br />

témoins d’un changement climatique rapide<br />

qui n’a pas de précédent. Nous pouvons regarder<br />

en arrière, à une époque où le climat a évolué<br />

rapidement, en libérant du gaz carbonique<br />

dans l’atmosphère, et nous demander ce qu’il<br />

s’est passé. Quelles ont été les conséquences ? »<br />

Pendant l’ère quaternaire, qui dure depuis<br />

2,6 millions d’années, la Terre a connu des<br />

variations entre des périodes glaciaires<br />

(froides) et interglaciaires (chaudes), dues<br />

à l’orbite de la planète par rapport au soleil.<br />

Les périodes chaudes déclenchent la fonte des<br />

océans et libèrent le CO 2 retenu au fond des<br />

océans dans l’air, ce qui accélère le réchauffement<br />

climatique ; l’étude de ces phénomènes<br />

permet d’anticiper le changement climatique.<br />

Gina Moseley dirige un projet sur les cavernes<br />

du Groenland. La région arctique est particulièrement<br />

vulnérable au changement climatique ;<br />

ses conséquences se font sentir partout sur<br />

le globe, notamment avec l’élévation du niveau<br />

de la mer et avec les perturbations climatiques.<br />

Pour atteindre les grottes isolées du Groenland,<br />

elle part en expédition de longue durée, enchaînant<br />

randonnées et voyages en bateau, équipée<br />

de forets, de marteaux et de cordes.<br />

« J’étudie les stalagmites – ces chandeliers<br />

qui se forment sur le sol des grottes, sculptés<br />

par les gouttes d’eau qui tombent du plafond.<br />

L’eau transporte avec elle une signature<br />

chimique qui fonctionne tel un indicateur de<br />

la température, du taux d’humidité, de la présence<br />

de végétation aux abords de la grotte,<br />

ou même d’une présence humaine. Nous coupons<br />

un bout de ces stalagmites pour analyser<br />

les informations qu’ils renferment. Notre champ<br />

d’étude couvre une période de 650 000 ans…<br />

Au Groenland, nous avons trouvé de magnifiques<br />

coulées rocheuses formées par de fines<br />

nappes d’eau. Cela prouve que malgré le permafrost<br />

qui couvre le sol, il a dû faire plus chaud<br />

et plus humide sur Terre par le passé. Ces éléments<br />

aident à prévoir ce qu’il risque d’arriver<br />

si les températures continuent de changer. »<br />

Originaire de Cannock (Angleterre), Gina<br />

Moseley s’est essayé à la spéléologie à douze<br />

ans, en famille. Plus tard, elle part explorer<br />

des grottes aux Bahamas dans le cadre de son<br />

doctorat en Sciences géographiques à l’université<br />

de Bristol. « J’ai réalisé qu’il était possible<br />

d’étudier les grottes sous un angle scientifique,<br />

et tout s’est mis en place. Si j’arrive à captiver<br />

les gens par le biais de l’aventure, et qu’ils<br />

finissent par se mobiliser au changement<br />

climatique, alors je suis comblée. »<br />

THE RED BULLETIN 57


Les patins<br />

de l’espoir<br />

Dans la ville historique d’Athènes, de jeunes<br />

femmes grecques, les CHICKS IN BOWLS,<br />

reconquièrent l’espace, naviguent dans un<br />

avenir incertain et se bougent pour le progrès.<br />

Et ça se passe sur des patins.<br />

Texte ALEX KING<br />

Photos MARK LEAVER


Suzana Bakatsia<br />

glisse sur le tarmac<br />

miteux de l’ancien<br />

aéroport d’Hellinikon,<br />

au sud d’Athènes.<br />

59


« Après avoir commencé<br />

le patin, j’ai imaginé des filles<br />

radicales, conquérant la ville<br />

sur leurs rollers. »<br />

L orsque vous vous approchez de l’ancien<br />

aéroport d’Athènes, des panneaux de signalisation<br />

ternis par le soleil vous dirigent vers les arrivées<br />

nationales et les départs internationaux. Mais rien<br />

n’a décollé ici depuis des décennies. De vieux avions<br />

attendent dans un silence sinistre, et la tour de<br />

contrôle contemple une piste aux fissures perforées<br />

par la végétation.<br />

Cet après-midi, un groupe de patineuses s’est<br />

retrouvé dans l’ancienne salle de départ. Elles se<br />

promènent, explorent ses recoins oubliés et slaloment<br />

entre ses piliers délabrés. Pour beaucoup de<br />

ces femmes, faire du roller ici a toujours été un rêve.<br />

Alors qu’Athènes émerge timidement d’une<br />

décennie de chaos économique, de jeunes patineuses<br />

se battent pour l’espace dans leur ville. Cette génération<br />

de Grecques a grandi avec peu d’opportunités,<br />

mais cela leur a appris une leçon précieuse : si vous<br />

voulez assouvir votre passion, faites-le vous-même.<br />

Alors que l’aide et les infrastructures destinées aux<br />

jeunes ont été victimes de la crise économique historique<br />

que traverse la Grèce, les Chicks in Bowls<br />

Athens utilisent le patin à roulettes pour créer leur<br />

propre communauté, s’exprimer et forger une nouvelle<br />

relation avec leur ville. Jour après jour, elles<br />

se présentent sur les spots de skate à dominante<br />

masculine, exigeant respect et intégration. « Ici, tous<br />

les skateparks sont dominés par les hommes, point !,<br />

Depuis 2001, rien ni personne n’a décollé à l’aéroport Hellinikon d’Athènes.<br />

Le site est resté vide pendant des années, attendant d’être réaménagé.<br />

60 THE RED BULLETIN


(De gauche à droite)<br />

Stefania Malama,<br />

Suzana Bakatsia et<br />

Sofia Argyraki patinent<br />

dans le terminal vide<br />

de l’aéroport.


