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Étude de cas 4 : Des droits qui se chevauchent et des politiques discriminatoires
contribuent à un conflit violent sur les hauts plateaux d’Afghanistan 111
Dans les pâturages d’altitude de la province centrale de Bamyan, en Afghanistan, un conflit séculaire oppose les
Hazara sédentaires (4 millions de personnes) aux Kuchi nomades (2,4 millions de personnes). Dans une région
se prêtant mal à la plupart des pratiques agricoles, les Hazara dépendent de pâturages en altitude pour nourrir
leur cheptel et obtenir le combustible nécessaire aux maigres profits de leur agriculture. Dans le même temps, les
nomades Kuchi entendent accéder aux herbages des hautes terres pendant les mois d’été afin d’y faire paître leurs
troupeaux. L’accès à ces pâturages en altitude est indispensable à la survie tant des Hazara que des Kuchi, et a
engendré un conflit violent entre les deux groupes.
Ce conflit remonte aux années 1890, époque où il a été accordé aux Kuchi le contrôle complet de la région
des Hazara, en récompense de leurs services dans les batailles anticoloniales qui ont conduit à la création de
l’Afghanistan. Ces derniers ont été autorisés dans les années 1920 à faire usage de terres en basse altitude
convenant à leur agriculture sédentaire, mais ils sont restés opprimés pendant la plus grande partie du vingtième
siècle. Toutefois, à partir de la fin des années 1970, la guerre en Afghanistan a donné lieu à une situation mouvante
et compliquée en matière de contrôle des ressources, dans laquelle les prétentions juridiques des Kuchi et les
prétentions historiques de Hazara comptaient moins que l’aptitude de chacun des deux camps à s’emparer par la
violence de pâturages donnés pendant une saison. En 2001, à l’issue de décennies de lutte et de la chute du régime
des Talibans, les Hazara se sont retrouvés avec le contrôle total de la région et les Kuchi ont été exclus des pâturages
dont ils avaient besoin pour préserver leurs moyens de subsistance.
Le différend entre les deux groupes s’est intensifié à partir de 2004 et a été marqué par des éruptions de violence
dans les districts de Nawur, Jaghuri, Behud I, Besud II et Day Mirdah. En 2005, un sondage national a été mené parmi
les 124 000 ménages Kuchi pour savoir dans quelle mesure ils pouvaient accéder aux pâturages des hautes terres
centrales. Au total, 41 pour cent d’entre eux (51 000 ménages) ont répondu qu’ils n’avaient pas la possibilité d’y
accéder ou, à tout le moins, d’accéder à leurs pâturages d’été préférés, car l’accès leur était interdit aux pâturages de
Faryab, Saripul, Ghor, Bamyan, Wardak et Ghazi, qui tous, à l’exception de Faryab, se trouvent sur les hautes terres
(le Hazarajat).
Les principales raisons mentionnées par les Kuchi étaient (i) l’attitude des commandants locaux (41 pour cent) ; (ii)
l’attitude de la population résidente (17 pour cent) ; et (iii) la perte de pâturages en raison de leur conversion totale
ou partielle en terres agricoles (13 pour cent). Au total, 37 pour cent des sondés ont affirmé avoir eu un affrontement
sous une forme ou une autre avec des habitants locaux au sujet de leur accès à des pâturages d’été.
Il n’y aucun doute que le différend entre Kuchi et Hazara a atteint un niveau dangereux. En 2008 déjà, des dirigeants
politiques ont exprimé leur crainte qu’une guerre civile n’éclate dans des régions qui jusqu’alors n’avait pas été
impliquées dans la lutte contre les insurgés Taliban. Réunis en juin, puis de nouveau en juillet 2008, les leaders
Hazara ont condamné les incursions Kuchi, ont réaffirmé qu’ils étaient les propriétaires des pâturages de Hazarajat,
et ont invité le gouvernement et la communauté internationale à désarmer les Kuchi. Il est souvent allégué que ces
derniers sont armés par les Taliban (ou même par les services de renseignements pakistanais). Pour leur part, les
Kuchi accusent les Hazara de solliciter l’assistance de l’Iran, les Hazara étant des musulmans chiites comme le sont
les Iraniens. Les Hazara reconnaissent qu’ils doivent s’armer pour se protéger contre les nouvelles attaques qu’ils
attendent de la part des Kuchi cette année, mais nient que l’Iran leur offre une assistance quelconque.
On s’inquiète de plus en plus de la possibilité que ce différend ne dégénère en un conflit de plus grande envergure, dans
lequel les deux parties s’armeront et recourront à la violence. Face à ces risques, plusieurs organisations internationales,
dont la FAO, USAID, le PNUE, la Banque mondiale et le Conseil norvégien pour les réfugiés, travaillent actuellement aux
côtés des parties prenantes locales pour contribuer à prévenir et à résoudre le conflit entourant ces pâturages.
Source : PNUE : « Stratégie recommandée pour la résolution du conflit entre des tribus sédentaires et nomades élevant des
prétentions contradictoires sur de hauts pâturages en Afghanistan », PNUE, Kaboul, 2009.
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GUIDE PRATIQUE POUR LA PRÉVENTION ET LA GESTION DES
CONFLITS LIÉS À LA TERRE ET AUX RESSOURCES NATURELLES