J'attends le numéro 63
Laboratoire de recherches créatives
Laboratoire de recherches créatives
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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
LA NATURE COMME
GALERIE D’ART
J’attends : Quand avez-vous
eu conscience que vous étiez
une artiste, est-ce que cela
vient tôt ?
Isabelle Souchet : Enfant, je
ne pense pas que l’on se dise
tout de suite artiste, on a certainement
un comportement
un peu différent des autres
enfants, et chaque artiste doit
être, à ce moment de sa vie,
différent à sa façon. Moi, je me
souviens que j’ai très tôt été
attirée par la nature et je souffrais
que les adultes ne soient
pas fascinés par ce que je leur
montrais. Je ne comprenais pas
qu’ils n’éprouvent rien, qu’ils ne
voient pas la beauté et la délicatesse
de toute cette vie végétale.
Cette indifférence m’était
insupportable, certainement
parce qu’elle me laissait seule
avec mon émerveillement.
J’avais aussi du mal à accepter
que cette nature ne soit pas
éternelle. Arrivée à son apogée,
elle se flétrissait et disparaissait,
et moi, j’aurai voulu tout
garder. Je me souviens d’un
jour en automne, où j’avais ramassé
les feuilles d’un pêcher
parce que leurs couleurs rouge
et jaune m’avaient fascinées, je
les avais mises dans un panier
en espérant qu’elles restent en
l’état, mais bien sûr, elles ont
séché et se sont racornies. Je
me souviens de ma déception.
Il me semble qu’ensuite, peu à
peu, j’ai compris qu’en les dessinant,
ou en les peignant, je
pouvais garder la trace de ce
que j’avais vu et ressenti en les
découvrant.
JN1 : De quelle manière avezvous
été en contact avec des
œuvres d’art ?
I.S. : Au risque de me répéter,
je dirais que la Nature a été la
première galerie d’art dans laquelle
j’ai pénétré. On y rencontre
la beauté, l’étonnement,
mais aussi la mort. Je me souviens
de mes terreurs quant
au détour d’un chemin, je me
retrouvais face à des oisillons
tombés du nid et qui gisaient
dans l’herbe, c’était saisissant.
Ensuite, les premières œuvres
d’art que j’ai vues étaient certainement,
des reproductions
dans des livres, nous vivions à
la campagne et il n’y avait pas
beaucoup de galeries d’art
contemporain à l’époque là où
j’habitais, il n’y avait que des
musées. Mon père était passionné
d’archéologie, donc il y
avait beaucoup de livres et de
magazines qui traitaient de
ce sujet à la maison, je les regardais
beaucoup. En allant à
la bibliothèque, j’ai découvert
des peintres plus contemporains,
Dali, Matisse, Picasso,
Miro, Bonnard… mais dans ce
cas également, mon éducation
s’est faite par le livre. C’est à 16
ans, lorsque je suis venue à Paris
toute seule, que j’ai pu être
en présence d’œuvres d’art.
J’allais beaucoup à Beaubourg,
qui venait d’ouvrir, j’ai visité
tous les musées de Paris, c’était
formidable.
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