« Pratiquer le roller nous aide<br />

à sortir de ce qui est, pour<br />

la plupart des gens, une réalité<br />

vraiment difficile. »<br />

62 THE RED BULLETIN


Ci-dessous : le team<br />

en virée freestyle<br />

autour du parking<br />

vide près du sommet<br />

du mont Lycabette<br />

d’Athènes,<br />

juste avant le lever<br />

du soleil.<br />

Page opposée :<br />

(de gauche à droite)<br />

Suzana Bakatsia,<br />

Constantina Xafi<br />

et Lydia Panagou<br />

attendent le lever<br />

du soleil au sommet<br />

du Lycabette<br />

après avoir ridé<br />

toute la nuit.<br />

dit Constantina Xafi, 28 ans. Quel que soit votre<br />

niveau et le type de personne que vous êtes, vous<br />

méritez une place au skatepark. » Xafi est l’une des<br />

forces motrices du groupe. Elle travaille dans le<br />

monde du théâtre, a fondé sa propre entreprise de<br />

sérigraphie et est bénévole en tant qu’enseignante<br />

pour Free Movement Skateboarding, qui offre des<br />

cours gratuits de skateboard à de jeunes Grecs et à<br />

des réfugiés. Xafi travaille à la réalisation de son rêve<br />

de créer un skatepark rempli de bowls adaptés aux<br />

pratiquants du patin à roulettes, mais ouvert à tous.<br />

Même si chaque type de rider considère que le skatepark<br />

est le sien – sur un skate, une BMX, une trottinette<br />

ou des rollers en ligne – les patineuses sont<br />

presque toujours des femmes. Et la construction<br />

d’une communauté forte a changé la donne.<br />

« Après avoir commencé le patin à roulettes, je me<br />

suis mise à imaginer des filles radicales, conquérant<br />

la ville sur leurs rollers », se souvient Sofia Argyraki,<br />

31 ans, co-fondatrice de Chicks in Bowls Athens. En<br />

janvier 2015, Sofia est allée patiner sur la rampe de<br />

BMX de Vrilissia, aujourd’hui démolie, une ville de<br />

la banlieue nord d’Athènes, avec ses amies Christina<br />

Rodopoulou et Akylina Palianopoulou. Le trio a<br />

passé la plus grande partie de l’après-midi à attaquer<br />

la rampe ensemble, s’encourageant mutuellement à<br />

y aller plus fort. Épatées par leur propre motivation,<br />

elles ont créé un team pour encourager d’autres<br />

femmes à partager leur passion. Le groupe compte<br />

aujourd’hui environ trente à quarante filles qui<br />

se réunissent régulièrement pour rider dans leurs<br />

parks favoris et explorer la ville ensemble.<br />

métropole d’Athènes n’est pas un<br />

paradis pour riders ; c’est une ville à la planification<br />

chaotique, très dense, dispersée sur de<br />

L’ancienne<br />

nombreuses collines escarpées, et truffée de<br />

nids de poule et de trottoirs cabossés, particulièrement<br />

dangereux pour les petites roues en uréthane<br />

des patins. Si vous voulez rider une rampe de skate<br />

à Athènes, il n’y a pas beaucoup d’options ; la ville<br />

ne dispose pas de skateparks municipaux somptueux<br />

ni d’une administration encline à tolérer les spots<br />

faits maison. Certaines banlieues disposent de petits<br />

parks, mais les meilleurs spots ont été construits<br />

par les riders eux-mêmes, qu’il s’agisse du vaste<br />

park indépendant de Galatsi ou de l’unique bowl<br />

d’Athènes, l’espace expérimental de skate/art<br />

Latraac du côté de Kerameikos. Mais, malgré ces<br />

conditions défavorables, la ville abrite une communauté<br />

de plus en plus dynamique de skateurs, de<br />

BMXers et, plus récemment, de roller girls.<br />

Lydia Panagou, 23 ans, l’une des rideuses les<br />

plus accomplies du groupe, est l’un des moteurs de<br />

cette scène en progression. « Ce que j’aime le plus<br />

dans le roller, c’est qu’il me permet de me rapprocher<br />

des autres, dit-elle. Nous organisons des rencontres,<br />

nous avons notre musique et nous nous déplaçons<br />

dans la ville vers nos endroits préférés. Chacun se<br />

déplace et s’habille comme il le souhaite. Il est<br />

important de ne faire qu’un avec ses patins : le style,<br />

l’esthétique, le rythme. C’est ce qui ressort quand<br />

il y a une harmonie et que vous vous sentez à l’aise<br />

avec vous-même et avec les gens qui vous entourent.<br />

Vos amis vous encouragent et vous élèvent. »<br />

N’importe qui peut connecter avec les Chicks in<br />

Bowls Athens sur Instagram et participer à l’une de<br />

leurs sessions régulières, de la nouvelle rideuse à la<br />

fille de passage en quête de relations locales. « Avoir<br />

une communauté est vraiment important, déclare<br />

l’artiste et architecte Foteini Korre, 29 ans. De nombreux<br />

spots sont éloignés, ce qui motive moyennement<br />

à y aller seule. Mais lorsqu’on bouge et ride<br />

ensemble, on s’aide et se soutient mutuellement,<br />

on se nourrit de l’énergie des autres. »<br />

Korre n’a pas souvenir d’avoir pratiqué le patin<br />

à roulettes quand elle était gamine. « Ma génération<br />

de filles n’a pas eu l’occasion de faire ça. On nous<br />

demandait de jouer à la poupée ou de rester à la<br />

maison pour les tâches ménagères, pendant que nos<br />

frères jouaient dans la rue. J’ai commencé le roller<br />

à 28 ans, et j’aurais aimé en avoir eu la possibilité<br />

à six. C’est difficile quand on réalise qu’à vingt ans,<br />

on veut récupérer le temps perdu. »<br />

Les skateparks à dominance masculine ne sont<br />

pas uniques à Athènes. Partout dans le monde, des<br />

efforts énormes ont été faits ces dernières années<br />

pour rendre la culture du skate plus inclusive, mais<br />

cela reste en grande partie un territoire d’hommes.<br />

« Aller dans cet espace en tant que femme alors que<br />

la majorité des riders sont des garçons crée une<br />

division, automatiquement, explique la fondatrice<br />

de Chicks in Bowls, Samara Buscovick, alias Lady<br />

Trample. Que ce soit intentionnel ou non, on a<br />

THE RED BULLETIN 63


l’impression que tous les yeux sont tournés vers<br />

nous. Cela peut être vraiment intimidant, surtout<br />

si vous êtes nouvelle. La majorité des interactions<br />

que j’ai eues dans les parks ont été en fait très positives,<br />

mais il y a toujours le sentiment que vous<br />

êtes un extraterrestre dans leur espace – vous devez<br />

prouver que vous y avez votre place. »<br />

Originaire d’Auckland, en Nouvelle-Zélande,<br />

et désormais basée à Kremmling, dans le Colorado<br />

(USA), la pro du roller derby Lady Trample a été initiée<br />

aux patins dans des bowls par son amie Michelle<br />

« Cutthroat » Hayes en novembre 2012. Elle en est<br />

immédiatement devenue accro. Au cours d’une session<br />

quelques semaines plus tard, une amie s’est<br />

exclamée : « “C’est tellement cool de voir toutes ces<br />

poulettes dans des bowls !”, et le nom est resté. »<br />

Sept ans après que Trample a commencé à construire<br />

cette communauté inclusive, Chicks in Bowls (CIB)<br />

compte plus de 300 clubs dans le monde.<br />

« Une des belles choses que vous permet le CIB,<br />

c’est de connecter avec votre section locale et de ne<br />

plus vous sentir isolée, dit Trample. Un changement<br />

culturel a eu lieu ; les femmes et les patins de type<br />

quad sont désormais plus nombreux dans les parks<br />

– et ces parks sont devenus des espaces plus sûrs. »<br />

Pourtant, il reste du travail à faire, notamment<br />

en Grèce, historiquement l’un des pays les plus<br />

La jungle de béton tentaculaire qui constitue la capitale grecque,<br />

vue du sommet du mont Lycabette.<br />

conservateurs d’Europe, où les attitudes patriarcales<br />

ont la vie dure. Pour les femmes du CIB<br />

Athènes, il y a parfois des rappels frustrants que<br />

la ville est encore en train de rattraper son retard.<br />

« L’espace public est principalement occupé par les<br />

hommes, et c’est un fait, déclare Korre. On le voit<br />

dans la rue : s’il n’y a de la place que pour une personne<br />

sur le trottoir, un homme va simplement<br />

marcher droit et on attend de vous que vous bougiez.<br />

C’est l’héritage des femmes qui sont restées<br />

enfermées dans leur maison pendant tant d’années<br />

sans aucun droit. Ici, les femmes n’ont obtenu le<br />

droit de vote qu’en 1952. »<br />

Les skateparks grecs reflètent la situation de la<br />

société en général, qui évolue lentement, mais<br />

pas assez vite pour beaucoup. « Je sais que je<br />

suis loin d’être une pro du patin, mais certains<br />

jeunes hommes du park m’ont complètement manqué<br />

de respect, dit Korre avec un sentiment d’exaspération.<br />

Une grande partie de notre pratique<br />

consiste à récupérer de l’espace. Pour moi, c’est<br />

politique en soi – c’est une question de féminisme<br />

et d’autonomie en tant que femme. La plupart des<br />

gens dans les skateparks sont cool, mais vous devez<br />

parfois faire face à des comportements sexistes et<br />

misogynes. Plus on se présente là où les gens rident,<br />

plus on est acceptées. Maintenant, la plupart ont<br />

commencé à se rendre compte que nous sommes<br />

là pour rester. »<br />

Pour les jeunes rideuses de la ville, il y a bien<br />

d’autres raisons pour lesquelles il est si important<br />

d’avoir une section athénienne du CIB et la communauté<br />

qu’elle contribue à construire. « La vérité est<br />

que j’aime la Grèce, j’aime Athènes et j’aime l’endroit<br />

où j’ai grandi, dit Panagou. D’une certaine<br />

manière, nous nous sommes habituées à vivre<br />

comme ça, mais les choses sont difficiles pour la<br />

jeune génération. »<br />

La crise de la dette grecque a éclaté fin 2009 et<br />

est devenue la pire catastrophe économique de l’histoire<br />

de l’Union européenne. Avec un taux de chômage<br />

avoisinant les 60 %, les jeunes ont été particulièrement<br />

touchés. Après des années d’austérité et<br />

de réductions des dépenses, de nombreux services<br />

sur lesquels les jeunes comptent – écoles, universités,<br />

installations sportives – ont un besoin urgent<br />

de rénovations et d’investissements.<br />

Les politiciens ont annoncé à plusieurs reprises<br />

que la crise était terminée, mais les jeunes Grecs<br />

n’ont guère vu leurs perspectives s’améliorer. La plupart<br />

des emplois disponibles, généralement dans le<br />

tourisme, sont mal payés. Cela laisse donc Panagou,<br />

qui est sur le point de terminer son diplôme de<br />

l’École des beaux-arts d’Athènes, face à un choix<br />

déchirant : « C’est difficile pour quelqu’un de mon<br />

âge qui a des espoirs et des rêves pour l’avenir. Pour<br />

trouver du travail dans les arts, je vais probablement<br />

devoir partir à l’étranger. Mais j’aimerais trouver<br />

quelque chose qui me permette de rester en Grèce<br />

et participer au changement. »<br />

64 THE RED BULLETIN


Le terminal négligé<br />

d’Hellinikon est un<br />

terrain de jeu pour<br />

l’équipe des CIB<br />

Athènes : un endroit<br />

pour se retrouver et<br />

essayer de nouveaux<br />

mouvements en<br />

totale liberté.<br />

Avec son économie si dépendante du tourisme,<br />

la Grèce est sévèrement touchée par<br />

la pandémie de COVID-19. Le désastre financier<br />

plane au-dessus des Athéniens comme<br />

une épée de Damoclès. Tandis que Panagou essaie<br />

de se concentrer sur la fin de ses études et ce qu’elle<br />

fera ensuite, le roller lui procure un réconfort salutaire.<br />

« Il ne s’agit pas seulement d’étudier ; je ressens<br />

le stress et la pression de la ville et du rythme<br />

dans lequel nous vivons, explique-t-elle. Le patin<br />

m’aide à m’éloigner de tout cela. Sortir avec des<br />

amis pour faire notre truc, faire des figures, ou simplement<br />

rire et parler de choses anodines... Tout<br />

cela me fait du bien. Pratiquer le roller nous aide<br />

à sortir de ce qui est, pour la plupart des gens, une<br />

réalité vraiment difficile. »<br />

Xafi et sa pote de roller Eva Balasi, trente ans, se<br />

sont retrouvées pour une soirée à la mini-rampe de<br />

Vyronas, nichée dans la forêt sous le mont Hymette.<br />

Après avoir dépensé toute leur énergie, elles<br />

« Chacun appartient au<br />

putain d’endroit auquel<br />

il veut appartenir,<br />

où il se sent libre. »<br />

reprennent leur souffle au pied de la grande rampe<br />

en béton. « La plupart des rampes d’Athènes sont<br />

construites pour les skateurs et sont grandes,<br />

glissantes et dangereuses pour les quads, comme<br />

celle-ci », raconte Balasi, qui s’est cassé le tibia en<br />

deux endroits après être tombée ici en mars dernier.<br />

Pourtant, même avec une tige en titane de 34 cm<br />

dans la moelle osseuse, deux vis dans le genou et<br />

deux autres dans la cheville, la photographe de<br />

mode ne pouvait pas s’empêcher de rider : six<br />

semaines après l’opération, elle patinait à nouveau,<br />

bien qu’on lui ait dit de se reposer pendant six mois.<br />

« Patiner, c’est tomber, ajoute Xafi, philosophiquement.<br />

Quand tu tombes, tu dois te relever et te<br />

remettre sur pied. »<br />

Elle poursuit : « Le féminisme consiste à répandre<br />

l’égalité ; je ne vois pas de frontières dans le roller.<br />

Quand vous voyez des garçons et des filles qui se<br />

soutiennent mutuellement, c’est là que la magie<br />

opère. Il n’est pas nécessaire de dire qui appartient<br />

et qui n’appartient pas à cet endroit. Chacun appartient<br />

au putain d’endroit auquel il veut appartenir,<br />

où il se sent libre. En Grèce, nous n’avons pas les<br />

infrastructures ni les opportunités pour les jeunes.<br />

Mais c’est la beauté du “fais-le toi-même” : nous<br />

avons des rues et nous pouvons nous rassembler<br />

pour construire ce que nous voulons. Nous pouvons<br />

être le changement que nous voulons voir arriver. »<br />

Le CIB d’Athènes en action, c’est dans le documentaire<br />

court Athena Skates, sur redbull.com<br />

THE RED BULLETIN 65


La vie du peuple<br />

navajo est définie par le<br />

besoin d’eau potable.<br />

Leurs membres qui<br />

alimentent le Navajo<br />

Water Project sont<br />

donc des héros.<br />

L’ E AU SAC R É E<br />

Dans cette réserve navajo aux États-Unis, l’association caritative<br />

NAVAJO WATER PROJECT procure l’eau quotidienne et essentielle à<br />

une communauté indienne sévèrement touchée par la pandémie.<br />

Texte BILL GIFFORD<br />

Photos JIM KRANTZ<br />

67


A<br />

u cœur de la nation Navajo, à une dizaine<br />

de kilomètres de la route goudronnée la<br />

plus proche, Donovan Smallcanyon pilote<br />

un Ford F350 blanc sur une voie sableuse.<br />

Devant lui, la terre s’éloigne vers le Little<br />

Colorado River, qui rejoint bientôt son<br />

grand frère pour former le Grand Canyon.<br />

Mais ici, tout est sec. La seule eau à disposition<br />

s’agite dans un énorme réservoir<br />

en plastique sur une remorque derrière<br />

le camion de Smallcanyon.<br />

Pour un observateur local, Smallcanyon<br />

et son partenaire, Steven Chief,<br />

ressemblent à une paire de « transporteurs<br />

d’eau » navajos, transportant le<br />

précieux liquide vers les réservoirs<br />

d’abreuvement du bétail ou vers les<br />

maisons de la famille ou des amis. Les<br />

camionnettes qui s’affaissent sous le<br />

poids des barils d’eau sont un spectacle<br />

courant dans la réserve. Mais celle-ci<br />

a une mission différente.<br />

Enfin, la route s’enfonce dans un<br />

creux et on aperçoit une petite enceinte,<br />

avec une habitation traditionnelle en<br />

terre ronde appelée hogan, et un logement<br />

plus moderne en pierre et en<br />

brique. Derrière, un corral en bois est<br />

occupé par des moutons et des chèvres.<br />

Howard et Lily Dugi, éleveurs de moutons<br />

navajos octogénaires, s’occupent<br />

de leurs animaux à notre arrivée. Emma<br />

Robbins et Shanna Yazzie, deux femmes<br />

navajos d’une trentaine d’années, sortent<br />

de leur véhicule suiveur et s’approchent<br />

du couple, portant des masques et les<br />

saluant en navajo : « Yá’át’ééh ! »<br />

chantent-elles.<br />

Emma est la directrice du Navajo<br />

Water Project, une association novatrice<br />

à but non lucratif dont la mission est<br />

d’apporter de l’eau courante et propre<br />

aux habitants de la nation Navajo qui<br />

en manquent, comme les Dugi. Sa camarade<br />

Shanna est la coordinatrice du<br />

projet pour cette zone de la réserve,<br />

qui s’étend à travers l’Arizona, l’Utah et<br />

le Nouveau-Mexique, occupant un territoire<br />

plus grand que la Virginie occidentale.<br />

Toutes deux ont grandi à proximité.<br />

Howard ouvre un portail et ses animaux<br />

sortent du corral, se précipitant<br />

vers un abreuvoir à une cinquantaine<br />

de mètres de là. Leur pelage est hirsute,<br />

prêt à être tondu. Un mouton boite dans<br />

une autre direction, et Howard soupire,<br />

attrape un lasso et saute sur son quad<br />

pour le poursuivre. En faisant tourner<br />

la corde avec grâce, il attrape le fuyard<br />

avec un lancer d’expert. « Ces animaux,<br />

c’est la richesse des Navajos », plaisante<br />

Shanna, les yeux pétillants.<br />

Nous sommes le 11 septembre <strong>2020</strong>,<br />

six mois après le début de la pandémie,<br />

et les nations Navajo et Hopi comptent<br />

parmi les régions les plus touchées du<br />

pays. Plus de 10 000 Navajos ont été diagnostiqués<br />

avec la maladie, et 540 sont<br />

morts, parmi lesquels un employé du<br />

Navajo Water Project qui a probablement<br />

contracté la maladie lors d’une cérémonie<br />

sacrée en Arizona. Le nombre de nouveaux<br />

cas a fortement diminué, pour<br />

atteindre presque zéro, mais la communauté<br />

est toujours confinée, avec des<br />

couvre-feux nocturnes. L’économie locale<br />

a été écrasée. Des panneaux sur les routes<br />

invitent à rester chez soi : « PROTÉGEZ<br />

NOS AÎNÉS ! » Howard et Lily ont reçu<br />

à l’occasion des livraisons de leurs<br />

enfants, mais pas de longues visites.<br />

Nous sommes les premiers visiteurs<br />

extérieurs qu’ils ont vus depuis des mois.<br />

Pour compliquer les choses, il n’a pas<br />

plu depuis deux mois, raconte Lily Dugi à<br />

Shanna, en navajo. Leur ancienne citerne<br />

d’eau, située au sommet d’une petite élévation<br />

à côté de leur maison, est presque<br />

à sec. Son mari vieillit, poursuit- elle, et<br />

a du mal à suivre les travaux de leur<br />

ranch. Maintenir leur troupeau en vie<br />

est devenu leur seul objectif de vie. Notre<br />

cargaison – un réservoir en plastique tout<br />

neuf rempli de 1 000 litres d’eau – est la<br />

68


PLUS QUE TOUTE AUTRE DES<br />

« COMMODITÉS » MODERNES,<br />

L’EAU DÉFINIT UNE CIVILISATION.<br />

Donovan Smallcanyon, qui<br />

travaille avec le Navajo<br />

Water Project, remplit une<br />

citerne dans la réserve.


