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J'attends le numéro 63

Laboratoire de recherches créatives

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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES

APRÈS LUI LE DÉLUGE

Mes souvenirs ne sont pas très

clairs en ce qui concerne cette

période. D’abord parce que

je n’étais qu’un bonhomme

tout juste au sortir de la petite

enfance, ensuite parce que les

adultes ont une façon bien à

eux de raconter l’irracontable.

Je sais qu’on empruntait la

voie qui passait par la moyenne

corniche et qu’on filait avec la

Dauphine à bonne allure dans

la descente impressionnante

qui revient sur Nice. A cette

époque, la route portait encore

le nom de nationale 7. Nous

avions passé l’après-midi chez

des amis. Du moins ce que le

copain de mes parents, devenu

entre-temps beau-frère

de mon père, appelait ainsi. Il

s’était acoquiné avec un Corse,

appelons-le Filipetti histoire de

ne pas surcharger ce récit de « le

Corse » à tout bout de champ.

Le repas avait été ennuyeux

car il n’y avait pas d’autre enfant

pour venir meubler les

discussions interminables des

adultes. Je n’avais pas noté

l’animosité qui avait plombé

l’atmosphère à l’heure du digestif.

Une histoire de ligne du

parti, communiste à n’en pas

douter puisqu’autour de moi,

il n’y avait que ça. J’ai même,

une fois et contre l’avis de ma

mère, assisté à une réunion de

cellule avec mon grand-père.

Réunion de cellule, cette appellation

revêt encore pour moi le

caractère d’une aventure sans

pareille. On avait désobéi à l’injonction

maternelle et il n’en

fallait rien dire. Dans une pièce

aussi enfumée que le Londres

du 19ième siècle lorsque le

smog s’abattait d’un coup sur

la ville, j’écoutais les secrets

qui se racontaient. J’imaginais

un projet terroriste à coup de

bombe toute ronde de laquelle

sortait une longue mèche. Je

voyais la politique par les yeux

des héros de bandes dessinées,

essayez de n’en pas trop vouloir

à l’enfant que j’étais. Mais

revenons à Nice et laissons la

proche banlieue dionysienne

en paix. Donc, dans cette Dauphine

aussi enfumée que la réunion

de cellule sus-citée, nous

descendions à tombeau ouvert

en direction de Nice. Mon père

s’énervait tout seul à son volant

et ma mère écoutait distraitement

ce discours politique destiné

à un enfant et une épouse.

Pour elle, il ne faisait aucun

doute que le Filipetti était un

crétin notoire et qu’il était inutile

d’user sa salive pour en résumer

la pensée. Si pensée il y

avait, ce qui n’était pas certain

au demeurant. Les arrivistes

de tous poils ont cette aptitude

à dénaturer la pensée des

autres pour la rendre simpliste.

Il s’adresse au peuple comme

à des demeurés en pensant

qu’une argumentation trop

sophistiquée risquerait de les

faire voter chez le voisin. Mais

laissons cela et occupons-nous

de la route qui défile avec vue

sur la Méditerranée. D’un coup,

le ciel s’est assombri et a mangé

la lumière pour jeter la nuit en

pleine après-midi. De grosses

gouttes avaient commencé à

parsemer le pare-brise d’éclats

humides cerclés de poussière.

Mon père s’amusa de l’orage

qui menaçait, nous aussi. Mais

deux évènements allaient

bousculer nos certitudes en

l’avenir. Je passe sous silence la

qualité des essuie-glaces mono

vitesse de la Dauphine qui n’essuyaient

guère plus que le papier

journal. Soudainement, les

grosses gouttes se changèrent

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