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J'attends le numéro 63

Laboratoire de recherches créatives

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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES

LES PARAPLUIES DU BURNIKA

Dans ce Royaume imaginaire,

il ne pleuvait pas. Tout était

sec. Oui, comme du bois mort.

De façon très aléatoire, un

avion-cargo effectuait parfois

une livraison. Peu importe que

cette mission ait été mandatée

par une O.N.G. ou qu’elle ait

été larguée par erreur d’un canadair

qui n’avait pas respecté

son plan de vol, il tombait enfin

quelque chose. Du ciel forcément.

C’était tellement rare

que l’on ne cherchait pas trop

à savoir à qui on devait cette

faveur. D’ailleurs, sur les cartes

des colons qui représentaient

ce pays grand comme un

confetti*, il y avait très peu de

zones vertes ou bleues pour la

jungle ou les cours d’eau. Tout

était ocre, quasi blanc.

En cette période de forte chaleur,

les habitants, se réunissaient

par grappes le long des

rives du « fleuve » Didong. Certains

avaient quitté la brousse

très tôt et avaient marché de

nombreuses heures dans la

poussière pour avoir le privilège

d’être là. C’était le jour anniversaire

du Sacre Impérial du

Grand Badadong Didongué, les

familles des principales ethnies

Kamoulés, Ormonces, Claves,

Druduks, vêtues de pagnes richement

décorés, de crânes

d’animaux et de coques de portables

venaient accueillir le Souverain

Potentat. Elles tâchaient

de toucher sa grande pirogue à

roulettes fétiche qu’une sculpture

géante d’hyène peinte ornementait

à sa proue. Elles profitaient

de cette occasion pour

respirer les particules de flotte

au-dessus de ce qui n’était

plus que l’ombre d’un fleuve.

Munis de l’éventail rituel, elles

tentaient de faire remonter les

gouttelettes pour aspirer leur

fraîcheur suave, d’un geste désinvolte,

plein de dignité.

Bien qu’il aimât beaucoup

se faire attendre, Badadong

Didongué finissait par les honorer

de sa présence, précédé

de ses bagages à main. Il était

débordant de confiance, de sagesse

et de graisse. Après avoir

offert à ses sujets des hochements

de tête millimétrés, il

les saluait ensuite en joignant

les paumes comme il l’avait vu

faire lors d’une réunion d’Amma

dans un clip sur You tube.

Après ces saluts et grâce à un

mécanisme mis au point par

un horloger suisse exilé qui

avait perdu le nord depuis,

la sculpture d’hyène tachetée

sur la poupe de l’embarcation,

commandée en hommage à sa

mère**, se mettait à ricaner de

façon sardonique. Ah-ah-ahah-ah

!

Le public, aussi, il faut le concéder

se marrait. Surtout lorsque

son Excellence quittait son

royal costume et enfilait son

maillot de bain couleur brun,

taché de noir au vu et au su

de tous. A la seule vision des

chairs flaccides, les femmes se

* Un confetti isolé peut sembler manquer d’entrain.

** Les hyénidés sont une des rares organisations animales où les femelles dominent.

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