Talents locaux : Emma Robbins (à gauche)<br />

et Shanna Yazzie ont de profondes racines<br />

locales et dirigent le Navajo Water Project.<br />

bienvenue. Donovan Smallcanyon et son<br />

collègue Steven Chief, les transporteurs<br />

d’eau, manœuvrent leur remorque en<br />

position, et se mettent au travail.<br />

Il y a cinq ans, Emma Robbins travaillait<br />

dans une galerie d’art à Chicago lorsqu’elle<br />

a lu un article de journal sur une<br />

association à but non lucratif appelée<br />

DigDeep qui commençait à s’attaquer au<br />

problème de l’accès à l’eau dans la réserve<br />

navajo. Elle était elle-même intimement<br />

liée à la question de l’eau, ayant grandi<br />

dans la réserve. Son père est navajo, mais<br />

sa mère était juive, et a déménagé de<br />

Chicago, faisant de Robbins une « Nava-<br />

Juive » autoproclamée.<br />

Bien que sa galerie et sa carrière artistique<br />

soient florissantes, une part d’elle<br />

s’est senti attirée par un retour au bercail.<br />

Elle a donc envoyé un courriel au fondateur<br />

de DigDeep, un millénial nommé<br />

George McGraw, lui proposant de faire<br />

du bénévolat. « Pour les gens qui viennent<br />

de la réserve, il y a ce désir constant de<br />

rentrer à la maison, soit pour aider notre<br />

peuple, soit pour revenir et être avec<br />

votre famille », dit-elle.<br />

McGraw était un profil improbable<br />

pour monter un projet caritatif visant<br />

à aider les Navajos : il avait grandi sur<br />

un lac dans le nord du Wisconsin, aussi<br />

loin de la nation Navajo qu’il est possible<br />

de l’être. « J’ai passé ma vie entourée<br />

d’eau, à jouer avec l’eau, à vivre par<br />

l’eau, raconte le jeune homme de 33 ans.<br />

Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé<br />

qu’un milliard de personnes dans le<br />

monde n’en ont pas. »<br />

Issu d’une famille riche, conservatrice<br />

et religieuse, il a vécu comme enfermé<br />

jusqu’à la fin de sa vingtaine, étant<br />

homosexuel. « Je n’ai pas grandi dans<br />

un environnement qui m’a pleinement<br />

soutenu ou qui a préservé mon bonheur<br />

et ma dignité, dit-il. Fondamentalement,<br />

cela m’a conduit à être plus empathique<br />

avec d’autres, qui étaient confrontés à<br />

des défis insurmontables. » La vie sans<br />

eau représentait le défi ultime. Après<br />

avoir étudié le développement de l’eau<br />

dans une école supérieure, il a fondé<br />

DigDeep alors qu’il n’avait que 25 ans,<br />

en se concentrant sur des projets au<br />

Sud-Soudan. « C’est la partie qui est<br />

un peu embarrassante, dit-il. J’ai pris<br />

l’avion et me suis rendu en Afrique pour<br />

résoudre le problème de quelqu’un<br />

d’autre. Je n’avais même pas pris la<br />

peine de gérer les miens. »<br />

Un don de 50 dollars l’a incité à changer<br />

d’orientation. En 2013, il a reçu un<br />

appel d’une femme nommée Karen<br />

Reynolds, qui avait aidé à construire<br />

des maisons dans la réserve navajo, où<br />

elle a été surprise de constater que les<br />

maisons n’avaient ni cuisine ni salle de<br />

bain. Cela s’expliquait par le fait que<br />

ces maisons n’avaient pas l’eau courante,<br />

lui a-t-on dit. Elle s’est renseignée sur les<br />

organisations caritatives dédiées au sujet<br />

de l’eau et est tombée sur le projet de<br />

McGraw. Elle a proposé de lui donner<br />

50 dollars, mais seulement si McGraw<br />

les utilisait pour améliorer la situation<br />

de l’eau dans la réserve.<br />

Le fils de bonne famille s’est rendu<br />

au Nouveau-Mexique et Reynolds lui a<br />

permis de connecter avec ses relations<br />

dans la réserve. McGraw a réalisé que<br />

DigDeep devait monter en puissance, et<br />

le Navajo Water Project est né. Son premier<br />

projet consista à améliorer un puits<br />

pour une communauté proche de Grants,<br />

au Nouveau- Mexique, pour alimenter<br />

70 THE RED BULLETIN


La nation Navajo<br />

a été durement<br />

touchée par la pandémie,<br />

ce qui a rendu<br />

la question de l’approvisionnement<br />

en eau<br />

encore plus critique.<br />

THE RED BULLETIN 71


leur camion d’eau qui faisait des livraisons<br />

aux maisons qui n’étaient pas raccordées<br />

à l’eau municipale. Lors d’une<br />

réunion municipale pour discuter du projet,<br />

une femme s’est levée pour le remercier<br />

de son effort : « Elle a dit, merci, c’est<br />

super, je suis sûre que cela aidera ces<br />

familles à avoir 1 200 litres par mois au<br />

lieu de 800 litres », se souvient- il. Mais<br />

elle a ajouté : « Mes enfants vont à l’école<br />

avec des enfants qui ont pris une seule<br />

douche ce mois-ci. Nous n’avons pas<br />

besoin de plus d’eau dans un baril à notre<br />

porte d’entrée. Nous avons besoin d’eau<br />

courante chaude et froide dans nos<br />

maisons. »<br />

Selon un rapport de DigDeep et<br />

de la Water Alliance datant de<br />

2018, quelque 2,2 millions<br />

d’Américains, d’El Paso aux<br />

Appalaches, n’ont pas l’eau courante ni de<br />

toilettes à chasse d’eau dans leur maison.<br />

Dans des endroits comme Flint, dans le<br />

Michigan, 44 millions d’autres n’ont pas<br />

accès à une eau potable fiable. Dans la<br />

nation Navajo, le problème est particulièrement<br />

grave : peu de foyers de la réserve<br />

aride ont leur propre puits, et les puits<br />

des communautés locales sont souvent<br />

inconstants ou contaminés. Environ un<br />

tiers des foyers navajos ne disposent pas<br />

de plomberie intérieure, et doivent donc<br />

faire venir de l’eau et la stocker pour un<br />

usage ultérieur, y compris celle de Yazzie.<br />

Plus de cent ans après la création de la<br />

nation Navajo, les revendications tribales<br />

concernant les précieux droits sur l’eau<br />

n’ont toujours pas été finalisées. Les<br />

Navajos ont conclu un accord avec le<br />

Metric Smith remplit un<br />

réservoir neuf de mille<br />

litres. Les bénéficiaires<br />

en seront propriétaires<br />

et responsables.<br />

ENVIRON UN TIERS DES<br />

MÉNAGES NAVAJOS NE<br />

DISPOSENT PAS DE<br />

PLOMBERIE INTÉRIEURE.<br />

Nouveau-Mexique en 2010, mais les poursuites<br />

judiciaires continuent ; les négociations<br />

avec l’Utah et l’Arizona n’ont pas<br />

encore été inscrites dans la loi. Ainsi, alors<br />

que la réserve est bordée par l’énorme lac<br />

Powell, les Navajos ne sont pas autorisés<br />

à utiliser une partie de son eau. Et alors<br />

qu’une grande partie de l’Amérique rurale<br />

a bénéficié de projets d’eau massifs financés<br />

par l’État qui ont vu le jour dans le<br />

cadre du New Deal dans les années 1930,<br />

ces projets n’ont pas été retenus dans la<br />

réserve – ni d’ailleurs dans de nombreuses<br />

autres régions noires et brunes du pays.<br />

Ainsi, de nombreux habitants de la<br />

réserve sont obligés de forer des puits<br />

dans des aquifères en déclin ou de se fier<br />

à des transporteurs d’eau.<br />

Le projet Navajo Water de DigDeep<br />

a trouvé une solution créative au problème,<br />

en s’inspirant de certaines choses<br />

que les locaux faisaient déjà, et en les<br />

améliorant. Avant la pandémie, DigDeep<br />

aurait aidé un ménage comme les Dugi<br />

à obtenir une nouvelle citerne souterraine<br />

d’une capacité de 4 500 litres,<br />

reliée à la maison par des tuyaux en PVC<br />

et une pompe électrique à 30 dollars,<br />

comme celle utilisée dans les véhicules<br />

de loisirs. Il suffit d’appuyer sur un bouton<br />

pour avoir de l’eau courante. De<br />

façon permanente. L’ingrédient-clé,<br />

cependant, est intangible : la propriété<br />

locale. Après son expérience en Afrique,<br />

McGraw a réalisé que le projet Navajo<br />

Water lui-même devait être détenu et<br />

géré par le peuple navajo. « Ce n’était<br />

évidemment pas idéal pour moi de venir,<br />

en tant que gay blanc, riche et cisgenre<br />

qui vit à Los Angeles, et de leur dire<br />

comment résoudre leur problème,<br />

expose McGraw. Nous avons commencé<br />

à embaucher sur la nation Navajo dans le<br />

but d’en faire une organisation indigène,<br />

dirigée par une personne indigène. Et<br />

cette personne était Emma Robbins. »<br />

Quelques semaines après avoir rencontré<br />

McGraw, Robbins et son concubin<br />

avaient déménagé à Los Angeles, et elle<br />

inaugurait un poste de directrice et de<br />

première employée à plein temps du tout<br />

jeune projet Navajo Water de DigDeep.<br />

À l’époque, Emma Robbins n’avait même<br />

pas de permis de conduire ; aujourd’hui,<br />

la jeune femme de 34 ans fait l’allerretour<br />

entre Los Angeles et la réserve<br />

dans un pick-up F150 qu’elle appelle le<br />

Truckasaurus, portant le slogan de Dig-<br />

Deep : « Chaque Américain mérite d’avoir<br />

accès à de l’eau courante propre. » Elle<br />

constate souvent qu’elle a des liens personnels<br />

avec les gens qu’elle sert, soit<br />

par le biais de sa famille, soit parce que<br />

beaucoup d’entre eux connaissent son<br />

père, un employé local de longue date<br />

du Bureau des affaires indiennes qui<br />

conseille les petits éleveurs sur les questions<br />

de pâturage.<br />

En collaboration avec les sections<br />

locales et les aides sanitaires de la communauté,<br />

Robbins et son équipe ont<br />

identifié les foyers dans le besoin et ont<br />

installé plus de 200 systèmes de citernes<br />

dans les foyers de la réserve, en commençant<br />

par le Nouveau-Mexique, puis<br />

en s’installant en Arizona et dans une<br />

partie de l’Utah. Les résidents sont propriétaires<br />

de leurs systèmes d’eau et<br />

responsables de leur entretien. L’eau<br />

est fournie par des « sections » locales,<br />

comme les organes de gouvernance<br />

locaux connus dans la réserve, pour un<br />

prix symbolique. « Nous ne faisons pas<br />

de travaux de secours, explique Emma<br />

Robbins, qui va à l’essentiel, discrètement.<br />

Nous faisons des projets d’accès<br />

à l’eau à long terme. »<br />

Mais la pandémie a frappé, et tout a<br />

été revu.<br />

Notre journée dans ce monde des<br />

Navajos a commencé au champ<br />

de foire de Tuba City, où Smallcanyon<br />

et Chief étaient en train<br />

de charger leur remorque quand je suis<br />

arrivé à 9 heures du matin. En temps<br />

normal, ce site aurait dû être occupé par<br />

72 THE RED BULLETIN


Dans la culture navajo, les moutons sont<br />

un symbole de prospérité, mais maintenir<br />

un troupeau hydraté et en bonne santé de<br />

nos jours est un sacré défi.<br />

Alberta Yuzzie (à l’extrême gauche), Metric Smith et<br />

Kaitlin Harris font partie de la petite équipe du Navajo<br />

Water Project qui change la vie des familles de la réserve.


