J'attends le numéro 63
Laboratoire de recherches créatives
Laboratoire de recherches créatives
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ISABELLE SOUCHET
JN1 : De cette période, quels ont
été les artistes qui vous ont influencé
?
I.S. : Je ne sais pas quelle a été
l’influence exacte. Je ne sens
pas le besoin de me référer à
quelqu’un en particulier, ni à
un mouvement, cela m’ennuie
et je m’en méfie instinctivement.
Je dirais que je n’ai pas
été influencée, mais que j’ai
aimé, et que j’aime toujours
les primitifs flamands, toute la
peinture de la renaissance italienne
également : les enluminures,
les impressionnistes, les
fauves, Cézanne, Matisse, Picasso…
je me souviens d’avoir
vu une exposition consacrée à
Tinguely à Beaubourg, j’avais
été étonnée et éblouie. Je ne
fais pas de différence entre
ancien et nouveau. Pour moi,
un tableau de Giotto ou de
Van Eyck est toujours aussi
moderne qu’une œuvre dite
contemporaine. Je pense que
j’ai une relation forte à l’histoire
et à la mémoire, aux mythes,
aux contes, au mystère. À l’adolescence,
j’ai été intéressée par
la psychologie, l’inconscient,
et plus particulièrement par
Jung, qui avait à mon sens
une relation plus spirituelle au
monde que Freud. J’ai énormément
lu de livres à ce sujet.
Le bouddhisme, l’hindouisme,
la théosophie m’ont également
beaucoup marquée.
JN1 : Quel a été ensuite votre
parcours professionnel ?
I.S. : J’ai suivi une formation de
Designer textile aux Arts Appliqués
Duperré et j’ai dessiné
des tissus pendant plusieurs
années. Nous travaillions de
façon traditionnelle, avec de
la gouache, des pinceaux, des
calques… et fin des années 80,
les ordinateurs ont commencé
à faire leur apparition. Cela
m’a tout de suite attirée. En
plus, cela coïncidait avec un
moment de ma vie où j’avais
envie de découvrir autre chose,
j’étais un peu à saturation de
ce côté peint de façon traditionnel,
d’autant plus, qu’en
parallèle de mon travail, je peignais,
mais dans ce domaine
également, je n’étais pas
contente de ce que je faisais, je
m’ennuyais. Par chance, j’ai pu
suivre une formation sur un ordinateur
Amiga. L’image avait
des pixels tellement gros, qu’on
aurait dit des grilles de point
de croix, mais j’étais heureuse
quand même. Dans les années
90 sont arrivés les premiers
Macintosh, leur image était tellement
fine, c’était impressionnant,
puis les premiers logiciels
graphiques Illustrator et Photoshop
de la suite Adobe, ont fait
leurs apparitions.
JN1 : Qu’est-ce que ça a changé
dans votre façon d’envisager
une œuvre, une image ?
I.S. : Au-delà de l’aspect « jouet
nouveau » qu’il faut dépasser
rapidement. J’ai, dès le début,
eu la sensation d’avoir entre les
mains un outil extrêmement
subtil qui pouvait me permettre
d’exprimer mes émotions et
ma pensée bien mieux qu’avec
de la peinture. Quand j’étais
en formation, un détail m’avait
tout de suite interpellée au-delà
de la complexité des outils
et des fonctionnalités, c’était
de pouvoir revenir sans cesse
dans l’image pour la modifier,
sans que le tableau ou l’image
soit sali et embrouillé de repentirs.
En dupliquant l’image,
on pouvait garder des traces
de chacun de ces essais, y revenir,
les retravailler à l’infini…
Quand on y pense, c’est assez
incroyable. Cela nous entraine
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