les préparatifs de la foire annuelle des<br />

Navajos de l’Ouest, l’un des plus grands<br />

événements de l’année dans toute la<br />

réserve. Au lieu de cela, il a été transformé<br />

en un lieu de logistique pour<br />

diverses organisations d’aide aux<br />

populations.<br />

Dans un local, Robbins nous montre<br />

des tas de caisses de bouteilles d’eau<br />

Arrowhead, vestiges d’un énorme don<br />

de Nestlé du début de la pandémie, qui<br />

a obligé DigDeep à cesser d’installer ses<br />

systèmes d’eau. Il ne semblait plus sûr<br />

pour les plombiers et les techniciens de<br />

travailler chez les gens pendant des<br />

heures d’affilée. Dans le même temps,<br />

la pandémie n’avait fait qu’accroître les<br />

besoins en eau. « Le don d’une tonne de<br />

bouteilles d’eau par Nestlé fut le bienvenu,<br />

explique Robbins, mais il n’a pas<br />

résolu le problème sous-jacent : comment<br />

se laver les mains avec de l’eau<br />

embouteillée ? »<br />

DigDeep s’est positionné comme un<br />

astucieux bouche-trou : au lieu d’installer<br />

des systèmes d’eau dans les maisons<br />

des gens, comme ils le faisaient auparavant,<br />

ils ont placé des réservoirs d’eau<br />

temporaires à côté des maisons des<br />

Navajos. Des réservoirs en plastique<br />

de forme cubique logés dans des cages<br />

métalliques, une méthode déjà largement<br />

utilisée sur ce territoire. Ils<br />

contiennent mille litres, sont durables<br />

et faciles à empiler sur un camion. Dig-<br />

Deep a amélioré la conception existante,<br />

en ajoutant un robinet qui peut être<br />

Pré-pandémie, le programme<br />

installait des citernes qui<br />

donnaient l’eau courante aux<br />

bénéficiaires, mais il a pivoté sur<br />

ce système de citernes pour<br />

minimiser les risques sanitaires.<br />

allumé et éteint, et en élevant le réservoir,<br />

pour faciliter le remplissage des<br />

seaux. Mille litres représentent moins<br />

de deux jours de consommation par<br />

l’Arizonien moyen, non navajo, mais<br />

cela devrait suffire pour l’instant. « Nous<br />

sommes en train d’apprendre énormément<br />

de choses », dit Robbins.<br />

Plus tard, au ranch du couple Dugi,<br />

Smallcanyon nivelle un carré de terre<br />

avec une pelle, et Chief, le plus grand,<br />

le plus fort et le moins expérimenté des<br />

deux, fait passer des parpaings et une<br />

plaque de contreplaqué du camion pour<br />

construire une petite plate-forme sur<br />

laquelle le réservoir pourra être posé.<br />

Ensemble, ils soulèvent le réservoir de<br />

la remorque et le mettent en place, puis<br />

ils font passer un gros tuyau bleu sur le<br />

dessus, en le vaporisant d’abord avec<br />

une solution d’eau de javel pour éviter<br />

la contamination.<br />

Yazzie présente au couple un accord<br />

à signer, qu’elle explique patiemment<br />

en navajo : le réservoir leur appartiendra,<br />

et ils seront responsables de son nettoyage<br />

et de son entretien. Il sera rempli<br />

par DigDeep toutes les deux ou trois<br />

« LES VISAGES DES<br />

DUGI S’ILLUMINENT.<br />

QUI N’AIME PAS<br />

LE BRUIT DE L’EAU<br />

COURANTE ? »<br />

semaines, ou peut-être tous les mois,<br />

jusqu’à la fin décembre. Après cela, ils<br />

devront fournir leur propre eau. Elle<br />

leur conseille de couvrir le réservoir avec<br />

une bâche, pour empêcher la croissance<br />

des algues, et de le rincer au moins une<br />

fois par mois. Ensuite, Smallcanyon met<br />

en marche une petite pompe à essence<br />

qui donne vie à la cuve et fait jaillir de<br />

l’eau pure et claire. Les visages des Dugi<br />

s’illuminent. Qui n’aime pas le bruit de<br />

l’eau courante ?<br />

Les Dugi vivent dans un luxe<br />

relatif par rapport à certains<br />

des endroits que nous visitons<br />

ce jour-là. Leur maison est en<br />

dur, pas une caravane accidentée, ils<br />

ont des fenêtres intactes et une porte<br />

qui fonctionne -– et des moutons, bien<br />

sûr. La richesse des Navajos. Au fur et<br />

à mesure que la journée avance, nous<br />

voyons des situations bien pires. J’ai<br />

voyagé et fait des reportages en Afrique<br />

et en Amérique du Sud, mais j’ai rarement<br />

été témoin d’une pauvreté aussi<br />

désespérée que pendant les deux jours<br />

où j’ai suivi les équipes de DigDeep dans<br />

les coins les plus reculés de la réserve.<br />

Nous concevons souvent la pauvreté<br />

comme un manque d’argent, mais le<br />

manque d’eau représente un niveau<br />

de besoin bien plus profond.<br />

« Quand vous vivez sans eau, c’est<br />

un souci qui détermine, dit McGraw.<br />

Cela détermine la façon dont vous organisez<br />

votre journée. Vous vous réveillez<br />

en pensant : comment vais-je avoir assez<br />

d’eau pour moi et ma famille ? »<br />

De nombreuses personnes de la<br />

réserve, comme les Dugi (et même les<br />

Yazzie), ont des problèmes d’eau structurels<br />

à long terme. Ils vivent dans des<br />

endroits reculés où il n’y a pas beaucoup<br />

d’eau. Ou si elle est disponible, elle est<br />

chère : une famille peut dépenser près<br />

de 300 dollars par mois pour l’eau transportée,<br />

des douches façon camping<br />

et l’essence pour le camion-citerne,<br />

explique Shanna Yazzie. Les besoins<br />

dans la réserve sont énormes : rien que<br />

dans la petite communauté de Dilkon,<br />

en Arizona, il y a une liste d’attente de<br />

près de 200 foyers qui ont besoin d’un<br />

système d’approvisionnement en eau.<br />

DigDeep a réussi à en installer neuf<br />

avant l’arrêt dû à la pandémie.<br />

Pour d’autres personnes que nous<br />

rencontrons, leurs problèmes d’eau sont<br />

conjoncturels. Quelques mauvaises<br />

passes dans la vie, et leur accès à cette<br />

ressource vitale est soudainement mis<br />

en danger. C’est le cas de notre premier<br />

client aujourd’hui. Juste à la sortie de<br />

74 THE RED BULLETIN


« Quand vous vivez<br />

sans eau, c’est un souci<br />

qui détermine », dit<br />

George McGraw, le fondateur<br />

de DigDeep, l’organisme<br />

qui finance le<br />

Navajo Water Project.


Lily Dugi, qui a 80 ans, vit avec<br />

son mari dans un ranch de<br />

moutons isolé. Ils ont reçu peu<br />

de visiteurs depuis le début de<br />

la pandémie.<br />

Tuba City, nous quittons la route principale<br />

pour nous rendre dans une petite<br />

cabane, d’environ 3 mètres sur 4, peinte<br />

en marron. Homer Bancroft en émerge,<br />

une queue de cheval grise serpentant<br />

sous une casquette bleu turquoise. Son<br />

pantalon est maintenu par une jolie ceinture<br />

en cuir avec une boucle argentée,<br />

mais sa situation est difficile. Sa caravane<br />

a été brûlée par un pyromane l’année<br />

dernière. Il a ensuite été blessé par<br />

un conducteur ivre lors d’un délit de<br />

fuite, qui a détruit sa voiture et l’a laissé<br />

pour mort. Il est allé rendre visite à ses<br />

enfants dans le sud de l’Utah pour récupérer,<br />

et maintenant il est de retour,<br />

vivant dans cette cabane. D’autres<br />

proches s’occupent de lui.<br />

Bancroft me montre son tonneau<br />

d’eau en plastique bleu, à l’intérieur<br />

d’un hangar en contreplaqué à côté de<br />

sa maison. Un mur de la remise est<br />

adossé à une série de vieux appareils :<br />

un réfrigérateur, un lave-vaisselle et<br />

quelques cuisinières. Un ami livre de<br />

l’eau toutes les semaines environ. Un<br />

court chemin mène à une remise en bois<br />

d’apparence vieillie, face à l’autoroute.<br />

Maintenant que sa voiture n’est plus là,<br />

il se rend à pied sur la route pour faire<br />

du stop jusqu’à la ville, ce qui n’est guère<br />

sûr en cas de pandémie. Il peut survivre<br />

sans sa voiture ou sans un lave-vaisselle<br />

en état de marche, mais pas sans eau.<br />

Pendant deux jours, en sillonnant la<br />

nation Navajo, je vois différentes facettes<br />

d’une certaine Amérique. Les Navajos qui<br />

travaillaient ou vivaient hors réserve sont<br />

retournés chez eux, vivant avec leurs<br />

parents et d’autres membres de la famille,<br />

et mettant à rude épreuve les ressources<br />

disponibles, liquides ou autres. Lionel<br />

Nebitsi travaillait dans une raffinerie près<br />

de Salt Lake City lorsqu’il a été diagnostiqué<br />

avec un cancer et est revenu à la maison<br />

; aujourd’hui, il se sert d’un déambulateur,<br />

incapable de travailler, vulnérable<br />

au virus à cause de sa maladie sous-<br />

76 THE RED BULLETIN


jacente. À quelques kilomètres de là, Roy<br />

Hale avait fait du bon travail en installant<br />

des systèmes de plomberie et de climatisation<br />

dans les hôtels et les supermarchés<br />

Walmart du Sud-Ouest.<br />

« Mon patron n’aime pas embaucher<br />

des Blancs, seulement des Navajos,<br />

précise-t-il. Il dit que les Blancs fument<br />

trop. » Mais son patron ne l’a pas appelé<br />

au travail depuis six mois. Maintenant,<br />

il est retourné vivre avec sa mère et<br />

d’autres membres de sa famille dans leur<br />

ancienne ferme, près d’une petite butte<br />

cramoisie que les gens du coin appellent<br />

<strong>Red</strong> Rock. « J’ai travaillé dix-sept ans,<br />

me dit-il. Dix-sept putain d’années. »<br />

« L’UNE DES PIRES<br />

CHOSES QUE L’ON<br />

PUISSE FAIRE À UN<br />

NAVAJO ? L’ÉLOIGNER<br />

DE SA TERRE. »<br />

Il fait une pause. « Tu veux un morceau<br />

de pain frit ? »<br />

La réserve elle-même reste en état de<br />

fermeture prolongée, ce qui rend presque<br />

impossible la recherche d’un emploi.<br />

Dans la ville de Kayenta, Arizona, près<br />

de Monument Valley, normalement un<br />

haut lieu pour les touristes du monde<br />

entier, je séjourne dans un hôtel de trois<br />

cents chambres avec peut-être une douzaine<br />

d’autres clients seulement. Tous les<br />

parcs tribaux et les sentiers sont fermés,<br />

et de nombreuses routes de terre en<br />

dehors des autoroutes principales sont<br />

bloquées par des panneaux annonçant :<br />

« FERMÉ. PAS DE VISITEURS. »<br />

Il n’a pas plu depuis deux mois. Les<br />

lavoirs et les lits de ruisseaux sont tous<br />

secs, et même le Little Colorado River<br />

est une tache boueuse. Le coronavirus<br />

a entravé les livraisons d’eau, et certaines<br />

personnes avec lesquelles je parle n’ont<br />

pas eu d’eau depuis des mois. Les animaux<br />

souffrent tout autant : sur le chemin<br />

du retour, nous croisons un cheval<br />

sauvage couché dans la terre au bord de<br />

la route, les hanches et la colonne vertébrale<br />

saillantes, haletant et mourant de<br />

soif. Nous continuons. Nous ne pouvons<br />

lui apporter aucune aide.<br />

Notre dernier arrêt est une habitation<br />

ronde en bois au bout<br />

d’une autre longue route rocailleuse<br />

– un hogan, une maison<br />

navajo typique, modifiée et moderne,<br />

dit Yazzie. Un panneau collé sur la porte<br />

avertit : « LE PATIENT A UNE MALADIE<br />

RESPIRATOIRE. VEUILLEZ NE PAS<br />

ENTRER. MERCI. »<br />

Shanna Yazzie et Emma Robbins font<br />

le tour de la maison pour évaluer la<br />

situation. Il y a une citerne souterraine,<br />

mais son niveau d’eau semble bas. Elles<br />

décident d’installer la dernière citerne<br />

d’eau, au cas où. Smallcanyon et Chief<br />

se mettent au travail. Finalement, la<br />

porte s’ouvre et une vieille femme apparaît,<br />

portant un masque. Elle s’approche<br />

timidement, et Yazzie se dirige vers elle.<br />

Ils parlent, et il s’avère qu’elle connaît<br />

la famille de Yazzie. La porte s’ouvre à<br />

nouveau, et le mari émerge, se déplaçant<br />

lentement, serrant son déambulateur,<br />

courbé par l’âge, en direction des<br />

toilettes extérieures. Ce sont les Netzsosie,<br />

Bessie et David. L’homme a récemment<br />

été à l’hôpital, explique-t-elle, d’où<br />

le panneau sur la porte. Leur fille vit<br />

dans une caravane voisine, mais elle est<br />

au travail maintenant. En se traînant,<br />

David s’installe lourdement sur une<br />

chaise, la tête en bas. Nous gardons nos<br />

distances alors que, d’une voix forte,<br />

Bessie commence à expliquer ce que<br />

nous faisons. Elle se met à pleurer. Le<br />

réservoir d’eau est la première bonne<br />

nouvelle qu’ils ont eue depuis des mois.<br />

Nous continuons de parler, et il<br />

s’avère que David a cent ans, ou presque,<br />

en tout cas. Les certificats de naissance<br />

ont tendance à être quelque peu vagues,<br />

et un agent du gouvernement a marqué<br />

son anniversaire comme étant le jour de<br />

Noël 1926, ce qui est probablement<br />

inventé. Ce qui est plus certain, c’est que<br />

David était un coureur dans sa jeunesse<br />

– les Navajos sont des coureurs de fond<br />

réputés, qui parcourent des dizaines de<br />

kilomètres sur ce terrain rude et sec.<br />

« Pas possible !, dit Yazzie. Mon grandpère<br />

était aussi un coureur. » Il s’avère<br />

qu’ils couraient ensemble, autrefois,<br />

avec des mocassins en cuir. David sourit<br />

à présent, il vit dans ses souvenirs. Tout<br />

comme Yazzie.<br />

Je repense à quelque chose que<br />

Robbins me disait : « Chaque fois que<br />

nous perdons un aîné, nous perdons<br />

une grande partie de notre culture. »<br />

Pendant que nous parlons, un cheval<br />

noir maigre s’agite, comme pour se<br />

joindre à la conversation. « Il s’appelle<br />

Sweetie Boy », nous dit Bessie, et il a<br />

quinze ans. D’après ce que l’on voit, il<br />

n’a plus beaucoup de temps à vivre : sa<br />

colonne vertébrale s’affaisse et ses côtes<br />

dépassent. Je m’éloigne, effrayé par son<br />

regard. Mais Robbins décide de passer<br />

à l’action. Elle retourne à son camion<br />

et prend une grande cruche d’eau Arrowhead,<br />

provenant du don de Nestlé. Elle<br />

la vide dans un seau en plastique blanc<br />

et la donne à Sweetie Boy, qui s’en<br />

délecte. En se frappant joyeusement les<br />

lèvres, il se retourne vers son corral.<br />

« La première question est souvent :<br />

pourquoi ne déménagent-ils pas ?, dira<br />

Robbins plus tard. S’ils devaient déménager,<br />

pourraient-ils avoir leur mode de<br />

vie traditionnel, et leur cheval ? Non,<br />

bien sûr que non. L’une des pires choses<br />

que l’on puisse faire à un Navajo est de<br />

l’éloigner de sa terre, après qu’il se soit<br />

tant battu pour elle. C’est comme mourir<br />

d’une autre façon. »<br />

L’eau leur permettra de rester ici, dans<br />

cette terre silencieuse, belle et sèche, au<br />

moins un peu plus longtemps.<br />

THE RED BULLETIN 77


ALPHATAURI.COM


PERSPECTIVES<br />

Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />

WILLIAM COPESTAKE WILLIAM COPESTAKE<br />

LE KAYAK<br />

TRANQUILLE<br />

Îles Summer, au<br />

nord de l’Écosse<br />

79


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

« Le plaisir du kayak de mer,<br />

c’est d’être dans l’eau plutôt que<br />

sur l’eau. Vous serez au plus<br />

près de la faune et de la flore. »<br />

Will Copestake, aventurier et guide<br />

Il est six heures du matin et, à l’horizon,<br />

le soleil s’étend sur un panorama<br />

de montagnes déchiquetées<br />

et fait miroiter la mer. Je suis éveillé<br />

avant les autres participants qui commencent<br />

à remuer dans leurs sacs de<br />

couchage. Un matin d’été typique dans<br />

les îles Summer en Écosse : tout est<br />

calme, une brise légère amène une<br />

odeur de mer, le grondement régulier<br />

du ressac roule contre les falaises à<br />

proximité, les phoques chantent mélodieusement<br />

depuis les rochers.<br />

Depuis 2013, je poursuis des aventures<br />

autour du monde, à la fois personnelles<br />

et en tant que guide, tant pour<br />

des virées d’une durée d’un an qui<br />

incluent kayak, vélo et escalade à travers<br />

l’Écosse que pour des expéditions<br />

de mille kilomètres en kayak à travers<br />

la Patagonie. Mais je considère les îles<br />

Summer comme mon chez-moi. En tant<br />

que responsable de notre entreprise,<br />

Kayak Summer Isles, c’est à la fois mon<br />

boulot et mon plaisir d’encourager les<br />

gens à s’aventurer hors des sentiers<br />

battus et à marquer une pause. Nous<br />

fournissons la confiance et les compétences<br />

nécessaires afin de profiter de<br />

ce qui nous entoure tout en visitant des<br />

endroits reculés et en renouant avec<br />

la nature. Je passe la plupart de mes<br />

journées à enseigner puis à mener des<br />

groupes le long de voûtes naturelles,<br />

de grottes, de falaises et de plages de<br />

sable sauvages au milieu de paysages<br />

à couper le souffle.<br />

C’est une pratique qui va de pair<br />

avec le concept croissant de « tourisme<br />

doux », la contrepartie de la liste d’endroits<br />

à visiter que l’on raye au fur et<br />

à mesure. L’industrie du voyage est<br />

actuellement animée par une volonté,<br />

en partie alimentée par les médias<br />

sociaux, d’accumuler le plus d’expériences<br />

possible tout en prenant le<br />

moins de temps possible. C’est certes<br />

un moyen rapide de voir beaucoup<br />

de choses formidables et cela s’inscrit<br />

dans la vie active que beaucoup d’entre<br />

nous mènent. Mais les voyages rapides<br />

ont aussi d’énormes limites. Rares<br />

sont ceux qui prennent le temps de<br />

réellement découvrir les communautés<br />

locales, les paysages et les merveilles<br />

qu’ils survolent lorsqu’ils courent vers<br />

la prochaine attraction. En fait, le trajet<br />

importe autant que la destination.<br />

Plus tôt cette année, pendant le<br />

confinement, il était inspirant de voir<br />

tant de nos voisins découvrir les joyaux<br />

locaux qu’ils avaient jusqu’ici rarement<br />

explorés, encouragés par la nécessité<br />

d’explorer plus près de chez eux.<br />

C’est le dernier jour de notre aventure<br />

de plusieurs jours et, avant de partir,<br />

nous discutons de la façon de préparer<br />

un kayak, de charger le bateau également<br />

avec le poids centré sur la coque, de<br />

préparer plusieurs petits sacs plutôt<br />

qu’un seul grand, de garder les objets<br />

L’écrivain Will Copestake connaît les îles Summer comme sa poche.<br />

WILLIAM COPESTAKE<br />

80 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

Comment<br />

s’y rendre<br />

L’archipel compte<br />

environ vingt îles,<br />

rochers et îlots et se<br />

trouve au large de la<br />

côte nord-ouest des<br />

Highlands écossais.<br />

On peut y accéder<br />

par bateau depuis<br />

le port d’Achiltibuie,<br />

qui se trouve à un peu<br />

moins de 2 h 30 de<br />

voiture d’Inverness.<br />

Le kayak de mer au milieu des paysages pittoresques des îles d’Été est l’antithèse du « voyage rapide ».<br />

Les couchers de soleil impressionnants sont monnaie courante dans cette partie du pays.<br />

métalliques loin du compas du pont.<br />

Nous terminons en comblant les espaces<br />

restants avec les détritus ramassés sur le<br />

bord de mer, un flux infini de plastique en<br />

provenance des océans charrié par les<br />

vagues, ce qui suscite une discussion sur<br />

l’impact de l’humain sur ces zones sauvages<br />

et sur la façon dont nous laissons<br />

notre empreinte partout où nous voyageons.<br />

Nous avons déjà fait en sorte d’éliminer<br />

les traces de nos tentes et de nos<br />

sacs de déchets mais il reste encore<br />

quelques traces de pas. En tant qu’entreprise,<br />

nous ne reviendrons plus sur ce site<br />

pendant quelques mois afin de permettre<br />

une régénération entre nos visites.<br />

Une vague déferle sur la proue alors<br />

que je pousse mon kayak depuis le rivage<br />

THE RED BULLETIN 81


PERSPECTIVES<br />

voyage<br />

TRAPPE ARRIÈRE<br />

Nourriture, sac de couchage, tapis<br />

de sol, piquets de tente, set de cuisine<br />

(casserole, couverts, bol et tasse).<br />

TRAPPE VIDE-POCHE<br />

Crayon et bloc-notes, boussole, lampe<br />

frontale, kit de pagaie de nuit, couteau,<br />

fusées éclairantes, chocolat.<br />

Chargé, le kayak !<br />

La formule : bien répartir son<br />

approvisionnement.<br />

TRAPPE DE PONT<br />

Trousse médicale, sac d’hypothermie,<br />

sac bothy, kit de réparation d’urgence,<br />

thermos, bâche, réchaud et gaz.<br />

TRAPPE AVANT<br />

Nourriture, vêtements de rechange,<br />

bottes, toile de tente (aucun objet<br />

métallique n’est autorisé sous le pont).<br />

Poids léger<br />

Poids moyen<br />

Poids moyen<br />

à lourd<br />

Poids moyen<br />

à lourd<br />

Poids moyen<br />

Poids léger<br />

avec un murmure d’algues sous ma<br />

coque. L’eau fraîche me saisit la main<br />

alors que je plonge ma pagaie pour le<br />

premier coup d’une nouvelle journée<br />

qui s’annonce. Un phoque fait surface<br />

derrière moi alors qu’il nous escorte<br />

hors du camp. Le plaisir du kayak de<br />

mer, c’est d’être dans l’eau plutôt que<br />

sur l’eau. Vous êtes au plus près de la<br />

faune et de la flore, ce qu’il est difficile<br />

de faire depuis un autre bateau. Ce lien<br />

éveille l’attention puis, par la suite, naît<br />

un sentiment de responsabilité face à<br />

l’environnement dont nous profitons.<br />

Lorsque je travaillais en Patagonie<br />

pendant mes saisons d’hiver, j’admirais<br />

l’approche chilienne de la gestion du<br />

tourisme d’aventure durable qui, tout<br />

comme le nord de l’Écosse, a connu<br />

une croissance exponentielle plus rapide<br />

que les infrastructures nécessaires<br />

pour l’assurer. Flux, friction, rythme :<br />

ralentir le flux, réduire la friction, prévoir<br />

le rythme. Encourager les visiteurs à<br />

une journée d’aventure en kayak ou<br />

en randonnée les siphonne vers une<br />

zone plus importante et ralentit le flux<br />

en provenance de la voie principale.<br />

Là où il existe des attractions plus fréquentées,<br />

les frictions sont gérées par<br />

des installations et des infrastructures.<br />

Comprendre les rythmes des boums<br />

de l’été et du calme hivernal permet<br />

d’adapter et de récupérer.<br />

Les oiseaux marins s’envolent des<br />

falaises voisines dans un claquement<br />

d’ailes, apportant une odeur de guano<br />

frais qui me pique le nez. Mon sens<br />

olfactif n’est pas meilleur après quelques<br />

nuits loin du luxe de la maison mais avec<br />

ce petit sacrifice vient une régénération<br />

de l’énergie qui se transmet à l’âme<br />

comme la houle transmet la vie à l’océan.<br />

La relation entre l’environnement et<br />

nous, en tant que pagayeurs, se développe<br />

sur l’eau. Lorsque nous rentrerons<br />

chez nous, rafraîchis par une évasion<br />

authentique, nous aurons une nouvelle<br />

histoire à raconter au moment du café<br />

du lendemain matin.<br />

Will Copestake est un aventurier, photographe<br />

et guide et mène des expéditions<br />

en plein air en Écosse et en Patagonie.<br />

Suivez-le sur willcopestakemedia.com ;<br />

et apprenez comment voyager avec lui<br />

sur kayaksummerisles.com<br />

En faisant du kayak en Patagonie, vous aurez des<br />

glaciers et des icebergs entiers pour vous.<br />

Nouveau rythme<br />

Embrassez le slow travel.<br />

EXPLOREZ LE LOCH BROOM ET LES<br />

ÎLES SUMMER<br />

Les villes voisines d’Ullapool et d’Achiltibuie<br />

constituent le point de départ idéal<br />

pour découvrir certains des endroits<br />

sauvages, un géoparc de l’UNESCO et un<br />

centre d’arts et de musique traditionnels.<br />

L’AVENTURE DANS LES CAIRNGORMS<br />

Tout au long de l’année, ski en hiver et randos<br />

à n’en plus finir en été. Les activités<br />

s’adressent aux débutants et aux experts,<br />

de la montagne aux sports nautiques.<br />

LES CÔTES DES CORNOUAILLES<br />

Les côtes et des plages magnifiques et<br />

des centaines de sentiers côtiers à explorer,<br />

il y a quelque chose en Cornouailles<br />

pour chaque intérêt. Installez-vous dans<br />

l’une des nombreuses communautés<br />

locales et découvrez la culture, les arts<br />

et la musique, ainsi que les promenades<br />

et les baignades qui y sont offertes.<br />

KAYAK SUR LE LAC TYNDALL EN<br />

PATAGONIE<br />

Sans doute l’une des excursions les plus<br />

sauvages que l’on puisse faire en kayak<br />

sur la planète. Il ne faudra pas ménager<br />

les efforts dans cette nature sauvage mais<br />

vous aurez les icebergs et les glaciers pour<br />

récompense. Vous ne verrez personne<br />

d’autre que le guide pour la majeure partie<br />

de ce voyage. kayakenpatagonia.com<br />

DÉCOUVREZ REYKJAVÍK<br />

La capitale islandaise est une base d’activités<br />

fantastiques. Pour faire du snowboard<br />

dans les montagnes, se ressourcer dans<br />

un bain de boue ou apprendre à tricoter<br />

un pull pour un arbre (hé oui, cela existe),<br />

c’est un centre d’aventures méconnu.<br />

WILLIAM COPESTAKE<br />

82 THE RED BULLETIN


PROMOTION<br />

PRÊT<br />

POUR LES<br />

PISTES<br />

Compact et puissant<br />

Avec le couple maximum<br />

poussé à 85 Nm, les<br />

montées les plus raides<br />

et les sentiers les plus<br />

difficiles peuvent être<br />

surmontés.<br />

Véritable bête de trail, en montée et en descente, le<br />

Husqvarna Hard Cross 8 équipé du Shimano EP8 assure<br />

une autonomie encore plus longue sur les pistes.<br />

Plus de puissance et d’autonomie<br />

chez Husqvarna : avec<br />

un débattement de 180 mm,<br />

le nouveau Husqvarna Hard<br />

Cross 8 est fait pour les parcours<br />

exigeants ! Dotée du<br />

nouveau Shimano EP8, la<br />

nouvelle e-génération fait<br />

son entrée avec les modèles<br />

haut de gamme de VTT électriques<br />

Husqvarna. L’EP8<br />

offre puissance immédiate<br />

et contrôle optimal.<br />

Performances optimales<br />

Le mode Trail, extrêmement<br />

polyvalent, vous permet de<br />

vaincre presque tous les sentiers.<br />

Plus vous pédalez fort,<br />

plus l’EP8 fournit de la puissance.<br />

Vous êtes soutenu au<br />

moment précis où vous en<br />

avez le plus besoin avec une<br />

traction et un contrôle optimaux,<br />

vous permettant de<br />

vous concentrer pleinement<br />

sur le terrain.<br />

HUSQVARNA E-BICYCLES<br />

E-VTT pour tous<br />

De la ville aux sentiers<br />

extrêmes, Husqvarna<br />

E-Bicycles a le modèle<br />

adéquat pour<br />

chaque cycliste et<br />

chaque terrain.<br />

husqvarna-bicycles.com


PERSPECTIVES<br />

gaming<br />

MANETTES DE JEU<br />

Gardez la main<br />

En 1972, la première console de jeu commerciale, la<br />

Magnavox Odyssey, arrive sur le marché. Sa manette,<br />

un boîtier à trois boutons rotatifs, est une révolution.<br />

Les contrôleurs de jeux ont fait beaucoup de chemin<br />

depuis. Avec la sortie de la PlayStation 5 et de la Xbox<br />

Series X/S, trois experts examinent comment les<br />

manettes ont changé notre façon de jouer...<br />

DUALSHOCK 3, 2008<br />

« Avec la PS3 en 2006, Sony sort un<br />

contrôleur de mouvement sans fil, sans<br />

grand succès, mais revient finalement<br />

aux vibrations. »<br />

PLAYSTATION, 1994<br />

« La première manette de PlayStation<br />

est une icône à part entière, déclare<br />

Tailby. Les boutons triangle, cercle, X<br />

et carré sont restés à chaque version. »<br />

DUALSHOCK 2, 2000<br />

Sortie avec la PlayStation 2. « Deux<br />

baguettes facilitent la navigation dans<br />

les jeux en 3D, et la vibration rend<br />

l’action plus percutante. »<br />

DUALSHOCK 4, 2013<br />

De plus grandes poignées, une surface<br />

tactile et un bouton pour partager vos<br />

moments de jeu. « Sans hésitation, la<br />

meilleure manette de Sony à l’époque. »<br />

DUALSENSE, <strong>2020</strong><br />

« La manette de la PlayStation 5 est la<br />

plus grande nouveauté de la série. Elle<br />

délivre des vibrations plus nuancées<br />

grâce à la rétroaction haptique. »<br />

PLAYSTATION « J’ai grandi avec la manette DualShock, raconte Stephen Tailby, rédacteur en chef adjoint<br />

du site de jeux PS Push Square (pushsquare.com). Les poignées ergonomiques, qui ont donné à l’appareil une<br />

silhouette unique, ont depuis lors influencé la conception de la manette. » Toutefois, Tailby pense que la manette<br />

DualSense, qui fait ses débuts avec la PlayStation 5, va transformer l’expérience de jeu. « La rétroaction haptique<br />

et les déclencheurs L2 et R2 adaptatifs rendent la pression plus facile ou plus difficile en fonction de ce qui se<br />

passe dans le jeu, et devraient améliorer l’immersion de manière tactile. Mais les fondamentaux restent intacts :<br />

l’ADN de la première manette de Sony existe dans tous ses successeurs. » playstation.com<br />

SONY COMPUTER ENTERTAINMENT INC, MICROSOFT<br />

84 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

gaming<br />

XBOX, 2001<br />

La manette originale. « Un modèle plus<br />

compact est sorti peu de temps après,<br />

dit Gilbert. Mais les fans sont restés<br />

nostalgiques de la première. »<br />

XBOX 360, 2005<br />

« Le design est modernisé, des boutons<br />

sont ajoutés ainsi qu’un port pour<br />

casque et accessoires. Elle est<br />

nettement plus confortable à utiliser. »<br />

XBOX ONE, 2013<br />

« La manette de la Xbox 360 est si<br />

populaire qu’il n’est pas nécessaire de<br />

procéder à des changements<br />

radicaux. »<br />

XBOX SERIES X/S, <strong>2020</strong><br />

« Ergonomie améliorée, latence d’entrée<br />

réduite, nouveau design de la croix<br />

directionnelle : elle est aussi compatible avec<br />

Windows 10 et Android. »<br />

XBOX « La manette d’origine n’a pas eu la meilleure réception en 2001, explique Fraser Gilbert, rédacteur<br />

en chef du site de jeux Xbox Pure Xbox (purexbox.com). Elle était très volumineuse, mais elle a posé les bases<br />

de ce que nous attendons aujourd’hui dans la disposition des boutons, le placement des manettes analogiques<br />

et la conception des gâchettes. » Microsoft a adapté sa nouvelle manette à la taille de la main d’un enfant de<br />

huit ans après avoir constaté qu’elle fonctionnait aussi bien dans des mains plus petites que dans des mains<br />

plus grandes. « C’est une évolution plutôt qu’une révolution. La popularité de chaque version témoigne de la<br />

manière dont l’entreprise a perfectionné son contrôleur au cours des vingt dernières années. »<br />

THE RED BULLETIN 85


PERSPECTIVES<br />

gaming<br />

RAZER BOOMSLANG, 1999<br />

La première souris de jeu mécanique.<br />

« Avant cela, les souris avaient une<br />

sensibilité de 1 000 DPI. » En 2000<br />

sort une version à 2 000 DPI.<br />

RAZER DIAMONDBACK, 2004<br />

C’est la deuxième souris à capteur<br />

optique de Razer. « Elle est plus précise<br />

et plus fiable que la précédente »,<br />

déclare Jennings.<br />

RAZER NAGA CHROMA, 2014<br />

Une sensibilité optique de 8 200 DPI,<br />

avec des boutons que les joueurs<br />

peuvent associer à des actions de jeu.<br />

RAZER MAMBA, 2015<br />

Une sensibilité optique de 16 000 DPI<br />

qui permet aux joueurs d’ajuster la force<br />

des clics de leurs doigts.<br />

RAZER DEATHADDER, <strong>2020</strong><br />

Les souris sans fil peuvent souffrir<br />

de latence, et peuvent changer de<br />

fréquence pour une connexion rapide.<br />

LA SOURIS DE JEU Il est difficile de se souvenir de l’époque où les jeux se jouaient avec une souris<br />

de bureau mécanique, comme lors du lancement de Boomslang. « Elle est née de la nécessité, dit le<br />

journaliste Mike Jennings (mike-jennings.net), qui a écrit pour Tech Radar, Wired, Custom PC, etc. Comme<br />

les jeux PC devenaient plus complexes, il fallait plus de boutons et une plus grande précision. » Depuis, les<br />

souris de jeu se sont diversifiées. « Les boutons supplémentaires de Naga sont parfaits pour les jeux en ligne<br />

multijoueurs ; la sensibilité améliorée de Mamba pour les tireurs nerveux et rapides. Les exigences des<br />

joueurs ont conduit à l’innovation. Ces souris de jeu excellent là où les souris de bureau sont défaillantes. »<br />

RAZER<br />

86 THE RED BULLETIN


RAZER TOM GUISE<br />

JOUER AUTREMENT<br />

Changer<br />

la donne<br />

La nécessité d’un gamer d’aller<br />

de l’avant a bouleversé les codes.<br />

Min-Liang Tan joue présentement<br />

à Fall Guys: Ultimate<br />

Knockout, un jeu multijoueur<br />

qui a pris le monde d’assaut.<br />

Son avantage ? Le matériel<br />

avec lequel il joue a été conçu<br />

par lui et réalisé par Razer,<br />

sa société de jeux. Cette<br />

entreprise lui vaut de figurer<br />

parmi les quarante personnes<br />

les plus puissantes dans le<br />

monde du jeu vidéo en 2012.<br />

Cinq ans plus tard, à 40 ans,<br />

il est le plus jeune milliardaire<br />

parti de rien de Singapour.<br />

Et pourtant, le succès de<br />

cet ancien avocat n’est né que<br />

du simple désir d’être un meilleur<br />

joueur. « Tout ce que je<br />

voulais, c’était une meilleure<br />

souris. Alors on en a construit<br />

une. » C’était en 1999, et le<br />

résultat a été la Boomslang,<br />

la première souris au monde<br />

dédiée au jeu.<br />

Aujourd’hui, Razer fabrique<br />

des ordis portables, des<br />

casques et des smartphones.<br />

On voue à la firme un culte de<br />

la personnalité. « Nous recevons<br />

des milliers de photos<br />

de gens qui se sont fait<br />

tatouer le logo de Razer, dit<br />

Tan. Quelqu’un s’est même<br />

fait tatouer mon visage. »<br />

Pour Tan cependant, la<br />

réussite de l’entreprise<br />

compte moins que la communauté.<br />

« Je ne me suis jamais<br />

considéré comme un PDG,<br />

dit-il. Je suis un gamer. Et je<br />

cherche l’avantage qui me<br />

fera gagner. »<br />

J’ai appris à me fier<br />

à mon instinct<br />

« Nous n’avons pas cherché<br />

à gagner beaucoup d’argent<br />

avec le Boomslang. Je me<br />

disais que comme j’en avais<br />

besoin, j’étais sûr que d’autres<br />

en auraient besoin aussi.<br />

Quand nous avons redessiné<br />

l’ordi portable destiné au jeu<br />

afin qu’il soit super fin, les<br />

réactions furent très négatives<br />

: “Ce n’est pas ce que<br />

veulent les gamers ; ils veulent<br />

quelque chose de massif et<br />

de solide.” Mais nous avons<br />

persévéré dans notre idée en<br />

faisant appel à des ingénieurs<br />

thermiques. Maintenant, la<br />

plupart des portables de<br />

gaming sont fins et puissants.<br />

»<br />

Une mauvaise idée<br />

est une bonne idée<br />

mal exécutée<br />

« Nous avons été les premiers<br />

à choisir le noir mat qui est<br />

devenu la couleur des gamers.<br />

Nous avons ensuite ajouté<br />

des LEDs en commençant<br />

par une seule couleur puis un<br />

éclairage RGB. Créer avec des<br />

lumières est incroyablement<br />

difficile : si vous en utilisez<br />

trop peu, ça ne sert à rien ;<br />

trop et c’est criard. Nous<br />

PERSPECTIVES<br />

gaming<br />

Min-Liang Tan, 43 ans : gamer, milliardaire et zombie<br />

(dans le film dérivé du jeu Dead Rising : Watchtower).<br />

faisons des réunions pour<br />

décider combien de millimètres<br />

de lumières nous<br />

allons mettre dans l’escalier<br />

de notre nouveau bâtiment :<br />

il fait quatre étages et nous<br />

faisons plusieurs modèles<br />

pour obtenir l’intensité lumineuse<br />

parfaite. »<br />

Le Razer BlackShark V2 Pro,<br />

un casque de jeu sans fil à la<br />

pointe de la technologie.<br />

Si ça marche avec les<br />

gamers, c’est gagné<br />

avec les autres<br />

« C’est cool de voir d’autres<br />

utilisateurs que des gamers<br />

opter pour nos produits.<br />

Nous avons des professionnels<br />

de la santé qui les utilisent<br />

pour leur précision, j’ai<br />

vu un programme spatial qui<br />

utilisait nos tapis de souris<br />

à la télé. Nous avons aussi<br />

reçu des demandes de l’industrie<br />

financière : ”Nos traders<br />

utilisent des souris et des claviers<br />

Razer. Pouvez-vous faire<br />

des produits pour le bureau ?”<br />

Nous n’allons pas vers le<br />

client ; c’est le client qui<br />

vient à nous. »<br />

L’excellence est<br />

toujours demandée<br />

« Récemment, je me suis fait<br />

une hernie discale. Des tas<br />

de gamers m’ont dit qu’ils<br />

avaient eu le même problème<br />

parce qu’ils jouaient trop.<br />

J’ai convoqué mon chef ingénieur<br />

et lui ai demandé ce qu’il<br />

comptait faire. Il m’a répondu<br />

qu’on devrait s’adresser à un<br />

chirurgien orthopédique, pour<br />

concevoir quelque chose car<br />

la demande sera forte pour<br />

la solution à ce problème<br />

apparemment courant. »<br />

Parfois, je ferais<br />

mieux de me taire<br />

« Un gamer tenait absolument<br />

à avoir un grille-pain Razer.<br />

Je lui ai lancé un défi : “si vous<br />

récoltez un million de likes,<br />

je le fais.” Je me renseignais<br />

de temps en temps. Un autre<br />

m’a dit qu’il allait se faire<br />

tatouer un grille-pain Razer.<br />

J’ai eu la bêtise de lui lancer<br />

un défi similaire au précédent<br />

: “Trouvez dix personnes<br />

qui se tatouent avec vous, je<br />

le fais.” Aujourd’hui, ils sont<br />

quinze à porter le tattoo.<br />

J’ai promis de le faire… mais<br />

je n’ai pas dit quand ! Nous<br />

avons réalisé quelques prototypes<br />

préliminaires, mais<br />

ce n’est pas encore ça. Je<br />

travaille donc toujours làdessus.<br />

Ce sera un pur<br />

grille-pain de compète ! »<br />

razer.com<br />

THE RED BULLETIN 87


PERSPECTIVES<br />

au programme<br />

déjà disponible<br />

ONE DAY, 4061 M & 4478 M<br />

Ces chiffres font référence aux hauteurs du Grand Paradis et du Cervin, deux sommets des Alpes<br />

que l’ultrarunner Fernanda Maciel a atteint en un jour (le 20 août <strong>2020</strong>), le premier lui faisant gagner<br />

le titre féminin du Fastest Known Time (FKT). L’exploit est d’autant plus remarquable que la colocataire<br />

de la Brésilienne de 40 ans a perdu la vie sur le Cervin un an plus tôt et que Maciel a eu les yeux<br />

gelés lors de sa tentative d’ascension deux ans auparavant. Un jour seulement après son ascension,<br />

25 grimpeurs étaient coincés dans un glissement de terrain. Un film exaltant sur le dépassement<br />

des limites physiques et la victoire sur ses démons personnels. redbull.com<br />

déjà<br />

disponible<br />

ENTRETIEN<br />

AVEC<br />

CHARLI XCX<br />

Pour Charli XCX,<br />

comme pour le reste<br />

du monde, l’année<br />

<strong>2020</strong> ne s’est pas déroulée<br />

comme prévu.<br />

Ayant dû reporter des<br />

projets, la pop star anglaise<br />

a décidé d’enregistrer<br />

un album de<br />

confinement, How I’m<br />

Feeling Now, qu’elle a<br />

annoncé sur Zoom en<br />

avril et qui a été salué<br />

par la critique un mois<br />

plus tard. Avant que<br />

la distanciation sociale<br />

n’entre en vigueur,<br />

elle a donné une interview<br />

au journaliste<br />

Wilbert L. Cooper, en<br />

public et en direct au<br />

Hammer Museum de<br />

Los Angeles. A Conversation<br />

with Charli XCX,<br />

une discussion ouverte<br />

sur le travail et la carrière<br />

de la musicienne.<br />

redbull.com<br />

déjà disponible<br />

PUSHING<br />

PROGRESSION : RED<br />

BULL STREET STYLE<br />

La scène du foot freestyle a<br />

explosé ces dix dernières années,<br />

passant de l’art de la performance<br />

au sport pro et culminant<br />

avec la finale mondiale du<br />

<strong>Red</strong> Bull Street Style (le 14 nov.).<br />

Mêlant acrobaties, danse et<br />

contrôle de balle éblouissant,<br />

le Street Style est une forme<br />

d’expression pour ses adeptes.<br />

Ce film examine l’évolution de la<br />

scène, de la rue au stade en passant<br />

par Internet, pour découvrir<br />

ce qu’il faut pour être le ou la<br />

meilleur(e), comme Mélanie<br />

Donchet (photo). redbull.com<br />

MATHIS DUMAS/RED BULL CONTENT POOL, SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL, MARK HUNTER<br />

88 THE RED BULLETIN


HORS DU COMMUN<br />

Retrouvez votre prochain numéro le 28 janvier avec et le 4 février avec<br />

dans une sélection de points de vente et en abonnement.<br />

LITTLE SHAO / RED BULL CONTENT POOL


PERSPECTIVES<br />

montres<br />

Le facteur temps<br />

Retour vers le futur ? Les grandes marques horlogères<br />

remettent l’esprit pionnier au goût du jour. Des montres<br />

destinées aux aventuriers, artistes, agents secrets,<br />

aviateurs, astronautes et… tous les autres.<br />

Texte WOLFGANG WIESER<br />

JEU DE LIGNES<br />

Un chef-d’œuvre de<br />

précision : 45 mm<br />

de diamètre et un<br />

amour du détail<br />

superbement assumé.<br />

COMME UN TATOUAGE<br />

Lignes éternelles<br />

Hublot Big Bang Unico Sang Bleu II<br />

Psychologue, graphiste et tatoueur :<br />

Maxime Plescia-Büchi est un véritable<br />

touche-à-tout, et sa collaboration avec Hublot<br />

particulièrement réussie. Pour preuve,<br />

cette version « en 3D » de la Sang Bleu, avec<br />

un design géométrique tout en relief. Hublot<br />

semble nous rappeler que l’art de maîtriser<br />

le temps, c’est avant tout… de l’art.<br />

hublot.com


PERSPECTIVES<br />

montres<br />

DROIT DE REGARD<br />

MIDO COMMANDER GRADIENT<br />

Son cadran transparent permet à la Mido<br />

Commander Gradient d’afficher sans<br />

complexe la beauté de sa mécanique interne.<br />

Original, le cadran s’assombrit sur<br />

les bords, ce qui confère à la montre un<br />

côté mystérieux… tout en faisant apparaître<br />

la date en clair, grâce au contraste.<br />

midowatches.com<br />

COSMOPOLITE<br />

Globe-trotteuse<br />

Carl F. Bucherer Manero Flyback<br />

Depuis sa fondation en 1888, la maison Bucherer a toujours mis son savoirfaire<br />

au service des aviateurs et des aventuriers. C’est cette passion du<br />

voyage qui a inspiré le joli bleu de la Manero. Autre atout apprécié des pilotes :<br />

la fonction Flyback (trad. retour en vol), qui permet d’enregistrer plusieurs<br />

laps de temps sans manipulation. carl-f-bucherer.com<br />

TOUR DE FORCE<br />

PANERAI LUMINOR MARINA<br />

Petit bijou de légèreté et de solidité,<br />

la nouvelle venue dans la gamme Luminor<br />

ne pèse que 96 g : fidèle à l’esprit d’innovation<br />

de la maison italienne, la Marina<br />

est conçue dans un matériau de haute<br />

technologie ultra-résistant, le Carbotech,<br />

qui résulte de la compression de fibres<br />

de carbone. panerai.com<br />

SOUVENIR<br />

IWC BIG PILOT’S BIG DATE SPITFIRE<br />

Août 2019 : une montre, un avion de<br />

légende et un tour du monde. 43 000 km<br />

parcourus en quatre mois par les pilotes<br />

Steve Boultbee Brooks et Matt Jones, à<br />

bord d’un Silver Spitfire de l’année 1943.<br />

Pour commémorer l’événement, IWC<br />

a sorti sa Big Date Spitfire, une édition<br />

limitée à 500 exemplaires. iwc.com<br />

UNE POUR TOUS<br />

TISSOT T-TOUCH CONNECT SOLAR<br />

Tissot poursuit dans l’innovation avec une<br />

montre qui se connecte via Bluetooth<br />

à tous les téléphones portables (iOS,<br />

Android, Harmony) grâce à un système<br />

d’exploitation baptisé SwALPS. Les affichages<br />

classiques (calendrier perpétuel,<br />

météo, altimètre, etc.) sont disponibles<br />

hors connexion. tissotwatches.com<br />

THE RED BULLETIN 91


PERSPECTIVES<br />

montres<br />

LOOK VINTAGE<br />

Le retour<br />

du marin<br />

Rado Captain Cook<br />

Elle fait son grand retour,<br />

58 ans après sa première<br />

« mise à l’eau », la montre de<br />

plongée qui porte le nom du<br />

célèbre navigateur anglais<br />

Thomas Cook. Cette fois-ci<br />

en version automatique avec<br />

un joli bracelet en titane et<br />

acier, elle conserve son<br />

diamètre de 42 mm et son<br />

charme d’antan. Pour faire<br />

honneur à son nom, elle est<br />

évidemment taillée pour les<br />

profondeurs marines, avec<br />

une étanchéité à 30 bar.<br />

rado.ch<br />

ESPRIT PIONNIER<br />

LONGINES SPIRIT<br />

Que ses montres ornèrent le poignet<br />

de légendes comme Amelia Earhart,<br />

Paul-Émile Victor ou Howard Hughes<br />

prouve que Longines est une marque faite<br />

pour les aventuriers. C’est cet esprit<br />

de conquérant qui est célébré dans<br />

la toute nouvelle collection Spirit.<br />

longines.ch<br />

BAROUDEUSE<br />

VICTORINOX I.N.O.X. CARBON LE<br />

Opération camouflage réussie pour la<br />

I.N.O.X. Carbon LE, qui exhibe avec fierté<br />

le logo mythique de son fabricant.<br />

La marque persiste et signe dans son<br />

amour des détails pratiques : les chiffres<br />

du cadran Super-LumiNova brillent dans<br />

le noir et son bracelet est fabriqué en cordelette<br />

de survie. victorinox.com<br />

AÉRIENNE<br />

G-SHOCK GRAVITYMASTER<br />

La marque G-Shock équipe les militaires<br />

britanniques, en service et hors service,<br />

dans le monde entier. Conçue en étroite<br />

collaboration avec la Royal Air Force,<br />

cette G-Shock Gravitymaster a été étudiée<br />

pour s’adapter aux environnements<br />

les plus difficiles des pilotes.<br />

g-shock.eu<br />

ICONIQUE<br />

HAMILTON PSR<br />

Elle fut la première montre à affichage<br />

digital au monde. Cinquante ans après sa<br />

création, alors que la marque Hamilton<br />

ressort son modèle fétiche, on comprend<br />

l’engouement qu’elle a suscité à l’époque,<br />

y compris chez des stars hors du commun<br />

comme Elton John.<br />

hamiltonwatch.com<br />

92 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

montres<br />

LE CALIBRE QU’IL<br />

VOUS FAUT<br />

Il est fabriqué avec les<br />

meilleurs fournisseurs<br />

suisses, qui utilisent<br />

des techniques industrielles<br />

de pointe.<br />

EN MOUVEMENT<br />

Un temps<br />

très fort<br />

Oris Aquis Date Calibre 400<br />

Entièrement conçue par<br />

les ingénieurs hautement<br />

qualifiés de la société horlogère<br />

suisse indépendante<br />

Oris, l’Aquis Date Calibre<br />

400 (nouvelle référence<br />

en matière d’horlogerie<br />

mécanique) est la première<br />

montre dotée du mouvement<br />

automatique révolutionnaire<br />

d’Oris. Il offre à<br />

ce modèle de plongée une<br />

réserve de marche de cinq<br />

jours et une forte résistance<br />

antimagnétique. oris.ch


PERSPECTIVES<br />

montres<br />

SUR LA VAGUE<br />

L’Instinct Solar Surf<br />

Edition offre des<br />

données de marée et<br />

un profil d’activité surf,<br />

pour une pratique<br />

optimisée.<br />

PERFORMANCE<br />

Du genre<br />

physique<br />

Garmin Instinct Solar Surf<br />

Cette gamme de montres GPS connectées<br />

de Garmin, dotées de la technologie Power<br />

Glass, offre une autonomie généreuse<br />

dans les modes smartwatch et expédition.<br />

Fréquence cardiaque, niveau de stress,<br />

analyse du sommeil et profils d’activités<br />

sportives préchargés… votre corps appréciera<br />

ses fonctionnalités et sa compagnie.<br />

garmin.com


PERSPECTIVES<br />

montres<br />

PARTENAIRE FIABLE<br />

CERTINA DS SUPER PH500M<br />

Ce modèle se rapporte à son prédécesseur<br />

de 1969 qui a accompagné l’expédition<br />

subaquatique Tektite : quatre scientifiques<br />

ont vécu deux mois dans un caisson<br />

immergé. La Certina fit ses preuves.<br />

Aujourd’hui, elle reste une marque très<br />

appréciée des plongeurs (étanchéité :<br />

50 bar). certina.com<br />

UNDERCOVER<br />

Celle de 007<br />

Omega Seamaster Diver 300M<br />

On le sait : pour James Bond, une montre est bien plus qu’une simple<br />

montre. Rien d’étonnant, donc, à ce que l’agent 007 alias Daniel Craig ait<br />

lui-même participé au design de sa montre, pour l’opus 25 Mourir peut<br />

attendre. « Le résultat est magnifique », paraît-il. Ce dont elle est capable ?<br />

Réponse prochainement, sur les écrans. omega.com<br />

INNOVANTE<br />

BLANCPAIN FIFTY FATHOMS<br />

Dans les années 60, Blancpain était le<br />

fournisseur de la Marine américaine. Les<br />

bracelets de la collection Fifty Fathoms<br />

sont fabriqués dans un titane nouvellement<br />

breveté, gage de fiabilité et de<br />

nouveauté, car les vis ne sont pas sur<br />

les côtés, mais au dos du boîtier.<br />

blancpain.com<br />

ASTRONAUTE<br />

RAKETA BAÏKONOUR<br />

803 jours dans l’espace : un record établi<br />

par le cosmonaute russe Sergueï Krikalev.<br />

La manufacture Raketa a pensé à lui en<br />

mettant au point une montre faite pour la<br />

vie spatiale, avec un cadran 24 heures<br />

permettant de distinguer le jour et la nuit,<br />

et un mécanisme automatique de grande<br />

fiabilité. La classe. raketa.com<br />

MESSAGÈRE<br />

SWATCH<br />

“Don’t be too late!” Cette montre ne<br />

vous dit pas simplement l’heure qu’il est,<br />

elle vous délivre aussi d’importants<br />

messages, à prendre au sérieux… ou pas !<br />

Sont également disponibles les versions<br />

“Tell me more”, “Call to action” et “Same<br />

same but different”. Qu’on se le dise !<br />

swatch.com<br />

THE RED BULLETIN 95


MENTIONS LÉGALES<br />

THE RED<br />

BULLETIN<br />

WORLDWIDE<br />

<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

est actuellement<br />

distribué dans six pays.<br />

La Une de l’édition<br />

américaine met les stars<br />

de la WNBA Natasha<br />

Cloud et Renee Montgomery<br />

à l’honneur.<br />

Le plein d’histoires<br />

hors du commun sur<br />

redbulletin.com<br />

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />

part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />

SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />

photos, illustrations et dessins qui engagent<br />

la seule responsabilité des auteurs.<br />

Rédacteur en chef<br />

Alexander Müller-Macheck<br />

Rédacteur en chef adjoint<br />

Andreas Rottenschlager<br />

Directeur créatif<br />

Erik Turek<br />

Directeurs artistiques<br />

Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />

Miles English, Tara Thompson<br />

Directrice photo<br />

Eva Kerschbaum<br />

Directeurs photos adjoints<br />

Marion Batty, Rudi Übelhör<br />

Responsable des infos et du texte<br />

Jakob Hübner, Andreas Wollinger<br />

Responsable de la production<br />

Marion Lukas-Wildmann<br />

Managing Editor<br />

Ulrich Corazza<br />

Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />

Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />

Booking photo<br />

Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza<br />

Directeur de la publication<br />

Andreas Kornhofer<br />

Directeur du management<br />

Stefan Ebner<br />

Directeur des ventes médias et partenariats<br />

Lukas Scharmbacher<br />

Publishing Management Sara Varming (Dir.),<br />

Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz<br />

Marketing B2B & Communication<br />

Katrin Sigl (Dir.), Alexandra Ita,<br />

Teresa Kronreif, Stefan Portenkirchner<br />

Directeur créatif global<br />

Markus Kietreiber<br />

Co-publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth<br />

Staber (Dir.), Mathias Blaha, Raffael Fritz,<br />

Thomas Hammerschmied, Valentina Pierer,<br />

Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber,<br />

Sara Wonka, Julia Bianca Zmek,<br />

Edith Zöchling-Marchart<br />

Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.),<br />

Simone Fischer, Alexandra Hundsdorfer,<br />

Martina Maier, Julia Schinzel, Florian Solly<br />

Emplacements publicitaires<br />

Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />

Production Friedrich Indich, Walter O. Sádaba,<br />

Sabine Wessig<br />

Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.),<br />

Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />

Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher<br />

Fabrication Veronika Felder<br />

MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler<br />

Opérations Melanie Grasserbauer,<br />

Alexander Peham, Yvonne Tremmel<br />

Assistante du Management général<br />

Patricia Höreth<br />

Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.),<br />

Nicole Glaser (Distribution), Victoria Schwärzler,<br />

Yoldaş Yarar (Abonnements)<br />

Siège de la rédaction<br />

Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche<br />

Téléphone +43 (0)1 90221-28800,<br />

Fax +43 (0)1 90221-28809<br />

Web redbulletin.com<br />

Direction générale<br />

<strong>Red</strong> Bull Media House GmbH,<br />

Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15,<br />

5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i,<br />

Landesgericht Salzburg, ATU63611700<br />

Directeurs généraux<br />

Dietrich Mateschitz, Dietmar Otti,<br />

Christopher Reindl, Marcus Weber<br />

THE RED BULLETIN<br />

France, ISSN 2225-4722<br />

Country Editor<br />

Pierre-Henri Camy<br />

Country Coordinator<br />

Christine Vitel<br />

Country Project Management<br />

Youri Cviklinski,<br />

youri@redbull.com<br />

Traductions<br />

Willy Bottemer, Fred & Susanne<br />

Fortas, Suzanne Kříženecký, Claire<br />

Schieffer, Jean-Pascal Vachon,<br />

Gwendolyn de Vries<br />

Relecture<br />

Audrey Plaza<br />

Abonnements<br />

Prix : 18 €, 12 numéros/an<br />

getredbulletin.com<br />

Siège de la rédaction<br />

29 rue Cardinet, 75017 Paris<br />

+33 (0)1 40 13 57 00<br />

Impression<br />

Quad/Graphics Europe Sp. z o.o.,<br />

Pułtuska 120, 07-200 Wyszków,<br />

Pologne<br />

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PROFIL<br />

17 avenue de Saxe<br />

75017 Paris<br />

+33 (0)6 19 77 26 30<br />

Thierry Rémond,<br />

tremond75@gmail.com<br />

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Allemagne, ISSN 2079-4258<br />

Country Editor<br />

David Mayer<br />

Secrétariat de rédaction<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

Country Project Management<br />

Natascha Djodat<br />

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Matej Anusic,<br />

matej.anusic@redbull.com<br />

Daniela Güpner,<br />

daniela.guepner@redbull.com<br />

Thomas Keihl,<br />

thomas.keihl@redbull.com<br />

Martin Riedel,<br />

martin.riedel@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Autriche, ISSN 1995-8838<br />

Country Editor<br />

Christian Eberle-Abasolo<br />

Secrétariat de rédaction<br />

Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

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Sales Management <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

Alfred Vrej Minassian (Dir.),<br />

Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger<br />

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anzeigen@at.redbulletin.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />

Country Editor<br />

Ruth Morgan<br />

Rédacteur associé<br />

Tom Guise<br />

Rédacteur musical<br />

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Fabienne Peters,<br />

fabienne.peters@redbull.com<br />

THE RED BULLETIN<br />

Suisse, ISSN 2308-5886<br />

Country Editor<br />

Wolfgang Wieser<br />

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Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

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commerciaux<br />

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marco.nicoli@goldbach.com<br />

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ISSN 2308-586X<br />

Rédacteur en chef<br />

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Rédactrice adjointe<br />

Nora O’Donnell<br />

Éditeur en chef<br />

David Caplan<br />

Directrice de publication<br />

Cheryl Angelheart<br />

Country Project Management<br />

Laureen O’Brien<br />

Publicité<br />

Todd Peters,<br />

todd.peters@redbull.com<br />

Dave Szych,<br />

dave.szych@redbull.com<br />

Tanya Foster,<br />

tanya.foster@redbull.com<br />

96 THE RED BULLETIN


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TRBMAG


Pour finir en beauté.<br />

L’incroyable remontada<br />

En aéronautique, une ressource est une manœuvre de redressement de l’avion<br />

à la suite d’un piqué : un changement vertical de trajectoire. C’est également<br />

applicable à la wingsuit, notamment grâce à Fred Fugen et Vince Reffet, un duo<br />

français d’hommes volants : les Soul Flyers. Cette photo issue de leur récente<br />

vidéo montre Vince en ressource, après un piqué à 270 km/h sur le phare de la<br />

Coubre de La Tremblade (Charente-Maritime). À voir sur redbull.com<br />

Le prochain<br />

THE RED BULLETIN<br />

sera disponible<br />

dès le 28 janvier<br />

2021<br />

MAX HAIM/RED BULL CONTENT POOL<br />

98 THE RED BULLETIN


PEU IMPORTE LA RAISON,<br />

Le tableau<br />

Persos<br />

FORERUNNER<br />

945<br />

- NOUVEAU -<br />

FORERUNNER<br />

745<br />

du matin<br />

entre amis<br />

FORERUNNER<br />

245<br />

FORERUNNER<br />

45<br />

<br />

COUREZ AVEC UNE FORERUNNER & LES MAGASINS<br />

RÉSEAU SPÉCIALISÉ RUNNING TRAIL MARCHE NORDIQUE TRIATHLON SWIM&RUN ATHLÉ<br />

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